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04/04/2015

il y a de grands hommes qui se consolent de la perte de leur fils en gouvernant l’État

... Et il est plus courant encore de trouver de petits cocus avides des mêmes consolations , dois-je citer des noms ou vous laisser ce soin ?

Suivez mon regard, vous verrez au moins deux spécimens dans l'histoire récente , si je ne me trompe , et l'un d'eux est si petit (bien qu'ayant un ego surdimensionné) qu'il n'est pour une fois pas visible (ce qu'il corrigera par un remarquable jeux de coudes peu après ).

 Les-chefs-d-Etat-defilent-a-Paris.jpg

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches, colonel

etc.

à La Haye

5è avril 1760

Permettez, monsieur , que je me borne à dicter mes remerciements ; je suis si faible,que ma main se refuse à tout ce que mon attachement pour vous m'inspire depuis longtemps ; le cœur n'y perd rien, mais le corps s'affaiblit tous les jours, il m' aurait fallu un climat aussi doux que votre société est charmante ; vos bises me tuent, je ne respire que quand j'ai bien chaud ; j'ai eu l'honneur de voir ici M. le marquis de Gentil, et madame votre sœur ; monsieur votre frère 1 est revenu à sa maison de campagne qui est charmante ; ce petit pays-ci s'embellit tous les jours ; chacun s'empresse de bâtir de jolies maisons , et de planter des jardins agréables ; on joue la comédie, il n'y manque que vous , monsieur , et sans cette maudite bise qui me désole j'aimerais bien ce petit paradis terrestre . Nous avons ici Lécluze,2 qui était le meilleur acteur de l'Opéra-comique ; on a assassiné son fils à Bâle . Cela n'empêche pas le père de donner tous les jours à table des espèces de parades à mourir de rire . Le goût de son métier l'emporte sur la tendresse paternelle ; il y a de grands hommes qui se consolent de la perte de leur fils en gouvernant l’État ; Lécluze se console par des chansons . Il représente la nation, elle rit de ses pertes ; nous n'avons plus ni vaisseau, ni vaisselle mais on joue à Paris une comédie nouvelle tous les huit jours .

Je suis fort aise que ce M. de Saint-Germain 3 dont vous me parlez fasse du bien à la France ; elle en a très grand besoin , mais je doute que cet empirique réussisse mieux que nos médecins ordinaires . Il y a grande apparence qu'on versera encore beaucoup de sang inutilement cette campagne , et qu’il faudra ensuite remettre les épées dans le fourreau, en laissant tout son argent à ceux qui ont tenu la plume et la bourse .

Vous m'avouerez que le philosophe de Sans Souci n'a pas mal pris son temps pour donner son Art de la guerre ; mais aussi vous m'avouerez qu'il n'appartenait guère qu'à lui de faire cet ouvrage . Que dites-vous de l’Épître au maréchal Keith ? Il croit tuer si bien son monde qu'il pense qu'il n'en reste rien .

Il me semble que la maison de Brunsvick n'a jamais joué un si grand rôle dans le monde ; elle a des frères de tous les côtés 4. Adieu monsieur, il y a dans ce petit coin du monde un campagnard qui vous sera tendrement attaché toute sa vie . Votre très humble et très obéissant serviteur

V. de tout mon cœur. »

1 Samuel .

3 Le fameux aventurier qui se faisait passer pour le comte de Saint-Germain , il dut quitter la France en juin 1760 . on ne doit pas le confondre avec le général du même nom qui devint plus tard ministre .

Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Comte_de_Saint-Germain

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Claude-Louis_de_Saint-Germain

4 Parmi la nombreuse progéniture de Ferdinand-Albert, duc de Brunswick-Wolfenbüttel, figuraient Charles, marié à Philippine de Prusse ; Antoine-Ulric époux d'Anna Leopoldovna et père d'Ivan VI ; Elisabeth-Christine, femme de Frédéric II de Prusse ; Louise-Amélie, mariée à Auguste-Guillaume de Prusse ; et Ferdinand, général au service des Alliés .

 

 

03/04/2015

en restitution des frais et des fruits

... En attendant les fruits frais, faisons mettre en primeur au comptoir des banques des frais ayant porté fruit en toute malhonnêteté et contrats léonins .

Par ici l'artiche, enfin ...

remboursement frais bancaires.jpg

 

 

 

« A Bordier

Aux Délices 3è avril 1760 1

M. de Voltaire envoie, au nom de Mme Denis, à monsieur le procureur Bordier la pièce ci-jointe, du procureur de Gex, qui fait voir que l'affaire du sieur Choudens est pendante au tribunal de Gex ; la vente du domaine du sieur Choudens fut passée au pays de Gex, entre noble dame Denis et sieur Choudens . Noble dame Denis a payé au dit sieur fort au delà de ce qu'elle lui doit ; on a fait plusieurs saisies entre les mains de la dite dame, de sorte que c'est le dit sieur Choudens qui est aujourd'hui redevable ; en outre le dit Choudens a vendu à la dite dame plusieurs pièces de terres qui ne lui appartenaient pas et pour lesquelles il y a procès à Gex, en restitution des frais et des fruits . Spécialement le sieur Pasteur réclame un pré et un champ, qui lui appartiennent, et que le sieur Choudens a vendus, comme à lui appartenant, lesquels pré et champ sont la meilleure partie de la terre . »

1 Manuscrit original : Maximilien Horngacher, Genève .

Le destinataire de cette lettre était un des quatre fils (André, Pierre, Ami, Guillaume ) de Guillaume Bordier (mort en 1727) et d’Olympe de Choudens ; leur fille Olympe, avait épousé Marc de Choudens . Sur l'affaire Choudens, voir lettre du 24 décembre 1759 à Balleidier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/03/quel-delai-on-peut-avoir-pour-repondre-aux-mensonges-averes-5525062.html

du 25 avril 1760 à François de Bussy : « L'oncle et la nièce , monsieur, vous supplient , monsieur de vouloir bien faire renvoyer le mémoire ci-joint apostillé à M. de Montpéroux . Nous lui remettrons les pièces probantes . »,

et du 7 mai 1760 à François Tronchin . «  Nous prions monsieur le trésorier de vouloir bien spécifier dans le reçu les causes de l'échute et la mainlevée afin que nous produisions cette quittance à Gex pour opérer la liquidation des fonds vendus par le sieur Choudens, à lui non appartenant . »

 

C'est un fripon artificieux et insolent , qui leur attirera quelques affaires

... Diable ! ne s'agirait-il pas exactement de mister Ni-Ni-Nicolas Sarkozy, au sein de cette UMP qu'il rêve de débaptiser , ce qui ne l'empêchera pas d'être aussi mal famé en président de n'importe quoi qu'en chefaillon d'UMP . Je lui rappelle -car je ne lui veux que du bien, évidemment- que ça porte malheur de rebaptiser un navire , surtout quand il est déja en mauvais état ;  et quoique la peinture soit refaite aux deux tiers depuis peu , on n'a jamais vu la peinture remplacer une coque en bon état .

 

casseroles.jpg

 

 

« A Élie Bertrand

premier pasteur de l’Église française

à Berne

2è avril 1760 aux Délices

Pardon, mon cher monsieur, de n'avoir pas répondu comme je le devais à la lettre que vous m'avez écrite touchant mon cabinet . Je compte aller chez Son Altesse Électorale Palatine à la fin de mai, ce sera là ma meilleur réponse 1 . L'étude qui est ici ma plus grande occupation m'a absorbé depuis un mois ; je me suis enterré dans mon imagination , [je r]essusciterai 2 pour vous aller voir à Berne , ce sera pour moi un grand plaisir d'y faire ma cour à M. et Mme de Freüdenrich, et de revoir encore cette ville où l'on a eu tant de bontés pour moi .

Il est vrai qu'on négocie beaucoup ; mais il n'est pas moins vrai qu'on arme davantage ; si nous avons la paix à la fin de cette année, l'olive sera sanglante 3. Messieurs de Lausanne ont grand tort de garder ce Grasset chez eux . C'est un fripon artificieux et insolent , qui leur attirera quelques affaires . Je vous embrasse .

Ve. »

1 V* pensait à des fossiles et des « curiosités naturelles » pour le cabinet de l'Electeur palatin ; voir lettre du 14 mars 1760 à Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/03/14/mes-curiosites-sont-des-charrues-et-des-semoirs-mais-il-faut-5582857.html . Mais le voyage n'eût pas lieu .

2 Le papier du manuscrit a été arraché par le cachet .

3 Dans La Henriade, IX, 76 et ailleurs (lettre du 22 janvier 1760 à la comtesse Bentinck : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/01/25/ce-n-est-qu-avec-des-lauriers-que-vous-aurez-de-bonnes-olive-5543672.html , lettre du 23 avril 1760 à Chennevières : page 359 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f373.texte.r=3485

V* associe les olives à la conclusion de la paix et aux lauriers ; pour l'emploi du mot olive seul, voir la lettre du 19 juin 1760 à Jean-Robert Tronchin : « Toutes les armées ont pris de l'opium, puisse l'olive venir à son tour . »

 

 

02/04/2015

Voilà donc deux chants de Pucelle pour les anges

... "C'est bête" me dirait Blaise (Pascal* , ce qui tombe juste en cette semaine pascale dite Sainte ) .

*Petit rappel : "qui veut faire l'ange fait la bête " .

La pucelle chantante ne peut en aucun cas être recherchée au ciel ni à Lourdes, ni parmi les candidates de Ze Voice , pas plus que les anges parmi les membres du jury correspondant .

Et sans transition :

 https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=iShyYxEOUb4

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Pour aider Voltaire à faire ses Pâques

 

Et pour vous aider à faire les vôtres : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/04/dialogues-et-entretiens-philosophiques-entre-un-caloyer-et-un-homme-de-bien-partie-1.html

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

2è avril 1760

Voilà donc deux chants de Pucelle 1 pour les anges . Mais êtes-vous capable de garder le plus grand des secrets ? Plus que vous sans doute, m'allez-vous dire .

Oui je sais bien que j'ai joué Tancrède et par là je l'ai affichée . Il est vrai . Mais je ne pouvais faire autrement . Il fallait essayer sur M. et Mme de Chauvelin cette chevalerie . Mais ici le cas est différent . Point d'essai et la chose est beaucoup plus singulière que tous les chevaliers du monde . Motus au moins . Et Pondichéry ! Ma fois je le crois pris comme Surate .

V. »

 

Quoi qu'il en soit, rien ne peut aujourd'hui diminuer l'estime que toute l'Europe a pour votre nation.

... Aurait pu dire François Hollande à Angela Merkel , laquelle, avec la plus exquise politesse lui en aurait dit autant .

Mais bon, un peu de politique - fiction ne peut pas faire de mal , reste à joindre les actes aux paroles et faire un peu plus que trainailler sur un tapis rouge au son d'une clique en costume d'opérette .

angela françois 31 3 2015.jpg

 http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2015/03/31/20002-20150...

 

« A Ivan Ivanovitch SCHOUVALOV
Par Genève, aux Délices, 1er avril 1760
Monsieur, la lettre de Votre Excellence, du 19 février, reçue par la voie de Vienne le 29 mars, me remplit de reconnaissance, et augmente la douleur où j'étais de la perte du paquet que j'avais eu l'honneur de vous envoyer au mois d'octobre dernier.
J'ai remis aujourd'hui entre les mains de M. de Soltikof 1 un nouvel exemplaire pour suppléer à la perte du premier. J'espère que ce dernier paquet vous sera rendu ; mais cette ressource ne calmera pas les inquiétudes où nous sommes, les éditeurs et moi.
On prétend que le paquet envoyé au mois d'octobre a été intercepté en Allemagne, et qu'on imprime aujourd'hui à Hambourg et à Francfort cette première partie de la Vie de Pierre le Grand qui est contenue dans le paquet intercepté. J'envoie à Francfort un homme affidé pour suivre les traces de cette affaire.
Mais s'il est vrai que le livre a été vendu à des libraires allemands, je prévois avec douleur que tous mes soins seront inutiles. Ce chagrin est bien capable de corrompre la satisfaction que je ressentais à mettre en ordre les matériaux du monument que vous érigez, monsieur, au grand homme à qui nous devons votre auguste impératrice, et à qui je dois l'honneur de vous connaître. Mais vos bontés me servent de consolation, et, quelque contre-temps douloureux que j'essuie, je consacrerai le peu qui me reste de force à finir un ouvrage commencé sous vos auspices, et que vos soins m'ont rendu si cher. Si ma santé m'avait permis de faire le voyage de Pétersbourg 2, je l'aurais entrepris avec joie, et vous auriez été servi avec plus de promptitude ; mais mon âge et mes maladies ne me permettent plus de me transplanter. Ma seule espérance est de recevoir vos ordres dans ma retraite, et de vous témoigner de loin mon attachement et mon zèle.
Je ne sais si Votre Excellence a vu le petit livre qui a fait tant de bruit, et dont j'avais l'honneur de lui parler dans ma dernière lettre 3. Quoi qu'il en soit, rien ne peut aujourd'hui diminuer l'estime que toute l'Europe a pour votre nation.
J'ai eu l'honneur d'avoir chez moi, pendant quelques jours, deux de vos compatriotes amis de M. Soltikof, et même, je crois, ses parents ; ils sont tous deux infiniment aimables ; ils parlent ma langue aussi purement que vous l'écrivez. Je n'ai point encore vu de vos compatriotes qui ne m'aient convaincu du mérite de votre nation, et de l'éducation heureuse qu'on reçoit par vos soins et par votre protection dans les deux capitales de votre empire. Tout sert à confirmer les sentiments tendres et respectueux avec lesquels je serai toute ma vie,

 

monsieur,

 

de Votre Excellence

 

le très humble et très obéissant serviteur.,

 

Voltaire. »


 

 

2 Élisabeth, vers le commencement de 1757, avait fait témoigner à Voltaire le désir de le voir dans la capitale de son empire.

 

3 Il ne s'agit pas de la lettre du 5 février 1760 (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/02/07/je-me-faisais-d-autant-plus-de-plaisir-de-celebrer-votre-nat-5553806.html), mais d'une autre lettre qui ne nous est pas parvenue .

 

01/04/2015

Les frères Cramer sont dans une inquiétude inexprimable

... Bien qu'ils ne soient pas sénateurs français qui, eux, viennent , avec un courage et une abnégation sans borne de rétablir le délit de racolage , -histoire d'occuper quelques heures de leur précieux temps de législateurs ,- et renoncé  à pénaliser les clients des prostitué(e)s, -ce qui les vise évidemment plus couramment .

Je ne suis ni pour la pénalisation du client, ni pour la condamnation du racolage (ni ni, chanson connue ) , les tribunaux sont déjà assez pleins, et la police a assez à faire avec la lutte contre le proxénétisme .

Pas d'inquiétude inexprimable chez moi, juste de la lassitude à voir ces tristes et inutiles décisions de ces nantis de la république .

 

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Partie de jambes en l'air sénatoriale : qui a racolé l'autre ?

 

 

« Au comte Boris Mikhailovitch Soltikof

1er avril 1760, aux Délices 1

On présente ses très humbles respects à monsieur de Soltikoff ; on a l'honneur de lui envoyer ce nouvel exemplaire qu'il est supplié de faire tenir à Son Excellence M. de Shouvalof pour suppléer à la perte du volume envoyé au mois d'octobre .

Les frères Cramer sont dans une inquiétude inexprimable sur ce premier paquet, intercepté, dit-on en Allemagne, et vendu à des libraires de Hambourg, qui font actuellement une impression furtive de ce qui a été imprimé à Genève ; on se recommande aux bontés de monsieur de Soltikof, et l'on aura l'honneur d'écrire demain en droiture à M. de Shouvalov . »

1 Copie de cette lettre a été envoyée à Shouvalov avec la lettre pour Schouvalov :voir page 341 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f355.texte.r=3485.

Voir la lettre du 22 avril 1760 à Schouvalov : page 358 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f372.image.r=22%20avril

avec le rapport de Dufresnoy sur l'expédition du paquet de Strasbourg à Vienne .

 

l'ébéniste Mayer , catholique qui a sanctifié une huguenote en l'épousant

... Commode, non ?

 

commode.jpg

 

 http://www.bilan.ch/maximilian-busser/createurscura...

 

 

« A François Tronchin conseiller

d’État

[mars/avril 1760]

Mon cher ami, il est nécessaire que vous ayez la bonté de m’instruire des déportements de l'ébéniste Mayer 1, catholique qui a sanctifié une huguenote en l'épousant . S'il n'a de crime que d'être papiste, je le prends chez moi à Ferney . Si c'est un fripon dans la voie du salut, je l'abandonne .

V. »

1 Les catholiques ne pouvaient exercer à Genève une profession que par tolérance . Jean-Joseph Mayer fut frappé d'expulsion le 5 mai 1758 ; l'ordre fut renouvelé le 13 octobre 1758 et le 5 juin 1759 , mais il semble que ce ne soit qu'à la fin de mars 1760 que les autorités prirent des mesures coercitives contre lui (Genève ARC, CCL, VIII, 196-197, 318 ; CCLIV, 255 ; CCLX, 155 )