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16/06/2010

cet animal-là est un vilain gnome.

http://www.youtube.com/watch?v=7GN1I7M3yCc

 

« A François-Augustin Paradis de Moncrif


Je n'avais, mon cher sylphe,[Moncrif, auteur de Zélindor, roi des Silphes, 1745] supplié Mme de Luynes de présenter ma rhapsodie [poème La Bataille de Fontenoy] à la reine , que parce qu'il paraissait fort brutal d'en laisser paraître tant d'éditions sans lui en faire un petit hommage. Mais je vous prie de lui dire très sérieusement que je lui demande pardon d'avoir mis à ses pieds une pauvre esquisse que je n'avais jamais osé faire donner au roi.


Enfin Sa Majesté ayant bien voulu que je lui dédiasse sa bataille, j'ai mis mon grain d'encens dans un encensoir un peu plus propre, et le voici que je vous présente. C'est à présent que vous pouvez dire hardiment à la reine que cela vaut mieux que la maussaderie de notre ami le poète Roy [Discours au roi sur le succès de ses armes, 1745, de Pierre-Charles Roy, contenant ce vers : « Et suivant son caprice adjuger les lauriers »]. Je ne crois pas qu'aucun de ceux que j'ai si justement célébrés soit fort content que cet honnête homme ait dit en style d'huissier priseur que j'ai adjugé des lauriers selon mon caprice. Mais c'est une des moindres peccadilles de M. le chevalier de Saint-Michel. Mon aimable sylphe, cet animal-là est un vilain gnome.


Vale, je vous aime de tout mon cœur.


V.



Il a fait une petite satire dans laquelle il dit de moi :



Il a loué depuis Noailles

Jusqu'au moindre petit morveux

Portant talon rouge à Versailles.[i]







On débite cette infamie avec les noms de M. d'Argenson, Castelmoron et d'Aubeterre en notes.[V* précise que l'auteur de la satire a « mis en marge … les d'Aubeterre et les Castelmoron »]



Vous êtes engagé d'honneur à faire connaître à la reine ce misérable. Si je n'étais pas malade, j'irais me jeter à ses pieds. Je vous supplie instamment de lui faire ma cour. Comptez que je vous aimerai toute ma vie .



16 juin [1745] au soir »



i C'est ici,

La Requête du curé de Fontenoy au roi, en réalité de Jean-Henri Marchand . V* justifiait le 3 juin, à Cideville, son éloge de Noailles : «  Il était délicat de parler de M. le maréchal de Noailles, l'ancien du maréchal de Saxe, n'ayant pas le commandement. Les deux vers qui expriment qu'il n'est point jaloux, et qu'il ne regarde que l'intérêt de la France, sont un petit trait de politique …; ces allusions aux faits qu'on ne doit pas dire hautement, mais qu'on doit faire entendre, ce sont là … ces petites finesses qui plaisent aux hommes comme vous ... »

A écouter sans modération, seul ou (bien, très bien ) accompagné : http://www.musicme.com/Jordi-Savall/albums/El-Nuevo-Mundo-0885686072318.html
Par curiosité, voir : "petit morveux" avec maman à "talons rouges" : http://www.artabus.com/french/bardyn/bild0095a

15/06/2010

vous avez négligé l'esprit de la morale pour l'esprit de conquête




« A Frédéric II


[vers le 15 juin 1743]


Grand roi, j'aime fort les héros,

Lorsque leur esprit s'abandonne

Aux doux passe-temps, aux bons mots

Car alors ils sont en repos,

Et ils ne font de tort à personne.

J'aime César, ce bel esprit,

César dont la main fortunée

A tous les lauriers destinée,

Agrandit Rome, et lui prescrit

Un autre ciel, une autre année.

J'aime César entre les bras

De la maitresse qui lui cède ;

Je ris et ne me fâche pas

De le voir , jeune et plein d'appas,

Dessus et dessous Nicomède.

Je l'admire plus que Caton,

Car il est tendre et magnanime,

Éloquent comme Cicéron,

Et tantôt gai, tantôt sublime

Comme un roi dont je tais le nom.

Mais je perds un peu de l'estime

Quand il passe le Rubicon,

Et je pleure quand ce grand homme,

Bon poète et bon orateur,

Ayant tant combattu pour Rome,

Combat Rome pour son malheur.



Vous êtes plus heureux, Sire, après votre prise de la Silésie, que votre devancier après Pharsale. Vous écrivez comme lui des commentaires ; vous aimez comme lui la société ; vous en faites le charme ; vous m'envoyez des vers bien jolis [Frederic se moquait de V* dans une lettre du 21 mai car il avait fait une lettre à la platitude servile à Boyer pour entrer à l'Académie ; il lui envoyait aussi une préface de son Histoire de mon temps ] et une préface digne de vous, qui annonce un ouvrage digne de la préface. Je n'y puis tenir ; le côté de votre aimant m'attire trop fort, tandis que le côté de l'aimant de la France me repousse. S'il y avait dans la Cochinchine un roi qui pensât, qui écrivit et qui parlât comme vous, il faudrait s'embarquer et aller à ses pieds. Tous les gens qui ont une étincelle de goût et de raison doivent devenir des reines de Saba.



Je vous avouerai cependant , grand roi, avec ma franchise impertinente, que je trouve que vous vous sacrifiez un peu trop dans cette belle préface de vos Mémoires. Pardon, ou plutôt point de pardon ; vous laissez trop entrevoir que vous avez négligé l'esprit de la morale pour l'esprit de conquête.[dans ses Mémoires, V* écrira qu'il « eut soin de transcrire » l'aveu du roi et entre autres : « L'ambition, l'intérêt, le désir de faire parler de moi l'emportèrent ; et la guerre fut résolue » ; et il regrettera de lui avoir « fait retrancher ce passage »] Qu'avez-vous donc à vous reprocher ? N'aviez-vous pas des droits très réels sur la Silésie, du moins sur la plus grande partie ; et le déni de justice ne vous autorisait-il pas assez ? Je n'en dirai pas davantage ; mais sur tous les articles je trouve Votre Majesté trop bonne, et elle est bien justifiée de jour en jour. Votre Majesté est avec moi une coquette bien séduisante ; elle me donne assez de faveurs pour me faire mourir d'envie d'avoir les dernières. Quel temps plus convenable pourrais-je prendre pour aller passer quelques jours auprès de mon héros ? Il a serré tous ses tonnerres, et il badine avec sa lyre ; ici on ne badine point, et s'il tonne, c'est sur nous. Ce vilain Mirepoix est aussi dur , aussi fanatique, aussi impérieux, que le cardinal de Fleury était doux, accommodant et poli. Oh ! qu'il fera regretter ce bon homme ! et que le précepteur de notre dauphin est loin du précepteur de notre roi ! Le choix que Sa Majesté a fait de lui est le seul qui ait affligé notre nation; tous nos autres ministres sont aimés ; le roi l'est. Il s'applique, il travaille, il est juste, et il aime de tout son cœur la plus aimable femme du monde [future duchesse de Châteauroux]. Il n'y a que Mirepoix qui obscurcisse la sérénité du ciel à Versailles et à Paris ; il répand un nuage bien sombre sur les belles-lettres ; on est au désespoir de voir Boyer à la place des Fénelon et des Bossuet : il est né persécuteur. Je ne sais par quelle fatalité tout moine qui a fait fortune à la cour a toujours été aussi cruel qu'ambitieux. Le premier bénéfice qu'il a eu après la mort du cardinal vaut près de quatre-vint mille livres de rente ; le premier appartement qu'il a eu à Paris est celui de la reine, et tout le monde s'attend à voir au premier jour sa tête, que Votre Majesté appelle si bien une tête d'âne,[Boyer signait assez peu lisiblement « l'anc. évêq. de Mirepoix » et V* et Frédéric firent semblant de lire « l ' âne » au lieu de « l'anc. » et Boyer devint « l'âne de Mirepoix »] ornée d'une calotte rouge apportée de Rome.[il ne fut pas cardinal]



Il est vrai que ce n'est pas lui qui a fait Marie à la coque [c'est l'archevêque de Sens qui a écrit la Vie de la vénérable mère Marguerite-Marie Alacoque]; mais, Sire, il n'est pas vrai non plus que j'aie écrit à l'auteur de Marie à la coque la lettre qu'on s'est plu à faire courir sous mon nom ; je n'en ai écrit qu'une à l'évêque de Mirepoix, dans laquelle je me suis plaint à lui très vivement et très inutilement des calomnies de ses délateurs et de ses espions. Je ne fléchis point le genou devant Baal [dans cette lettre, V* se disait vrai catholique et reniait la plupart des Lettres philosophiques ! ]; et autant que je respecte mon roi, autant je méprise ceux qui, à l'ombre de son autorité, abusent de leur place, et qui ne sont grands que pour faire du mal.



Vous seul, Sire, me consolez de tout ce que je vois, et quand je suis prêt à pleurer sur la décadence des arts, je me dis : il y a dans l'Europe un monarque qui les aime, qui les cultive, et qui est la gloire de son siècle ; je me dis enfin : je le verrai bientôt, ce monarque charmant, ce roi homme, ce Chaulieu couronné, ce Tacite, ce Xénophon ; oui, je veux partir ; Mme du Châtelet ne pourra m'en empêcher ; je quitterai Minerve pour Apollon. Vous êtes, Sire, ma plus grande passion, et il faut bien se contenter dans la vie.



Rien de plus inutile que mon très profond respect, etc. »

14/06/2010

fait tout juste pour l'avide curiosité du public




 

« A Louis-François-Armand du Plessis, duc de Richelieu


Aux Délices près de Genève

14 juin [1756]


J'ai quelque orgueil, mon héros, de voir une partie de ma destinée unie à la vôtre. Il est assez plaisant que je sois auprès de vous l'homme le plus réellement intéressé à la prise de Port-Mahon : je me suis avisé de faire le prophète [dès le 3 mai, V* a écrit un « petit compliment »en vers en ajoutant dans la lettre en prose qu'il le croyait déjà vainqueur dans Port-Mahon ou qu'il le serait à la réception de la lettre]. Vous accomplirez sans doute ma prophétie. Elle est très claire. Il y en a eu jusqu'ici peu dans ce goût-là. Votre panégyriste est devenu votre astrologue. Par quel hasard faut-il que ma prédiction coure Paris avant que le maudit rocher de M. Blakney ne soit rendu [ce qui court, c'est, comme il l'apprendra plus tard, l'épître en vers où « la peau de l'ours » est un peu moins nettement vendue ; William Blakeney se rendra le 28 juin] ? Le même jour que j'ai reçu la lettre dont vous honorez votre petit prophète, j'ai appris que mon petit compliment était répandu dans Paris. C'est Thiriot la trompette qui me dit l'avoir vu et tenu, et même l'avoir désapprouvé. Il y a longtemps que je vous avertis que vous aviez probablement quelque secrétaire bel esprit qui rendait publiques les galanteries que je vous écrivais quelquefois. Je suis bien sûr que ce n'est pas moi qui ai divulgué ma prophétie, je ne l'ai certainement envoyée à personne qu'à mon héros. C'était un secret entre le ciel et lui . Thiriot fait quelquefois la cour à madame la duchesse d'Aiguillon. Si c'est chez elle qu'il a vu ma lettre, peut-être Mme d'Aiguillon n'en aura pas laissé prendre de copie; et en ce cas il n'y a que quelques lambeaux de publiés. Voyez, Monseigneur,comment notre secret a pu transpirer [aux d'Argental, il écrit le 2 juillet que c'est le gendre de Richelieu, le comte d'Egmont – avec lui à Port-Mahon – qui a envoyé l'épître à sa femme]. Je vous envoyai cette saillie par monsieur le duc de Villars, et je ne lui en fis pas confidence. Nul autre que vous au monde n'a vu la prédiction . Si vous l'avez fait lire à quelque profanateur de ces mystères, il n'y a pas grand mal. Vous me justifierez bientôt. Vous confondrez les incrédules comme les envieux. On verra bien que vous êtes un héros et que je ne suis pas un prophète de Baal [Baal = tous les faux dieux, dans la bible].


Au milieu des coups de canon vous soucierez-vous de savoir que La Beaumelle, qui s'est fait , je ne sais comment, héritier des papiers de madame de Maintenon, a fait imprimer quinze volumes, soit de lettres, soit de mémoires [Les Mémoires pour servir à l'histoire de Mme de Maintenon et à celle du siècle passé et Lettres de Mme de Maintenon, 1755-1756]? Ce ramas d'inutilités est relevé par un tas d'impudences et de mensonges [le 15 juin, à d'Argental : « Il y a eu quelques bons mémoires et il a noyé le peu de vérités inutiles que contiennent les mémoires de Dangeau, d'Hébert, de Mlle d'Aumale , dans un fatras d'imposture de sa façon »] qui est fait tout juste pour l'avide curiosité du public. Il y a quatre-vingt ou cent familles outragées. Voilà ce qu'il faut au gros des hommes. Je ne puis concevoir comment M. de Malesherbes a souffert et favorisé ce recueil de scandales [en fait édité en Hollande, et La Beaumelle sera embastillé en août]. Il y a parmi les lettres de Mme de Maintenon une lettre de M. le duc de Richelieu votre père qui certainement n'était pas faite pour être publique [peut être une lettre de juillet 1711 où le père de Richelieu parle de « la conduite outrée d'un fils qui ne peut être corrigée que par la sagesse et l'autorité d'un maître qui peut venir à bout de tout ce qui lui plait ». Le père du futur maréchal le fit effectivement embastiller]. Les termes qui vous regardent sont bien peu mesurés ; et il est désagréable que monsieur votre fils soit à portée de les voir. Il me paraît bien indécent de révéler ainsi des secrets de famille du vivant des intéressés.[le 15 mai, V* a fait interrompre l'impression du Siècle de Louis XIV par les Cramer : « … il faut … relever, la preuve en main, dans des notes au bas des pages du Siècle …, sans aucune affectation et par le seul intérêt de la vérité » les « mensonges très aisés à confondre » qu'on trouve à presque toutes les pages de ces prétendus Mémoires]


Mais après tout qu'importe qu'on attaque la conduite de M. le duc de Fronsac en 1715, pourvu qu'on rende justice à M. le maréchal de Richelieu et 1756 [Richelieu porta le titre de duc de Fronsac, jusqu'à la mort de son père en 1715]?


Prenez vite Mahon . Triomphez des Anglais et des mauvais discours. Je lève les mains au ciel sur mes montagnes [allusion biblique]; et je chanterai des Te Deum en terre hérétique.


V.


Mme Denis et moi sommes les deux Suisses qui aiment le plus votre gloire et votre personne. »

13/06/2010

Cette misérable édition court les provinces et les pays étrangers

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http://www.dailymotion.com/video/xdle1a_hallelujah-messia...

 

 

Ce jour est un beau jour !

"monsieurdevoltaire" et son auteur(e) LoveVoltaire reçoivent leur 10 000ème visiteur !!!

Comme indiqué, 100% de satisfaction pour tous ceux qui ont reçu cette Lumière mise en ligne par une personne lumineuse et attachante .

Plus fan de Volti qu'elle, tu meurs !

Soyez lui fidèle !

PS : mettre un commentaire est un encouragement pour le metteur en ligne, pensez-y !

 

 

 

 


« A Nicolas-René Berryer de Ramenoville

A Versailles ce 13 juin 1748



Je pense, monsieur, q
ue l'édition dont on vous avait parlé, il y a quelque temps, n'est point celle dont il est question ; mais c'est probablement une édition en six volumes faite à Trévoux, et que j'ai trouvée si mauvaise, si infidèle, et si pleine de fautes que j'ai supplié instamment M. Pallu [intendant de Lyon] de la supprimer autant qu'il pourrait. Cette misérable édition court les provinces et les pays étrangers avec beaucoup d'autres, et en cela il n'y a que du papier perdu. Voilà l'édition qui n'a pas mon approbation,[le 12, Ramenoville lui écrit :  « Il y a déjà du temps … qu'on m'avait prévenu du livre que vous m'annoncez dans votre lettre d'hier, et auquel on m'avait dit que vous ne donniez pas votre approbation ...»] mais celle dont je me plains, et que je défère à votre justice a toute mon indignation, et aura certainement la vôtre. Jamais rien n'a été imprimé de plus punissable. L'édition de Trévoux en 6 volumes est intitulée à Londres chez Nourse 1746 ; celle-ci porte : à Amsterdam par la compagnie.[édition prévue en 12 volumes in-12, imprimée à Rouen, publiée par le libraire Machuel en 1748] Voici , Monsieur, un petit mémoire que j'ai l'honneur de vous envoyer à ce sujet [Mémoire au sujet de l'édition en douze volumes faite à Rouen, avec le titre , Amsterdam par la Compagnie des libraires, ce mémoire étant joint à la lettre]. J'envoie le pareil à M. le comte de Maurepas, et j'attends vos ordres et les siens avant que de faire aucune démarche.

J'ai l'honneur d'être respectueusement,
Monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire »

12/06/2010

Le cœur n'aime point à se voir dérouté




« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

12 juin [1740]



Mon adorable ami, vous savez que je n'ai jamais espéré un succès brillant de Zulime,[1ère représentation le 8 juin] je vous ai toujours mandé que la mort du père tuerait la pièce et la véritable raison à mon gré, c'est qu'alors l'intérêt change ; cela fait une pièce double [Une autre version a été envoyée par V* à Mlle Quinault et il lui reproche le 3 juillet de ne pas lui avoir donné la préférence ; la mort du père n'apparait pas dans les versions manuscrites ou imprimées postérieures à 1740]. Le cœur n'aime point à se voir dérouté, et quand une fois il est plein d'un sentiment qu'on lui a inspiré, il rebute tout ce qui se présente à la traverse. D'ailleurs les passions qui règnent dans Zulime ne sont point assez neuves. Le public qui a vu déjà les mêmes choses sous d'autres noms n'y trouve point cet attrait invincible que la nouveauté porte avec soi.[Le Blanc, entre autres, reproche à la pièce d'être « une rhapsodie d'Ariane (de Thomas Corneille), de Bajazet, d'Inès (de Houdar de La Motte) » et même de « douze »tragédies] Que vous êtes charmants , vous et Mme d'Argental, que vous êtes au-dessus de mes ouvrages, mais aussi je vous aime plus que tous mes vers !

Je vous supplie de faire au plus tôt cesser pour jamais les représentations de Zulime sur quelque honnête prétexte [représentées huit fois du 8 au 25 juin, elle sera reprise sous d'autres formes sur les scènes privées de V* et même en 1761 à la Comédie française]. Je vous avoue que je n'ai jamais mis mes complaisances que dans Mahomet. J'aime les choses d'une espèce toute neuve. Je n'attends qu'une occasion de vous envoyer la dernière leçon, et si vous n'êtes pas content vous me ferez recommencer. Vous m'enverrez vos idées, je tâcherai de les mettre en œuvre. Je ne puis mieux faire que d'être inspiré par vous.

En attendant voici une façon d'ode que je viens de faire pour mon cher roi de Prusse [treize stances sur l'avènement de Frédéric II, son père Frédéric-Guillaume étant mort le 31 mai]. De quelle épithète je me sers là pour un roi ! Un roi cher ! Cela ne s'était jamais dit . Enfin voilà l'ode ou plutôt les stances, c'est mon cœur qui les a dictées, bonnes ou mauvaises, c'est lui qui me dicte les plus tendres remerciements pour vous, la reconnaissance , l'amitié la plus respectueuse et la plus inviolable.

Je vous supplie que Mlle Quinault empêche qu'aucune copie de Zulime ne transpire [surtout par Minet, copiste de la Comédie française ; cette recommandation fait que la version jouée en 1740 n'est connue que par le résumé du Mercure et ce qui est dit dans la correspondance ]. Je serais bien fâché qu'elle fût imprimée.

Mme du Châtelet fait mille compliments à M. et Mme d'Argental.

Ne nous oubliez pas auprès de monsieur votre père, des d'Ussé, et de l'ambass. de Sard.[Solaro di Breglio, ambassadeur de Sardaigne] »

11/06/2010

tout le monde augmente du quadruple le prix de toutes choses.




Voltaire et Marie-Louise Denis

« à Louis-Gaspard Fabry
Chevalier de l'ordre du roi
Maire et Subdélégué à Gex

2de lettre du 11 juin 1770, à Ferney



Nous apprenons dans ce moment que Raffo, ayant affiché hier à la porte de l'église que sa maison était à louer, a ce matin retiré l'affiche, et quand de nouveaux émigrants sont venus pour faire marché avec lui, il leur a répondu qu'elle était louée.[guerre civile de Genève et fuite des Natifs (cf. lettres du 9 avril à a duchesse de Choiseul, du 11 mars à Hennin) ; pour les loger, on avait exproprié certains Genevois qui avaient des maisons dans le pays de Gex, on en logea chez Vernet, chez Pictet, ...]

Les émigrants arrivent en foule et ne savent où se loger ; les paysans, les maçons, les charpentiers, tout le monde augmente du quadruple le prix de toutes choses. Il est d'une nécessité indispensable de marquer des logements à la craie et d'en fixer le prix.

La maison de Raffo est surtout d'une nécessité absolue. Monsieur Fabry est prié de nous envoyer sur-le-champ un ordre à la requête de Mme Denis et de M. de Voltaire pour loger les survenus chez Raffo, moyennant le prix convenable.

Nous avons été obligés de loger cette nuit plusieurs horlogers dans le corps du château, ce qui nous incommode beaucoup.

Nous écrivons dans ce moment à M. le duc de Choiseul ; nous lui rendons compte de la nécessité pressante où nous sommes de loger les survenants par billets dans le village de Ferney. Nous sommes sûrs qu'il approuvera tous les bons offices que Monsieur Fabry aura rendus dans cette occasion importante aux émigrants, à la fabrique de montre et à nous.

Nous présentons nos obéissances très humbles à Monsieur Fabry.

Voltaire pour moi et Mme Denis »

10/06/2010

Quand je vous écrivis en beau style académique je m'en fous, et que vous me répondîtes en beau style académique que vous vous en foutiez

 

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

des académies de Paris

rue Simon-le-Franc à Paris

 

10 juin [1760]

 

Mon cher philosophe et mon maître,les si, les pourquoi sont bien vigoureux [de l'abbé Morellet] ; les remarques sur la Prière du déiste, fines et justes [en 1740, Lefranc de Pompignan avait « traduit et même outré » (selon V*) la Prière du déiste de Pope dans sa Prière universelle …, que Morellet faisait réimprimer avec un commentaire ironique sous le titre de La prière universelle, traduite de l'anglais de m. Pope, par l'auteur du discours prononcé le 10 mars à l'Académie française , 1760]; cela restera. On pourrait y joindre les que, les oui, les non, parce qu'ils sont plaisants,[de V*] et qu'il faut rire. On a oublié le cadavre sur lequel on vient de faire toutes ces expériences,[le Discours de réception à l'Académie (10 mars 1760) de Lefranc de Pompignan auquel répondent ces pamphlets] et les expériences subsisteront. La Vision est bien,[de l'abbé Morellet à qui elle valut la prison, la Préface de la comédie des philosophes ou la Vision de Charles Palissot, attribuée d'abord à Diderot ou à Grimm ] c'est un grand malheur et une grande imprudence d'avoir mêlé dans cette plaisanterie Mme la princesse de Robecq. J'en suis désespéré, ce trait a révolté. Il n'est pas permis d'insulter à une mourante []. M. le duc de Choiseul doit être irrité [car elle fût sa maîtresse !]. On ne pouvait faire une faute plus dangereuse. J'en crains les suites pour la bonne cause. On a mis en prison Robin mouton du Palais-Royal [Robin mouton, allusion à la fable de La Fontaine, Le Berger et son troupeau ; le libraire Robin, qui a vendu de nombreux exemplaires de la Vision a été arrêté le 30 mai]. Cela peut aller loin. Cette seule pierre d'achoppement peut renverser tout l'édifice des fidèles.

 

Palissot m'a écrit en m'envoyant sa pièce. J'ai prié M. d'Argental de vouloir bien lui faire passer ma réponse , et d'en faire tirer copie ne varietur. Je lui dis dans cette réponse que je regarde les Encyclopédistes comme mes maîtres etc.

 

Sa lettre porte qu'il n'a fait sa comédie que pour venger Mmes Robecq et de La Marck d'un libelle insolent de Diderot contre elles, libelle avoué par Diderot [il y a eu confusion , la préface et l'épitre en question précédaient en fait la traduction de la pièce de Goldoni Le Père de famille, titre identique à celle de Diderot qui s'en était inspiré . La préface et l'épître sont de Grimm]. Je lui dis que je n'en crois rien, je lui dis qu'on doit éclaircir cette calomnie, et voilà que dans la Vision on insulte Mme la princesse de Robecq. Cela est désespérant . Je ne peux plus rire. Je suis réellement très affligé.

 

Dès que la préface ou postface de la comédie des Philosophes parut, je fus indigné, j'écrivis à Thiriot. Je le priai de vous parler et de chercher le malheureux libelle de La vie heureuse du malheureux La Mettrie qu'on veut imputer à des philosophes [le 9 juin, à Thiriot : « (Palissot dans sa préface,) impute aux Encyclopédistes des passages de La Mettrie, passages horribles, mais que La Mettrie lui-même réfute . Il supprime la réfutaion … Je n'ai point ce livret de La Mettrie de La Vie heureuse. Pouvez-vous me faire avoir toutes les oeuvres de ce fou ? »]. La cour ne sait point d'où sont tirés ces passages scandaleux et les attribuera aux frères et on aura les philosophes en horreur.

 

Ô frères soyez donc unis. Fratrum quoque gratia rara est.[= chez les frères aussi la concorde est rare]

 

Mandez-moi, je vous en supplie, où l'on en est. On fera sans doute un recueil des pièces du procès.[= la polémique] Serait-il mal à propos de mettre à la tête une belle préface dans laquelle on verrait un parallèle des mœurs, de la science, des travaux, de la vie des frères, de leurs belles et bonnes actions, et des infamies de leurs adversaires ?

 

Mais, ô frères, soyez unis.

 

Quand je vous écrivis en beau style académique je m'en fous, et que vous me répondîtes en beau style académique que vous vous en foutiez, c'est que je riais comme un fou d'un ouvrage de quatre cents vers fait il y a quelque temps [Le Pauvre Diable, ouvrage en vers aisés de feu M. Vadé, mis en lumière par Catherine Vadé, sa cousine, dédié à Me Abraham*** ; bien sûr de V*], où Fréron et Pompignan et Chaumeix jouent un beau rôle. On dit que ce poème est imprimé. Il est, je crois , de feu Vadé, dédié à Me Abraham, et Me Joly est prié de le faire brûler. La palissoterie est venue sur ces entrefaites, et j'ai dit : ah ! Vadé, pourquoi êtes-vous mort avant la palissoterie ?[Vadé, dont V* emprunte le nom, est mort en 1757]

 

Et alors on m'envoyait de mauvais quand [Les VII Quand en manière des VIII de M. de V***, ou lettre d'un apprenti bel-esprit, 1760]et de mauvais pourquoi contre moi [Pourquoi, réponse aux Quand de M. le comte de Tornet, 1760], et je disais je m'en fous en style académique.

 

Je vous enverrai le catéchisme newtonien, mais pas si tôt. Il faut l'achever, le copier, faire des figures, et voilà Pierre le Grand [« rédaction du second volume » et « les corrections nécessaires au premier » : à Schouvalov le 7 juin ] qui me talonne et qui me fait oublier mon catéchisme. Mais je n'oublie pas vos bontés.[le 31 mai, d'Alembert avait dit à V* qu'il parlerait le mercredi suivant à l'assemblée de l'Académie des sciences des Eléments de Newton que V* voulait faire approuver (demande du 26 mai), d'Alembert se ferait nommer commissaire]

 

Et dîtes au diacre Thiriot qu'il persévère dans son zèle , et qu'il m'envoie toutes les pièces des fidèles et toutes celles des fanatiques et des hypocrites ennemis de la raison, et soyez unis en Épicure, en Confucius, en Socrate et en Epictète, et venez aux Délices qui sont devenues l'endroit de la terre qui ressemble le plus à Éden, et où l'on se fout de Me Joly, et de Me Chaumeix. Cependant mon ancien disciple roi [Frédéric II ; cf. lettre du 21 avril] est un peu follet, et je le lui ai écrit, et il n'en est pas disconvenu. Dieu vous comble toujours de ses grâces, et vivez indépendant, et aimez-moi. »