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18/08/2010

Mais si le gouvernement se mêle de cette affaire, il est juste que je me défende sans accuser personne.

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Pour commencer une journée tonique,

Et aller au grand air,

Aux ennuis faire la nique,

Prenez un grand bol de Gotainer .


... Volti m'a contaminé ! je rime !...

Mais je dois l'avouer, je ne résiste pas à ce fou chantant qui nous donne des tranches de vie hilarantes :

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Et pour préparer la rentrée, avec ou sans subvention :

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Herakles_Niobid_krater_Louvre_G341.jpg

Au moins lui, il a déjà toutes ses fournitures !

 

 

 

 

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental


A Ferney 17è auguste 1774


Ceci devient sérieux, mon cher ange. Vous connaissez sans doute la Lettre d'un théologien à l'auteur du Dictionnaire des trois siècles [i] . C'est Hercule qui assomme à coups de massue un insecte, mais il frappe aussi sur toutes les têtes de l'hydre. On ne peut être ni plus éloquent ni plus maladroit. Cet ouvrage aussi dangereux qu'admirable [ii] armera sans doute tout le clergé. Il parait tout juste dans le temps que j'écris à monsieur le Chancelier pour l'affaire que vous savez [iii]. Pour comble de malheur on m'impute cet écrit funeste [iv] dans lequel il est question de moi presque à chaque page.


L'ouvrage est d'un homme qui a sans doute autant d'esprit que Pascal, et qui est aussi bon géomètre. Il dit que d'Alembert a résolu le premier d'une manière générale et satisfaisante le problème des cordes vibrantes, et qu'il a inventé le calcul des différences partielles.


Je n'ai jamais lu ces cordes vibrantes ni ces différences partielles de M. d'Alembert. Il y a près de quarante ans que vous m'avez fait renoncer à la sécheresse des mathématiques.


Il est donc impossible que je sois l'auteur de cet écrit [v]. J'aime les philosophes, je ne veux donc pas être leur bouc émissaire. Je ne veux ni de la gloire d'avoir fait la Lettre d'un théologien ni du châtiment qui la suivra.


J'admire seulement comme tous les évènements de ce monde s'enchainent, et comment un gueux comme Sabatier [vi], un misérable connu pour avoir volé ses maîtres, un polisson payé par les Pompignan, devient le sujet ou d'une persécution ou d'une révolution.


Je mets peut-être trop d'importance à cette aventure. Je peux me tromper et je le souhaite. Mais si le gouvernement se mêle de cette affaire, il est juste que je me défende sans accuser personne.


Je ne sais actuellement où vous êtes, mon cher ange. Mais si cette affaire fait autant de bruit qu'on le dit, si monsieur le Chancelier en est instruit, s'il vous en parle, songez, je vous en prie , que je n'ai nulle part à la Lettre du Théologien, que je me suis contenté de causer avec Pégase [vii] et qu'il y aurait une injustice affreuse à me rendre responsable des témérités respectables de gens qui valent beaucoup mieux que moi. Je suis affligé qu'on ait gâté une si bonne cause en la défendant avec tant d'esprit. Je vois la guerre déclarée et la philosophie battue. Mon innocence et ma douleur sont telles que je vous écris en droiture. Je vous demande en grâce de me répondre le plus tôt que vous pourrez.


J'attends avec impatience des nouvelles de la santé de madame d'Argental et de monsieur votre frère. »


iDe Condorcet.

ii Le même jour, à d'Alembert : « S'il n'y avait pas dans la Lettre d'un théologien à Sabatier une douzine de traits sanglants et terribles contre des gens puissants qui vont se venger, l'auteur de cette lettre, qui est assurément Pascal second du nom, serait le bienfaiteur de tous les honnêtes gens, mais voila une guerre affreuse déclarée. »

Le 20 août, à Condorcet : « Le minsistère peut se joindre au clergé, et rouver fort mauvais qu'on dise à la page 82 que c'est du peuple que les princes ont reçu leur autorité... »

iii La réhabilitation de d'Etallonde ; cf lettre du 12 août à Condorcet.

iv Le 25 septembre, à d'Argental : « L'abbé de Voisenon me mande que le maréchal de Richelieu s'amuse à lui prouver que je suis l'auteur de la Lettre du théologien. »

En effet on attribuait cette lettre à V*.

vIl l'écrivait la veille à Marin, si bien placé et qu'il a ménagé pour cette raison.

vi A propos de Sabatier, cf. lettres à d'Alembert des 1er janvier et 19 novembre 1773, à d'Argental le 30 avril 1774.

vii C'est à dire écrire le Dialogue de Pégase et du vieillard pour « démasquer dans les notes ... ce scélérat d'abbé Sabatier » ; cf. lettre du 30 avril 1774 à d'Argental.

 

 

Condorcet :

http://www.efm.bris.ac.uk/het/condorcet/new/Condorcet01.h...
Condorcet-NB.jpg

17/08/2010

Je compte dans cinq ou six jours au plus tard avoir un des plus grands plaisirs que j'aie sentis en ma vie

Ce titre reflète exactement ce que je ressens ce jour car la réalité va rejoindre la fiction, mon présent va rejoindre le passé voltairien . Dès à présent le soleil est commandé pour samedi, et pas seulement lui. Mam'zelle Wagnière, votre château vous accueille !

 

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Charlotte-Sophie, mais qui êtes-vous donc ?

Qu'allâtes vous faire aux Délices avec Volti ?

http://www.histoire-genealogie.com/spip.php?article1058

http://www.ph-ludwigsburg.de/html/2b-frnz-s-01/overmann/baf3/candide/autobiog.htm

 

 

Je ne jouerai pas les Cassandre, elle qui en a inspiré plus d'un , loin de la mythologie :

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

née comtesse d'Oldembourg,

à Lausanne



A Soleure 17 août [1758]

et ne part que samedi 19


Je vous trompais donc , Madame, comme vous m'avez trompé. J'aurai l'honneur de vous revoir plus tôt que je ne vous l'avais dit. Je passerai par Neuchâtel au lieu de passer par Berne, je verrai milord Maréchal [i] afin d'avoir des nouvelles de toutes façons à vous rapporter. Si vous avez eu la bonté de m'écrire à Soleure chez l'ambassadeur de France, la lettre ma sera rendue à Lausanne. Je compte dans cinq ou six jours au plus tard avoir un des plus grands plaisirs que j'aie sentis en ma vie, j'y ajouterai celui de vous gronder. Mon Dieu, Madame, que j'ai de choses à vous dire ! que notre roman est singulier ! nous reprendrons le fil de nos aventures depuis 1753 [ii]. Cela doit contenir un tome de Cassandre ou de Cyrus [iii]. Il est vrai que pour une héroïne vous n'êtes pas trop bien logée à Montriond avec vos écuyers. Mais vous savez que les princesses et les chevaliers errants avaient quelquefois de fort mauvais gîtes. Adieu Mandane, adieu Statira [iv]. Je n'ai pas l'honneur d'être votre écuyer mais je vous suis attaché avec tous les sentiments respectueux des chevalliers du temps passé.




Point du tout, je ne passerai point par Neuchâtel, mais par Berne, et j'aurai la consolation de vous faire plus tôt ma cour. Je ne passerai pas même par Berne, pour accourcir le chemin. »

 

 

 


iL'envoyé de Prusse, que V* définit ainsi à la comtesse de Lutzelbourg le 2 février 1759 : « ancien conjuré anglais, ancien réfugié en Espagne, aujourd'hui gouverneur ad honores de la petite principauté de Neuchâtel »

ii Cf. lettres adressée par V* pendant son séjour prussien : 22 février et 17 mai, septembre-octobre 1751, 11 octobre et décembre 1752.

iii De Mlle de Scudéry.

 

iv Personnages du Grand Cyrus ; Statira sera aussi un personnage de la future tragédie de V* : Olympie.


Après lecture du titre, je me suis demandé si j'allais mettre ce lien sous vos chastes yeux d'abominables coquins ... Bon , c'est juste pour votre culture !

16/08/2010

un huguenot qui fait travailler des religieuses ...je ne doute pas que quelqu'une d'elles n'aille plus loin ; c'est le vrai secret de rapprocher les deux religions

Pour se mettre dans le bain des religieuses (sans éclaboussures ! ) :

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Volti aurait pu être le créateur de ce clip :

http://www.facebook.com/video/video.php?v=102905086399955


A croquer :

religieuse-chocolat.jpg

 


« A Ami Camp

à Lyon

Le 15 août 1759



Je joins, Monsieur, à tous les remerciements que je vous dois, tous les compliments que mérite un huguenot qui fait travailler des religieuses ; ce qu'elles font pour l'amour de vous est bien édifiant ; je ne doute pas que quelqu'une d'elles n'aille plus loin ; c'est le vrai secret de rapprocher les deux religions . Les bonnes créatures travaillent à la fois pour Calvin et pour le théâtre . Je viendrai à bout de tout avec leurs fleurs [i], cela ne doit pas coûter beaucoup, et quand l'académie de lésine [ii] elle-même aurait fait ma salle de comédie, elle n'aurait pu être faite à meilleur marché.



Il y a longtemps que j'avais donné une lettre de change d'environ 400 livres à M. le président de Ruffey, j'avais oublié de mettre l'adresse de MM. Tronchin et Camp, il la mettra ou ne la mettra pas, cela est fort égal, vous n'en ferez pas moins honneur à ma signature.



Je voudrais que vous vissiez le grand Pictet de Varambé haut de six pieds sur mon théâtre de huit, relevé encore d'un panache d'un pied et demi ; mais pour obvier à toutes ces difficultés je vous averti que la scène est dans un entresol , tout est bon pourvu qu'on s'amuse. Cela n'empêche pas qu'on ne soit très affligé de nos malheurs [iii], mais ils seront peut-être réparés avant que la pièce se joue. Mille compliments à toute la société et à toute la famille.



Votre très humble et très obéissant serviteur



Voltaire. »



i Pour « le petit théâtre de Polichinelle » qu'il construit à Tournay, V* demande à Ami Camp « une centaine d'aunes de verdure et de fleurs ».

 

ii Cette appellation, que V* utilise parfois pour se désigner lui-même, revient quand il fait, pour acheter et aménager ses châteaux de Tournay et Ferney de grosses dépenses désapprouvées par ses banquiers et qu'il essaie parfois de réduire.

 

iii Brunswick , le 1er août a battu notre armée à Minden.

15/08/2010

qui méprise les grands peut bien mépriser les sots

Des sots gentils :

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Du mépris à la méprise, de la méprise au mépris ...

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Mépris , Le Mépris : assez emphatique !

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« A Nicolas-Claude Thiriot

[Monsieur Thiriot l'aîné

rue des Prouvères à Paris]

A Londres 4 août v.s. [15 n.s.] 1728



Voici qui vous surprendra, mon cher Thiriot, c'est une lettre en français. Il me paraît que vous n'aimez pas assez la langue anglaise pour que je continue mon chiffre avec vous. Recevez donc en langue vulgaire les tendres assurances de ma constante amitié. Je suis bien aise d'ailleurs de vous dire intelligiblement que si on a fait en France des recherches de La Henriade chez les libraires ce n'a été qu'à ma sollicitation ; j'écrivis il y a quelque temps à M. le garde des Sceaux et à M. le lieutenant de police de Paris pour les supplier de supprimer les éditions étrangères de mon livre [i], et surtout celles où l'on trouverait cette misérable critique dont vous me parlez dans vos lettres [ii]. L'auteur est un réfugié connu à Londres, et qui ne se cache point de l'avoir écrite. Il n'y a que Paris au monde où l'on puisse me soupçonner de cette guenille. Mais odi profanum vulgus et arceo [iii], et les sots jugements et les folles opinions du vulgaire ne rendront point malheureux un homme qui a appris à supporter des malheurs réels, et qui méprise les grands peut bien mépriser les sots. Je suis dans la résolution de faire incessamment une édition correcte du poème auquel je travaille toujours dans ma retraite. J'aurais voulu, mon cher Thiriot, que vous eussiez pu vous en charger pour votre avantage et pour mon honneur [iv]. Je joindrai à cette édition un essai sur la poésie épique qui ne sera point la traduction d'un embryon anglais mal formé [v] mais un ouvrage complet et très curieux pour ceux qui quoique nés en France veulent avoir une idée du goût des autres nations. Vous me mandez que des dévots gens de mauvaise foi ou de très peu de sens ont trouvé à redire que j'aie osé, dans un poème qui n'est point un colifichet de roman, peindre Dieu comme un être plein de bonté et indulgent aux sottise de l'espèce humaine. Ces faquins-là feront tant qu'il leur plaira de Dieu un tyran, je ne le regarderai pas moins comme un être aussi bon et aussi sage que ces messieurs sont sots et méchants.



Je me flatte que vous êtes pour le présent avec votre frère. Je ne crois pas que vous suiviez le commerce comme lui. Mais si vous le pouviez faire j'en serais fort aise car il vaut mieux être maître d'une boutique que dépendant d'une grande maison. Instruisez-moi un peu de l'état de vos affaires et écrivez moi, je vous en prie, plus souvent que je ne vous écris. Je vis dans une retraite dont je n'ai rien à vous mander au lieu que vous êtes dans Paris où vous voyez tous les jours des folies nouvelles qui peuvent encore réjouir votre pauvre ami assez malheureux pour n'en plus faire.



Je voudrais bien savoir où est Mme Berniè[res] et ce que fait le chevalier anglais des Alleurs [vi]. Mais surtout parlez-moi de vous à qui je m'intéresserai toute ma vie avec toute la tendresse d'un homme qui n'a rien de mieux à faire au monde qu'à vous aimer.[vii] »


i Le 2 mai, en anglais, à Thiriot : « … il faut que vous alliez chez M. Hérault, le lieutenant de police ; je lui ai déjà envoyé un exemplaire de La Henriade, en le priant instamment de faire saisir tous ceux qui pourraient se glisser en France avant que j'aie reçu du gouvernement la permission de publier ce livre... » ; Thiriot doit aussi « implorer » l'appui de Hérault contre l'édition « pirate » entreprise en France.

 

ii La critique de Faget ; cf. lettre au Daily Post du 31 mars.

 

iii = Je hais la foule profane et la tiens à l'écart.

 

iv Le 2 mai, à Thiriot , il demande de s'entendre avec un libraire français réputé si une permission était accordée : « il faut que le libraire fasse deux éditions, l'une in-quarto pour mon propre compte, et une autre in-octavo à votre profit. » Thiriot se déroba.

 

v Effectivement, il ne fera pas une simple traduction de l'Essay ; cf. lettre à Swift du 25 décembre 1727.

 

vi A des Alleurs, en anglais, en avril : « Vous qui êtes un parfait Britannique, vous devriez passer la manche et venir nous trouver. Je vous assure de nouveau qu'un homme de votre caractère ne serait pas mécontent d'un pays où chacun n'obéit qu'aux lois et à sa fantaisie. »

 

vii Dernière lettre d'Angleterre connue (1990) ; V* aurait eu quelques fâcheuses affaires à la fin de son séjour et serait parti en octobre-novembre, furieux contre les Anglais selon Lord Peterborough.

14/08/2010

Il y a un empereur, un jardinier, un colonel, un lieutenant d'infanterie, un soldat, des prêtres païens et une petite fille tout à fait aimable.

Possédé , possédés de toute sorte :

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Allons, pour vous mettre dans l'ambiance des hauts lieux où la possession est religion, à écouter avec son gri-gri autour du cou (pour ceux qui ont les moyens, une rivière de diamants ou une chaine de platine ; pour les autres, les mains de votre chéri(e), ce qui est diantrement plus  efficace pour les retours d'affection !):

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental


14 auguste 1768


J'ai reçu une lettre véritablement angélique du 4 auguste, que les Welches appellent août. Mais voici bien une autre facétie. Il vint chez moi le 1er auguste un jeune homme fort maigre [i], et qui avait quelque feu dans deux yeux noirs. Il me dit qu'il était possédé du diable ; que plusieurs personnes de sa connaissance en avaient été possédées aussi ; qu'elles avaient mis sur le théâtre les Américains, les Chinois, les Scythes, les Illinois, les Suisses [ii], et qu'on y voulait mettre les Guèbres. Il me demanda un profond secret ; je lui dis que je n'en parlerais qu'à vous, et vous jugez bien qu'il y consentit.


Je fus tout étonné qu'au bout de douze jours, le jeune possédé m'apportât son ouvrage. Je vous avoue qu'il m'a fait verser des larmes, mais aussi il m'a fait craindre la police. Je serais très fâché, pour l'édification publique, que la pièce ne fût pas représentée [iii]. Elle est dans un goût tout à fait nouveau, quoiqu'on semble avoir épuisé les nouveautés.


Il y a un empereur, un jardinier, un colonel, un lieutenant d'infanterie, un soldat, des prêtres païens et une petite fille tout à fait aimable.


J'ai dit au jeune homme avec naïveté que je trouvais sa pièce fort supérieure à Alzire, qu'il y a plus d'intérêt et plus d'intrigue ; mais [que] je tremble pour les allusions, pour les belles allégories, que font toujours messieurs du parterre ; qu'il se trouvera quelque plaisant qui prendra les prêtres païens pour des jésuites ou pour des inquisiteurs d'Espagne ; que c'est une affaire fort délicate et qui demandera toute la bonté, toute la dextérité de mes anges.


Le possédé m'a répondu qu'il s'en rapportait entièrement à eux ; qu'il allait faire copier sa pièce qu'il intitule Tragédie plus que bourgeoise [iv] ; que si on ne peut pas la faire massacrer par les comédiens de Paris, il la fera massacrer par quelque libraire de Genève . Il est fou de sa pièce, parce qu'elle ne ressemble à rien du tout, dans un temps où toutes les pièces se ressemblent. J'ai tâché de le calmer ; je lui ai dit qu'étant malade comme il est, il se tue avec ses Guèbres ; qu'il fallait plutôt y mettre douze mois que douze jours. Je lui ai conseillé des bouillons rafraichissants.


Quoi qu'il en soit, je vous enverrai ces Guèbres par M. l'abbé Arnaud, à moins que vous ne me donniez une autre adresse.


Une autre fois, mon cher ange, je vous parlerai de Ferney [v]; c'est une bagatelle ; et je ne ferai sur cela que ce que mes anges et Mme Denis voudront. Si Mme Denis est encore à Paris quand les Guèbres arriveront, je vous prierai de la mettre dans le secret.



Bon ! Ne voilà-t-il pas mon endiablé qui m'apporte sa pièce brochée et copiée ! Je l'envoie à M. l'abbé Arnaud avec une sous-enveloppe . S'il arrivait un malheur, les anges pourraient se servir de toute leur autorité pour avoir leur paquet.



Si ce paquet arrive à bon port, je les aurai du moins amusés pendant une heure ; et en vérité c'est beaucoup par le temps qui court.


V. »


 

iV* lui-même, auteur de Les Guèbres.

http://www.voltaire-integral.com/Html/06/07GUEBRE.htm#a1

ii = Alzire, = L'Orphelin de la Chine, = Les Scythes de V* ; = Hirza ou les Illinois de Billardon, = Guillaume Tell de Lemierre.

iii Elle ne le fût pas ; seulement imprimée en 1769.

http://books.google.be/books?id=-xY7AAAAcAAJ&pg=RA2-P...

iv A Mme Denis, il proposera le 17 décembre « pour prévenir toutes les chicanes … d ne point intituler la pièce Les Guèbres, mais si l'on veut, Les Deux Frères, ou Les Deux Officiers, tragédie dont la p^lupart des acteurs sont de simples citoyens, dans le goût des tagédies bourgeoises. »

v V* seul à Ferney songe à vendre son domaine.

Voudriez-vous ravir aux particuliers le droit de se défendre?

 

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Et la vérité dans tout ça ?

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Vérité d'ici, vérité d'ailleurs :

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Vérité, mais d'où viens-tu?

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Qui es-tu ?

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"Trop petit pour ne pas me défendre " : c'est vrai , à appliquer chaque jour .

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha


14è auguste 1767, à Ferney


Madame,


Je suis pénétré jusqu'au fond du cœur des lettres dont votre Altesse Sérénissime m'honore. Vos bontés devraient sans doute bannir de mon esprit toute idée d'un La Beaumelle [i]. S'il n'était question que de moi, je n'y penserais pas, mais daignez songer, Madame, que je dois répondre au tribunal de l'Europe des vérités que j'ai dites dans le Siècle de Louis XIV, siècle heureux où toute la branche Ernestine dont vous êtes aujourd'hui l'ornement était la meilleure alliée de la France. Je trahirais lâchement mon devoir si je laissais subsister les calomnies que La Beaumelle réimprime contre presque tous ceux qui ont illustré ce beau siècle. Je sais que Votre Altesse Sérénissime est trop instruite et trop juste pour se laisser séduire par ces impostures, mais combien de lecteurs, Madame, ne sont ni justes ni éclairés! Considérez, Madame, qu'il n'y a pas une seule cour qui ne s'empresse de réfuter dans les papiers publics les mensonges des gazettes. Ces combats durent quelquefois des mois entiers. Voudriez-vous ravir aux particuliers le droit de se défendre? Non, sans doute, et ce n'est pas même comme simple particulier que je dois agir, mais comme un homme qui a été chargé de la cause publique. Je dirais plus encore. Votre Altesse Sérénissime sait avec quelle insolence La Beaumelle a parlé de votre auguste maison [ii]. Voudriez-vous que je l'oubliasse, parce que vous lui pardonnez ? Je ne le puis, Madame. La vérité ne pardonne point, mais elle ne punit qu'en se montrant. C'est par sa lumière qu'elle confond ceux qui veulent l'obscurcir. Les princes auxquels ce misérable a jeté de la boue feront ce que leur grandeur et leur clémence pourront leur dicter, mais pour moi, je suis trop petit pour ne pas me défendre.



La reconnaissance que je dois à toutes vos bontés, Madame, est le sentiment le plus profond qui m'occupe. Vous êtes ma protectrice et ma consolation. Je suis également dévoué à la vérité et à Votre Altesse Sérénissime avec le plus profond respect, et la plus vive reconnaissance.



Votre vieux suisse. »


iLe 24 juillet, après « avoir prié et conjuré (V* qui a pris à témoin le duc et la duchesse) les mains jointes … qu'il ne soit plus question du duc et d'(elle) dans toute cette affaire », le 10 août la duchesse le « conjurait » « d'abandonner et l'affaire et le procès et le pauvre aventurier à leur triste sort », de ne plus se « chamailler avec un extravagant ...»


ii Dans Mes Pensées ; cf. lettre du 3 août à Lavaysse.



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pour une heure de vérité, il faut se remuer le popotin et les méninges ! Non ?

13/08/2010

elle ne peut réussir que par votre art, très peu connu, de faire valoir le médiocre, et d'escamoter le mauvais par un mot heureusement substitué à un autre

 

Shakespeare in love, certainement pas inspiré par Volti ; je choisis cet extrait musical "Fight" (Combat, ce qui correspond au ton de la lettre)et qui est suivi du Jeu et du Mariage (comme qui dirait la réconciliation sur l'oreiller !)

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Et comme il est question de bordel :

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Cru, ce qu'exprime cette demoiselle  ?

Oui ! Assumons ! Vous qui n'aimez pas à moitié, vous qui n'aimez pas le tiède, je vous recommande sa fréquentation.

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert


13 d'auguste [1776]


Je sens bien, mon cher ami, que je n'ai pas assez travaillé ma déclaration de guerre à l'Angleterre [i]; elle ne peut réussir que par votre art, très peu connu, de faire valoir le médiocre, et d'escamoter le mauvais par un mot heureusement substitué à un autre, par une phrase heureusement accourcie, par une expression sous-entendue, enfin par tous les secrets que vous avez [ii].


Tout le plaisant de l'affaire consiste assurément dans le contraste des morceaux admirables de Corneille et de Racine, avec les termes du bordel et de la halle que le divin Shakespeare met continuellement dans la bouche de ses héros et de ses héroïnes . Je suis toujours persuadé que quand vous avertirez l'Académie qu'on ne peut pas prononcer au Louvre ce que Shakespeare prononçait si familièrement devant la reine Élisabeth, l'auditeur qui vous aura bon gré de votre retenue laissera aller son imagination beaucoup au-delà des infamies anglaises qui resteront sur le bout de votre langue.


Le grand point, mon cher philosophe, est d'inspirer à la nation le dégoût et l'horreur qu'elle doit avoir pour Gilles Le Tourneur, préconiseur de Gilles Shakespeare, de retirer nos jeunes gens de l'abominable bourbier où ils se précipitent,[iii] de conserver un peu de notre honneur, s'il nous en reste. Je remets tout entre vos mains. Soyez aujourd'hui mon Raton [iv]; coupez, taillez, rognez, surtout effacez. Mais je vous conjure de laisser subsister mon invocation à la reine et à nos princesses. Il faut les engager à prendre notre parti. Je dois surtout prendre la reine pour ma protectrice, puisqu'elle a daigné renoncer à Lekain, pendant un mois en ma faveur [v]. Elle aime le théâtre tragique ; elle distingue le bon du mauvais, comme si elle mangeait du beurre et du miel [vi]; elle sera le soutien du bon goût.


Je vous prierai de me renvoyer la diatribe, quand vous aurez daigné la lire et l'embellir. J'y retravaillerai encore ; j'ai des matériaux, et je vous la renverrai par M. de Vaines. Je crois que c'est au libraire de l'Académie d'imprimer ce petit morceau. Il augmentera le nombre de mes ennemis ; mais je dois mourir en combattant, quand vous êtes mon général. »

 


iLa Lettre … à l'Académie française … par laquelle il répond à l'éloge qu'a fait Le Tourneur de Shakespeare au détriment des auteurs français, et qu'il vient d'envoyer à d'Alembert pour obtenir l'aval de l'Académie ; cf. lettres de 19 et 30 juillet à d'Argental.

ii Le 4 août, d'Alembert a demandé, au nom de l'Académie, quelques modifications avant la lecture publique du 25 : « … il est nécessaire de taire le nom du traducteur … il serait nécessaire … de retrancher dans les citations de Shakespeare quelques traits un peu trop libres pour être hasardés dans une pareille lecture. » Pour gagner du temps il proposa de se charger des « retranchements ».

iii Cf. lettre du 30 juillet à d'Argental.

 

iv Raton = V* et d'Alembert = Bernard ; cf lettres à d'Alembert des 1, 4 et 15 janvier 1773.

vPour que Lekain vienne jouer à Ferney et à Genève ; cf. lettre du 24 juin à d'Argental.

vi Citation d'Isaïe.