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17/01/2018

je serais curieux de savoir les motifs de sa conversion à la foi musulmane . Apparemment qu'un brave guerrier comme lui, a été plus touché des conquêtes de Mahomet que de l’humilité de Jésus-Christ

... Aussi, à tous ceux qui ont choisi le jihad, et particulièrement en allant en Syrie, je dis "restez-y" et je leur dénie le titre de "brave"; "meurtriers" est ici plus adéquat .

 

 

« A Joseph-Augustin-Prosper de La Motte-Geffrard

[février 1763] 1

Je suis très fâché, monsieur, que vous soyez compris dans la réforme 2, mais consolez-vous, la France a la guerre tous les sept ans, et pour peu que la bonne volonté vous dure, vous exercerez le grand art de faire tuer du monde méthodiquement . Je me croirais très heureux, très honoré, et je me donnerais les airs d'un homme considérable si je pouvais recevoir quelques uns de vos ordres, et être à portée de faire parvenir à M. le duc de Choiseul, la commission que vous me donneriez . Vous savez ce que c'est que les faibles bontés d'un ministre pour un pauvre reclus de mon espèce . Il souffre quelquefois que je lui écrive, et c'est très rarement ; je suis confondu comme de raison, dans la foule de ceux dont il se souvient ; je ne dois pas en vérité prétendre davantage ; mais s'il se présentait quelque occasion où je pusse, sans faire l'insolent, être votre commissionnaire, je ne manquerais pas de vous obéir . Je recevrai avec reconnaissance le manuscrit du bacha de Bonneval 3 que vous voulez bien m'offrir et j'en ferai l'usage que vous ordonnerez . Je vous avoue que je serais curieux de savoir les motifs de sa conversion à la foi musulmane . Apparemment qu'un brave guerrier comme lui, a été plus touché des conquêtes de Mahomet que de l’humilité de Jésus-Christ ; il y a je ne sais quoi dans ce Mahomet qui impose ; les religions sont comme les jeux du tric-trac et des échecs, elles nous viennent de l'Asie . Il faut que ce soit un pays bien supérieur au nôtre, car nous n'avons jamais inventé que des pompons et des falbalas, tout nous vient d'ailleurs, jusqu'à l'inoculation .

Je n'ai pas l'honneur de vous répondre de ma main, parce que je deviens aveugle comme le vieux Tobie .

Si vous avez la bonté de m'envoyer ce manuscrit, je vous supplie de le faire remettre à M. d'Argental, envoyé de Parme, rue de la Sourdière à Paris .

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux et les plus vrais, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

V. »

1Edition Lucher : sans date . C'est le 18 mars que V* accuse réception du manuscrit dont il est ici question, d'où la date proposée ; voir lettre du 18 mars 1763 .

2 L'armée a été réorganisée avec suppression de certains régiments par ordonnance du 10 décembre 1762 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k851226p/f1.image.r=ordonnance%20%20infanterie.langFR

3 En septembre 1743, V* a reçu une lettre de Bonneval , qui fut publiée dans le Commentaire historique : https://fr.wikisource.org/wiki/Commentaire_historique/%C3%89dition_Garnier#cite_ref-37

. Il s'agit ici d'autre chose .

16/01/2018

Quels sont les droits de cette première cour de judicature ? A-t-elle quelquefois celui de s'opposer aux ordres émanés du trône ?

... Je me suis laissé dire qu'il est encore question de réformer notre monde judiciaire ; qu'en sera-t-il demain ?

http://www.liberation.fr/france/2018/01/15/chantiers-de-l...

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[vers le 15 février 1763]

Je prie monsieur Cramer de vouloir bien avoir attention à la page 313 du 8è tome sur l'Histoire générale ; après ces mots,

 

Il s'élève ici une difficulté dans tous les esprits,

ôtez ce qui suit, et mettez,

 

Quels sont les droits de cette première cour de judicature ? A-t-elle quelquefois celui de s'opposer aux ordres émanés du trône ? Les remontrances de cette cour etc.

Il faudra porter cette correction sur le volume des suppléments .

Je suppose que monsieur Cramer a fait usage de l'errata que je lui ai envoyé, j'en ai un aussi tout prêt pour le volume de supplément, dont il me manque les feuilles X,Y.

Je prie monsieur Cramer de me faire tenir ces deux feuilles .

J'attends la première feuille du Traité sur la tolérance, auquel il faudra joindre beaucoup de notes nouvelles . »

15/01/2018

Il aura incessamment La Toison d'or

... Qui donc ? Alain Juppé, Jason moderne  . 

Avec Alain Wauquiez - véritable Médée divisant son frère Absyrte - le LR et osant se présenter comme étant Eétes tentant d'en rassembler les morceaux , petit roi du puzzle politique .

http://www.huffingtonpost.fr/2018/01/15/avec-alain-juppe-... 

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[vers le 15 février 1763]

Je prie monsieur Cramer de vouloir bien nous envoyer le papier dont il nous avait communiqué la minute .

Je demande aussi trois feuilles de la feuille X du huitième tome de l’Histoire générale .

La première feuille de la Tolérance corrigée .

Et les feuilles de Pertharite .

Il aura incessamment La Toison d'or et Sertorius .

Mais , ce que je lui demande avec plus d’insistance, c'est qu'il me fasse dire comment il se porte .

 

Comme je dictais, moi aveugle, cette présente, le paquet de monsieur Cramer arrive . Je le remercie ; il aura demain de la copie . Mme Denis est toujours malade ; nos deux enfants toujours amoureux, et moi aimant toujours de tout mon cœur monsieur Gabriel . »

La vieillesse et la jeunesse se réunissent dans les mêmes sentiments

... Il serait bon que ce soient des sentiments de joie . La grogne a assez fait de mal, tous âges confondus,  qu'elle disparaisse au plus tôt .

 

 

« Voltaire,

Pierre-Jacques-Claude Dupuits

et Marie-Françoise Corneille

à Béatrix de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont, et à

Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

Au château de Ferney, 15 février 1763

Madame et Monseigneur le Duc,

La lettre dont vous daignez m'honorer 1 fondra nos neiges et me rendra la vue . Nous sommes à vos pieds et à ceux de Monseigneur le duc de Choiseul, votre digne frère ; et quoique je sois de l'Académie, nous ne trouvons point de termes pour vous exprimer notre respectueuse reconnaissance . La vieillesse et la jeunesse se réunissent dans les mêmes sentiments . Nous sommes tous ici sous votre protection, nous nous regardons comme vos créatures, et nous sommes, avec le plus profond respect, Madame, vos très humbles et très obéissants serviteurs

Voltaire, Dupuits, Corneille. »

1 Lettre du 21 [11] février 1763 : « Je vous renvoie ci-jointe, monsieur , la requête que vous m'avez fait passer ; vous deviez être bien sûr qu'il y serait fait droit . Je l'ai communiquée à Mme de Gramont, qui vous prie instamment , ainsi que moi, de vous regarder autorisé par la présente à signer pour nous au contrat de Mlle Corneille, nous soumettant ma sœur et moi, dans le cas où cela serait jugé nécessaire, à passer acte par-devant notaires à la première réquisition qui nous en sera faite, portant que c'est avec grand plaisir et de notre propre mouvement que nous vous avons prié de signer en nos noms le contrat de Mlle Corneille , et de l'assurer du désir que nous avons, l'un et l'autre, de trouver des occasions de lui donner des marques plus essentielles de l'intérêt que nous prenons à son bonheur . Ma sœur m'a dit être entrée avec vous dans quelques détails relatifs à cet établissement ; j'ose croire qu'elle ne proposera rien qui puisse nuire aux vues que vous avez de procurer à Mlle Corneille tous les avantages dont son nom la rend susceptible. Vous connaissez les sentiments, etc. ». Cette lettre répond à la demande de V* du 25 janvier 1763 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/12/15/je-n-ai-pas-ose-mais-j-ose-vous-demander-si-je-peux-vous-sup-6008700.html

il aime le service, il a du bien, il s'avancera, et nous ne voyons qu'une perspective très agréable

... Qui que ce soit qui réponde à ce signalement, il donne goût à l'optimisme . Serait-ce Emmanuel Macron ? Why not !?

 

 

« A David-Louis-Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches

15è février 1763 à Ferney

Notre joie, monsieur, a été bien mêlée d'amertume ; Mme Denis a été très malade, elle était au lit pendant que Mlle Corneille était à l'église ; il y a douze jours qu'elle est assez mal ; pour moi, je suis aveugle comme le dieu dont Mme Dupuits est la très humble servante ; mais l'amour n'a jamais perdu la vue par une fluxion, et n'a jamais été vieux . Notre mariage, d'ailleurs, est très heureux, le roi daigne le favoriser et l'honorer de son approbation ; elle épouse un jeune homme plein de candeur et de mérite, il aime le service, il a du bien, il s'avancera, et nous ne voyons qu'une perspective très agréable. L'intérêt que vous avez la bonté de prendre à ce petit événement, nous le rend encore plus cher . Agréez nos très humbles remerciements, et nos compliments à toute votre aimable famille . Vous savez que M. Constant 1 va demeurer à Tournay, cela me rend tout glorieux . Mais quand aurai-je l'honneur de vous revoir ? »

14/01/2018

nous espérons justice, une grande partie de l'Europe la demande avec nous

... Suite aux propos imbéciles de Mr Trump, président par accident .

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Au château de Ferney 15è février 1763

Une des raisons, monseigneur, qui font que je n'ai eu depuis longtemps l'honneur d'écrire à Votre Éminence, n'est pas que je sois fier ou négligent avec les cardinaux, et les plus beaux esprits de l’Europe ; mais le fait est que je deviens aveugle , au milieu de quarante lieues de neige, pays admirable pendant l'été, et séjour des trembleurs d'Isis pendant l'hiver 1. On dit que la même chose arrive aux lièvres de nos montagnes . Je me suis mêlé ces jours-ci des affaires d'un autre aveugle, petit garçon fort aimable, inconnu sans doute, aux princes de l’Église romaine, mais avec lequel on ne laisse pas de jouer avant qu'on ne soit prince : j'ai marié Mlle Corneille à un jeune gentilhomme, dont les terres touchent les miennes . Il se nomme Dupuits, il est officier de dragons, estimé, et aimé dans son corps, très attaché au service, et voulant absolument faire de petits militaires qui ne se feront pas tuer par des Anglais ou des Allemands . Je regarde comme un devoir de vous donner part de ce mariage, comme à un des protecteurs du nom de Corneille, et au meilleur connaisseur de ses beautés et de ses fatras .

Je cherchais un descendant de Racine , pour ressusciter le théâtre, mais n'en ayant point trouvé, j'ai pris un officier de dragons . J’écris à l'Académie française, à laquelle je dédie l'édition, qui fera une partie de la dot, et je demande que tous ceux qui assisteront à la séance, à la réception de ma lettre, me permettent de signer pour eux au contrat .

Je commence par demander la même grâce à Votre Éminence, l'ombre de Pierre vous en sera très obligée, et moi, autre ombre, je regarderai cette permission comme une très grande faveur . Nous n’avons point clos le contrat, et nous vous laissons, comme de raison, la première place parmi les signataires, si vous daignez l'accepter .

Je suppose que vous vous faites apporter les nouveaux ouvrages qui en valent la peine, et que vous avez vu les factums pour les Calas . L'affaire a été rapportée au conseil avec beaucoup d’équité, c'est-à-dire, de la manière la plus favorable ; nous espérons justice, une grande partie de l'Europe la demande avec nous . Cette affaire pourra faire rentrer bien des gens en eux-mêmes, inspirer quelque indulgence, et apprendre à ne pas rouer son prochain, uniquement parce qu'il est d'une autre religion que nous .

Voulez-vous, monseigneur, vous amuser avec l'Héraclius de Calderon, et la conspiration contre César de Shakespear ? J'ai traduit ces deux pièces, et elles sont imprimées, l'une après Cinna, l'autre après l'Héraclius de Caldéron 2, comme objets de comparaison . Cela rendra cette édition assez piquante . J'aurai l'honneur de vous adresser ces deux morceaux, si vous me le commandez . Je n'ai point encore reçu le discours de notre nouveau confrère l'abbé de Voisenon ; on en dit beaucoup de bien .

Agréez, monseigneur, les tendres respects du vieil aveugle de soixante et dix ans, car il est né en 1693 3. Il est bien faible, mais il est fort gai , il prend toutes les choses de ce monde pour des bouteilles de savon 4, et franchement, elles ne sont que cela . »

1Allusion à l'opéra de Quinault et Lulli, Isis, 1677 . Acte IV , scène 1, la scène représente « l'endroit le plus glacé de la Scythie », un chœur des peuples des climats glacés » paraissent « transis de froid » chante sur des notes répétées à effet saisissant de tremblement : « L'hiver qui nous tourment / S'obstine à nous geler ; / Nous ne saurions parler / Qu'avec une voix tremblante ./ La neige et les glaçons / Nous donnent de mortels frissons / Les frimas se répandent / Sur nos corps languissants, / Le froid transit nos sens / Les plus durs rochers se fendent ./ La neige et les glaçons / Nous donnent de mortels frissons . ». Ecouter : https://open.spotify.com/album/3OQkSKJ7VX9ApIGW9aSfs7

2 Lapsus pour Corneille .

3 On sait qu'en réalité V* est né en 1694, le 21 novembre .

4 Sur ce mot bouteille, « bulle », voir lettre du 22 juillet 1761 à Mme du Deffand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/06/24/qu-on-me-montre-un-homme-qui-soutienne-la-gloire-de-la-natio-5819043.html

13/01/2018

se défier de tous les saints

... et davantage encore de ceux qui les ont créés, créateurs diablement intéressés qui en attendent diverses prébendes et miracles (fumeux !) à usage personnel .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

15 février 1763 1

En réponse à la lettre du 8 janvier qui était probablement

du 9 février puisqu'elle a été reçue le 14 février .

Mes anges, maman Denis est toujours malade, moi aveugle, et le tuteur de M. Dupuits sourd . Tout cela a dérangé notre petite fête à la Pompignan. Nous n’avons point tiré de canon, maman n’a point soupé, et on s’est marié sans cérémonie.

Je réponds à la lettre dont madame d’Argental honore ma nièce. Elle me l’a montrée, et j’ai été très affligé qu’elle ait pu s’attirer quelques reproches en vous donnant, sans me consulter, des paroles qu’elle ne pouvait pas donner, et qui ne dépendent point du tout d’elle. Elle m’a répondu que, dans sa lettre du 6 de janvier, elle avait eu l’honneur de vous écrire nos intentions ; mais des intentions ne sont pas un contrat. Nous avons eu beaucoup de peine à faire regarder, par ce tuteur de M. Dupuits, l’espérance de la vente d’un livre comme une dot. Ce sourdaud est un vieux marin à peu près de mon âge, et plus difficile que moi en affaires. Son neveu a un très joli bien, précisément à ma porte ; il était parfaitement informé de la condition du père et de la mère, qui ne descendent point de Pierre Corneille, et qui ne participent en rien aux prérogatives de la branche éteinte. C’est, par parenthèse, une obligation que nous avons à Fréron, qui eut, il y a plus d’un an, l’insolence impunie d’imprimer dans ses feuilles que le père de mademoiselle Corneille était un facteur de la petite poste, à cinquante francs par mois 2; et cette injure personnelle nous fit manquer alors un mariage. Celui-ci est beaucoup plus avantageux que celui qui fut manqué ; mais nous n’aurions jamais pu parvenir à le faire si nous avions insisté sur le partage du produit des souscriptions, que le tuteur a regardé et regarde encore comme un objet fort mince.

Le Cramer que vous voyez à Paris avait offert de donner quarante mille francs du produit des souscriptions et de la vente de l’édition, et ensuite il avait laissé tomber cette offre. On savait très bien dans Genève que nos seigneurs de France avaient donné leurs noms, et rien de plus, et qu’un d’eux ayant souscrit pour vingt louis d’or, en avait payé un. Les Cramer avaient fait retentir que M. le contrôleur-général avait demandé deux cents exemplaires payables en papiers royaux, à huit francs l’exemplaire au-dessous de la valeur ; et ce n’est qu’après les fiançailles que nous avons appris les nouvelles offres de M. Bertin.

Les Anglais qui sont à Genève se moquaient un peu de notre générosité française. On nous disait encore que les libraires de Paris, ayant dans leurs magasins deux éditions de Corneille qui pourrissent, se plaignaient continuellement de la nôtre, et empêchaient plusieurs personnes de souscrire. Le sieur Philibert Cramer était trop occupé des plaisirs de Paris pour me rendre le moindre compte, pendant que je travaillais nuit et jour à des commentaires très fatigants qui me font enfin perdre les yeux.

Si dans de pareilles circonstances j’avais voulu couper en deux la partie de la dot fondée sur les souscriptions, soyez très sûrs, mes anges, qu’on m’aurait remercié sur-le-champ, en se moquant de moi. Le père et la mère de madame Dupuits n’y perdront rien ; leur fille les a nourris du bout de ses dix doigts, avant qu’ils eussent été présentés à M. de Fontenelle . Elle ne manquera jamais à son devoir, et j’y mettrai bon ordre. Le contrat est fait dans la meilleure forme possible. Ne troublons point les plaisirs de deux amants, et jouissons tranquillement du fruit de nos peines, et de la consolation que me donne madame Dupuits dans ma vieillesse.

Au reste je dois vous dire mes anges, et je crois vous avoir déjà dit, que j'avais assigné mille livres par année sur la terre de M. de La Marche . Cela est d'autant plus convenable , que M. Dupuits étant établi en Bourgogne sera plus à portés de recevoir cette partie de la dot de sa femme . Ainsi je compte que M. de La Marche voudra bien avoir la bonté de m'envoyer l'acte qu'il m'a promis ; je n'ai actuellement aucun titre, lui ayant envoyé ses billets ; et si nous mourions actuellement lui et moi, comme cela est très possible, ce fonds de vingt mille livres serait entièrement perdu . J'ose vous supplier de vouloir bien dans l'occasion en rafraichir la mémoire de M. de La Marche avec votre bonté et votre prudence ordinaires .

Permettez-moi de vous supplier encore d’empêcher Philibert Cramer de faire présenter aux spectacles et aux promenades des billets de souscription, comme des billets d’huîtres vertes . L’ami Fréron ne manquerait pas d’en faire de mauvaises plaisanteries dans ses belles feuilles.

On m’a mandé que l’affaire des Calas avait été rapportée par M. de Crosne, et qu’il a très bien parlé. Je vous assure que toute l’Europe a les yeux sur cet évènement.

J’ai lu le Second Appel à la Raison 3 ; je ne sais rien de si insolent et de si maladroit. Les jésuites ont des amis dans le parlement de Bourgogne, mais certainement ils n’en auront plus quand on connaîtra ce libelle. Ils étaient des tyrans du temps du père Le Tellier ; ils ne sont aujourd’hui que des fous . J’ai un jésuite pour aumônier, mais je donnerais volontiers ma voix pour abolir l’ordre. Je n’ai vu qu’une seule bonne chose dans tout ce qu’ils ont écrit, c’est qu’ils ont prouvé invinciblement ce que j’avais déjà dit dans quelques petites réflexions sur Pascal, que les jacobins avaient écrit plus de sottises qu’eux 4. J’ai eu le plaisir de vérifier, dans saint Thomas, le docteur angélique, toute la doctrine du régicide 5 ; que conclure de là ? qu’il serait très expédient de se défaire de tous les moines, et de se défier de tous les saints.

Je me mets au bout de vos ailes . Mme Denis a été bien malade et l'est encore ; nous sommes tous bien fâchés .

V.»

1 La copie Beaumarcahis et l'édtion de Kehl omettent le sixième paragraphe et le dernier, rayés sur le manuscrit ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/06/correspondance-annee-1763-partie-7.html

2 Voir lettres de janvier 1761 ; on observe que les dires de Fréron sont souvent confirmés par V* lui-même .

3 Ce nouvel Appel est de l'abbé Caveyrac . Voir lettre du 28 janvier 1763 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/12/23/nous-sommes-dans-un-etrange-temps-ou-il-faut-craindre-qu-un-6010865.html

4 On ne trouve pas cette réflexion dans les différentes Remarques sur Pascal : https://fr.wikisource.org/wiki/Remarques_sur_les_Pens%C3%A9es_de_Pascal/%C3%89dition_Garnier

5 V* écrit une longue note sur ce point dans le Traité sur la tolérance, chapitre XI : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/traite-sur-la-tolerance-chapitre-xi.html