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10/08/2010

qu'il prie Dieu avec elle mardi, qu'il couche avec elle mercredi ; et puis il entrera à l'Académie tant qu'il voudra, et quand il voudra.

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 Que faire ?

Danser ?

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En tout cas, Volti connaissait bien l'usage de la promotion canapé, sinon pour lui-même, du moins pour ses amis. Ah ! quels conseils réalistes !

 

 

 

« A Louise-Florence Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

et au

baron Frédéric Melchior von Grimm


 

[vers le 10 août1760]


 

 

Il faut qu'il entre [Diderot, à l'Académie fançaise], mon adorable philosophe, qu'il entre, qu'il entre, vous dis-je. Contrains-les d'entrer [évangile de Luc].


 

Notre cher Habacuc [ = prophête = Grimm qui écrivit le Petit prophête de Boemischbroda], du courage, je vous en prie. La chose vous paraît impossible ? Je vous [ai] déjà dit que c'est une raison pour l'entreprendre. Nous réussirons ; croyez-moi. Ce sera un beau triomphe. Mais que Diderot nous aide et qu'il 'aille pas s'amuser à griffonner du papier dans un temps où il doit agir. Il n'a qu'une chose à faire mais il faut qu'il la fasse. C'est de chercher à séduire quelque illustre sot ou sotte, quelque fanatique sans avoir d'autre but que de lui plaire. Il a trois mois pour adoucir les dévots. C'est plus qu'il ne faut . Qu'on l'introduise chez madame … ou madame … ou madame, lundi, qu'il prie Dieu avec elle mardi, qu'il couche avec elle mercredi ; et puis il entrera à l'Académie tant qu'il voudra, et quand il voudra.


 

Comptez qu'on est très bien disposé à l'Académie. Je recommande surtout le secret . Que Diderot ait seulement une dévote dans sa manche ou ailleurs ; et je réponds du succès. On s'est déjà ameuté sur mes pressantes sollicitations. Travaillez sous terre tous tant que vous êtes. Ne perdez pas un moment, ne négligez rien. Vous porterez à l'Infâme un coup mortel. Et je vous donne ma parole d'honneur de venir à l'Académie le jour de l'élection. Je suis vieux. Je veux mourir au lit d'honneur.


 

Ma belle philosophe sait-elle que je fais bâtir une église ? Oui une église d'ordre dorique à Ferney ? Ô Habacuc, criez sur les toits cette nouvelle consolante. Si Diderot veut y venir dire la messe je la servirai.


 

Ma chère philosophe, voici une autre histoire, une autre négociation. N'est-ce pas M. Faventine qui a le département du domaine [fermier général des droits du domaine]? M. d'Epinay ne peut-il pas quand il rencontrera ce terrible Faventine au conseil des fermes, lui dire : Monsieur, ne savez-vous rien de nouveau sur le pays de Gex ? ne vous a-t-on rien dit touchant certains arrangements avec le Roi [les privilèges seigneuriaux attachés à la terre de Tournay], n'a-t-il rien transpiré ? Alors M. Faventine dira oui ou non ; et ce oui ou ce non, vos belles mains me l'écriront.


 

Mais qu'il entre, qu'il entre, qu'il entre à l'Académie. J'ai cela dans la tête, voyez-vous ! Ma belle philosophe, je vous ai dans mon cœur. Il est vieux mon cœur, mais il rajeunit quand il pense à vous. Tronchin dit que vous avez de gros tétons [&]. Qu'il entre, vous dis-je, et détruisons l'Infâme. Tel est mon avis et qu'on ruine Carthage, disait Caton, qui n'était pas si vieux que moi.


 

Ô belle philosophe ! Ô Habacuc ! je vous salue en Belzébuth.


 

V. »

&Théodore Tronchin par qui elle s'est faite soigner à Genève.

J.-J. Rousseau dit dans les Confessions : « ...elle était fort maigre, fort blanche, de la gorge comme sur ma main. »

Elle aurait été enceinte.

Ce qui vaudrait cette allusion de V* ?

09/08/2010

je me cherche des crimes pour justifier votre indifférence. Je vois bien qu'il n'y a point de passion qui ne finisse

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 Comme toute grande coquette, se faire désirer ...

 

 

« A Catherine II, impératrice de Russie


 

A Ferney, 9 auguste 1774


 

Madame,


 

Je suis positivement en disgrâce à votre cour. Votre Majesté Impériale m'a planté là pour Diderot ou pour Grimm ou pour quelque autre favori. Vous n'avez eu aucun égard pour ma vieillesse. Passe encore si Votre Majesté était une coquette française, mais comment une impératrice victorieuse et législatrice peut-elle être si volage ?


 

Je me suis brouillé pour vous avec tous les Turcs [voir tout ce que V* a écrit depuis 1768 sur eux et le sultan depuis le début de la guerre russo-turque], et même encore avec M. le marquis Pugatshew [$], et votre oubli est la récompense que j'en reçois! Voilà qui est fait, je n'aimerai plus d'impératrice de ma vie.


 

Je songe cependant que j'aurais bien pu mériter ma disgrâce. Je suis un petit vieillard indiscret qui me suis laissé toucher par les prières d'un de vos sujets nommé Rose, Livonien de nation, marchand de profession, déiste de religion, qui est venu apprendre la langue française à Ferney. Peut-être n'a-t-il pas mérité vos bontés que j'osais réclamer pour lui.


 

Je m'accuse encore de vous avoir ennuyée par le moyen d'un Français dont j'ai oublié le nom [« L'avocat Dumesnil qui voulait aider (l'impératrice) à faire des lois » et dont V* reparlera le 19 octobre], qui se vantait de courir à Pétersbourg pour être utile à Votre Majesté et qui sans doute a été fort inutile.


 

Enfin je me cherche des crimes pour justifier votre indifférence. Je vois bien qu'il n'y a point de passion qui ne finisse.[$$] Cette idée me ferait mourir de dépit si je n'étais pas tout près de mourir de vieillesse.


 

Que Votre Majesté, Madame, daigne donc recevoir cette lettre comme ma dernière volonté, comme mon testament. Signé votre admirateur, votre délaissé, votre vieux Russe de Ferney.


 

V. »

$ Insurrection menée par le pseudo-tsar Pougatchev ; en janvier Catherine écrivait : «  Je m'attendais à y voir [à Silistrie] les oisifs fort occupés d'un voleur de grand chemin qui pille le gouvernement d'Orembourg, et qui tantôt pour effrayer les paysans prend le nom de Pierre III et tantôt celui de son employé ».



 

$$ Le 4 septembre Catherine répond : « … quoique très plaisamment vous prétendiez être en disgrâce à ma cour, je vous déclare que vous ne l'êtes point … Je vous révêre tout comme par le passé … Mais en vérité … j'aurais envie de me plaindre à mon tour des déclarations d'extinction de passion que vous me faites... »

 

 

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08/08/2010

est-il vrai que nous avons été un peu frottés en Allemagne ?

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Je ne vous ai pas trop saoulé ? Est-ce mon inconscient qui parle, à l'heure où je n'ai pas encore petit-déjeuné, à la minute où je songe plus à remplir mon frigo qu'à aller à la messe ? D'en parler, l'appétit me vient,... et la soif aussi ...

J'enfourche mon fidèle destrier Peugeot et pédale en essayant d'oublier la côte qui m'attend au retour .

Je parle au présent alors que c'est seulement un futur proche , allez, allons, j'y vais après un dernier clic pour mettre cette note en ligne .

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental


 

8è auguste [1762]


 

Mes divins anges, est-il vrai que nous avons été un peu frottés en Allemagne ?[Dans cette dernière campagne, d'Estrées est vaincu à Wilhelmstadt, et Cassel capitulera le 1er novembre. Le prince de Condé, après l'affaire de Brückermühle et la perte d'Amonsberg, est rejeté sur le Rhin]


 

Est-il vrai que le vieux comte de Munik a pris parti pour l'ivrogne Pierre Ulric ?[le 7 août, V* explique cette option ; «  ce vieux héros de comte de Munich (Burchard Christof comte von Munich) … aime peu les dames depuis que l'une d'elles l'a envoyé en Sibérie », précisément la tsarine Élisabeth qui l'avait exilé. ]



 

Est-il vrai que la paix est signée avec l'Angleterre, que le duc de Bethford vient à Paris, et que le duc de Nivernais va à Londres ? [le duc de Bedford est envoyé à Paris et le duc de Nivernais à Londres ; le traité de Fontainebleau ne sera signé que le 3 novembre 1762, et la paix de Paris le 10 février 1763.]



 

Est-il vrai qu'un empereur soit mort, soit celui de Germanie soit celui de toutes les Russies ?[Pierre Ier, tsar, est mort le 17 juillet après avoir été renversé le 9 juillet par sa femme qui devient Catherine II ; elle fera attribuer ce décès à des hémorroïdes et des coliques.]



 

Est-il vrai que le bailli de Froulai s'est joint à un certain Beaumont contre le tripot ?[le 5 août à Damilaville : « Est-il bien vrai que l'archevêque de Paris » (Christophe de Beaumont) ait « suspendu (le curé de Saint Jean de Latran) pour avoir fait » « un service pour l'âme poétique de M. de Crébillon » «  aux dépens des comédiens du roi ?» ; aux d'Argental, le 7 août : « Est-il possible » que « le bailli de Froulai (ambassadeur de Malte) se soit déclaré contre les comédiens et contre ce bon curé de Saint-Jean de Latran ? Il n'aurait jamais fait pareille infamie du temps de Mlle Lecouvreur et du chevalier d'Aydie ». ]



 

Quelle horreur pendant que j'achève Cassandre !



 

Est-il vrai qu'on a présenté requête au chancelier pour la veuve Calas ?



 

Est-il vrai que le garde des sceaux se meurt ?[Berryer meurt le 15 août]



 

Est-il vrai que le maréchal de Richelieu viendra dans mon trou ?[il viendra le 1er octobre]



 

Est-il vrai qu'on regarde Joliot de Crébillon comme un bon poète ?



 

Vous allez dire que je suis bien curieux.



 

Je baise le bout de vos ailes. »

 

Et pour rester dans le ton rouge-blanc-rosé du début: L'ivrogne corrigé, de Gluck. L'épouse ne semble pas ici avoir eu la main aussi lourde que Catherine II !

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 Et clin d'oeil de l'actualité , -que je rajoute à midi,- qui va avec le titre que j'avais choisi pour cette note : http://www.laposte.net/thematique/actualites/economie/article.jsp?idArticle=20100808114226-bussereau---la-france--ne-bloque-pas-les-trains-allemands-&idAgg=actu_economie

 

 

Les hommes sont faits originairement, ce me semble , pour penser, pour s'instruire, et non pour se tuer.

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En douceur, la liberté ...

 

 

« A René-Louis de Voyer de Paulmy, marquis d'Argenson


 

A La Haye, au palais du roi de Prusse

le 8 d'août [1743]


 

Soyez chancelier de France, Monsieur, si vous voulez que j'y revienne ; rendez-nous la gloire des lettres quand nous perdons celle des armes . Les hommes sont faits originairement, ce me semble , pour penser, pour s'instruire, et non pour se tuer. Faut-il que la guerre ne soit pas encore la seule persécution que les arts essuient ? Je gémis de voir ce pauvre abbé Lenglet [Lenglet du Fresnoy : Mémoires servant d'éclaircissement et de preuves à l'histoire de M. de Thou, tome 6è,... 1743] enfermé, à soixante-dix ans, dans la Bastille, après nous avoir donné une bonne méthode pour étudier l'histoire, et d'excellentes tables chronologiques [La Méthode pour étudier l'histoire, 1713 et les Tables chronologiques de l'histoire universelle,1729]. Qui sont donc les vandales qui se sont imaginés que l'impression du VIème volume des additions à l'Histoire de ce bon président de Thou était un crime d'État ? Quel comble de barbarie et quel excès de petitesse de ne pas permettre qu'on imprime des livres où l'on explique Newton, et où l'on dit que les rêveries de Descartes sont des rêveries !


 

J'aime encore mieux l'abus qu'on fait ici de la liberté d'imprimer ses pensées, que cet esclavage dans lequel on veut chez vous mettre l'esprit humain. Si l'on y va de ce train, que nous restera-t-il que le souvenir de la gloire du beau siècle de Louis XIV ?


 


 

Cette décadence me ferait souhaiter de m'établir dans le pays où je suis à présent. N'ayant rien à y prétendre, je n'aurais point de plaintes à former. Je vivrais tranquille, et j'y souhaiterais à la France des temps plus brillants.


 

Il y a ici des hommes très estimables ; La Haye est un séjour délicieux l'été, et la liberté y rend les hivers moins rudes. J'aime à voir les maîtres de l'État simples citoyens. Il y a des partis, et il faut bien qu'il y en ait dans une république ; mais l'esprit de parti n'ôte rien à l'amour de la patrie, et je vois de grands hommes opposés à de grands hommes.


 

Je suis bien aise, pour l'honneur de la poésie, que ce soit un poète [William Van Haren, poète et député ; il pense que le gouvernement hollandais ne soutient pas assez Marie-Térèse] qui ait contribué ici à procurer des secours à la reine de Hongrie, et que la trompette de la guerre ait été la très humble servante de la lyre d'Apollon. Je vois d'un autre côté, avec non moins d'admiration, un des principaux membres de l'État dont le système est tout pacifique, marcher à pied sans domestiques, habiter une maison faite pour ces consuls romains qui faisaient cuire leurs légumes, dépenser à peine deux mille florins par an pour sa personne et en donner plus de vingt mille à des familles indigentes.[V* pense à Halluin, de Dordrecht]


 

Ces grands exemples échappent à la plupart des voyageurs. Mais ne vaut-il pas mieux voir de telles curiosités que les processions de Rome, les récollets au capitole, et le miracle de Saint Janvier [son sang coagulé, dans une fiole, doit se liquéfier le jour de sa fête, sinon cest un mauvais présage]? Des hommes de bien, des hommes de génie : voilà mes miracles.



 

Ce gouvernement-ci vous plairait infiniment, même avec les défauts qui en sont inséparables. Il est tout municipal, et voilà ce que vous aimez. La Haye d'ailleurs est le pays des nouvelles et des livres ; c'est proprement la ville des ambassadeurs ; leur société est toujours très utile à qui veut s'instruire. On les voit tous en un jour. On sort, on rentre chez soi ;chaque rue est une promenade ; on peut se montrer, se retirer tant qu'on veut. C'est Fontainebleau, et point de cour à faire.



 

Adieu, Monsieur ; plût à Dieu que je pusse vous faire la mienne ! Vous savez si je vous suis attaché pour jamais. »

 

 

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07/08/2010

J'ai encore une passion plus forte que celle des tragédies

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« A Louis-François-Armand du Plessis , duc de Richelieu


7è auguste 1773, à Ferney

 

Si mon héros a un moment de loisir à Compiègne, je le supplie de daigner lire un petit précis très vrai et très exact , du meurtre de M. de Lally, lieutenant général ; et un précis très court de l'affaire de M. de Morangiès, maréchal de camp [@]. Il peut être sûr de ne trouver dans ces deux mémoires aucun fait qui ne soit appuyé sur des papiers originaux qu'on a entre les mains.


On a joué Les Lois de Minos à Lyon avec beaucoup de succès . Un acteur nommé La Rive [Jean Mauduit, dit de Larive] a emporté tous les suffrages dans le rôle de Datame, et Laville a prié Lekain de jouer le rôle de Teucer à son retour au mois de septembre.


Pour moi, je vous supplie instamment, Monseigneur, d'avoir la bonté d'ordonner aux Comédiens de Paris de jouer les tragédies de Sophonisbe et de Minos . Je compte sur vos promesses autant que je suis pénétré de vos bontés . Je ne demande après tout que ce qu'on ne pourrait refuser à MM. Lemierre et Portelance [@@].

 

J'ai encore une passion plus forte que celle des tragédies, ce serait de vous faire ma cour au moins deux jours avant de mourir au premier voyage que vous feriez dans notre royaume de Guyenne. Il ne faut nulle permission pour cela [@@@], les chemins sont libres ; je mourrais content.


J'envoie ce paquet sous le couvert de M. le duc d'Aiguillon, ne sachant pas si vous avez vos ports francs pour les gros paquets qui ne viennent point de votre gouvernement. Vous ne m'avez jamais répondu sur cet article.


Daignez me conserver vos bontés ; elles sont la première des consolations d'un homme qui bientôt n'aura plus besoin d'aucune. »

 


@Cf. lettres du 13 janvier 1766 à d'Alembert, 28 avril 1773 au chevalier Lally (Fils), 30 mai 1772 à Richelieu, 7 juin 1773 à d'Alembert.


@@ Portelance auteur de Antipater, qui a eu un échec retentissant en 1751.

Lemierre, auteur d'un Guillaume Tell qui eut priorité sur les Scythes de V* en décembre 1766.


@@@ V* a besoin d'une permission pour aller à Paris et depuis longtemps Richelieu est sensé se charger de la négocier.

Je veux aussi , Madame, vous vanter les exploits de ma patrie . Nous avons depuis quelque temps une danseuse excellente à l'Opéra de Paris

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« A Catherine II


7è auguste 1771


Madame,


Est-il bien vrai ? Suis-je assez heureux pour qu'on ne m'ait trompé ? Quinze mille Turcs tués ou faits prisonniers auprès du Danube, et cela dans le même temps que les troupes de Votre Majesté Impériale entrent dans Perecop [#]. Cette nouvelle vient de Vienne. Puis-je y compter ? mon bonheur est-il certain ?


Je veux aussi , Madame, vous vanter les exploits de ma patrie . Nous avons depuis quelque temps une danseuse excellente à l'Opéra de Paris [Anne-Victor Dervieux (?)]. On dit qu'elle a de très beaux bras . Le dernier opéra-comique n'a pas eu un très grand succès [Les Jardiniers, de Davesne, musique de Prudent, joué au Théâtre italien le 15 juillet 1771], mais on en prépare un qui fera l'admiration de l'univers. Il sera exécuté dans la première ville de l'univers, par les meilleurs acteurs de l'univers.


Notre contrôleur général des Finances qui n'a pas l'argent de l'univers dans ses coffres, fait des opérations qui lui attirent des remontrances et quelques malédictions [##].


Notre flotte se prépare à voguer de Paris à Saint-Cloud.


Nous avons un régiment dont on a fait la revue ; et les politiques en présagent un grand événement.


On prétend qu'on a vu un détachement de jésuites vers Avignon [###], mais qu'il a été dissipé par un corps de jansénistes qui était fort supérieur. Il n'y a eu personne de tué, mais on dit qu'il y aura plus de quatre convulsionnaires d'excommuniés.


Je ne manquerai pas, Madame, si Votre Majesté Impériale le juge à propos, de lui rendre compte de la suite de ces grands révolutions.


Pendant que nous faisons des choses si mémorables, Votre Majesté s'amuse à prendre des provinces en terre ferme, à dominer sur la mer de l'archipel et sur la mer Noire, à battre des armées turques. Voilà ce que c'est de n'avoir rien à faire, et de n'avoir qu'un petit État à gouverner.


Je n'en suis pas moins attaché à Votre Majesté Impériale avec un profond respect, et un inviolable dévouement qui ne finira qu'avec ma vie.


Le vieux malade de Ferney. »


#Elle répondra le 4/15 septembre qu'il n'y a eu cet été qu'un combat de ce côté du Danube, et que Bucarest « est toujours entre ses mains, avec toutes les places de la rive du Danube depuis Giurghi (Giurgievo) jusqu'à la mer Noire ».

L'isthme de Perekop sépare la mer d'Azov de la mer Noire.


## L'abbé Terray suspendit le paiement des rescriptions, rogna les pensions et les rentes viagères, prorogea les vongtièmes, augmenta taille et gabelle, emprunta d'autorité aux titulaires d'offices, rétablit la vénalité des offices municipaux …


### Allusion parodique au conflit avec le pape et la reprise d'Avignon par la France à la suite de l'excommunication du duc de Parme en 1768.

Les langages, à mon gré, sont comme les gouvernements, les plus parfaits sont ceux où il y a le moins d'arbitraire

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« A Pierre-Jean-Jacques-Guillaume Guyot


7è auguste 1767, à Ferney


Il est très certain, Monsieur, que la France manque d'un bon Vocabulaire [Guyot fut un des auteurs du Grand Vocabulaire français, 1767-1774]; l'Espagne [Diccionario de la lengua castellana … compuesto por la real Academia española, 1726-1739] et l'Italie [Vocabulario degli accademici della Crusca, 1612] en ont, tous les mots y sont marqués avec leur étymologies, leurs significations propres et figurées, avec des exemples tirés des meilleurs auteurs dans les différents styles . Il faut remarquer surtout qu'en espagnol et en italien, on écrit comme on parle. Tout cela est à désirer dans nos dictionnaires. Notre écriture est perpétuellement en contradiction avec notre prononciation. Il n'y a point de raison, pour laquelle je croiois, j'octroiois, doivent s'écrire ainsi, quand on prononce je croiais, j'octroiais [cette graphie en ai ne sera adoptée par l'Académie qu'en 1835. V* pense qu'on reconnaît ses publications à cette graphie]. Le second oi ne doit pas être plus privilégié que le premier. Du temps de Corneille on prononçait encore je connois, et même on retranchait l's. Vous voyez dans Héraclius :


Qu'il entre ; à quel dessein vient-il parler à moi,

Lui que je ne vois point, qu'à peine je connoi ?

[on prononçait wé]



On ne souffrirait point aujourd'hui une pareille rime puisque l'on prononce je connais.



Notre langue est très irrégulière. Les langages, à mon gré, sont comme les gouvernements, les plus parfaits sont ceux où il y a le moins d'arbitraire. Il est bien ridicule que d'augustus on ait fait aoust, de pavonem, paon, de Cadomum, Caen, de gustus, goût . Les lettres retranchées dans la prononciation prouvent que nous parlions très durement ; ces mêmes lettres que l'on écrit encore sont nos anciens habits de sauvages.



Que de termes éloignés de leur origine ! Pédant qui signifie instructeur de la jeunesse est devenu une injure . De fatuus qui signifiait prophète on a fait un fat [en latin, fatuus avec un a long est, selon Varron, un mot du vocabulaire religieux archaïque qui désigne le Devin ; mais fatuus avec un a bref signifie ou fade, ou extravagant et en substantif désigne le fou, le bouffon]. Idiot qui signifiait solitaire ne signifie plus qu'un sot [en grec ce mot était employé au sens de « simple, ignorant, vulgaire » (à partir du sens de « simple particulier ») ; en latin ça désigne « qui n'est pas connaisseur, profane, ignorant »].



Nous avons des architraves et point de trave, des archivoltes et point de volte en architecture, des soucoupes après avoir banni les coupes, on est impotent et on n'est point potent, il y a des gens implacables et pas un de placable. On ne finirait pas si on voulait exposer tous nos besoins. Cependant notre langue se parle à Vienne, à Berlin, à Stokolm, à Copenhague, à Moscou. Elle est la langue de l'Europe, mais c'est grâce à nos bons livres et à la régularité de notre idiome. Nos excellents artistes ont fait prendre notre pierre pour de l'albâtre.



J'attends, Monsieur, votre Vocabulaire pour fixer mes idées et je vous remercie par avance de votre politesse et de vos instructions. »