05/02/2010
il faut qu’il soit tragique, passionné, furieux, cruel, criminel, horrible, si l’on veut, et point du tout galant.


La Partie carrée (1713) Watteau
Je place ici ce tableau qui met en place les protagonistes avant que ça ne devienne trop cru pour vos chastes yeux !
Volti ne craint pas de parler de "partie carrée" à propos du sujet d'une pièce tragique d'un concurrent. Il a toujours eu le sens de la formule qui fait mouche, et là je lui tire mon chapeau !
« A Frédéric, prince héritier de Prusse
A Cirey ce 5 février [1738]
Prince, cet anneau magnifique[a[f1] ]
Est plus cher à mon cœur qu’il ne brille à mes yeux.
L’anneau de Charlemagne et celui d’Angélique [b[f2] ]
Etaient des dons moins précieux ;
Et celui d’Hans-Carvel,[c[f3] ] s’il faut que je m’explique,
Est le seul que j’aimasse mieux.
Votre Altesse royale m’embarrasse fort, Monseigneur, par ses bontés, car j’ai bientôt une autre tragédie à lui envoyer, et quelque honneur qu’il y ait à recevoir des présents de votre main, je voudrais pourtant que cette nouvelle tragédie [d[f4] ] servit à payer s’il se peut la bague, au lieu de paraître en briguer une nouvelle.
Pardon de ma poétique insolence, Monseigneur, mais comment voulez-vous que mon courage ne soit un peu enflé ? Vous me donnez votre suffrage, voilà, Monseigneur, la plus flatteuse récompense et je m’en tiens si bien à ce prix que je ne crois pas en vouloir retirer une autre de ma Mérope. Votre Altesse Royale me tiendra lieu du public. C’est assez pour moi que votre esprit mâle et digne de votre rang ait approuvé une pièce française sans amour. Je ne ferai pas l’honneur à notre parterre, et à nos loges de leur présenter un ouvrage qui condamne trop ce goût frelaté et efféminé introduit parmi nous. J’ose penser d’après le sentiment de Votre Altesse Royale que tout homme qui ne se sera pas gâté le goût par ces élégies amoureuses que nous nommons tragédies sera touché de l’amour maternel qui règne dans Mérope, mais nos Français sont malheureusement si galants , et si jolis, que tous ceux qui ont traité de pareils sujets les ont toujours ornés d’une petite intrigue entre une jeune princesse et un fort aimable cavalier . On trouve une partie carrée tout établie dans l’Electre de Crébillon, pièce remplie d’ailleurs d’un tragique très pathétique. L’Amasis de La Grange [e[f5] ] (qui est le sujet de Mérope) est enjolivé d’un amour très bien tourné. Enfin voilà notre goût général. Corneille s’y est toujours asservi. Si César vient en Egypte, c’est pour y voir une reine adorable, et Antoine lui répond : oui seigneur, je l’ai vue, elle est incomparable. Le vieux Marcien, le ridé Sertorius, sainte Pauline, sainte Théodore la prostituée est amoureuse.
Ce n’est pas que l’amour ne puisse être une passion digne du théâtre, mais il faut qu’il soit tragique, passionné, furieux, cruel, criminel, horrible, si l’on veut, et point du tout galant.
Je supplie Votre Altesse Royale de lire la Mérope italienne du marquis Maffei, elle verra que toute différente qu’elle est de la mienne j’ai du moins le bonheur de me rencontrer avec lui dans la simplicité du sujet, et dans l’attention que j’ai eue de n’en pas partager l’intérêt par une intrigue étrangère. C’est une occupation digne d’un génie tel que le vôtre que d’employer son loisir à juger les ouvrages de tout pays. Voilà la vraie monarchie universelle, elle est plus sûre que celle où les maisons d’Autriche et de Bourbon ont aspiré.
Je ne sais encore si Votre Altesse Royale a reçu mon paquet et la lettre de Mme la marquise du Châtelet par la voie de M. Plet. [f[f6] ]
Je vous quitte, Monseigneur, pour aller vite travailler au nouvel ouvrage dont j’espère dans quelques semaines amuser le Trajan et le Mécène du Nord.
Je suis avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance, Monseigneur…
Voltaire. »
[f1]« Une très belle émeraude accompagnée de diamants » envoyée le 14 janvier pour remercier V* de l’envoi de Mérope.
[f2]Dans le Cycle de Charlemagne et le Roland furieux, un anneau donne respectivement l’amour et un pouvoir magique.
[f5]La Grange-Chancel
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04/02/2010
Il est bon d’écraser deux fois le fanatisme, c’est un monstre qui lève toujours la tête.
"La déclaration du roi sera un bouclier contre la prêtraille."
Remplacez "roi" par "président de la république française", et alors là je ne suis pas sûr que l'on se retrouve avec un bouclier contre les extrémismes religieux de toutes confessions ; je suppose même qu'on doit alors se retrouver aussi protégé qu'une strip- teaseuse par son string !
N'oublions pas que notre Sarko fait montre d'une foi catholique à toute épreuve !
Voir ses déclarations !
http://www.mouton-noir.net/info-quotidienne/Quand-Sarkozy...
et
http://www.eglise.catholique.fr/actualites-et-evenements/...
Le divorce ne l'a pas rendu rancunier bien qu'il le prive normalement de certains rites dont la privation fait la souffrance de certains catho praticants . J'en déduis qu'il n'est qu'un catho en peau de lapin ! L'hypocrisie a l'air de lui convenir au teint (allez ! halé ! alléluyah ! ).

http://www.dailymotion.com/video/x3riyb_johnny-que-jai-to...
http://www.youtube.com/watch?v=lQVogwzdY2I
« A Charles –Augustin Ferriol, comte d’Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental
4 février 1766
Je renvoie à mes divins anges le mémoire de M. de La Voute pour les comédiens. Je les supplie très humblement de trouver que j’ai raison parce que je crois avoir raison,[a[f1] ] mais s’ils me condamnent, je croirai que j’ai tort. La tournure que vous avez prise est très habile. La déclaration du roi sera un bouclier contre la prêtraille. Elle sera enregistrée, et quand les cuistres refuseront la sépulture à un citoyen pensionnaire du roi, on leur lâchera le parlement. Ne vous ai-je pas mandé que ma Catherine vient de chasser les capucins pour n’avoir pas voulu enterrer un violon français ? [b[f2] ]
Vous êtes donc de très bons politiques, vous auriez donc arrangé les Genevois en vous jouant ? On dit M. le chevalier de Beauteville malade [c[f3] ]. Il peut se donner tout le temps de raffermir sa santé. Rien ne presse. Il n’y a pas eu une patte froissée dans la guerre des rats et des grenouilles [d[f4] ]. M.Crommelin est un peu ardent. On aurait dit que le feu était aux quatre coins de Genève. Comptez que les médiateurs se mettront à pouffer de rire quand ils verront de quoi il s’agit. On a trompé monsieur le duc [e[f5] ], on l’a engagé à précipiter ses démarches. Les Zurikois qui n’aiment pas à dépenser leur argent inutilement commencent à murmurer qu’on les envoie chercher pour une querelle d’auteur [f[f6] ], car c’est là l’unique fond de la noise. Si je ne m’occupais pas tout entier de l’affaire Sirven qui est plus sérieuse, je ferais un petit Lutrin de la querelle de Genève. J’ai vu l’esquisse du mémoire d’Elie de Beaumont. [g[f7] ]. Je me flatte qu’il fera un très grand effet, et que nous obtiendrons un arrêt d’attribution. Vous nous protègerez, mes chers anges. Il est bon d’écraser deux fois le fanatisme, c’est un monstre qui lève toujours la tête. J’ai dans la mienne de soulever l’Europe pour les Sirven [h[f8] ]. Vous m’aiderez.
Respect et tendresse.
V. »
[f1]Il renvoie le mémoire de Pierre Jabineau de La Voute en faveur des comédiens (pour préparer une déclaration au roi) avec des remarques ; V*propose des suppressions, des atténuations, distinctions et additions fondées sur des textes juridiques et sur l’histoire. Il ne faut pas « faire sans correctif le triste aveu que les comédiens ont été déclarés infâmes à Rome. » Il faut distinguer bateleurs et acteurs de tragédies et comédies. Il ne faut pas choquer la noblesse en paraissant inviter les gentilshommes à être comédiens : « ce qui peut se dire historiquement ne peut se dire quand on fait parler le roi. Il faut tâcher de rendre l’état de comédien honnête et non pas noble. ». Ce mémoire ne fut pas utilisé.
[f2]Catherine, le 22 août a.s. (2 septembre n.s.), racontait que « les capucins s’étant opiniâtrés cet hiver à ne pas vouloir enterrer un Français qui était mort subitement sous prétexte qu’il n’avait pas reçu les sacrements … à la fin on leur fit dire de choisir ou de passer la frontière ou d’enterrer ce Français. Ils partirent… »
[f3]Ambassadeur que la France doit envoyer à Genève pour la médiation.
[f4]Réf à la Batrachomyomachie faussement attribuée à Homère.
[f5]Duc de Praslin, ministre des Affaires étrangères.
[f6]« Les jugements portés contre (Charles Pictet) et contre le sieur Jean-Jacques Rousseau ont été les deux premiers objets des plaintes des représentants ; c’est là l’origine de tout le mal » ; voir lettre du 19 juillet 1763
[f7]Pour les Sirven.
[f8]A Damilaville il précise : « Je voudrais bien que ce divin Elie m’envoyât un précis de son mémoire dépouillé entièrement des accessoires qui sont nécessaires pour les juges et qui ne font que ralentir l’intérêt et refroidir les lecteurs étrangers . J’enverrais ce précis à tous les princes protestants et à l’impératrice de l’Eglise grecque. Je l’accompagnerais d’un petit discours sur le fanatisme… »

Jazz ! j'aime ! et je ne suis d'aucune obédience , je touche à tout du bout des oreilles, comme ce qui suit :
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03/02/2010
le malheur qu’ont tous les rois, de ne savoir pas un mot de la vérité
A l'heure où je mets cette note en ligne, je ne sais encore ce que sera l'actualité, mais d'un naturel optimiste (qui se soigne ! ) j'écoute ce qui suit, car c'est guilleret : http://www.youtube.com/watch?v=-76Ca9MRo-I&feature=related

A débattre !
« A Johann Samuel König
Berlin le 3 février 1753
Je viens de lire la première feuille de la Défense de votre Appel [Défense de l’Appel au public, La Haye 1753]. C’est la victoire de Rocou [Rocou ou Raucoux : 11 octobre 1746, Fontenoy : 11 mai 1745] après celle de Fontenoy . Il est bien douloureux que jamais Sa Majesté prussienne n’ait lu votre Appel [L’Appel au public du Jugement de l’Académie royale de Berlin, La Haye 1752], qui est un chef-d’œuvre de logique ; il n’aurait certainement pas fait cette Lettre cruelle [La Lettre d’un académicien de Berlin à un académicien de Paris ], qui est le plus grand de mes chagrins, puisque c’est ce qui lui a fait le plus grand tort dans l’Europe. Il a le malheur qu’ont tous les rois, de ne savoir pas un mot de la vérité. Il ignore qu’à l’Académie Maupertuis fit apporter le jugement contre vous, tout dressé ; il ignore qu’aucun académicien ne signa, et que la chose ne fut seulement pas mise en délibération . Comment le saurait-il ? Aucun académicien n’ose parler, et Maupertuis a été le Phalaris [tyran d’Agrigente qui brûlait ses victimes dans un taureau d’airain] de la littérature . Je vous écris par Rotterdam sur une autre affaire [sa plainte contre le libraire hollandais Pierre Grosse qui a accusé V* dans La Bigarrure de lui avoir vendu un manuscrit déjà vendu à deux de ses confrères]. Vale.
Voltaire. »
Encore un mot sur la vérité ? à voir : http://www.guillermito2.net/archives/2006_02_21.html
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02/02/2010
les suffrages d’un public toujours inconstant qui se plait à élever des idoles pour les détruire
Dédicace à celle qui ...
http://www.youtube.com/watch?v=cdje1bpjbgc
... et qui ...
http://www.youtube.com/watch?v=2kylDMPYFE8&NR=1
... ou inversement ?

Rameau, "tête à double croches" et Volti librettiste ... Je n'ai pas trouvé d'illustration musicale pour Samson, mais profitez de celle-ci quand même : "Règne Amour" (cri du coeur !!) extrait de Zoroastre : http://www.youtube.com/watch?v=gpDkWDQzN38
« A Berger
A Cirey [vers le 2] février 1736
Le succès de mes Américains [Alzire ou les Américains , jouée la première fois le 27 janvier 1736, 20 fois à la Comédie française et 2 fois à la cour] est d’autant plus flatteur pour moi, mon cher Monsieur, qu’il justifie votre amitié pour ma personne et votre goût pour mes ouvrages. J’ose vous dire que les sentiments vertueux qui sont dans cette pièce sont dans mon cœur, et c’est ce qui fait que je compte beaucoup plus sur l’amitié d’une personne comme vous dont je suis connu, que sur les suffrages d’un public toujours inconstant qui se plait à élever des idoles pour les détruire, et qui depuis longtemps passe la moitié de l’année à me louer et l’autre à me calomnier. Je souhaiterai que l’indulgence avec laquelle cet ouvrage vient d’être reçu pût encourager notre grand musicien Rameau à reprendre en moi quelque confiance et à achever son opéra de Samson sur le plan que je me suis toujours proposé [V* l’a commencé à l’automne 1733]. J’avais travaillé uniquement pour lui. Je ne m’étais écarté de la route ordinaire dans le poème que parce qu’il s’en écarte dans la musique. J’ai cru qu’il était temps d’ouvrir une carrière nouvelle à l’opéra comme sur la scène tragique les beautés de Quinault et de Lully sont devenues des lieux communs, il y aura peu de gens assez hardis pour conseiller à M. Rameau de faire de la musique pour un opéra dont les deux premiers actes sont sans amour ; mais il doit être assez hardi pour se mettre au dessus du préjugé . Il doit m’en croire et s’en croire lui-même. Il peut compter que le rôle de Samson, joué par Chassé, fera autant d’effet au moins que celui de Zamore [dans Alzire], joué par Dufresne. Tâchez de persuader cela à cette tête à double croches. Que son intérêt et sa gloire l’encouragent ; qu’il me promette d’être entièrement de concert avec moi ; surtout qu’il n’use pas sa musique en la faisant jouer de maison en maison ; qu’il orne de beautés nouvelles les morceaux que je lui ai faits. Je lui enverrai la pièce quand il le voudra, M. de Fontenelle en sera l’examinateur. Je me flatte que M. le prince de Carignan [Victor-Amédée de Savoie, prince de Carignan, directeur de l’Opéra] la protègera et qu’enfin ce sera de tous les ouvrages de ce grand musicien celui qui, sans contredit, lui fera le plus d’honneur.
A l’égard de M. de Marivaux, je serais très fâché de compter parmi mes ennemis un homme de son caractère et dont j’estime l’esprit et la probité. Il a surtout dans ses ouvrages un caractère de philosophie, d’humanité et d’indépendance dans lequel j’ai trouvé, avec plaisir, mes propres sentiments. Il est vrai que je lui souhaite quelquefois un style moins recherché et des sujets plus nobles. Mais je suis bien loin de l’avoir voulu désigner en parlant des comédies métaphysiques [pourtant si, dans les lettres à Formont d’avril 1732 et à Moncrif en avril 1733]. Je n’entends par ce terme que ces comédies [par exemple Le Triomphe de Plutus de Marivaux, 1730 ] où l’on introduit des personnages qui ne sont point dans la nature, des personnages allégoriques propres tout au plus pour le poème épique, mais très déplacés sur la scène, où tout doit être peint d’après nature. Ce n’est pas, ce me semble, le défaut de M. de Marivaux. Je lui reprocherai au contraire de trop détailler les passions et de manquer parfois le chemin du cœur, en prenant des routes un peu trop détournées. J’aime d’autant plus son esprit que je le prierais de le moins prodiguer ! [V* écrit à Formont le 29 mai 1732 : « Nous aurons aussi les Serments indiscrets de Marivaux, où j’espère que je n’entendrai rien. »] Il ne faut point qu’un personnage de comédie songe à être spirituel, il faut qu’il soit plaisant malgré lui et sans croire l’être. C’est la différence qui doit être entre la comédie et le simple dialogue. Voilà mon avis, mon cher Monsieur ; je le soumets au vôtre.
J’avais prêté quelque argent à feu M. de La Clède, mais sans billet. Je voudrais en avoir perdu dix fois davantage et qu’il fût en vie. Je vous supplie de m’écrire tout ce que vous apprendrez au sujet de mes Américains. Je vous embrasse tendrement.
Qu’est devenu l’abbé Desfontaines ? [condamné par la chambre de l’Arsenal pour avoir fait un libelle contre l’Académie.] Dans quelle loge a-t-on mis ce chien qui mordait ses maîtres ? Hélas ! je lui donnerais encore du pain, tout enragé qu’il est. Je ne vous écris point de ma main, parce que je suis un peu malade. Adieu.
Voltaire. »
Esprit peu contrariant, comme vous diront mes meilleurs amis, je place en conclusion une ouverture : http://www.youtube.com/watch?v=Uh4O6bGBQNo&NR=1
06:27 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/02/2010
C’est ainsi à peu près que j’en use depuis quarante ans, disant toujours : j’aurai demain du régime
Je ne regrette pas mon abonnement au Point !
N'y voyez pas ici l'affichage de mes opinions politiques !
Non!
Seulement, le n° 1949 sous la plume de Claude Imbert donne un éditorial titré "Le glas d'Haïti" . A mon grand plaisir, il cite Voltaire qui écrivit un magnifique et poignant poème suite au désastre du tremblement de terre de Libonne en novmbre 1755. Quelle solidarité fut mise en branle à cette époque, je dois avouer que je ne le sais pas ; elle ne fut sans doute pas internationale comme de nos jours .
Claude Imbert écrit :"D'abord le chaos, l'effarement, la compassion . Mais très vite la compassion se périme." , ce que je mets en parallèle avec cette citation d'une lettre du 11 août 1770 de Voltaire à Catherine II, suite au terrible tremblement de terre de Saint Domingue de juin 1770 : "On apprend à Paris le tremblement de terre qui a bouleversé trente lieues de pays à Saint Domingue, on dit : "C'est dommage", et on va à l'opéra."
Les Français n'ont guère changé depuis le XVIIIème siècle ? Si ! quand même, la générosité a été manifeste, mais n'oublions pas qu'Haïti c'est loin, et que nos misères quotidiennes prennent le pas sur les gros coups durs des autres !
Pour l'avenir, Imbert dit : "Cultiver notre jardin ? Jouir d'être épargné ? Chacun sa recette ! Mais ce serait une encourageante surprise qu'en faveur d'Haïti le monde se bouge.... Mais on ne peut, d'avance, désespérer de tout.".
http://www.dailymotion.com/video/x29zaf_salut-a-toi-les-ogres-de-barback_music

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
A Lunéville 1er février [1748]
Mes divins anges ont-ils reçu des copies bien pleines de fautes de cette Sémiramis qu’ils ont prise sous leur protection ? Me voici donc à Lunéville ! et pourquoi ? [en remerciement des honneurs reçus à la cour, V* avait rimé un compliment à Mme de Pompadour susceptible d’offenser le parti de la reine ; on dit donc qu’il était exilé volontairement ou sur ordre ] . C’est un homme charmant que le roi Stanislas, mais quand on lui joindrait encore le roi Auguste, tout gros qu’ils sont, dans une balance, et mes anges dans l’autre, mes anges l’emporteraient. J’ai toujours été malade, cependant, ordonnez, et s’il y a encore des vers à refaire, je tâcherai de me bien porter. M. de Pont de Veyle et M. de Choiseul [Choiseul-Praslin] sont-ils enfin contents de ma reine de Babylone ? [Sémiramis] . Comment va leur santé ? Sont-ils bien gourmands ? Oui, et ensuite on prend de l’eau de tilleul. C’est ainsi à peu près que j’en use depuis quarante ans, disant toujours : j’aurai demain du régime. Mais Mme du Châtelet qui n’en eut jamais se porte merveilleusement bien. Elle vous fait les plus tendres compliments. Je ne sais si elle ne restera point ici tout le mois de février. Pour moi qui suis une petite planète de son tourbillon, je la suis dans son orbite cahin-caha, et quoique je mène ici la vie la plus douce et la plus commode je reviendrai avec délices vous faire ma cour. Adieu, mes adorables anges, je vous serai fidèle jusqu’au dernier moment de ma vie et votre culte sera toujours dans mon cœur.
V. »
Un flash-back sur un remède de grand-mère qui vous soulageait et vous donnait une irrépressible envie de ne plus en avoir besoin : http://www.ina.fr/pub/alimentation-boisson/video/PUB3212825042/boldoflorine-tisane.fr.html

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31/01/2010
il vaut mieux obéir aux lois De son cœur et de son génie Que de travailler pour des rois !
« A Pierre-Robert Le Cornier de Cideville
A Versailles 31 janvier 1745
Mon aimable ami, je suis un barbare qui n’écrit point ou qui n’écris qu’en vile prose. Vos vers font mon plaisir et ma confusion. Mais ne plaindrez-vous pas un pauvre diable qui est bouffon du roi à cinquante ans, [a[f1] ] et qui est plus embarrassé avec les musiciens, les décorateurs, les comédiens, les chanteurs, les danseurs, que ne le seront les huit ou neuf électeurs pour se faire un César allemand [b[f2] ]? Je cours de Paris à Versailles, je fais des vers en chaise de poste. Il faut louer le roi hautement, Mme la dauphine finement, la famille royale tout doucement, contenter la cour, ne pas déplaire à la ville.
Oh qu’il est plus doux mille fois
De consacrer son harmonie
A la tendre amitié dont le saint nœud nous lie !
Qu’il vaut mieux obéir aux lois
De son cœur et de son génie
Que de travailler pour des rois !
Bonjour mon cher ami, je cours à Paris pour une répétition, je reviens pour une décoration [c[f3] ]. Je vous attends pour me consoler et pour me juger. Que n’êtes-vous venu pour m’aider ! Adieu, je vous aime autant que j’écris peu.
V. »
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si mes souffrances continuelles me permettent l’amusement du travail
http://www.youtube.com/watch?v=rCXlg7Amy3U&feature=re...
http://www.youtube.com/watch?v=9QjVDY2g7Cs&feature=re...
http://www.youtube.com/watch?v=I9oaS-zvIm8&feature=re...
http://www.youtube.com/watch?v=vt__em0aKFM&feature=re...
« A Jean Le Rond d’Alembert
31 de janvier [1770]
Rétablissez votre santé, mon très cher philosophe[f1] [ ], j’en connais tout le prix, quoique je n’en aie jamais eu, porro unum est necessarium[f2] [ ]; et sans ce nécessaire, adieu tout le plaisir qui est plus nécessaire encore. Je me souviens que je n’ai pas répondu à une galanterie de votre part, qui commençait par sic ille vir[f3] [ ]: soyez sûr que vir ille n’a jamais trempé dans l’infâme complot dont vous avez entendu parler[f4] [ ]. Il n’est pas homme à demander ce que certaines personnes avaient imaginé de demander pour lui[f5] [ ]; mais il désirerait fort de vous embrasser et de causer avec vous.
Je vous avais bien dit que l’aventure de Martin était véritable[f6] [ ]. Le procureur général travaille actuellement à réhabiliter sa mémoire ; mais comment réhabilitera-t-on les Martins qui l’ont condamné ? Le pauvre homme a expiré sur la roue, et le tout par une méprise. Qu’on dise à présent quel est l’homme qui est assuré de n’être pas roué !
Voici l’édit des libraires[f7] [ ], tel que je l’ai reçu ; c’est à vous de voir si vous l’enregistrerez. Pour moi, je déclare d’abord que je ne souffrirai pas que mon nom soit placé avant le vôtre et celui de M. Diderot, dans un ouvrage qui est tout à vous deux. Je déclare ensuite que mon nom ferait plus de tort que de bien à l’ouvrage, et ne manquerait pas de réveiller des ennemis qui croiraient trouver trop de liberté dans les articles les plus mesurés. Je déclare de plus qu’il faut rayer mon nom, pour l’intérêt même de l’entreprise.
Je déclare enfin que, si mes souffrances continuelles me permettent l’amusement du travail, je travaillerai sur un autre plan qui ne conviendra pas peut-être à la gravité d’un Dictionnaire encyclopédique[f8] [ ].
Il vaut mieux, d’ailleurs que je sois le panégyriste de cet ouvrage que si j’en étais le collaborateur.
Enfin ma dernière déclaration est que, si les entrepreneurs veulent glisser dans l’ouvrage quelques-uns des articles auxquels je m’amuse, ils en seront les maîtres absolus, quand mes fantaisies auront paru. Alors ils pourront corriger, élaguer, retrancher, amplifier, supprimer tout ce que le public aura trouvé mauvais ; je les en laisserai les maîtres.
Vous pourrez, mon très cher philosophe, faire part de ma résolution à qui vous jugerez à propos ; tout ce que vous ferez sera bien fait : mais surtout portez-vous bien. Mme Denis vous fait ses compliments ; nous vous embrassons tous deux de tout notre cœur.
Voltaire. »
[f1]Le 25 janvier d’Alembert se plaignait d’étourdissements et d’un « affaiblissement de la tête »
[f2]D’ailleurs une suele chose est nécessaire
[f3]Le 11 décembre 1769, d’Alembert avait écrit : « On dit … que vous avez du chagrin pour une cause qui me parait bien juste . Je ne saurais croire que cette cause soit réelle ; si par hasard elle l’était, elle me rappellerait la belle tirade de la péroraison pro Milone, qui commence par ces mots : Hiccine vir patriae natus etc » (= voici un homme né pour sa patrie).
[f4]C’est-à-dire les démarches entreprises pour le faire venir à Paris ; le 15 octobre 1769 Mme Denis renonçait au projet . V* écrivit pourtant à Mme du Deffand le 1er novembre : « si je suis en vie au printemps … je compte venir passer dix ou douze jours auprès de vous avec Mme Denis… »
[f5]La demande était faite par Mme Denis, ses amis, et même par Mme du Barry et Richelieu.
[f6]Cf lettres à d’Alembert du 28 octobre 1769 et du 11 décembre à Christin.
[f7]Le prospectus de Panckoucke qui annonçait le Supplément à l’Encyclopédie et dans lequel le nom de V* précède Diderot et d’Alembert. V* en cite le début à d’Alembert le 12 janvier en disant : « Il manquait … la formule : car tel est notre bon plaisir . Vous avez enrichi les libraires, et vous voyez qu’ils n’en sont pas plus modestes. »
[f8]V* a décidé de donner ses Questions sur l’Encyclopédie au lieu de travailler au Supplément . Il écrira aux Cramer : « Vous pouvez mander à Panckoucke que cet ouvrage de la manière dont il est conçu, ne convient point du tout au Dictionnaire encyclopédique. »
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