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29/08/2014

je n'ai à faire qu'à des gueux ou à des fripons dans ce pays de Gex

... Mon pauvre Voltaire, tu sais, ça n'a guère changé depuis ton époque, les gueux sont ceux qui travaillent sur le territoire français, les fripons sont ceux qui gagnent si bien leur vie côté suisse qu'ils planquent leur argent dans les banques helvètes .

 

Fakir-FC-45.jpg

http://candide.ferney-candide.fr/?page_id=2338

 

 

 

[Destinataire inconnu]

 [juillet-août 1759]

[…] J'ai promis de tirer ce pauvre diable de prison 1. Il faut tenir ma parole . La tête me tourne, je n'ai à faire qu'à des gueux ou à des fripons dans ce pays de Gex […] et j'aurai toujours de quoi y vivre avec M. de La Trimouille 2 et Dorothée […]

V. »

2 Allusion à La Pucelle : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-quatorzieme-85337813.html

Charles-René-Armand de La Trimouille. Il fut pair de France, membre de l’Académie française, et mourut en 1741.

V* à la présidente de Bernières , juillet 1724 : « ...je vous dirai pourquoi M. de La Trimouille est exilé de la cour. C’est pour avoir mis très-souvent la main dans la brayette de Sa Majesté très-chrétienne. Il avait fait un petit complot avec M. le comte de Clermont de se rendre tous deux les maîtres des chausses de Louis XV, et de ne pas souffrir qu’un autre courtisan partageât leur bonne fortune. M. de La Trimouille, outre cela, rendait au roi des lettres de Mlle de Charolais, dans lesquelles elle se plaignait continuellement de Monsieur le Duc. Tout cela me fait très-bien augurer de M. de La Trimouille, et je ne saurais m’empêcher d’estimer quelqu’un qui, à seize ans, veut besogner son roi et le gouverner. » (http://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome33.djvu/129)

 

28/08/2014

A pack of rogues / Une bande de fripons

... Non ! non! affreux mal intentionnés, je ne parle pas des membres de l'ancien gouvernement, ni des nouveaux . L'histoire se chargera d'en estimer la valeur .

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« A Jean Vasserot de Châteauvieux 1

en sa maison

à Genève

A Tournay 30 [juillet 1759] au soir

Monsieur de Châteauvieux est trop bon 2. Betens me paraît un imbécile fût-il encore plus proche parent du général Betens . Les Choudens 3 sont étranges, le Pignier non moins étrange . Sur le conseil que je lui donnai de s'accommoder il alla porter son argent à Gex pour plaider . A pack of rogues,4 disent les Anglais .

La mère de Betens m'a fait pitié . Je voudrais secourir ce pauvre homme, mais je déclare aux Choudens que je n'en ferai rien .

A vous mon cher Cicéron je déclare que je ferai tout ce que je pourrai, mais je n'ai plus d'argent . J'ai tout dilapidé . Betens n'a pas trop bien géré . J'ai à me plaindre de lui . Cependant je ferai l'impossible pour le tirer de la geôle , il faut qu'il obtienne de Mme de La Bâtie sûreté pour ce que je pourrai prêter si je prête , que je ne sois plus aussi horriblement dupe que par le passé . Je vais de Tournay à Ferney, la tête me tourne de labourage, de sémature 5, et de fumier . Virgile avait raison de dire sordida rura 6. Tu causas acuis 7, mais la cause de Betens me parait désespérée . Il faut que vous soyez le plus humain des hommes, le plus compatissant pour descendre à tous ces détails . Je vous respecte et je vous embrasse .

V. »

2 Voir lettre du 14 août 1759 : « A Monsieur, Monsieur Vasserot, de Chateauvieux,

Mardi soir, arrivant aux Délices. 
Mon cher Cicéron, vous êtes compatissant. Pignier père est un ivrogne, Pignier fils un fripon, Betens un imbécile. 
Je ne parle point de Pasteur et Choudens, ce sont citoyens seigneurs que je respecte. 
L'argent pour la terre Choudens est tout prêt et déposé depuis longtemps. Il se trouve que j'ai déjà avancé à Pignier fils de l'argent sur son hypothèque. Nouvel embarras, nouvelle friponnerie de Pignier fils. Quant à la vente pure et 
simple que Choudens m'a faite d'un bien qui ne lui appartient pas, et qui lui est seulement engagé par Pasteur pour une somme très modique, n'est-ce pas une espèce de stellionat, ou pis? (ce bien qui n'est pas à lui est le seul bon 
champ de son domaine. Autre impaccio. 
Pour ce pauvre Betens, je le plains, mais quand je lui prêterai 4 375 fl[orins], unique somme qu'on puisse lui avancer avec apparence de sûreté, le tirera-t-on de la geôle? 
Je suis prêt de l'en tirer à ce prix, non que j'aie le moindre besoin de lui, car c'est un lambin qui ne m'était bon à rien, non plus qu'à lui-même, et un quart d'heure après que je le sus encagé je me pourvus d'un autre régisseur installé à Tournay. Mais je suis comme vous, j'ai compassion de ce pauvre diable. Indépendamment de tout ce tracas, j'ai une envie extrême d'avoir l'honneur de diner avec vous. 
V. » 

Le philosophe, ayant remis Choudens en état de cultiver son petit bien, se réserva cependant la faculté de vendre la terre pour se dédommager, précaution qui le fit accuser par M. de Brosses de l'avoir achetée « à vil prix ». Accordons à M. de Brosses qu'il devait être dur, pour le paysan, d'occuper à titre précaire une terre possédée librement par ses pères. Mais serait-il moins dur de mourir en prison? Et si Bétens, plus tard, fut expulsé de son domaine, ne devait-il pas s'en prendre à sa propre ingratitude? « Je n'ai pas voulu, dit Voltaire, être la dupe du bien que je lui ai fait. »

3 Propriétaire d’une terre avoisinante de Ferney acquise par Voltaire . Voir aussi : http://www.sothebys.com/fr/auctions/ecatalogue/lot.pdf.PF...

Faire recherche Choudens dans : https://archive.org/stream/voltaireseigneur00causuoft/vol...

4 Une bande de fripons .

5 Mot du patois genevois désignant ce qui est semé à un endroit donné .

6 Virgile, Bucoliques II, 28-29 : Sordida rura, Atque humiles habitare casas : Habiter de tristes campagnes et d'humbles maisons .

7 Toi, tu fourbis tes causes . Echo d'Horace ; Epîtres, I, iii, 23 .

 

27/08/2014

si j'étais du métier des meurtriers j'aimerais beaucoup mieux être chargé de défendre les côtes d'Angleterre que de les attaquer

... Les meurtriers sont ici les soldats, que Voltaire ne porte guère dans son coeur . Sale métier ! Désespérément indispensable hélas .

"Attaquer", atteindre les côtes anglaises, c'est le rêve de centaines, milliers de migrants, dont quelques uns sont pitoyablement tenus éloignés sur notre sol . Misère . Misérables .

 

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Délices 28 juillet [1759]

Je n'ai pu encore mon cher monsieur, joindre le sieur Mirani pour arranger avec lui le devis de notre grande muraille de la Chine 1 ; cet ouvrage sera cher et difficile attendu la grande quantité de terre qu'il faudra rapporter, l'inégalité du terrain, la longueur et la hauteur du mur, lequel mur coûte trente francs la toise, ce qui n'est pas conforme aux lois de mon académie de lésine ; je prévois déjà 1800 livres de frais pour le mur avec son parapet, et 200 écus au moins pour le transport des terres . On pourrait avoir meilleur marché en fournissant soi-même les pierres et la chaux ; ce qui est certain c'est qu'il est indispensable de se fermer, et de faire là quelque ouvrage qui ait de la solidité et de l'agrément ; je vous en rendrai compte quand j'aurai raisonné avec Mirani qui travaille actuellement outre-mer au village de Chène 2, et qui peut-être étant pour longtemps engagé avec la république ne pourra travailler pour nous .

On dit M. de Bompart battu et tué 3, et le Canada très en danger malgré le capitaine Canon 4. A l'égard de la descente en Angleterre si j'étais du métier des meurtriers j'aimerais beaucoup mieux être chargé de défendre les côtes d'Angleterre que de les attaquer , Dieu aie pitié d nous et de l'Espagne !

Voici deux lettres de change pour M. de Montmartel . Je vous promets bien de ne plus acheter de nouvelles terres .

J'ai été très aise de voir M. l'intendant de Lyon 5 et M. l'avocat général 6. Non seulement ce sont gens de mérite, mais d'un mérite très aimable .

Mille tendres compliments à toute la famille .

V. »

1 François Tronchin dans son mot du 23 juillet 1759 demandait à V* d'ajouter aux « sept toises de mur » à finir et à l' « exhaussement jusqu’à hauteur d'appui » de la terrasse le long du grand chemin la « partie depuis la gauche du clédat … jusqu'à la haie qui nous dépare de Mlle Laurent » ; il lui demandait de traiter avec Mirani sur le devis .

2 Chêne est banlieue de Genève ( Chêne-Bougerie) ; outre-mer, pour dire que Chêne est coté rive gauche du lac , Les Délices étant rive droite . De plus l'usage genevois appelle « étrangers » les gens des autres cantons, et « étrangers du dehors » les étrangers proprement dits .

3 Jean-Baptiste-François Bompart avait échoué dans ses efforts pour défendre la Guadeloupe . Les Anglais venaient de s'emparer de la Guadeloupe qu'ils garderont jusqu'en 1763 .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Invasion_de_la_Guadeloupe_%281759%29

4 Fameux pirate français .

5 La Michodière, qui dîna chez V* le 25 juillet 1759 .Voir lettre du 21 juillet 1759 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/20/environ-400-livres-au-plus-pour-payer-la-chambre-des-comptes-5431431.html

6 Jean-François Tronchin était avocat général à Lyon .

 

26/08/2014

Martin dit que le monde n'est qu'un triste ramassis de fous ./Martin says the world is a sad pack of madmen .

... Ah ! si Martin le dit ...

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« A George Keate

esq.

Nandos coffee-house

par la Hollande

London

J'ai toujours dear sir des remerciements à vous faire . Voici la première fois qu'on a réduit un imprimé en manuscrit 1 pour l'envoyer par la poste .

Your manuscrit testifies that a great emperess was a whore . As to the barbarien and barbarous law-giver Peter the Great he was much superior to Moses and Romulus and Theseus ; at least he was born in better times .

We are not born in very good times, since wise and learned nations spill more blood and squander away more money for a little corner of Acadia, than whole Acadia shall be ever worth, Martin says the world is a sad pack of madmen . I am happy to have known a man so wise and so good narurd as you are . Such caracters attone for the ugly and covetous fierceness of others .

I will not fail to send you the creation of Peter the great so soon as the book shall be printed .

I am for ever with the utmost gratitude

yr 2

V.

Aux Délices 27 juillet [1759] »

1 Keate avait apparemment transcrit ou fait transcrire l'ouvrage de Whitworth ; voir lettre du 20 juin 1759 à Keate : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/08/07/il-me-parait-que-la-derniere-comete-n-a-pas-fait-grand-bruit-5424461.html

2 « Votre manuscrit témoigne qu'une grande impératrice était une putain . Quant au rude et barbare législateur Pierre le Grand, il était très supérieur à Moïse, Romulus et Thésée ; du moins était-il né à une meilleure époque . Nous ne sommes pas nés à une très bonne époque, puisque des nations sages et polies versent plus de sang et gaspillent plus d'argent pour un petit canton d'Acadie, que toute l'Acadie n'en vaudra jamais . Martin dit que le monde n'est qu'un triste ramassis de fous . Je suis heureux d'avoir fait la connaissance d'un homme aussi sage et aussi généreux que vous . De telles figures consolent de la laide et avide cruauté des autres . Je ne manquerai pas de vous envoyer le livre sur l'élévation au pouvoir de Pierre le Grand dès qu'il sera imprimé . Je suis à jamais, avec une extrême gratitude, votre ... »

 

25/08/2014

Je ne vois pas comment on ne prie point MM. Paris, Marquet, Pavée, et cent autres entrepreneurs, de prêter au roi soixante millions à deux et demi pour cent sur ce qu'ils ont gagné . Mais il ne m'appartient pas de me mêler des affaires d'État

... Surtout en pleine débandade ministérielle .

Avis de tempête sur l'ile de Sein , François Hollande choisit de rejoindre les forces de la France Libre en Angleterre , à la nage s'il le faut, car il a déjà pas mal ramé ; il reviendra quand il aura un ministère à qui parler et espère cette fois avoir le temps d'apprendre le nom de tous les nouveaux porteurs de portefeuilles .

Le Medef annonce avoir «pris connaissance de la démission du gouvernement» . Serait-ce la reconnaissance de leurs insuffisances, leur incapacité à agir, leur amateurisme ?

 J'ai hâte de ne rien savoir des nouveaux venus .

J'enrage de savoir qu'on va payer encore quelques mois les partants à ne rien faire, je me demande qui va enfin donner du travail aux jeunes .

 

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Petit test d'aptitude/compatibilité aux nouveaux ministres :

Rayer ci-dessus la/les mention(s) inutile(s) !

 

«A Marie-Elisabeth de Dompierre de FONTAINE.
Aux Délices, 27 juillet 1759. 1
Continuez, aimez la campagne, ma chère nièce : c'est vie de patriarche. Aimez votre terre ; plus vous la travaillerez, plus vous vous y plairez. Je vous plains seulement d'être trop grande dame, et de recevoir le produit des terres des autres, sans vous donner le plaisir de l'agriculture. Le blé qu'on a semé vaut bien mieux que celui qu'on recueille des moissons d'autrui. Je vais me servir de mon beau semoir à cinq tuyaux, et cette pièce de menuiserie me fait plus de plaisir que des pièces de théâtre. Je vois que votre château sera très logeable . Je vous réponds que je viendrai le voir dès que j'aurai bâti le mien . Je ne veux point mourir sans avoir vu Hornoy . Je crois voir d'ici M. de Florian 2 qui dessine, qui fait travailler les ouvriers, qui monte à cheval, qui travaille en tapisserie . M. d'Hornoy 3 lit des livres de droit et fait des extraits, et dessine ensuite une chambre et un cabinet .

Le grand point serait d'avoir un beau jardin ; c'est là qu'il faut mettre toute sa science, et dans ce jardin de bons espaliers et de bons légumes .
Voici le temps où il sied bien de vivre du produit de ses terres; tous les impôts vont augmenter. Il faut bien de quoi repousser les pirateries anglaises. Vous qui d'ailleurs êtes à peu près alliée au contrôleur général, vous trouverez qu'il a raison : car il faut ou se défendre ou recevoir la loi, il n'y a pas de milieu. Je ne vois pas comment on ne prie point MM. Paris, Marquet, Pavée, et cent autres entrepreneurs, de prêter au roi soixante millions à deux et demi pour cent sur ce qu'ils ont gagné .Mais il ne m'appartient pas de me mêler des affaires d'État, je ne dois songer qu'à ma chevalerie 4, et surtout à vous.
Le roi de Prusse s'avise toujours de m'honorer de ses lettres; il a toujours des droits sur mon imagination; il n'en aura jamais guère sur mon cœur. Il me mande1 qu'il a trouvé une Pucelle d'Orléans, une grosse Jeanne qui se bat comme Jeanne d'Arc, et qui exhorte ses troupes, au nom de Dieu, à exterminer les papistes et les Autrichiens. Il ne la dépucellera ni ne la paiera.5 »

1 Copie par Wagnière, où il manque le passage Je vois que votre château ….d'excellents légumes .

2 Le marquis Claris de Florian, amant de Marie-Elisabeth de Fontaine depuis 1753, oncle du chevalier de Florian (que V* nommera Florianet, futur « neveu par ricochet », le futur fabuliste).. Le marquis de Florian, appelé par Voltaire « grand écuyer de Cyrus » (V* lui avait montré son projet de char de guerre), dans plusieurs lettres, épousera Mme de Fontaine en 1762 après son veuvage de 1756 ; « vivez heureux neveu et nièce » leur dira V* .

4 Sa pièce Tancrède .

 

24/08/2014

Nous sommes nous autres assez malheureux pour avoir beaucoup de vin cette année. Il n'y a que les chèvres qui veulent danser qui puissent s'en réjouir

... Et les cochons de payeurs-consommateurs n'en verront pas baisser le prix, ce serait trop triste pour les producteurs d'avoir à diminuer leurs coquets bénéfices . Le fisc ne s'en plaindra pas, et les rats de cave auront bien du travail (vignerons, bistroquets et douaniers me comprennent ! ).

 

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 http://www.ledauphine.com/environnement/2014/08/23/des-ve...

 

« A Germain-Gilles -Richard de RUFFEY

A Tournay, par Genève, 21 juillet 1759. 1

Je ne sais comment faire, monsieur, pour vous remercier de toutes vos bontés, et pour payer MM. de la chambre des comptes. Je suis prêt de donner une lettre de change de la somme que la chambre exige. M. Tronchin, de Lyon, mon banquier, fera toucher l'argent à Dijon, selon les ordres qu'on voudra bien me donner. A qui faut-il adresser l'argent ?
J'observerai seulement qu'on a fait un calcul un peu fort et qu'on n'a pas songé qu'une partie de cette terre relève de l'ancien chapitre de Saint-Victor, aux droits duquel les hérétiques de Genève se sont mis. De tout mon cœur j'y consens; et puisque je paye au roi sur le pied de 75,000 livres, restera peu pour les parpaillots 2. Je les renverrai à la chambre des comptes, ce sera un procès; il faudra bien qu'ils le perdent, puisque les épices en sont payées, et qu'on me fait reconnaître le roi au lieu d'eux.
Franchement j'aime mieux reconnaître le roi ou son engagiste, monseigneur le comte de La Marche, pour mon seigneur suzerain, que la république genevoise. Mais voici un autre embarras: si messieurs de la chambre des comptes me font payer sur le pied de 75,000 livres, monseigneur le comte de La Marche, de qui je ne relève que pour 49,000 livres aux termes du contrat, sera donc en droit de me demander le quint et requint 3 de 75,000 francs. Par là messieurs de la chambre des comptes me coupent la gorge. L'objet devient important, il faudrait peut-être que j'allasse à Dijon; mais je ne puis quitter le czar Pierre, auquel la cour de Pétersbourg me fait travailler jour et nuit. Pierre le Grand me tue. Pour Frédéric, il m'égaye ; il m'écrit des lettres à faire pouffer de rire ; il se moque des Russes, des Autrichiens et des Français 4.
Je vous suis très-obligé du bulletin, mon cher monsieur ; je le prendrai. On n'a qu'à l'envoyer par la poste aux Délices. L'auteur n'est pas le confident des ministres ; mais n'importe, c'est une gazette de plus.
On dira de moi, à ma mort, comme de votre Dijonnais 5 : Que nul n'y perd tant que la poste 6.
Je plains M. Le Bault. Nous sommes nous autres assez malheureux pour avoir beaucoup de vin cette année. Il n'y a que les chèvres qui veulent danser qui puissent s'en réjouir. Mille respects à Mme de Ruffey.
Vous savez que le roi m'a rendu ou donné tous les anciens privilèges de la terre de Ferney. Elle ne paye absolument rien.
Il aurait fallu obtenir ce brevet plus tôt. C'est une très-grande grâce. Je me trouve entièrement libre, mais un peu ruiné.
Libertas quæ sera tamen respexit inertem. 7

Je voudrais jouir avec vous de mon bonheur. Adieu, monsieur. Pourquoi m'écrivez-vous du très-humble? Fi! cela n'est pas philosophe.

V. »

1 La lettre de Ruffey à laquelle répond celle-ci n'est pas connue .

2 Ce mot qu'on rencontre surtout dans le sud-ouest est issu du languedocien signifiant papillon, par allusion à l'humeur changeante des protestants, passés d'une foi à l'autre . Il est attesté depuis 1622 .

3 Droits féodaux correspondants au cinquième et au cinquième du cinquième du prix payé pour l'achat d'un manoir situé dans la juridiction d'un seigneur .

4 Dans une lettre du 2 juillet 1759, Frédéric II nomme Mme de Pompadour le « d'Amboise en fontange » du roi ; les « habits écourtés » valent les « talons rouges , les pelisses hongroises et les justaucorps verts de Oursomanes » ; et grâce à une « pucelle plus brave que Jeanne d''Arc », « divine fille née en pleine Westphalie », il vaincra « les trois catins »... Voir page 135 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f147.image.r=16%20juillet

7 La liberté qui vient sur le tard, favoriser mon insouciance . Virgile, Bucoliques, I, 27 .

 

23/08/2014

en « épargnant au lecteur les termes trop honorables », pour ne livrer que le « témoignage donné en faveur de la vérité »

... J'aimerais tant que ce soit l'acte de foi de tous les journalistes, y compris ceux qui s'occupent de politique, domaine où la désinformation et le léchage de bottes cohabitent sans trève , au grand dam de la vérité toute simple . Rêvons un peu .

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« A Stanislas Leszczynski,

roi de Pologne

[vers le 20 juillet 1759]1

[V* le remercie d'avoir bien voulu certifier l'exactitude de l'Histoire de Charles XII, et lui annonce que Louis XV a renouvelé les anciens privilèges de Ferney]

1Les détails donnés ici proviennent de la réponse de Stanislas du 29 juillet 1759, écrite par Tressan, sauf la phrase : « Je vous réponds de cœur au défaut de vue pour vous assurer que je conserve toujours les sentiments d'une parfaite estime et amitié pour vous . » Le comte de Tressan avait envoyé le 11 juillet un « certificat en forme » constatant l' « exacte vérité » des faits contenus dans l'Histoire de Charles XII, sur l'ordre du roi, « avec prière à Monsieur de V... d'en faire usage toutes les fois qu'il le jugera à propos, soit en le communiquant, soit en le faisant imprimer, etc. » Voltaire introduisit cette lettre dans l'édition Cramer, 1759 de l'Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand, en « épargnant au lecteur les termes trop honorables », pour ne livrer que le « témoignage donné en faveur de la vérité ».