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06/08/2021

Tout cet affreux désert s’est changé en paradis terrestre

... A ceci près, que ce paradis gessien est devenu un chantier où le béton pousse plus vite que les moissons . Comme dit une de mes vaillantes tantes "il n'y a même plus la place pour planter un poireau !"

Le pays de Gex, dernier paradis du centre commercial

https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/10/21/le-pay...

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

12 mai 1766 1

Mon cher ami, je réponds à votre lettre du 5 mai . Je ne peux savoir bien positivement quelles à été l'intention de ceux qui ont souscrit pour quatre exemplaires de l'estampe des Calas, mais je sais que quand on a payé d'avance quatre aunes de drap il faut que le marchand livre les quatre aunes sauf à ceux 2 qui ont payé de ne recevoir que le quart au lieu du total .

Je console autant que je puis les Sirven . Je leur fais espérer qu’ils auront incessamment le mémoire qui les justifie. Vous voyez sans doute quelquefois M. Élie, et vous avez la bonté de lui dire combien je m’intéresse à sa santé. J’ai peine à croire qu’il ne réussisse pas dans cette affaire. Je pense toujours que le Conseil lui sera favorable. On n’est pas, ce me semble, assez content des parlements pour craindre celui de Toulouse ; et je ne crois pas qu’une compagnie qui n’a voulu recevoir de la main du roi ni son commandant 3 ni son premier président 4 doive avoir à la cour un crédit immense.

Je trouve que le sieur Le Breton a fait une haute sottise d’aller porter à Versailles des Encyclopédies lorsque le clergé s’assemblait. Le ministère a fait très prudemment de s’emparer des exemplaires, et de prévenir par là des clameurs qui eussent été aussi dangereuses qu’injustes. On a mis dans les gazettes que l’article Peuple 5 avait indisposé beaucoup le ministère ; je ne le crois pas ; il me semble que tout ministre sage devrait signer cet article.

Je suis bien fâché que l’auteur de Population et de Vingtième n’en ait pas fait davantage . Je voudrais raccommoder ce bon citoyen avec le grand Colbert. Il lui reproche d’avoir fait baisser le prix des blés ; mais il baissa de même en Angleterre et ailleurs dans le même temps. Le grand malheur de Colbert est d’avoir vu ses mesures toujours traversées par les entreprises de Louis XIV. La guerre injuste et ridicule de 1672 obligea le ministre le plus grand que nous ayons jamais eu à se conduire 6 d’une manière directement opposée à ses sentiments ; et cependant il ne laissa, en mourant, aucune dette de l’État qui fût exigible. Il créa la marine, il établit toutes les manufactures qui servent à la construction et à l’équipement des vaisseaux. On lui doit l’utile et l’agréable. Si vous connaissiez l’auteur de l’article où on le traite un peu mal, je vous prie de demander la grâce de Colbert à cet auteur. Nous en parlerons, si jamais vous êtes assez bon pour revenir à Ferney. Mon petit château sera enfin entièrement bâti ; mes paysans augmentent leurs cabanes, à mon exemple ; leurs terres et les miennes sont bien cultivées . Tout cet affreux désert s’est changé en paradis terrestre.

J’ai eu la consolation de trouver un petit bailli 7 qui pense tout aussi sensément que nous. Vous m’avouerez que c’est trouver une perle dans du fumier, car il est d’un pays où l’on ne pense point du tout.

Vous ne me parlez point de Bigex ; vous ne me consolez point dans ce temps de disette de bons ouvrages. Ne pourriez-vous point me faire avoir le mémoire de M. de Lally ? M. de Florian ne vous en a-t-il pas donné un ? Songez à moi, je vous en prie, et croyez que je ne m’oublie pas, et que je ne perds pas mon temps.

Je viens de recevoir une lettre charmante 8 du philosophe d’Alembert. Bonsoir, mon cher frère ; buvez à ma santé avec Platon. »

1 Selon la copie contemporaine Darmstadt B. il manque dans les deux derniers paragraphes trois passages : Vous […] Bigex ; M. de Florian […] donné un ? Je viens de recevoir […] mon cher frère ; l'édition de Kehl donne une version très remaniée , voir lettre du 9 mai 1766 à Damilaville :

2 Besterman donne deux, corrigé ici en ceux .

4 François de Bastard, premier président au parlement de Toulouse ; voir lettre du 2 février 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/19/depuis-les-grenouilles-et-les-rats-qui-prierent-jupiter-de-v-6316956.html

5 Article de Jaucourt .

6 Mot remplacé par comporter dans la copie Beaumarchais et autres éditions .

7 Christin ; c'est devant lui que fut signée, le 22 mai 1766, une reconnaissance de dette, avec hypothèque, de Daumart envers Marie-Louise Denis .

8 Lettre inconnue .

05/08/2021

Ne craignons point de répéter ce qu’il est nécessaire de savoir ; il y a des choses qu’il faut river, dans la tête des hommes, à coups redoublés

... Comprenez-vous , vous les anti-vaccins, têtes de pioches ?

PLANTU Officiel on Twitter: "RETARD ET VACCIN: le dessin du Monde de ce  lundi 4 janvier.… "

 

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

12è mai 1766

L’un de mes anges m’a écrit une lettre toute remplie de raison, d’esprit, de bonté, et de choses charmantes ; cela n’empêche pas que je ne trouve toujours l’âme immortelle placée entre les deux trous prodigieusement ridicule 1.

Il s’en faut beaucoup que le petit ex-jésuite ait négligé ses marauds du Triumvirat ; mais il pense que vos belles dames, qui font dans Paris toutes les réputations, ne seront nullement touchées de ces gens de sac et de corde. Il a cru se tirer d’affaire par des notes historiques, et par une histoire de toutes les proscriptions 2 de ce monde, qui fait dresser les cheveux à la tête. Il prétend, dans ces notes, que la conspiration de Cinna n’a jamais existé, que cette aventure est supposée par Sénèque, et qu’il l’inventa pour en faire un sujet de déclamation. C’est un objet de critique pour quelques pédants, mais dont le public ne se soucie guère. Il reste donc persuadé qu’il ne trouvera point de libraire qui veuille donner cent écus de cette guenille, attendu que La Harpe n’en a pas pu trouver cinquante pour son beau Gustave Vasa. L’ex-jésuite vous enverra bientôt ses Roués et ses notes pédantesques. Il souhaite d’ailleurs passionnément que Mlle Dubois se forme, et que M. de Chabanon lui donne un beau rôle ; mais il ne sait pas où est M. de Chabanon ; il devait retourner à Paris au commencement du mois ; nous lui avons souhaité un bon voyage, et depuis ce temps nous n’avons plus de ses nouvelles.

À l’égard de la comédie de Genève, c’est une pièce compliquée et froide qui commence à m’ennuyer beaucoup. J’ai été pendant quelque temps avocat consultant ; j’ai toujours conseillé aux Genevois d’être plus gais qu’ils ne sont, d’avoir chez eux la comédie, et de savoir être heureux avec quatre millions de revenu qu’ils ont sur la France. L’esprit de contumace est dans cette famille. Les natifs disent que je prends le parti des bourgeois ; les bourgeois craignent que je ne prenne le parti des natifs. Les natifs et les bourgeois prétendent que j’ai eu trop de déférence pour le conseil. Le conseil dit que j’ai eu trop d’amitié pour les natifs et les bourgeois. Les bourgeois, les natifs, et le conseil ne savent ni ce qu’ils veulent, ni ce qu’ils font, ni ce qu’ils disent. Les médiateurs ne savent encore où ils en sont ; mais j’ai cru m’apercevoir qu’ils étaient fâchés qu’on fût venu me demander mon avis à la campagne. J’ai donc déclaré aux conseil, bourgeois, et natifs, que, n’étant point marguillier de leur paroisse, il ne me convenait pas de me mêler de leurs affaires, et que j’avais assez des miennes. Je leur ai donné un bel exemple de pacification, en m’accommodant pour mes dîmes avec mon curé, et finissant d’un trait de plume, à l’aide de quelques louis d’or, des chicanes de cent années.

Peut-être que M. le duc de Praslin parle quelquefois avec M. le duc de Choiseul des tracasseries genevoises. En ce cas, je le supplie de vouloir bien me recommander ou me faire recommander à M. le chevalier de Beauteville. J’attends cette grâce de vous, mes divins anges : car non-seulement plusieurs morceaux de mes petites terres sont enclavés dans le petit territoire de la parvulissime république, mais j’ai tous les jours de petits droits à discuter avec elle, car vous noterez qu’elle n’a guère plus de terrain en France que je n’en ai. Chose étonnante que la liberté ! Il y a vingt villes en France beaucoup plus peuplées que Genève ; qu’il y ait un peu de dissension dans une de ces vingt villes, on envoie des archers . Qu’il y ait une petite discussion à Genève, on y envoie des ambassadeurs !

Vous ferez, mes anges, une très belle et bonne action, non seulement de faire recommander mes petits intérêts à M. de Beauteville, mais surtout de l’engager à garder pour lui ce droit négatif dont nous avons tant parlé. C’est une manière si naturelle et si honnête d’être maître de Genève sans le paraître ; ce tempérament est si convenable ; il sera si utile de disposer de Genève dans les guerres qu’on peut avoir en Italie, qu’il ne faut pas assurément manquer cette précaution . Vous y êtes même intéressé comme Parmesan 3 ; vous êtes puissance d’Italie. Henri IV vous a ôté le marquisat de Saluce, que vous auriez bien par la suite perdu sans lui ; ne manquez pas l’occasion de vous assurer un jour de Genève. La Corse, dont vous vous êtes mêlés, vous était bien moins nécessaire. Il me semble que M. le duc de Praslin approuvait cette idée ; il la fera goûter sans doute à M. le duc de Choiseul. C’est une négociation dont il faut que vous ayez tout l’honneur ; la maison de Parme en aura peut-être un jour tout l’avantage.

L’Encyclopédie me paraît un peu vexée à Paris ; je crois que c’est une sage précaution du ministère, qui ne veut pas donner de prise à messieurs du clergé. Il y a dans ce livre d’excellents articles qu’il serait bien triste de perdre. L’ouvrage est en général un coup de massue porté au fanatisme. L’ex-jésuite lui porte quelquefois des coups de stylet ; il faut attaquer ce monstre de tous les cotés et avec toutes les armes. Ne craignons point de répéter ce qu’il est nécessaire de savoir ; il y a des choses qu’il faut river, dans la tête des hommes, à coups redoublés. Je ne m’en mêle pas, comme vous le croyez bien ; mais j’apprends avec une grande consolation que plusieurs avocats travaillent à ce procès ; vous n’en serez pas fâché, vous qui êtes au rang des meilleurs juges.

Je me mets au bout de vos ailes avec mon culte ordinaire. »

1 Thème repris et texte éclairée dans L'Homme aux quarante écus : « Mariage de l'homme aux quarante écus » : « Ô Dieu paternel, s'écria-t-il, l'âme immortelle de mon fils est née et logée entre l'urine et quelque chose de pis ! »

Voir lettre du 18 avril 1766 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/17/il-me-semble-qu-un-benefice-simple-de-chef-du-conseil-des-fi-6327492.html

3 D’Argental est ministre plénipotentiaire de Parme près la cour de France.

04/08/2021

Je renvoie les capitulaires

... et fais fi de mes obligations légales" affirme Alain Griset, ministre en exercice (vacances plutôt) ; voyons ce qu'il adviendra : https://www.lci.fr/politique/le-ministre-alain-griset-est...

 

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[vers le 10 mai 1766]

Quand M. Caro et Mme Cara viendront-ils à Tournay ? Quand pourrai-je avoir l'éloge de Mme Lavaysse 1? Je renvoie les capitulaires . Je voudrais bien avoir l'Histoire de d'Aubigné 2, j'entends l'histoire de son temps , je lui serai très obligé de m'envoyer le tome qui regarde Henri IV. »

03/08/2021

Je vous avouerai franchement que je ne connais, parmi les discours prononcés au parlement de Paris, rien qui mérite d’être lu, excepté deux ou trois discours

... Dont celui de Simone Veil sur l'IVG , le 26 novembre 1974 :  https://www.youtube.com/watch?v=45MOc6PYoY8

Épinglé sur Culture | Hobbies

et celui de Robert Badinter sur l'abolition de la peine de mort du 17 septembre 1981 :  https://m.ina.fr/video/I00004546/discours-de-robert-badin...

Robert Badinter - Paris Match

 

 

 

« A Joseph-Michel-Antoine Servan

9è mai 1766 à Ferney 1

Enfin, monsieur, on a retrouvé Moïse sous un tas de fumier, et il est sauvé des mains des muletiers, comme de celles de Pharaon. Les conjectures sur la Genèse 2 sont actuellement dans ma bibliothèque ; mais je vous assure que je fais plus de cas du discours que vous avez eu la bonté de m’envoyer 3. L’auteur a dû se complaire dans son œuvre, et voir que cela était bon 4; mais il est trop modeste pour le dire, et moi, je suis trop véridique pour lui cacher ce que j’en pense.

Je vous demande en grâce, monsieur, de vouloir bien honorer mon petit cabinet de livres de tout ce qui partira de votre plume . J’ai des recueils qui assurément ne vaudront pas celui-là. Je vous avouerai franchement que je ne connais, parmi les discours prononcés au parlement de Paris, rien qui mérite d’être lu, excepté deux ou trois discours de M. d’Aguesseau ; tout ce qu’on a fait depuis lui est sec et mal écrit ; tout ce qu’on a fait auparavant est de l’éloquence de Thomas Diafoirus 5. J’ai déjà eu l’honneur de vous dire 6 qu’en qualité de provincial j’aimais fort à voir le bon goût renaître en province. Vous et moi, nous sommes allobroges . Je m’intéresse à vos succès, comme compatriote , et, en cette qualité, je vous demande la continuation de vos bontés. Autrefois la cour donnait le ton à Paris, et Paris aux provinces . Il me paraît que c’est à présent tout le contraire, à cela près qu’il n’y a plus de ton à Versailles . Je ne suis pas, au reste, comme les autres vieillards qui vantent toujours ce qu’ils ont vu dans leur jeunesse . Je vous jure que je n’ai vu que des sottises . Le bon temps était le siècle de Louis XIV, dont je n’ai bu que la lie. Cependant il faut être juste : j’avoue qu’il n’y a en France aujourd’hui aucun grand talent, dans quelque genre que ce puisse être, pas même à l’opéra-comique, qui est devenu le spectacle de la nation ; mais, en récompense, il y a beaucoup de philosophie, le monde est plus éclairé, la superstition est bannie chez tous les honnêtes gens, et voilà ce qui me console.

Soyez toujours, monsieur, ma plus grande consolation, et comptez sur la tendre et respectueuse estime de

V. 

9è mai 1766

Dès qu'il paraîtra quelque chose de curieux, j'aurai l'honneur de vous l’adresser.»

1 L'édition Beuchot donne un texte incomplet et peu soigné, ce qui semble indiquer qu'il n'a pas vu l'original . La lettre de Servan du 30 avril 1766 est conservée .

2 De Jean Astruc : Conjectures sur les mémoires originaux dont il paraît que Moïse s'est servi pour composer le livre de la Genèse, 1753 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k10405623.image

3 M. S*** [J. M. Servan], Discours sur l'administration de la justice criminelle, 1766 : https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/penalistes/introduction/servant_justice_criminelle.htm

5 Dans Le Malade imaginaire , bien entendu .

02/08/2021

Le héros dont vous me parlez fait bien de l'honneur à Genève de gratifier de sa présence une ville où l'on ne trouve à présent que des tracasseries

... La preuve : https://www.20min.ch/fr/story/la-police-saisit-six-e-trot...

Pour le héros (aux yeux des banquiers ), il suffit de trouver celui qui va faire les plus grosses dépenses  dans le canton cet été , et au delà !

La police, positionnée aux abords de la rue de la Cloche, a utilisé un rouleau pour mesurer la vitesse des trottinettes.

Dousssssement y'a pas l'feu au lac !

 

 

« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches, major, etc.

à Landrecy

Flandre

9è mai 1766 à Ferney

Je n'ai point encore vu monsieur votre frère, monsieur, mes maladies, qui augmentent tous les jours, m'empêchent d'aller à Genève où le droit négatif tourne toutes les têtes de la petite fourmilière ; mais j'ai eu le bonheur de voir à Ferney Mme de Gentil et Mme d'Aubonne . Quand aurai-je celui de vous embrasser ?

Le héros dont vous me parlez 1 fait bien de l'honneur à Genève de gratifier de sa présence une ville où l'on ne trouve à présent que des tracasseries . Il fait le tour de l'Europe comme Germanicus faisait celui de son camp pour jouir de sa gloire , ut frueretur fama sui 2. Les échos de nos montagnes ont retenti de ses belles actions aussi bien que ceux du pays d'Arminius . Je ne suis qu'un vieux malade mourant, mais j'imagine que je reprendrai des forces en le voyant seulement passer .

Voilà votre ami M. le prince de Ligne en possession d'un bel héritage 3 . Je ne sais pas si son âge lui permet de compter parmi les joyaux de la Toison d'or de son père ; je vous prie de ne me pas oublier quand vous lui écrivez . Il m'a paru avoir une espèce de philosophie qui s'accorde tout à fait avec la mienne .

Adieu, monsieur, Mme Denis se joint à moi pour vous dire combien nous vous aimons, et à quel point nous vous regrettons.

V. »

2 Pour jouir de sa renommée : la citation semble inspirée de Tacite, on attend sua pour sui .

3 Son père, Claude Lamoral, prince de Ligne est mort le 7 avril 1766 ; voir : https://gw.geneanet.org/frebault?lang=fr&pz=henri&nz=frebault&p=claude&n=de+ligne&oc=1

01/08/2021

Laissez moi faire mon devoir sans quoi je me brouille avec vous

... Tel semble devoir être le leitmotiv des membres du gouvernement à l'heure de leurs vacances , mais en vérité il y a loin des paroles aux actes, ministres ou pas : https://www.lefigaro.fr/politique/les-vacances-des-minist...

Départs en vacances : faites une liste pour ne rien oublier - Fanartstrip,  le Blog 100 % BD et dessins de presse

Pas impossible !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

9 mai 1766 1

Mon cher frère, j’ai mis l’estampe des Calas au chevet de mon lit, et j’ai baisé, à travers la glace, Mme Calas et ses deux filles. Je leur en rends compte dans la petite lettre que je vous envoie.

On se plaint beaucoup de la gravure ; on trouve que les doigts ressemblent à des griffes d’oiseaux mal faites, et les bras à des cotrets 2; mais pour moi, je suis si content d’avoir cette famille sous mes yeux que je pardonne tout, et que je trouve tout bon.

Le paquet contenait aussi un Lucain et deux tomes de Goldoni, mais je m'attendais à un Fréret dont vous m’aviez tant parlé . Je suis persuadé avec vous que la sagesse du ministère n'a pas voulu qu'on débitât le Grand Dictionnaire avant qu'on eût examiné combien il est instructif et circonspect . Cette conduite du ministère est d'autant plus prudente qu'on dit que l'assemblée du clergé approche, ou du moins qu'on disait qu'elle approchait . Je vous prie de me mander si en effet elle se tiendra et dans quel temps .

Je compte vous envoyer mardi prochain, par la diligence de Lyon le buste d'un de vos amis . Il est dans le goût antique et est assurément mieux fait que l'estampe des Calas 3. Ayez la bonté, je vous en supplie, de ne point écrire aux sculpteurs et de n’avoir aucun commerce avec eux . Laissez moi faire mon devoir sans quoi je me brouille avec vous .

Je ne sais rien de nouveau car les tracasseries de Genève ne sont pas nouvelles .

Venons, s'il vous plait à notre grande affaire, au mémoire des Sirven . J'ai été bien confondu quand je ne l'ai pas vu avec l'estampe des Calas . Est-ce la maladie de M. de Beaumont qui l'a empêché de finir ce grand ouvrage ? est-ce quelque difficulté survenue sur la forme ? les avocats sont-ils d'accord ? ne le sont-ils pas ? aurons-nous beaucoup de signatures ? N'oubliez pas , je vous en conjure, un objet si digne de vous . La pauvre famille Sirven est désespérée, parce qu'on lui avait donné l'espérance la plus flatteuse .

Je viens de lire l'article Vertu ; il me console, il m'assure que notre cher Beaumont achèvera son ouvrage . Je vous réitère mon cher ami, la prière de payer l'honoraire des avocats qui signeront la consultation .

Adieu , mon cher frère, ma santé empire tous les jours, mais j'ai fait provision de patience . Embrassez pour moi Platon . »

1 L'édition de Kehl insère des extraits de cette lettre dans celle du 12 mai 1766, également incomplète : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6338

2 Ce sont des fagots de petit bois pour allumer le feu .

3 Le sculpteur franc-comtois Jean-Claude-François-Joseph Rosset (1706-1786), qui fréquente Ferney à partir de 1765, diffuse des portraits de Voltaire dès 1766.

31/07/2021

Vous et votre famille, vous êtes la première chose que je vois en m'éveillant

... A voir au château de Voltaire

Affaire Calas — Wikipédia

 

 

« A Anne-Rose Calas

à Paris

9è mai 1766 à Ferney

J'ai baisé votre estampe, madame, je l'ai placée au chevet de mon lit . Vous et votre famille, vous êtes la première chose que je vois en m'éveillant . Monsieur votre fils Pierre est parfaitement ressemblant, je suis persuadé que vous l'êtes de même . Je vous souhaite, et à mesdemoiselles vos fille, toute la prospérité que vos vertus méritent .

J'ai l’honneur d'être, madame, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »