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16/01/2011

Jean-Jacques fait des lacets dans son village avec les montagnards; il faut espérer qu'il ne se servira pas de ces lacets pour se pendre

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

 

18 janvier [1763]

 

Mon cher philosophe, si vous faites de la géométrie i pour votre plaisir, vous faites bien; s'il s'agit de vérités utiles, encore mieux; mais s'il ne s'agit que de difficultés surmontées, je vous plains un peu de prendre tant de peine. J'aimerais bien mieux, pour ma satisfaction, que vous donnassiez de nouveaux mémoires de littérature, qui amusent et qui instruisent tout le monde; mais l'esprit souffle où il veut.

Dès qu'il ne fera plus si froid, j'enverrai à M. le secrétaire l'Héraclius espagnol ii, et j'espère qu'il vous fera rire.

Nous ne connaissons point du tout ici les deux lettres de ce pauvre Vernet iii. Vous savez que le père du cardinal Mazarin étant mort à Rome, on mit dans la gazette de Rome : Nous apprenons de Paris que le seigneur Pierre Mazarin, père du cardinal, est mort ici; de même nous apprenons de Paris qu'il y a à Genève un nommé Vernet qui a écrit deux lettres.

La philosophie a fait de si merveilleux progrès, depuis cinq ou six ans, dans ce pays-ci, qu'on ignore parfaitement tout ce que font ces cuistres-là. Cette philosophie n'a pourtant pas empêché qu'on ait incendié le livre de Jean-Jacques; mais ç'a été une affaire de parti dans la petitissime république. Jean-Jacques fait des lacets dans son village avec les montagnards; il faut espérer qu'il ne se servira pas de ces lacets pour se pendre. C'est un étrange original, et il est triste qu'il y ait de pareils fous parmi les philosophes. Les jésuites ne sont pas encore détruits; ils sont conservés en Alsace; ils prêchent à Dijon, à Grenoble , à Besançon; il y en a onze à Versailles iv, et un autre qui me dit la messe v.

Je suis vraiment très édifié du discours sage et mesuré de votre conseiller au parlement, qui s'adresse à l'avocat des Calas pour lui dire qu'ils n'obtiendront point justice, parce qu'ils plaident contre messieurs, et qu'il y a plus de messieurs que de roués. Je crois pourtant que nous avons affaire à des juges intègres qui ont une autre jurisprudence.

O l'impie !vi n'est pas juste, car rien n'est plus pie que cette pièce; et j'ai grand'peur qu'elle ne soit bonne qu'à être jouée dans un couvent de nonnes, le jour de la fêle de l'abbesse.

Comment donc, ce Le Brun, sous les lauriers touffus, me pique de ses épines!vii lui qui m'a fait une si belle ode pour m'engager à prendre la nièce à Pierre ! On ne sait plus à qui se fier dans le monde.

Il est difficile de plaindre l'abbé Caveirac , quoique persécuté viii. Cet aumônier de la Saint-Barthélemy est, dit-on, un des plus grands fripons du royaume, et employé par plusieurs évêques pour soutenir la bonne cause.

Pour l'autre prêtre qu'on a pendu pour avoir parlé ix, il me semble qu'il a l'honneur d'être unique en son genre; c'est, je crois, le premier, depuis la fondation de la monarchie, qu'on se soit avisé d'étrangler pour avoir dit son mot; mais aussi on prétend qu'à souper, chez les mathurins, il s'était un peu lâché sur l'abbé de Chauvelin ; cela rend le cas plus grave ; et il est bon que messieurs apprennent aux gens à parler. ,

Depuis quelque temps les folies de Paris ne sont pas trop gaies; il n'y a que l'Opéra-Comique qui soutienne l'honneur de la nation. Nos laquais pourtant le soutiennent ici; car ils ont donné un bal avec un feu d'artifice, en l'honneur de la paix, avec les laquais anglais. Un scélérat de Genevois a dit qu'il n'y avait que les laquais qui pussent se réjouir de cette paix x; il se trompe, tous les honnêtes gens s'en réjouissent. J'espère que l'auguste maison d'Autriche fera aussi la sienne, et que les révérends frères jésuites de Prague et de Vienne ne seront pas despotiques dans le saint empire romain.

Mon cher philosophe, je dicte, parce que je perds les yeux au milieu des neiges. Je vous embrasse de tout mon cœur, et je vous serai attaché tant que je végéterai et que je souffrirai sur notre globule terraqué.

N. B. On a lu le Sermon des cinquante publiquement, pendant la messe de minuit, dans une province de ce royaume, à plus de cent lieues de Genève xi; la raison va grand train. Ecrasez l'Infâme. »

 

 

i Ce que d’Alembert lui dit le 12 janvier : page 205 : http://books.google.fr/books?pg=PA205&lpg=PA210&d...

 

ii Pièce de Calderon qu’il a traduite et commentée pour la comparer à celle de Corneille ; http://www.voltaire-integral.com/Html/07/10HERACL.html ; cf. lettre du 4 juin 1762 à Capacelli et du 15 septembre à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/15/t...

Calderon : http://wapedia.mobi/fr/Pedro_Calder%C3%B3n_de_la_Barca

 

 

iii D’Alembert lui a écrit : « Voilà encore le socinien Vernet qui vient d’imprimer deux lettres contre vous et contre moi. » Le pasteur Vernet a été un des principaux adversaires de V* de 1757 à 1759 : affaires de « l'âme atroce de Calvin », l'article Genève de l'Encyclopédie, la Guerre littéraire : voir lettres du 20 mai au 12 décembre 1757, 8 janvier au 27 décembre 1758, 7 février au 10 mars 1759.

 

iv  L’arrêt de dissolution de l’Ordre ne sera pris dans toute la France qu’en novembre 1764 ; cf. lettre à d'Alembert du 28 novembre 1762 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/27/a...

 

v Le père Adam.

 

vi  Allusion à un poème de Piron ou Fréron sur Olympie. D’Alembert avait écrit : « on dit que vous serez obligé de changer le titre de cette … pièce à cause de l’équivoque ô l’impie ! »

 

vii D’Alembert signalait à V* « une nouvelle feuille périodique, intitulée La Renommée littéraire, où l’on disait qu’il était assez maltraité » ; il ajoutait qu’ « on disait que l’auteur de cette infamie … est un certain Le Brun à qui (V*) avait eu la bonté d’écrire une lettre de remerciement sur une mauvaise ode qu’il lui avait adressée », et il commentait l’expression « lauriers touffus »qui finissait un de vers . Sur Ponce-Denis Ecochard Le Brun, sa recommandation en faveur de Marie-Françoise Corneille, son ode sur Corneille, la polémique qui s’ensuivit, voir lettres du 19 novembre 1760 à Thiriot, 15 janvier à Dumolard-Bert, 2 février aux d’Argental, le 6 mai 1761 à Le Brun.

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/18/mais-vous-ne-disiez-pas-que-vous-aviez-gobelotte-au-cabaret1.html#more

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/17/trop-forts-ces-jeux-du-xixeme.html#more

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/12/des-lors-il-devint-ingrat-cela-est-dans-la-regle.html

 

viii  D’Alembert :« le châtelet venait de décréter …Caveyrac (auteur de l'Apologie de la Saint Bathélémy) de prise de corps pour avoir fait l’Appel à la raison en faveur des jésuites ». En réalité l’auteur de l’Appel à la raison, des écrits et libelles publiés par la passion contre les jésuites de France (1762) pourrait être André-Christophe Balbany, Caveyrac n’étant que l’auteur du Nouvel Appel à la raison.

 

ix Jacques Ringuet, prêtre du diocèse de Cambrai, le « fou de Verberie », avait proféré blasphèmes, calomnies et insanités chez les mathurins à Verberie, il est exécuté en décembre 1762.

 

x La veille, V* en a décrit les préparatifds aux d'Argental et ajoutait : « Les perruques carrées de Genève ont trouvé cela mauvais ; elles ont dit que Calvin défendait le bal expressément ; qu’ils savaient mieux l’écriture que le duc de Praslin ; que d’ailleurs pendant la guerre ils vendaient plus cher leurs marchandises de contrebande ; … ils ont empèché la cérémonie . » Page 173 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80036m/f178.image.p...

 

 

xi Chez le marquis d’Argence, au château de Dirac, près d’Angoulême, semble–t-il .

15/01/2011

le commerce de l'esprit ira toujours en décadence quand les commis à la phrase retourneront vos poches à la douane des pensées.

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

Ferney ce 15 janvier 1773

 

Raton convient que Bertrand i a raison par sa lettre du 9 janvier ii. Bertrand a mis le doigt sur la plaie ; mais il faut qu'il sache qu'on a retranché à Raton deux scènes assez intéressantes auxquelles il a été obligé de substituer des longueurs . On ne fera jamais rien de passable, et le commerce de l'esprit ira toujours en décadence quand les commis à la phrase retourneront vos poches à la douane des pensées. C'est dommage, car le sujet est heureux, et il a donné lieu à des notes qui feront dresser les cheveux à la tête des honnêtes gens, à moins qu'ils ne soient chauves iii.

On reconnaissait les boeufs-tigres iv dans une des scènes supprimées. C'est une plaisante contradiction d'avoir chassé ces bœufs, et de ne vouloir pas que l'on parle de leurs cornes.

M.Belleguier v m'a écrit que vous auriez reçu son discours pour les prix de l'université, il y a plus de huit jours, si les typographes n'avaient pas été fort inquiétés à Montpellier, où sa drôlerie s'imprime. Ce M. Belleguier n'est point plaisant ; ou du moins il n'a pas cru que l'on dût plaisanter dans cette affaire. Il est quelquefois un peu ironique, mais il prouve tout ce qu'il dit par des faits authentiques, auxquels il n'y a pas le petit mot à répondre . Je ne crois pas qu 'il ait le prix, car ce n'est pas la vérité qui le donne. La pauvre diablesse est toujours au fond de son puits, où elle crie : croyez cela et buvez de l'eau.

Je vous embrasse bien tendrement.

Raton. »


i Raton = Voltaire ; Bertrand = d'Alembert.

ii Page 214-217 lettre du 9 janvier 1773 de d'Alembert : « J'ai lu les Lois de Minos ; le sujet est beau, mais je crains pour le cinquième acte ... » http://books.google.fr/books?id=7j8HAAAAQAAJ&pg=PA214&lpg=PA214&dq=alembe...

iii Cf. lettre du 3 février à l'abbé Voisenon, du 8 et 22 février à Thibouville :  la pièce « était faite pour fournir des notes sur les sacrifices de sang humain, et sur toutes les horreurs religieuses » , à La Harpe le 29 mars : ce sont « des sacrifices du temps passé et du temps présent »

Lettres pages 684, 687, 690 : http://books.google.fr/books?id=sSsTAAAAQAAJ&pg=PA687...

iv Le « boeuf-tigre » Pasquier responsable de condamnations, prononcées par l'ancien parlement, suite à ses réquisitoires ; cf. lettre à d'Alembert du 16 septembre 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/16/c...

v Prétendu auteur dont il est question dans les lettres du 1er et 4 janvier . http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/02/j...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/04/c...

 

 

14/01/2011

c'était un magistrat intègre, et la dévotion ne l'a pas empêché de me rendre justice

 

 

 

 

« A Théophile Imarigeon Duvernet

 

Le 13 janvier 1772

 

Le vieillard de Ferney a été malade pendant un mois ; il est dans l'état le plus douloureux et n'en est pas moins sensible aux bontés et au mérite de monsieur l'abbé Duvernet. Privé presque entièrement de la vue et enterré dans les neiges, il se console en voyant qu'un philosophe aimable et plein d'esprit veut le faire revivre dans la postérité i. Il s'en faut de beaucoup que ce vieillard approche de Despréaux ; mais en récompense monsieur l'abbé Duvernet vaut beaucoup mieux que Brossette ii.

Mon ancien ami Thieriot, si Monsieur l'abbé veut prendre la peine de l'aller voir, le mettra au fait de tout ce qui peut avoir rapport au duc de Sully et au chevalier de Rohan iii qui passait pour faire le métier des Juifs ; il lui donnera aussi des anecdotes sur Julie, devenue la comtesse du Gouvernet iv, et sur la bagatelle des Tu et des Vous v. Il est très vrai que dans ma seconde retraite à la Bastille vi, il me pourvût de livres anglais et qu'il lui fût permis de venir dîner souvent avec moi ; il est encore très vrai que son amitié, du fond de la Normandie où il était alors dans une des terres du président de Bernières, le fit voler à mon secours au château de Maisons où j'avais la petite vérole. Gervasi, le Tronchin de ce temps là fut mon médecin. La limonade et lui me tirèrent d'affaire vii.

M. de Cideville dont vous me parlez était conseiller au parlement de Rouen. Il avait alors beaucoup d'amitié pour moi. Il est à Paris, très vieux, très infirme et très dévot ; c'était un magistrat intègre, et la dévotion ne l'a pas empêché de me rendre justice et d'avouer que la cupidité de Jore gâta tout et me donna de grands embarras viii. Cet imprimeur me demanda pardon ix d'avoir signé un mémoire grossier qu'avait forgé l'abbé Desfontaines. M. Hérault, alors lieutenant de police, intercéda pour lui ; je lui pardonnai et le tirai de la misère x. »

 

i Duvernet veut faire sa biographie , cf. lettre du 8 novembre 1771 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/11/07/c...

 

iii Rappel des altercations entre V* et le chevalier de Rohan-Chabot en janvier 1726 et contre qui V* n'eut pas le soutien effectif du duc de Sully qui pourtant avait servi d'appât ; cf. lettre à Hérault du 5 mai 1726 et du 26 octobre 1726 à Thieriot .

 

iv Suzanne-Catherine Gravet de Corsembleu de Livry, qui fut la maitresse de V*, notamment lors de son exil au château de Sully-sur-Loire en 1716-1717. Elle le trompa avec Faluère de Genonville le temps de son séjour à la Bastille, du 16 mai 1717-11 avril 1718. Il renouera avec elle et l'aidera en avril 1719 à faire ses débuts à la Comédie Française, ce dont elle rêvait (malgré son peu de talent ! ); V* en aura une querelle avec l'acteur Poisson . Elle épousa le marquis du Gouvernet en 1727. V* lui aurait également offert son portrait peint par Largillières en 1719.

 

v L'Epître des Vous et des Tu, que V* aurait écrite à la suite du mariage de Suzanne de Livry qui lui fermait sa porte. Quant à l'Epître à Julie, il semble que terminée en 1722, elle devint en 1726 l'Epître à Uranie, puis Le Pour et le Contre en 1735.

http://www.monsieurdevoltaire.com/article-epitre-sous-le-...

http://www.voltaire-integral.com/Html/09/06PETIT.htm#AVERTISSEMENT POUR LE POUR ET LE CONTRE.

 

vi Lors de son bref passage en avril-mai 1726, avant l'exil anglais.

 

vii Novembre 1723.

 

viii Cf. lettre à Cideville du 8 mai 1734 concernant ses ennuis et sa fuite, suite à la parution des Lettres philosphiques imprimées par Jore. http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/12/j...

 

ix Jore écrit : « Je désavoue le factum injuste et calomnieux que l'on a mis sous mon nom et que j'ai eu le malheur de signer. » dans une lettre du 30 décembre 1738 . Le 29 mai 1739, V* accepte de lui donner 250 livres à condition qu'il lui écrivît qu'il « ne se pardonna jamais l'écrit calomnieux auquel l'abbé Desfontaines l'a obligé de mettre son nom » ; Jore refusa cet accord.

 

x V* intercèda auprès de Hérault (cf. lettre du 20 février 1739 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/19/j... ); Jore remrcia V* le 3 juin 1742 des 300 livres qu'il lui a fait donner et exprime à nouveau le repentir qu'il a « depuis si longtemps. »

13/01/2011

plus de modération, encore plus d'ordre et de méthode.

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

Monsieur d'Argental Conseiller au parlement, près du rempart Grange-Batelière à Paris

 

Mon cher ange gardien, c'est pour vous dire que suivant vos sages idées je réforme tout le mémoire i qui est d'une nécessité indispensable. Point de numéro, de peur de ressembler au Préservatif ; plus de modération, encore plus d'ordre et de méthode. C'est ce qu'il faut tâcher de faire . Puissé-je dire au public

 

et mea facundia si qua est

quae nunc pro domino pro vobis saepe locuta est ii.

 

Conseilleriez-vous de l'envoyer à M. d'Argenson manuscrit et de le faire présenter au chancelier ? Rien sans vos ordres . Je vous quitte pour travailler, et de là je cours au plan de la tragédie iii. M. de Maupertuis est ici, mais cela ne m'empêche pas de travailler à ce que vous aimez et à ce que vous favorisez. Mille respects à Mme d'Argental, et à la philosophe maison d'Ussé.

V.

Ce 13 [janvier 1739] »

 

i Contre Desfontaines et sa Voltairomanie. http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica...

Voir aussi lettre de M. de Burigny à l'abbé Mercier au sujet de ce différend ; page 349- ... : http://books.google.fr/books?id=1RYaAAAAYAAJ&pg=PA353...

 

ii Et mon éloquence, si j'en ai, qui maintenant parle pour mon maitre, a souvent parlé pour vous.

 

iii Zulime, dont il était déja question, à mots couverts dans une lettre du 12 décembre 1738 de Mme du Châtelet à d'Argental ; lettre 16 page 97 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-94268&...

12/01/2011

Le nom de Rousseau n'est pas heureux pour la bonne morale et la bonne conduite.

 Mon "amour" !?!? pour Rousseau, le Jean-Jacques, -je laisse de côté le Jean-Baptiste, très falot,- est aujourd'hui très visible par le choix de ce titre !

Persiste et signe.

                       Réalisme d'un blogueur pas solitaire .

 Amusons-nous autant que possible , comme nous y invite ce pastiche :

http://tempsreel.nouvelobs.com/actualite/vu-sur-le-web/20...

 Usez sans modération de cette adresse :

http://voltaire-a-ferney.org/41.html

 

 « A Etienne-Noël Damilaville

12è janvier 1765

 

J'ai fait chercher hier dans Genève la brochure dont vous m'avez parlé i; je n'ai pu encore la trouver. On dit que ce n'est qu'une seule feuille, et qui a été oubliée presque en naissant, qu'on attribue à un ministre nommé Vernes ou Vernet ii, lequel a déjà écrit une autre brochure contre Jean-Jacques iii, oubliée tout de même. Je n'ai vu ni l'un ni l'autre écrit, Dieu merci, et n'ai fait que parcourir les livres ennuyeux faits à cette occasion. Je serais assurément bien fâché d'avoir la moindre part à toutes ces tracasserie. J'ai resté constamment dans mes campagnes depuis dix ans, et j'y mourrai sans me mêler à ces sottes querelles. Le nom de Rousseau n'est pas heureux pour la bonne morale et la bonne conduite.

Au reste, mon cher frère, je serais très fâché que mes Lettres prétendues secrètes fussent débitées à Paris iv; quelle rage de publier des lettres secrètes ! J'ai prié instamment M. Martin de renvoyer ces rogatons en Hollande d'où elles sont venues. Je suis bien las d'être homme public, et de me voir condamné aux bêtes comme les anciens chrétiens. L'état où je suis ne demande que le repos et la retraite ; il faut mourir en paix ; mais afin que je meure gaiement écr[asez] l'Inf[âme]. »

 

i Le Sentiment des citoyens, attribué à V* et publié le 27 décembre 1764 : http://www.voltaire-integral.com/Html/25/19_Sentiments.html

ii Vernes, pasteur est un ami de V*, tandis que Vernet est alors un ennemi de V* (voir la Guerre littéraire en 1759 ; cf. lettre 26 page 27 : http://books.google.fr/books?id=bp0DOrSvtd8C&pg=PA27&... )

 iii Vernes a publié les Lettres sur le christianisme de Jean-Jacques Rousseau, 1763 ; http://www.archive.org/stream/lettressurlechri00vern#page...

V* commentera les Lettres de monsieur le pasteur Vernes à monsieur J.-J. Rousseau avec les réponses que Cramer achètera et éditera en 1764-1765.

 iv Lettres secrètes de M. de Voltaire, données comme éditées à Genève en 1765 par M. L.B.(initiales mises pour faire croire que l'éditeur est La Beaumelle), en fait Baptiste-René Robinet, contenaient essentiellement le texte inexact des lettres à Berger (1734-1748); cf. page 2588 : http://books.google.fr/books?id=dMs8AQAAIAAJ&pg=PA258...

Dès le 8 octobre 1764, V* en parle, et entendra dire en novembre 1764 que des lettres que lui avait adressées Frédéric II et qui faisaient partie de la collection de Mme du Châtelet s'imprimaient à Utrecht.

 

11/01/2011

les vieilles têtes rongées de la teigne de la barbarie mourront bientôt

 

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

 

13è janvier 1769

 

Je vous renvoie, mon cher philosophe, votre chien danois i. Il est beau, bien fait, hardi, vigoureux, et vaut mieux que tous les petits chiens de manchon qui lèchent et qui jappent à Paris.

Votre discours est excellent, vous êtes presque le seul qui n'alliez jamais ni en deçà ni en delà de votre pensée. Je vous avertis que j'en ai tiré copie.

Le Mercure devient bon ii. Il y a des extraits de livres fort bien faits ; pourquoi ne pas y insérer ce discours dont le public a besoin iii? La Bletterie a juré à son protecteur et à sa protectrice iv qu'il ne m'avait point eu en vue et qu'il me permettait de ne pas me faire enterrer . Il dit aussi qu'il n'a point songé à Marmontel quand il a parlé de Bélisaire, ni au président Hénault quand il a dit que la précision des dates est le sublime des historiens sans talents v. J'ai tourné le tout en plaisanterie.

A propos du président Hénault, le marquis de Bélestat m'a écrit enfin qu'il était très fâché que j'eusse douté un moment que le portrait de Sha Abas et du président fussent de lui vi; qu'ils sont très ressemblants, que tout le monde est de son avis, et qu'il n'en démordra point vii. J'ai envoyé sa lettre à notre ami Martin . On a fait trois éditions de ce petit ouvrage en province, car la province pense depuis quelques années ; il s'est fait un prodigieux changement par exemple dans le parlement de Toulouse ; la moitié est devenue philosophe et les vieilles têtes rongées de la teigne de la barbarie mourront bientôt viii.

Oui, sans doute , je regrette Damilaville ix. Il avait l'enthousiasme de Saint Paul et n'en avait ni l'extravagance ni la fourberie . C'était un homme nécessaire . Oui, oui, l'A.B.C. est d'un membre du parlement d'Angleterre nommé Huet x, parent de l'évêque d'Avranches et connu par de pareils ouvrages . Le traducteur est un avocat nommé La Bastide ; ils sont trois de ce nom là . Il est difficile qu'ils soient égorgés tous les trois par les assassins du chevalier de La Barre.

Vous n'avez point de bons livres à Paris , Le Militaire philosophe xi, Les Doutes xii, L'Imposture sacerdotale xiii, Le polissonnisme dévoilé xiv; il parait tous les huit jours un livre dans ce goût en Hollande . La Riforma d'Italia xv, qui n'est pourtant qu'une déclamation, a fait un prodigieux effet en Italie. Nous aurons bientôt de nouveaux cieux et une nouvelle terre ; j'entends pour les honnêtes gens : car pour la canaille le plus sot ciel et la plus sotte terre est ce qu'il lui faut.

Je prends le ciel et la terre à témoins que je vous aime de tout mon cœur.

Par Dieu, vous êtes bien injuste de me reprocher des ménagements pour gens puissants xvi que je n'ai connus jadis que pour gens aimables, à qui j'ai les dernières obligations, et qui même m'ont défendu contre les monstres. En quoi puis-je me plaindre d'eux ? Est-ce parce qu'ils m 'écrivent pour me jurer que La Bletterie jure qu'il n'a pas pensé à moi ? Faudrait-il que je me brûlasse toujours les pattes pour tirer les marrons du feu ? Ce sont les assassins xvii que je ne ménage pas ; voyez comme ils sont fêtés, tome Ier et tome IV du Siècle. »

 

i Discours prononcé à l'Académie en l'honneur du roi de Danemark.

 

ii Lacombe a pris la direction du Mercure en juillet 1768, succédant à La Place ; V* lui écrira : « Enfin nous avons un bon Mercure » et souscrira à nouveau.

Page 143 : http://books.google.be/books?id=sJvdVcXBdSoC&pg=PA143...

 

iii Le Mercure de janvier n'en donnera qu'un bref résumé.

 

iv Duc et duchesse de Choiseul ; le duc a écrit à V* le 16 novembre 1768 : « L'abbé de La Bletterie n'a jamais dit que vous aviez oublié de vous faire enterrer ...; il ne vous a point eu en vue du tout dans les notes de son ouvrage ; il me l'a juré, et pour peu qu'on le connaisse, l'on est obligé de le croire. » Cf. lettre à Mme du Deffand du 26 décembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/12/25/q...

 

v Ce que vient de lui écrire Mme du Deffand le 5 janvier, ajoutant : « Personne ne lui en a fait l'application [à Hénault] », car , dit-elle, « La Bletterie parle des historiens, et le président n'a prétendu faire qu'une chronologie. »

 

vi A savoir les critiques contre Louis XV et le président Hénault contenues dans l'Examen de la nouvelle histoire de Henri IV ( que V* attribuera à La Beaumelle) ; cf. lettre à Hénault du 13 septembre, lettre à d'Argental du 18 septembre: http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/18/d...

, Mme Denis du 26 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/26/m...

, Mme du Deffand du 21 décembre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/12/20/j...

 

vii Bélestat écrit à V* le 20 décembre 1768 pour assumer la paternité de l'ouvrage : « Je le lus il y a quelque temps à l'Académie, et je ne vois pas ce qui pourrait m'engager à le désavouer ... je ne souffrirais pas que qui que ce soit abusât de mon nom... ». Il se justifie ainsi : « La page 24 que vous avez fait copier est une critique vague de l'éducation raisonnée de la plupart des princes, et n'est applicable à aucun d'eux en particulier ... Quant au président Hénault, j'en ai dit ce qu'en pensent tous ceux qui sont versés dans notre histoire... »

 

viii L'abbé Audra lui a écrit le 20 novembre de Toulouse : « Vous ne sauriez croire combien augmente dans cette ville le zèle des gens de bien et leur amour et leur respect pour le patriarche de la tolérance et de la vertu ... Quant au parlement et à l'ordre des avocats, presque tous ceux qui sont au-dessous de l'âge de trente cinq ans sont pleins de zèle et de lumière, et il ne manque pas de gens instruits parmi les personnes de condition. »

 

ix Décédé en décembre.

 

x L'A.B.C. est attribué à V* ; le nom de Huet vient peut-être de celui de William Hewet qui lui demandait de patronner son Essai sur la religion et lui annonçait sa visite le 3 décembre 1758 ; cf. lettres à Mme du Deffand du 21 et 26 décembre 1768 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/12/25/q...

 

xi Édité principalement par Naigeon, d'après le manuscrit des Difficultés sur la religion, proposées au père Malebranche.

 

xii Doutes sur la religion, suivis de l'analyse du traité théologico-politique de Spinoza, par le comte de Boulainvilliers, qui peut être en réalité de Guéroult de Pival, 1767.

 

xiii Du baron d'Holbach, 1767.

 

xiv = Le Christianisme dévoilé du baron d'Holbach.

 

xv De Pilati di Tassulo.

 

xvi Le 2 janvier d'Alembert a écrit : « Vous voyez ... ce qui en arrive quand on les flatte ; ils trouvent mauvais qu'on se moque des plats auteurs qu'ils protègent ; on s'expose à de tels reproches quand on caresse ceux qui les font. » Page 218 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80039n/f223.image.p...

 

xvii Tant ceux qui condamnent à mort que ceux qui exécutent par fanatisme.

10/01/2011

Comme je sais que vous aimez passionnément les hypocrites

Fin d'un bonheur populaire déclaré officiellement ? Fin de l'hypocrisie ?

Si Volti n'a pas vu de sang couler en ce début de conflit franco-genevois, il en verrait en Afrique du Nord où le ras le bol populaire contre les dirigeants politiques vient de faire sauter le couvercle à propos de la cherté de la vie.

Affamer la population , dictateurs modernes, sachez- le, mène à la révolte si ce n'est la révolution . Seriez vous assez incultes pour oublier les leçons de l'histoire ? En mon fors intérieur, je le suppose . Seriez vous de banals tyrans ? Je le crois, itou !

Vous qui savez si bien faire suer le burnou, présidents et ministres, quand va-t-on , enfin, vous envoyer balayer le Sahara ?

Je crains cependant que, dans ces pays où l'oral et la tradition sont si forts, le couvercle du couscoussier ne retombe aussi vite qu'il est monté dès qu'un beau parleur armé caressera le peuple dans le sens du poil . Une manière de mai 68 avec nouveaux BO-BOs pour résultat . Les prisons garderont encore les mêmes locataires.

Le monde occidental ne râlera que pour des vacances annulées à Djerba, ou autre lieu pour amateur de bronzette, et plus si affinité ! 

 

 

 

« A Frédéric II, landgrave de Hesse-Cassel

 

A Ferney, le 13 janvier 1767

 

Monseigneur,

 

Comme je sais que vous aimez passionnément les hypocrites, je prends la liberté de vous envoyer pour vos étrennes un petit éloge de l'hypocrisie i, adressé à un digne prédicant de Genève. Si cela peut amuser Votre Altesse Sérénissime, l'auteur, quel qu'il soit, sera trop heureux.

Votre Altesse Sérénissime est informée sans doute de la guerre que les troupes invincibles de Sa Majesté Très Chrétienne font à l'auguste république de Genève ii. Le quartier général est à ma porte. Il y a déjà eu beaucoup

de beurre et de fromage d'enlevé, beaucoup d'œufs cassés, beaucoup de vin bu, et point de sang répandu. La communication étant interdite entre les deux empires, je me trouve bloqué dans ce petit château que Votre Altesse Sérénissime a honoré de sa présence. Cette guerre ressemble assez à la Secchia rapita iii, et si j'étais plus jeune, je la chanterais assurément en vers burlesques. Les prédicants, les catins et surtout le vénérable Covelle y joueraient un beau rôle iv. Il est vrai que les Genevois ne se connaissent pas en vers, mais cela pourrait réjouir les princes qui s'y connaissent. La seule chose que j'ambitionne à présent, Monseigneur, ce serait de venir au printemps vous renouveler mes sincères hommages.

J'ai l'honneur, etc.

Voltaire »

 

i Maître Guignard, ou De l'hypocrisie, diatribe par M. Robert Covelle, qui parut dans les Honnêtetés littéraires. http://books.google.be/books?id=7CwHAAAAQAAJ&pg=PA237...

 

 

ii Il y a eu échec de la médiation et par suite un blocus ; cf. lettre à Choiseul du 9 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/09/b...

 

iii Poême héroï-comique d'Alexandro Tassoni qui paru pour la première fois à Paris en 1622.

Tassoni : http://fr.wikipedia.org/wiki/Alessandro_Tassoni

 

La Secchia rapita (Le Seau enlevé) : http://www.intratext.com/ixt/ITA1687/

mis en musique par Antonio Salieri : http://www.deezer.com/listen-1857902

 

http://books.google.be/books?id=DvgZAAAAYAAJ&printsec...

 

iv V* écrit La Guerre civile de Genève : http://www.voltaire-integral.com/Html/09/09GUERCI.htm...

cf. lettre aux d'Argental du 4 février 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/03/2...