11/09/2016
Je prends une plus grande liberté . Je me soumets à votre arbitrage
... L'arbitrage du peuple . Si j'en crois les derniers chiffres de sondages, plus de 60% d'électeurs se disent prêts à participer aux élections des primaires ! Ha ! la belle affaire !
Français vous êtes vraiment inconséquents . Voter pour des primaires , vous le pouvez et puis pfutt ! plus personne pour la suite, comme si vous aviez achevé les travaux d'Hercule simplement avec vos petits doigts sur vos IPhones (bouffeurs de temps et de cervelles, qui engraissent des multinationales).
Petit rappel :
"En poursuivant votre navigation sur ce site vote, vous acceptez l'utilisation de cookies l'élection de couillons. Ces derniers assurent le bon fonctionnement rendement de nos services leurs bénéfices. En savoir plus ."
En savoir plus , et pourquoi pas : https://www.youtube.com/watch?v=u6PfBfDIUEI
« A Jean-Philippe Fyot de La Marche
A Ferney, par Genève, 28 septembre 1761
Monsieur, je crois rendre ce que je dois à votre probité et en même temps montrer mon respect pour vous et pour le parlement en vous instruisant du procès et du procédé de M. le président De Brosses 1. Je ne sais quel fétiche le possède 2. Mais j'ose vous supplier, monsieur, de lire ma réponse à l'assignation qu'il m'a donnée . Je prends une plus grande liberté . Je me soumets à votre arbitrage . Monsieur votre père, qui m'a fait l'honneur de passer quelques jours dans ma cabane, est instruit de toute cette affaire . Elle est exactement telle que le mémoire ci-joint la présente . Je n'ai altéré aucune circonstance . Jugez s'il est convenable à un homme qui a l'honneur d'être de votre respectable corps de s'exposer à de telles vérités . Sa conduite me fait autant de peine pour lui que pour moi-même et je demande votre pitié pour lui et pour moi . Il est dur de plaider contre lui et il est triste qu'il plaide . Il ne doit qu'apaiser les différends et non en avoir . Celui-ci est d'une nature bien étrange ; je crois lui rendre un très grand service en prenant la liberté de m'adresser à vous . Et s'il veut s'en remettre à votre jugement, je m'y soumets comme je le dois .
Je suis avec beaucoup de respect,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Le procès de V* avec De Brosses au sujet du paiement du bois qu'il s'était fait livrer le premier avait été déféré le 24 septembre devant le bailliage de Gex . Voir : https://archive.org/stream/laquerelleduprs01cunigoog/laquerelleduprs01cunigoog_djvu.txt
2 De Brosses avait écrit un ouvrage sur les « dieux fétiches » ; voir lettre du 12 décembre 1759 à De Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/21/et-parcus-victus-cum-deficiente-crumena-et-une-vie-frugale-e-5517378.html
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10/09/2016
il faut que je rie, pour me distraire du chagrin que me donnent les sottises de ma patrie.
... J'ai choisi la phrase la moins pessimiste de cette lettre, où j'avais le choix de constats et craintes désagréables .
Rions .
Réjouissons-nous .
Admirons les humains qui donnent le meilleur d'eux-mêmes à Rio et partout dans le monde , diminués dans leur corps mais exemplaires par leur volonté et leurs talents, je n'ai pas de mots pour exprimer mon admiration pour ceux qui sont sur tous les écrans et pour tous ceux qui au quotidien surmontent leurs handicaps .
Oublions un moment les sottises, il en viendra bien encore assez, nos politiciens et syndicalistes en sont grands pourvoyeurs à petit mental, grandes gueules .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
28 septembre 1761 1
O mes anges ,
Tout ce que j’ai prédit est arrivé. Au premier coup de fusil qui fut tiré, je dis : En voilà pour sept ans. Quand le petit Bussy alla à Londres (1)2, j’osai écrire à M. le duc de Choiseul qu’on se moquait du monde, et que toutes ces idées de paix ne serviraient qu’à amuser le peuple. J’ai prédit la perte de Pondichéry, et enfin j’ai prédit que le Droit du Seigneur de M. Picardet réussirait 3. Mes divins anges, c’est parce que je ne suis plus dans mon pays que je suis prophète. Je vous prédis encore que tout ira de travers, et nous serons dans la décadence encore quelques années, et décadence en tout genre ; et j’en suis bien fâché.
On m’envoie des Gouju (2)4 ; je vous en fais part.
Je crois avec vous qu’il y a des moines fanatiques, et même des théologiens imbéciles ; mais je maintiens que, dans le nombre prodigieux des théologiens fripons, il n’y en a jamais eu un seul qui ait demandé pardon à Dieu en mourant 5, à commencer par le pape Jean XII, et à finir par le jésuite Letellier et consorts. Il me paraît que Gouju écrit contre les théologiens fripons qui se confirment dans le crime en disant : la religion chrétienne est fausse ; donc il n’y a point de Dieu. Gouju rendrait service au genre humain, s’il confondait les coquins qui font ce mauvais raisonnement. Mais vraiment oui, Dieu, qui savez punir, qu’Atide me haïsse 6, est une assez jolie prière à Jésus-Christ ; mais je ne me souviens plus des vers qui précèdent ; je les chercherai quand je retournerai aux Délices.
J'étais désespéré, je jurais quand Mlle Clairon disait :
On croit qu'à Solamir mon cœur se sacrifie 7.
Eh pauvre femme, il s'agit bien ici de ton cœur, il s'agit de n'être pas pendue ! pourquoi parles-tu de Solamir ? personne n'a dû t'en parler . Si tu crois que tu vas être pendue pour lui, pourquoi dis-tu au quatrième acte en parlant de ton cher Tancrède :
Que veut-il, quelle offense excite son courroux,
De qui dans l'univers peut-il être jaloux ?8
Enfin il y a mille raisons qui doivent faire réprouver ce détestable vers qui commence par ces mots comiques on croit . Qu'on ait la bonté de me faire apercevoir de mes défauts , je remercie à genoux, mais qu'on gâte ma pièce par des vers qui me donnent la fièvre ! je vous avoue que j'en mourrais de chagrin . Au nom du bon goût et de mes vives douleurs empêchez que Mlle Clairon ne dise ce vers que j'ai en horreur .
Je lui ai envoyé une de mes notes sur Corneille, qui regarde sa profession, elle est certainement plus convenable et plus utile que la ridicule consultation du pauvre Huerne .
Je travaille sur Pierre, je commente, je suis lourd. C’est une terrible entreprise de commenter trente-deux pièces, dont vingt-deux ne sont pas supportables, et ne méritent pas d’être lues.
Les estampes étaient commencées. Les Cramer les veulent. Je ne me mêlerai que de commenter, et d’avoir raison si je peux. Dieu me garde seulement de permettre qu’ils donnent une annonce avant qu’on puisse imprimer . Je veux qu’on ne promette rien au public, et qu’on lui donne beaucoup à la fois. Mes anges, j’ai le cœur serré du triste état où je vois la France ; je ne ferai jamais de tragédie si plate que notre situation .
Je me console comme je peux. Qu’importe un Picardet ? ou Rigardet ? il faut que je rie, pour me distraire du chagrin que me donnent les sottises de ma patrie. Je vous aime, mes divins anges ; et c’est là ma plus chère consolation. Je baise le bout de vos ailes.
V.
N.B. – Qu’importe que M. le duc de Choiseul ait la marine ou la politique ! Mellin de Saint-Gelais, auteur du Droit du Seigneur, ne peut-il pas dédier sa pièce à qui il veut ? »
1L'édition de Kehl et suivantes supprime tout le passage : J'étais désespéré ….. Huerne . Le P.S. est écrit dans la marge du bas .
2 Le 23 mai 1761 ; sur la mission de Bussy voir lettre du 1er juin 1761 à Chennevières, où V* ne dit d'ailleurs pas exactement ce qu'il prétend avoir prévu ; voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/05/01/j-ai-ete-accable-de-mille-petites-affaires-qui-font-mourir-e-5795742.html
3 La pièce n'a pas encore été représentée .
4 Voir lettre du 14 septembre 1761 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/08/22/si-a-son-age-elle-joue-des-roles-de-petite-fille-on-peut-fai-5838720.html
5 Première référence conservée de V* au curé Meslier depuis 1735 .
6 Zulime, variante, Ac. III, 5 .
7 Tancrède, II, 7 ; le passage contenant ce vers a été remplacé par un autre .
8 Tancrède, IV, 5 .
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09/09/2016
La vérité est si belle, et les hommes d’État s’occupent si profondément de ces connaissances utiles, qu’il n’en faut épargner aucune au lecteur
... Ami Voltaire, ton humour et ton esprit sont inégalables, et s'adaptent si exactement à notre monde politique que l'on peut à juste titre douter qu'il y ait eu un quelconque progrès dans la manière de gagner des suffrages, et se parer du titre de dirigeant avec les avantages inégalables qui y sont liés .
Hommes/femmes politicien(ne)s , candidats à la présidentielle, vous ne nous épargnez guère en nous imposant votre prose, votre langue de bois, vos états d'âme, et vos voeux plus proches de lettres au père Noël que ceux d'adultes conscients des problèmes des citoyens qui n'en peuvent plus de payer vos gaffes .
Oui, mais quand ? Langues de bois à la dérive ...
« A Ivan Ivanovitch Schouvalov
Au château de Ferney par Genève
25è septembre 1761 1
Monsieur, j’ai reçu, par M. de Soltikof, les manuscrits que Votre Excellence a bien voulu m’envoyer ; et les sieurs Cramer, libraires de Genève, qui vont imprimer les Œuvres et les Commentaires de Pierre Corneille, ont reçu la souscription dont Sa Majesté Impériale daigne honorer cette entreprise 2. Ainsi chacun a reçu ce qui est à son usage : moi, des instructions, et les libraires des secours.
Je vous remercie, monsieur, des uns et des autres, et je reconnais votre cœur bienfaisant et votre esprit éclairé dans ces deux genres de bienfaits.
J’ai déjà eu l’honneur de vous écrire par la voie de Strasbourg, et j’adresse cette lettre par M. de Soltikoff, qui ne manquera pas de vous la faire rendre. Ce sera, monsieur, une chose éternellement honorable pour la mémoire de Pierre Corneille et pour son héritière, que votre auguste impératrice ait protégé cette édition autant que le roi de France. Cette magnificence, égale des deux côtés, sera une raison de plus pour nous faire tous compatriotes. Pour moi, je me crois de votre pays, depuis que Votre Excellence veut bien entretenir avec moi un commerce de lettres. Vous savez que je me partage entre les deux Pierre qui ont tous deux le nom de Grand ; et si je donne à présent la préférence au Cid et à Cinna, je reviendrai bientôt à celui qui fonda les beaux-arts dans votre patrie. J’avoue que les vers de Corneille sont un peu plus sonores que la prose de votre Allemand 3, dont vous voulez bien me faire part ; peut-être même est-il plus doux de relire le rôle de Cornélie que d’examiner avec votre profond savant si Jean Gutmanschts 4 était médecin ou apothicaire, si son confrère Van-gad 5 était effectivement Hollandais, comme ce mot van le fait présumer, ou s’il était né près de la Hollande. Je m’en rapporte à l’érudition du critique, et je le supplierai en temps et lieu de vouloir bien éclaircir à fond si c’était un crapaud 6 ou un écrevisse 7 qu’on trouva suspendu au plafond de la chambre de ce médecin, quand les Strelits l’assassinèrent.
Je ne doute pas que l’auteur de ces remarques intéressantes, et qui sont absolument nécessaires pour l’Histoire de Pierre-le-Grand, ne soit lui-même un historien très agréable, car voilà précisément les détails dans lesquels entrait Quinte-Curce quand il écrivait l’Histoire d’Alexandre. Je soupçonne ce savant Allemand d’avoir été élevé par le chapelain Nordberg 8, qui a écrit l’Histoire de Charles XII, dans le goût de Tacite, et qui apprend à la dernière postérité qu’il y avait des bancs couverts de drap bleu au couronnement de Charles XII. La vérité est si belle, et les hommes d’État s’occupent si profondément de ces connaissances utiles, qu’il n’en faut épargner aucune au lecteur. A parler sérieusement, monsieur, j’attends de vous de véritables mémoires sur lesquels je puisse travailler. Je ne me consolerai point de n’avoir pas fait le voyage de Pétersbourg il y a quelques années. J’aurais plus appris de vous, dans quelques heures de conversation, que tous les compilateurs ne m’en apprendront jamais. Je prévois que je ne laisserai pas d’être un peu embarrassé. Les rédacteurs des mémoires qu’on m’a envoyés se contredisent plus d’une fois, et il est aussi difficile de les concilier que d’accorder des théologiens. Je ne sais si vous pensez comme moi ; mais je m’imagine que le mieux sera d’éviter, autant qu’il sera possible, la discussion ennuyeuse de toutes les petites circonstances qui entrent dans les grands événements, surtout quand ces circonstances ne sont pas essentielles. Il me paraît que les Romains ne se sont pas souciés de faire aux Scaliger et aux Saumaise le plaisir de leur dire combien de centurions furent blessés aux batailles de Pharsale et de Philippe.
Notre boussole sur cette mer que vous me faites courir est, si je ne me trompe, la gloire de Pierre-le-Grand. Nous lui dressons une statue ; mais cette statue ferait-elle un bel effet si elle portait dans une main une dissertation sur les annales de Novogorod, et dans l’autre un commentaire sur les habitants de Crasnoyark. Il en est de l’histoire comme des affaires, il faut sacrifier le petit au grand. J’attends tout, monsieur, de vos lumières et de votre bonté . Vous m’avez engagé dans une grande passion et vous ne vous en tiendrez pas à m’inspirer des désirs.
Songez combien je suis fâché de ne pouvoir vous faire ma cour, et que je ne puis être consolé que par vos ordres.
J'ai l'honneur d'être avec les plus respectueux et les plus tendres sentiments
monsieur
de Votre Excellence
le très humble et très obéissant serviteur
Voltaire.
Pardonnez à un vieillard languissant et malade s'il n'a pas l'honneur de vous écrire de sa main. »
1 A la suite de la copie Beaumarchais, la fin à partir de J'ai l'honneur … manque dans toutes les éditions .
2 Le 31 juillet 1761, Schouvalov écrivait : « Je vous prie monsieur de souscrire pour deux cents exemplaires [de l'édition de Corneille] , dont la moitié pour la bibliothèque de sa Majesté Impériale et l'autre sera distribuée par votre serviteur à vos admirateurs ; j’enverrai par la poste prochaine une adresse à M. Solticof pour toucher huit cents ducats qui en font la somme, aux ordres que vous lui donnerez . »
3 Muller, voir lettre du 11 juin1761 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/05/07/j-ecris-en-francais-ne-dois-je-pas-me-conformer-a-la-douceur-5798685.html
4 Le personnage n'est pas identifié ; est-ce un nom forgé par V* .
5 Voir lettre du 11 juin 1761 à Schouvalov : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/05/07/j-ecris-en-francais-ne-dois-je-pas-me-conformer-a-la-douceur-5798685.html
6 Ce « crapaud » fait penser , au moins fugitivement, au crapaud qui avale Polichinelle dans le Pot Pourri, chapitre VII : https://fr.wikisource.org/wiki/Pot-pourri#VII
7 Sic ; le genre des mots commençant par une voyelle et finissant par e est très hésitant à l'époque classique (énigme, équivoque, intervalle ).
8 Sur le « chapelain Nordberg » à qui V* ne pardonne pas d'avoir signalé certaines de ses erreurs, voir : Joran A. Nordberg , Konung Carl den XIItes historia, 1740, traduite Histoire de Charles XII, roi de Suède, 1742-1748 . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/J%C3%B6ran_Nordberg
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08/09/2016
Je viens de bâtir une église où j'aurai le ridicule de me faire enterrer
... "Et voici un parti où j'aurai le ridicule de me faire élire " dirait Nico Ier s'il était moins imbu de sa petite personne et moins charognard , repris de justice, tricheur avéré . Et il en est qui osent encore l'écouter et le vouloir pour président . Que faire pour ces gens bornés ? Rien ! qu'ils se prennent une tannée électorale, et basta !
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville, ancien conseiller
du Parlement de Rouen
En sa terre de Launay
Par Rouen
23è septembre 1761 au château de Ferney
par Genève 1
Mon ancien camarade, mon cher ami, nos recevrons toujours à bras ouverts, quiconque viendra de votre part . Il est vrai que nous aimerions bien mieux vous voir que vos ambassadeurs ; mais ma faible santé me retient dans la retraite que j'ai choisie . Je viens de bâtir une église où j'aurai le ridicule de me faire enterrer, mais j'aime mieux le monument que j'érige à Corneille votre compatriote . Je suis bien aise que l'indifférent Fontenelle m’ait laissé le soin de Pierre et de sa nièce . L'un et l'autre amusent beaucoup ma vieillesse . Je vous exhorte à lire Pertharite avec attention . Lisez du moins le second acte et quelque chose du troisième . Vous serez tout étonné de trouver le germe entier de la tragédie d'Andromaque, les mêmes sentiments, les mêmes situations, les mêmes discours . Vous verrez un Grimoald jouer le rôle de Pyrrhus avec une Rodelinde, dont il a vaincu le mari qu'on croit mort . Il quitte son Edvige pour Rodelinde, comme Pyrrhus abandonne son Hermione pour Andromaque . Il menace de tuer le fils de sa Rodelinde, comme Pyrrhus menace Astyanax . Il est violent, et Pyrrhus aussi . Il passe de Rodelinde à Edvige, comme Pyrrhus d'Andromaque à Hermione .
Il promet de rendre le trône au petit de Rodelinde, Pyrrhus en fait autant, pourvu qu'il soit aimé . Rodelinde dit à Grimoald (scène 5è du 2è acte),
N'imprime point de tache à tant de renommée etc.
Andromaque dit à Pyrrhus :
Faut-il qu'un si grand cœur montre tant de faiblesse ?
Et qu'un dessein si beau, si grand, si généreux,
Passe pour le transport d'un esprit amoureux ? etc.
Ce n'est pas tout . Edvige a son Oreste . Enfin , Racine a tiré tout or du fumier de Pertharite , et personne ne s'en était douté, pas même Bernard de Fontenelle, qui aurait été bien charmé de donner quelques légers coups de patte à Racine .
Vous voyez mon cher ami, qu'il y a des choses curieuses, jusque dans la garde-robe de Pierre . La comparaison que je pourrai faire de lui et des Anglais, ou des Espagnols, qui auront traité les mêmes sujets, sera peut-être agréable . À l'égard des bonnes pièces je ne fais aucune remarque sur laquelle je ne consulte l'Académie . Je lui ai envoyé toutes mes notes sur Le Cid, les Horaces, Pompée, Polyeucte, Cinna, etc.
Ainsi mon commentaire pourra être à la fois un art poétique et une grammaire .
Il n'est question que du théâtre, je laisse là l'imitation de Jésus-Christ, et je m'en tiens à l'imitation de Sophocle . Vous me ferez pourtant plaisir de m'envoyer la description du Presbytère d'Hénouville 2 . Je ne crois pas que je chante jamais les presbytères de mes curés ; je leur conseille de s'adresser à leurs grenouilles, mais je pourrais bien chanter une jolie église que je viens de bâtir, et un théâtre que j'achève .
Je vous prie, mon cher ami, si vous m'envoyez Le Presbytère de me l'adresser à Versailles chez M. de Chennevières, premier commis de la guerre , qui me le fera tenir avec sureté .
Mme Denis qui joue la comédie mieux que jamais, et qui est notre Clairon, vous fait mille compliments .
On va reprendre encore Oreste à la ComédieFrançaise 3. Il est vrai que j'ai bien fortifié cette pièce, et qu'elle en avait besoin ; mais enfin j'aime à voir la nation redemander une tragédie grecque sans amour , dans laquelle il n'y a point de partie carrée, ni de roman . Adieu, je vous embrasse .
V.
Pourriez-vous me dire quel est un M.P.T.N.G.4 .à qui Corneille dédie sa Médée ? »
1 Cette lettre répond à celle du 15 septembre 1761 de Cideville, où il disait : « Mon cœur s'acquitte avec plaisir de l'obligation que je vous ai de la bonne réception que vous et Mme Denis avez bien voulu faire à M. d'Ornay […]. Il vint dîner avec moi […] . Ce furent questions sur questions, comment se porte-t-il, comment se porte-t-elle, suis-je encore dans leur souvenir ? […] Une description […] de la construction d'une église, d'un château, d'une salle de spectacle […] vous préparez une édition des œuvres de Pierre Corneille […] sera-t-elle entière ? Y mettez-vous toutes les œuvres de ce sublime auteur, ou n'y faites-vous entrer que le choix des pièces ? […] J'ai en ma possession une pièce de vers assez longue de ce grand auteur, qui est peut-être au rand de son imitation et de ses autres ouvrages médiocres . Elle n'est dans aucune des éditions, je l'ai trouvée dans une bibliothèque poudreuse d'abbaye, c'est la description du presbytère d'Hénouville, où il allait quelquefois . »
2 Cideville avait parlé à V* d'une pièce contenant la description du presbytère d'Hénouville, dont l'attribution à Corneille est discutée ; voir Charles Marty-Laveaux, Œuvres de P. Corneille, 1762, X, 11-14 .
3 Oreste avait eu deux représentations, les 8 et 11 juillet 1761,et devait en avoir quatre autres du 26 septembre au 3 octobre 1761 .
4 L'auteur de ce poème ne semble pas être connu ; dans l'édition de 1657, les initiales sont P.T.G.N.
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07/09/2016
ceux qui comme vous font un usage si heureux de leurs talents
... Sont des modèles que je salue, je parle ici de tous les handicapés qui surmontent leurs déficits, et dont certains sont à Rio pour repousser leurs limites :
http://cpsf.france-paralympique.fr/rio-2016/
Bravo à vous !
Sans faire d'impasse, cependant je suivrai particulièrement le tir à l'arc, allez savoir pourquoi !
« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore
Au château de Ferney 23è septembre 1761 1
C'est à Henri IV, monsieur, et à Gabrielle d'Estrées à vous remercier de leur héroïde 2. Pour moi, monsieur, je suis si enchanté de votre jolie épître 3, que je ne sais comment vous en remercier . La prose n'est pas digne de répondre à vos vers, je n'ose pas me servir avec vous du langage de la poésie . Je suis si occupé de Pierre Corneille , qu'il n'y a pas moyen de faire des vers quand on lit les siens . Je me borne actuellement à commenter ce grand homme, et à estimer bien véritablement ceux qui comme vous font un usage si heureux de leurs talents . J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 L'édition Ricci donne 22 pour quantième par suite d'une mauvaise lecture de la copie Blin de Sainmore.
2 Blin de Sainmore avait envoyé à V* une héroïde intitulée Gabrielle d'Estrées à Henri IV( au château d'Anet, 1761) ; sur Blin de Sainmore : https://ihrf.univ-paris1.fr/enseignement/outils-et-materiaux-pedagogiques/textes-et-sources-sur-la-revolution-francaise/dictionnaire-biographique-des-employes-du-ministere-de-linterieur/dictionnaire-biographique-b/
3 La dédicace de l'ouvrage commence ainsi :
Ô toi, dont le brillant génie
Près de Corneille et de Milton
Tient le sceptre de l'harmonie
Et vole aux cieux avec Newton ;
Toi, qu'Apollon toujours caresse,
Toi , qui chantas si bien le roi
Dont j'osai peindre la maîtresse,
Divin Voltaire, inspire-moi […]
Voltaire fit encore une autre réponse , en vers ; voir lettre du 15 décembre 1761 .
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06/09/2016
Cet étalage est peut-être inutile , puisqu’on ne reçoit point d'argent
... Doit se dire Nicolas Zébulon Ier en consultant "ToutpourlaFrance.net" . Je vous le recommande : https://www.toutpourlafrance.net/ .
« A Jacques Pernetti
Ferney, 21 septembre 1761
Vous devriez, cher abbé, venir avec le sculpteur, et bénir mon église . Je serais charmé de servir votre messe, quoique je ne puisse plus dire : Qui laetificat juventutem meam 1.
Je doute qu'il y ait un programme pour l'édition de Corneille . Cet étalage est peut-être inutile , puisqu’on ne reçoit point d'argent, et qu'on ne fait point de conditions . Les frères Cramer donneront pour deux louis d'or 12, 13 ou 14 volumes in-8°, avec des estampes . Ceux qui voudront retenir des exemplaires, et avoir pour deux louis un ouvrage qui devrait en couter quatre, n'ont qu'à retenir chez les Cramer les exemplaires qu'ils voudront avoir, ou chez les libraires correspondants des Cramer, ou s'adresser à mes amis qui m'enverront leurs noms, et tout sera dit . Tout n'est pas dit pour vous, mon cher confrère ; car j'ai toujours à vous répéter que je vous aime de tout mon cœur .
V. »
1 Qui réjouit ma jeunesse ; Psaumes, XLII, 4.
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05/09/2016
la jouissance de tous les droits qui appartiennent à des citoyens
... Sauf le droit de vote qui devient payant dans la patrie de notre bonne République ( aux seins généreux , dixit Vals) ! Bravo aux primates des primaires qui nous prennent pour des tirelires . Contravention à la liberté du vote, contravention à l'accès au vote, qui dit mieux ?
Rappel : Article 21 de la déclaration universelle des Droits de l'Homme :
« A Claire-Josèphe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon
Ferney 21 septembre [1761] 1
J'ai l'honneur d'envoyer à mademoiselle Clairon un petit avant-goût du commentaire que je fais sur les pièces du grand Corneille . La note ci-jointe est sur les dernières lignes de la préface de Théodore 2. Elle passera, s'il lui plait, les citations latines du confesseur du pape Clément XII . Je crois qu'elle pourrait lire cette note à l'assemblée, qu'on pourrait même la déposer dans les archives et en donner une copie à MM. les premiers gentilshommes de la chambre . Je crois qu'il serait très aisé d'obtenir de Sa Majesté une déclaration qui confirmerai celle [de] 1641 3, et qui maintiendrait ses comédiens dans la jouissance de tous les droits qui appartiennent à des citoyens . Ce mot entière disait tout sans entrer dans aucun détail, et on en ferait usage dans l'occasion .
J'ai reçu une lettre de M. Huerne . Je supplie mademoiselle Clairon de vouloir bien lui envoyer ma réponse 4 après l'avoir lue et cachetée . Elle pardonnera s'il lui plait le peu de cérémonie de ce petit billet, attendu que le pauvre diable qui lui écrit n’est point du tout à son aise .
Il aime le théâtre plus que jamais, mais il trouve qu'il n'y a rien de si difficile que de trouver un 5è acte . Il se flatte que mademoiselle Clairon est en bonne santé et qu'elle embellit tous les actes qu'elle joue . »
1 L'édition Cayrol suivant une copie ancienne date de 1763 ; Moland corrige . Le dernier paragraphe manque dans les éditions : voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1761-partie-40-122456755.html
2 V* veut parler de son commentaire sur la dédicace de Corneille à cette pièce ; il le termine par une condamnation de la façon équivoque dont sont traités les acteurs .
3 Louis XIII : voir : https://archive.org/details/voltaireetlescom00olivuoft
4 Voir lettre de la veille à Huerne : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/09/04/les-medecins-en-temps-de-peste-ne-s-amusent-point-a-guerir-l-5843693.html
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