13/10/2014
I would settle at Borneo if liberty was but there ./ Je me serais établi à Bornéo s'il n'y avait eu de liberté que là
... La compagnie des orangs outans est parfois plus agréable que de circuler dans un pays où l'interdit fleurit été comme hiver .
« A Smith 1
chez Monsieur le duc de
Roxboroug
Lausanne
Au château de Tournay 29 septembre [1759]
Sr,
I thank you for your favours . The author of the orphan chinese 2, is in the right when he sais he is a better poet than I . He is in the wrong when he supposes I do not like english performances . I admire your poetry and more your philosophy, and more your freedom . His antagonist is not less in the wrong when he looks upon me as on a venerable bard of seventy .
His error is greater in thinking I am an exile . Such an honour is not my lott . I have willfully sought a free and pleasant retreat, where I enjoy peace and plenty, free from all tyes, lord, of my lands and of my self . I would settle at Borneo if liberty was but there .
Authors, you see, fall into some errors about their contemporaries, but how they are beguil'd when they speak of the ancients .
You will not be deceiv'd, if you think I am full of esteem for you .3
Je suis de tout mon coeur
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire de la chambre
du roi
Mes respects à M. le duc de Roxboroug . »
1 Le destinataire semble avoir été un compagnon de voyage du célèbre collectionneur de livres John Ker, troisième duc de Roxburghe, et n'est pas identifié .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Roxburghe_Club
2 The orphan of China, 1759, écrit par Arthur Murphy ; celui-ci avait écrit à V* le 30 avril 1759 une lettre où il ironisait sur la façon dont V* décrivait les Anglais, tout en lui marquant une grande déférence . On peut se demander si cet auteur n'est pas le même que « Smith » . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Arthur_Murphy
3 « Monsieur, je vous remercie de vos faveurs . L'auteur de l'Orphelin chinois a raison quand il dit qu'il est meilleur poète que moi . Il a tort quand il suppose que je n'aime pas les ouvrages anglais . J'admire votre poésie et davantage votre philosophie et plus encore votre liberté . Son adversaire n'est pas moins dans l'erreur quand il me considère comme un vénérable barde de soixante-dix ans . Son erreur est plus grande quand il s'imagine que je suis en exil . Un tel honneur ne m’appartient pas . J'ai cherché de ma propre volonté une retraite libre et plaisante, où je jouis de la paix et de l'abondance, libre de tous liens, maître de mes terres et de moi-même . Je me serais établi à Bornéo s'il n'y avait eu de liberté que là . Les auteurs, comme vous voyez, commettent quelques erreurs quand ils parlent de leurs contemporains ; mais combien ne s'abusent-ils pas quand ils parlent des anciens . Vous ne vous abuserez pas si vous pensez que je suis plein d'estime pour vous. »
14:56 | Lien permanent | Commentaires (0)
Le parlement de Paris est bien loin de ressembler au parlement d'Angleterre . Aussi n'est-il pas fait pour cela
... Qui vient de crier "heureusement !"
Frenchy
British
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
Grâces soient rendues à monsieur Camp pour ses fleurs . Nous avons un théâtre qu'on va voir par curiosité . Rien n'est si brillant .
Les saucières comme monsieur Tronchin voudra . Il est bien le maître de tout .
Nous allons faire la muraille de Chine à nous deux . Je me charge du remuement des terres, terrible ouvrage .
Pouvez-vous mon cher correspondant fournir à la fin d'octobre lettre de 12000 livres à Turin sans perte ?
Le parlement de Paris est bien loin de ressembler au parlement d'Angleterre 1. Aussi n'est-il pas fait pour cela .
Je vous réitère mes tendres remerciements pour toutes vos bontés .
V.
Aux Délices 28 [septembre 1759] »
1 Le parlement de Paris , le 5 septembre 1759, a délivré un arrêt condamnant au bûcher le Précis de l'Ecclésiaste, et le Cantique des Cantiques, peut être est-ce à cela que V* fait allusion . Voir aussi « Le Précis de l'Ecclésiaste devant les autorités de Genève, septembre 1759 » . Voir : http://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=1&ved=0CCMQFjAA&url=http%3A%2F%2Fwww.periodicals.narr.de%2Findex.php%2Fpapers_on_french%2Farticle%2Fdownload%2F163%2F1153&ei=yMA7VPSeNovmaI2LgtAO&usg=AFQjCNFpY_TZUZos0ZNEnIB27NLCeG0L-w&bvm=bv.77161500,d.d2s&cad=rja
14:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
12/10/2014
j'ai donné la préférence au vainqueur de Madras parce qu'il était injustement persécuté
... Sans être dans la tête d'ersatz d'avocats tels que Nicolas Sarkozy et Rachida Dati qui sont plus doués pour engranger chez eux des sommes disproportionnées par rapport à leurs mérites que pour défendre qui que ce soit dans le besoin, je pense que les valeurs de compassion de Voltaire leur sont totalement étrangères .
« A Madame de La Cour
Au château de Tournay par Genève
26 septembre 1759
Madame, je vois à la fermeté de vos idées que vous êtes anglaise, et à votre style qu'il faut ambitionner votre suffrage ; vous me rendez justice quand vous dites que j'aime la vérité ; je ne passe pas pour être flatteur ; et lorsque je parlai du siège de Pondichéry dans l'Histoire universelle 1 je n'en parlai que sur les nouvelles publiques confirmées par l'honneur que le roi fit à M. Dupleix de lui donner le grand cordon de Saint Louis quoiqu'il ne fut pas militaire ; je devais croire que le service était réel puisque les récompenses étaient si grandes, et la conservation de Pondichéry est un fait assez important pour que l'histoire en fasse mention . Ce même amour pour la vérité joint à mon horreur contre la persécution m'a fait prendre le parti de M. de La Bourdonnais 2. L'un avait défendu Pondichéry, l'autre avait pris Madras, et j'ai donné la préférence au vainqueur de Madras parce qu'il était injustement persécuté . Je me flatte que ces sentiments ne vous déplairont pas . S'il est prouvé que je me suis trompé vous pouvez être très sûre, madame, que je me rétracterai dans la nouvelle édition qu'on va faire de l'Histoire générale . Si vous daignez, madame, me communiquer vos mémoires sur les choses qui peuvent vous intéresser ils seront pour moi de nouveaux moyens de trouver la vérité que je cherche en tout, et à laquelle je sacrifie . Je voudrais bien que mes sentiments me donnassent quelques droits à votre estime .
J'ai l'honneur d'être avec respect
madame
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
gentilhomme ordinaire de la chambre du roi . »
1 Plus précisément au Précis du Siècle de Louis XV , chapitre xxix : voir : http://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_29
16:26 | Lien permanent | Commentaires (0)
Nous attendons pour faire des répétitions le retour du tyran
... Alors là, vous risquez d'attendre longtemps, le tyran en général ( ou en colonel) n'étant pas homme à quitter sa place .
« A Louise-Suzanne Gallatin Vaudenet
de Prégny
[vers le 25 septembre 1759] 1
Lorsque V. se présente chez sa voisine, il n'a d'autre affaire, d'autre but, que de lui faire sa cour . Nous attendons pour faire des répétitions le retour du tyran, qui a mal à la poitrine . S'il y a quelques nouvelles de Berlin, monsieur Gallatin est supplié d'en faire part . Mille respects . »
1 La référence au « tyran » montre que la pièce dont il est question est Mérope, qui fut représentée les 3 octobre et 3 novembre 1759 ; voir lettre du 1er octobre à d'Argental : 5691 : « Nous jouons après-demain Mérope sur mon petit théâtre vert et or . »
16:02 | Lien permanent | Commentaires (0)
Vos raisins ne sont pas mûrs a-t-il dit . Va les voir ai-je dit . Il a été, il a vu . Vendangez au plus vite, a-t-il dit .
... - Vos projets de lois ne sont pas mûrs , dit François H*.
- Allez les voir , dit Manuel V***.
François* y a jeté un oeil, n'y a rien compris .
- Dépêchez-vous de ne rien faire , dit le président pour la nième fois .
- Allez vous faire voir, pensa Manuel et son équipe ministérielle .
Faute de vin , on s'agace les dents sur le verjus .
« A Louise-Suzanne Gallatin Vaudenet
de Prégny
[25 septembre 1759]
Comment se porte notre malade, notre chère voisine, notre chère fille ?
J'ai été aux vignes, madame . Les guêpes mangent tout ; et ce qu'ils ne mangent point est tout sec . Le vigneron de Mme de Trembley est venu me faire ses représentations . Mes tonneaux ne sont pas reliés 1, a-t-il dit . Différez vendange . Relie tes tonneaux ai-je dit . Vos raisins ne sont pas mûrs a-t-il dit . Va les voir ai-je dit . Il a été, il a vu . Vendangez au plus vite, a-t-il dit .
Qu'ordonnez-vous , madame, au voisin V. ? »
1Voir page 157 : http://books.google.fr/books?id=kQdBAQAAMAAJ&pg=PA157&lpg=PA157&dq=tonneaux+reli%C3%A9s&source=bl&ots=Emp2DWaBj-&sig=ftbF-0eoxthkq3r2bHKoSoorrOA&hl=fr&sa=X&ei=RYQ6VPCQGInlareVgOgL&ved=0CC4Q6AEwAg#v=onepage&q=tonneaux%20reli%C3%A9s&f=false
15:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
Nous sommes exposés jour et nuit, tous les mendiants entrant dans la cour par trois endroits
... Et par moult frontières poreuses et des parcours plus que dangereux . Que soient maudits les passeurs-voleurs qui se foutent de la vie des migrants qu'ils sont cencés mener à bon port .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Cour_des_miracles
« A François Tronchin
conseiller
Mon cher ami, nous vous avons attendu inutilement à dîner 1. Si vos affaires ne vous permettent pas de venir, ayez la bonté de m'envoyer un homme qui fasse marché et qui vous rende compte . Nous sommes absolument ouverts depuis le pré de Mlle Laurent jusqu'au petit chemin qui conduit à Saint Jean . Le mur de Mirani 2 n'a que six pieds de haut en prenant le bombage du grand chemin, quoiqu’il en ait sept en comptant du ruisseau . Il n'était point dans notre marché qu'il nous laisserait à découvert du côté de Mlle Laurent . Il nous a enlevé nos terres . Tout cela est assez désagréable . C'est à vous, mon cher monsieur, à juger quel remède il y faut apporter . Vous voyez que le temps presse . Nous sommes exposés jour et nuit, tous les mendiants entrant dans la cour par trois endroits . Nous étions bien fermés avant de nous être ainsi sacrifiés . Je vous demande en grâce de vouloir bien nous aider de vos conseils et de vos ordres .
Mardi [25 septembre 1759] »
1 Voir lettre d'invitation du 22 courant : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/11/le-temps-presse-5465970.html
2 Voir lettre du 28 juillet 1759 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/27/si-j-etais-du-metier-des-meurtriers-j-aimerais-beaucoup-mieu-5435234.html
15:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
11/10/2014
Nous attendons aujourd’hui la confirmation de cette fête humaine et gaie
... Ah ! l'humour grinçant de Voltaire .
Il aurait maints motifs à l'exercer de nos jours, les salopards d'islamistes ne manquant pas une seule horreur à commettre .
Grosse prise de tête(s)
« A Jean-Robert Tronchin
A dix heures lundi [24 septembre 1759]
Il y a mon cher correspondant, une lettre de Berlin du 12 du mois, qui prétend que le 11 il y a eu une petite action entre le roi de Prusse et les Autrichiens dans laquelle il a perdu 15 mille hommes, et les Autrichiens 30 mille, le général Daun prisonnier, cinq à six généraux tués de part et d'autre 1. La lettre vint avant-hier par Berne . Nous attendons aujourd’hui la confirmation de cette fête humaine et gaie .
Que faire ? Se réjouir doucement chez soi . Il nous faudra une cinquantaine de livres de bon chocolat à deux vanilles 2 pour les acteurs et actrices, violonistes, décorateurs et décoratrices, spectateurs et spectatrices . Mais où trouver ce bon chocolat ?
N.B.- La lettre de Berlin est une gasconnade . Serrez, serrez .
Je vous embrasse tendrement .
V. »
1 Tout ceci est une fiction, ainsi que V* le dit à la fin de cette lettre ; il est vrai quand même que Frédéric II avait repris Leipzig le 13 du mois .
2 Voir lettre du 25 avril 1758 à Ami Camp : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/08/08/je-n-ai-plus-de-chocolat-ayez-pitie-de-moi-5137797.html
23:05 | Lien permanent | Commentaires (0)