16/01/2016
on voit bien que j'ai des sentiments très dangereux, et que je suis un très mauvais chrétien
... A l'égal de Voltaire, je semble correspondre à cette description ; tant pis !
« A monsieur le président Germain-Gilles-Richard de Ruffey
à Dijon
Au château de Ferney, pays de Gex
16è janvier 1761
Ambroise de Croze vous a écrit, monsieur, ou du moins vous a envoyé son petit mémoire anti-sacerdotal, pour vous amuser ; mais il faut que j'aie aussi l'honneur de vous écrire . Je suis enchanté de votre souvenir, j'ai le plaisir d'être rapproché de vous de plus d'une lieue ; c'est toujours cela ; mais le mont Jura est terrible . Je vous demande en grâce d'embrasser bien tendrement M. de La Marche mon contemporain, que j'aimerai jusqu'au dernier moment de ma vie ; je voudrais qu'il pût abandonner pendant quelques jours ses campagnes de Lucullus, pour venir dans mes chaumières . Je serais bien curieux de voir son histoire des impôts 1 ; le livre de M. Mirabeau me paraît d'un fou, qui a de beaux accès de raison ; je suis bien persuadé que M. de La Marche aura mis plus de vérité , et plus de profondeur dans son ouvrage et moins de bavarderie 2; je suis très désintéressé sur cette matière, car mes terres sont libres, et ne paient rien au roi ; mais je n'en gémis pas moins sur le sort de notre petite province de Gex ; les fermiers généraux ont trouvé un beau secret dans ce petit pays-là, celui de réduire à huit mille habitants, seize à dix-sept mille que le pays en contenait il y a quatre-vingts ans ; mais en récompense, ils entretiennent dans ce pays de six lieues de long quatre-vingt-douze commis extrêmement utiles pour l’État . Que voulez-vous, monsieur ! il faut bien qu'il y ait scandale en ce monde ; mais malheur à celui par qui vient scandale 3.
Je viens, moi, de me donner un petit plaisir, qui paraît assez scandaleux aux jésuites ; ils avaient usurpé un domaine assez considérable sur six gentilshommes, tous frères, tous officiers, tous en guenille ; j'ai obligé les révérends pères à déguerpir du patrimoine d'autrui malgré les lettres patentes du roi, entérinées au parlement de Dijon . Frère Berthier ne manquera pas de dire, qu'on voit bien que j'ai des sentiments très dangereux, et que je suis un très mauvais chrétien .
Je ne sais pas ce qu'est devenu M. Le Bault, il avait la bonté de me vendre de fort bon vin tous les ans, et il m'abandonne ; mais j'ai pris le parti d'en faire chez moi d’assez passable .
Mille respects à Mme de Ruffey .
V. »
1 Note de l'éditeur de la Correspondance inédite : « Manuscrit conservé au château de La Marche, et que l'éditeur de ces lettres [Th. Foisset] a parcouru . »
2 Sur le manuscrit, et moins de bavarderie a été ajouté par V* au-dessus de la ligne .
3 Evangile de Matthieu , XVIII, 7 .
05:28 | Lien permanent | Commentaires (0)
il m'a paru très disposé à faire avec le temps tout ce qui pourrait vous convenir
... Dit un optimiste électeur à un opposant, lors du bilan pré-électoral de son misérable élu .
« A Alexis-Jean Le Bret
Au château de Ferney, pays de Bourgogne
près de Genève, le 15 janvier 1761
J'ai écrit à M. Cramer et l'ai prié de vouloir bien passer chez moi , il m'a paru très disposé à faire avec le temps tout ce qui pourrait vous convenir 1 . Il sera bientôt à Paris et il compte vous y voir . »
1 Cette phrase peut être en relation avec la publication du poème de Le Bret , Les Quatre Saisons, qui se fit finalement à Genève en 1763 .
05:20 | Lien permanent | Commentaires (0)
par cette petite poste si utile au public , et que l'ancien ministère avait rebutée
... J'espère n'avoir jamais à dire cela dans un avenir proche ou lointain .
« A Etienne-Noël Damilaville
16 janvier 1761
Mille tendres remerciements à monsieur Damilaville pour toutes ses bontés . Voici une petite lettre que je le prie, lui ou monsieur Thieriot, de vouloir bien faire parvenir à M. Du Molard 1, par cette petite poste si utile au public , et que l'ancien ministère avait rebutée pendant cinquante ans .
Ce M. Du Molard est un homme que je dois beaucoup aimer, car c'est lui, en partie, qui nous a procuré Mlle Corneille . Monsieur Damilaville et monsieur Thieriot peuvent lire ma lettre à M. Du Molard et le petit billet de Mlle Corneille . Ils verront si nous savons élever les jeunes filles .
Je fais une réflexion : M. Thieriot me mande que le digne Fréron a fait une espèce d'accolade de la descendante du grand Corneille et de L’Écluse, excellent dentiste qui, dans sa jeunesse , a été acteur de l'Opéra-Comique . Si cela est, c'est une insolence très punissable et dont les parents de Mlle Corneille devraient demander justice . L’Écluse n'est point dans mon château ; il est à Genève et y est très nécessaire ; c'est un homme d'ailleurs supérieur dans son art, très honnête homme et très estimé . La licence d'un tel barbouilleur de papier mériterait un peu de correction. »
1 Lettre du 15 janvier 1761 à Molard-Bert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/17/trop-forts-ces-jeux-du-xixeme.html
05:17 | Lien permanent | Commentaires (0)
Nous autres laboureurs, nous ne sommes pas comme les magistrats, nous n'avons point de vacances . Il faut que nous travaillions toute l'année, afin de nous mettre en état, nous et nos paysans, de payer nos tributs à messieurs les fermiers généraux
... IM -- PÔTS!!
Un pot de terre contre un pot de fer ! voilà bien le quotidien d'une foule de nos paysans que l'on devrait plutôt remercier de nous nourrir quotidiennement .
« A Claude-Anne Bergeret 1
à Besançon
Au château de Ferney, pays de Gex
[en Bourgogne, 16 janvier 1761
Mme Denis et moi, madame, nous nous souvenons toujours avec grand plaisir de votre apparition, et nous sommes enchantés de votre souvenir . Je viendrais vous en remercier à Besançon , si j'étais le maître de mon temps ; mais vous savez que les cultivateurs ne peuvent abandonner leurs chaumières . Nous autres laboureurs, nous ne sommes pas comme les magistrats, nous n'avons point de vacances . Il faut que nous travaillions toute l'année, afin de nous mettre en état, nous et nos paysans, de payer nos tributs à messieurs les fermiers généraux . J'emploie la fin de ma carrière à fertiliser, si je peux, des terres ingrates, à donner du pain à des malheureux qui en manquent . Je fais plus de cas de cette occupation que de tous les plaisirs de Paris . Mais Mme Denis aime mieux le théâtre que la charrue, et comme nous avons avec nous la descendante du grand Corneille, nous pourrions bien , madame, vous inviter, vous et monsieur de Bergeret, à une représentation du Cid, l’automne prochain .
Je crois qu'il faut donner des fêtes pour engager à passer les vilaines montagnes qui nous séparent . Je présente tous mes respects à monsieur de Bergeret, et j'ai l'honneur d'être avec les mêmes sentiments, madame, votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire . »
1 Epouse du fermier-général François Bergeret .
05:06 | Lien permanent | Commentaires (0)
15/01/2016
Il faut que vous soyez heureux, une place honorable et un peu d'aisance y contribuent quoi qu'en dise Jean-Jacques
... le triste et désagréable JJ Rousseau , gai comme un pendu, joyeux comme un éteignoir , admirable comme un gant de toilette usagé .
« A Jean-François Marmontel
à Paris
[vers janvier 1761]
Je suis plus affligé que vous mon cher ami . J'espérais vous avoir pour confrère et qu'ensuite vous ouvririez la porte à M. Diderot . J'ai cela dans la tête et dans le cœur . Ne vous rebutez point je vous en conjure, et si vous ne voulez point cette place pour vous, briguez-la pour l'Académie . Vous nous êtes nécessaire , vous serez élu sur ma parole à la première occasion, et si c'est par moi que la mort commence le tour des places vacantes, je veux que vous soyez mon successeur . Mais entre nous je vous aime mieux pour confrère . Votre situation exige absolument que vous soyez de l'Académie . Il y a quatre pensions attachées à nos places, Mme de Pompadour vous en fera aisément en avoir une . Le reste viendra ensuite . Il faut que vous soyez heureux, une place honorable et un peu d'aisance y contribuent quoi qu'en dise Jean-Jacques . Au nom de Dieu ne vous rebutez point et travaillez . Vous êtes dans la force de l'âge, vous avez l'art et le génie, réussissez et aimez-moi .
V. »
06:30 | Lien permanent | Commentaires (0)
J'espère qu'un mémoire où tout est dans la plus exacte vérité et qui est conforme en tout aux pièces probantes ne fera qu'un très bon effet
... On est là à mille lieues de ce que peut présenter ce clown triste Bernard Tapie .
« A [Gabriel Cramer ?]
[janvier 1761] 1
Les jésuites ne possédaient point le domaine de Crassy par antichrèse ; mais ils l'ont acheté de M. de Chapeaurouge qui l'avait en antichrèse . Sur la sommation que je leur ai fait faire, ils ont renoncé à leur acquisition par ordre du provincial confirmé par le général . Il ne reste plus qu'à savoir quel remboursement il faut à M. de Chapeaurouge ; et c'est ce qui sera jugé incessamment . Je remercie M... de sa bonne volonté . Ce mémoire est fait pour monsieur le procureur général 2, pour M. le président de La Marche et pour M. Le Bault qui sont mes amis . Je n'en veux que 12 exemplaires, 6 pour moi, 6 pour Dijon, cela épargne le temps qu'on mettrait à faire 6 copies à la main . J'espère qu'un mémoire où tout est dans la plus exacte vérité et qui est conforme en tout aux pièces probantes ne fera qu'un très bon effet . »
1 Copie par François Tronchin ; l'édition Droz place cette lettre en mai 1761 , par confusion avaec un autre mémoire du 25 mai 1761 .
2 A propos de ce procureur général , voir lettre du 3 janvier 1761 à Jean-Philippe Fyot de La Marche : mis en ligne le 3/1/2015 : le mémoire en question n'est pas connu .
06:15 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je le supplie très instamment de vouloir bien s'en rapporter à moi sur les choses qui m'intéressent
... A bon entendeur , salut !
« A Gabriel Cramer
[vers le 15 janvier 1761]
Je prie instamment monsieur Gabriel Cramer de me renvoyer la petite addition au mémoire de Croze . J'en ferai faire une douzaine de copies à la main, puisque monsieur Cramer n'a pas eu la complaisance de l'imprimer . Je le supplie très instamment de vouloir bien s'en rapporter à moi sur les choses qui m'intéressent .
Je ne conçois pas pourquoi on a mis une f, au lieu de Fréron, dans le volume qu'on a imprimé ; personne n'entendra ce que veut dire à la page 12 La f. de f. On n'entendra pas mieux ce que veut dire à la même page mon M. Ces abréviations sont d'autant moins soutenables, que le mot de frelon se retrouve tout au long dans la même page . Cependant, je ne veux point fatiguer monsieur Cramer, et lui donner la peine de faire un carton pour cette bagatelle . J’insiste seulement sur la page 385, dans laquelle je le supplie de mettre Chanson d'Agréenier, au lieu de Chanson de l'abbé de l'Atteignant . Il me rendra un vrai service, dont je lui serai très obligé ; je l'embrasse de tout mon cœur, et j'ai la plus grande envie du monde de le voir 1. »
1 Tout ce paragraphe se réfère à la Seconde suite des mélanges de littérature, d'histoire, de philosophie, etc. 1761, Collection complète des œuvres de M. de ….... Tome cinquième . Seconde partie . À la page 12 de ce volume, l'avertissement de L’Écossaise contient ces mots : « Comme il parlait ainsi sur l'escalier, il fut barbouillé de deux baisers par la f... de F... ; Que je vous suis obligée dit-elle, d'avoir puni mon m... ! mais vous ne le corrigerez point » ; pour f. lire « femme » et pour F... « Fréron », pour m. « mari » . En revanche, quoique le folio correspondant aux pages 385-386 soit un carton, le changement demandé par V* dans la Lettre de M. Eratou, placée en tête du Cantique des Cantiques, n'est pas apporté ; on y parle d'une « chanson de l'abbé de l'Atteignant » et le passage ne fut jamais modifié .
06:00 | Lien permanent | Commentaires (0)