30/07/2021
ni les morts, ni les mourants, ne font de longs compliments
... Moi non plus !
« À Giuseppe Colpani 1
à Brescia
6è mai 1766 au château de Ferney par Genève 2
Monsieur,
J’ose vous dire que personne n’est plus en état que moi de juger les Dialogues des morts 3, attendu que je serai bientôt de leur nombre, et que, me faisant actuellement construire un petit sépulcre, je suis à portée d’entendre ce que ces messieurs disent là-bas. Ils n’auront jamais tant d’esprit que vous leur en donnez. Pour le peu que j’ai encore de vie je vous remercie des plaisirs que vous me faites ; ni les morts, ni les mourants, ne font de longs compliments, mais ils détestent tous votre inquisition, et ils souhaitent aux vivants cette heureuse liberté sans laquelle ce n’est pas la peine d’être au monde.
J’ai l’honneur d’être, avec la plus grande sensibilité pour votre mérite, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.
Voltaire. »
2 Voir lettre du 10 janvier 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/04/30/je-ne-suis-pas-juge-de-votre-merite-mais-je-me-flatte-de-le-6313071.html
3 Dialoghi dei morti, 1765, de Giuseppe Colpani : https://c18.net/vll/vll_fiche.php?id_vo_vll=825
et : https://www.treccani.it/enciclopedia/giuseppe-colpani_%28Enciclopedia-Italiana%29/
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29/07/2021
On ne peut s’intéresser plus que moi, monsieur, à un homme qui honore comme vous la profession que vous avez daigné embrasser
... En fait, ce grand homme est une femme (comme Emilie du Châtelet pour Voltaire ) : la doctoresse Irène Frachon qui appelle les récalcitrants à se faire vacciner d'urgence contre le Covid 19 : https://www.lci.fr/sante/vaccination-covid-dans-une-tribu...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ir%C3%A8ne_Frachon
Le virus va pourrir vos vacances si vous restez sourds à de tels appels ; ne dites pas non, ça a déjà commencé, sauf erreur de ma part .
https://rmc.bfmtv.com/emission/sur-rmc-l-appel-d-irene-fr...
« A Jacques Lacombe , Libraire
Quai de Conti
à
Paris
5è mai 1766
On ne peut s’intéresser plus que moi, monsieur, à un homme qui honore comme vous la profession que vous avez daigné embrasser. Mandez-moi comment je pourrais vous faire tenir la nouvelle édition, en deux volumes, d’un livre intitulé mal à propos Dictionnaire philosophique, lequel a occasionné encore plus mal à propos beaucoup de contradictions. Si vous n’avez pas l’édition des œuvres du même auteur, faite à Genève, et les trois volumes de Mélanges qui viennent de paraître, on vous les adressera par la voie que vous indiquerez. Vous trouverez aisément dans ces trois volumes, dans la collection de Genève et dans les deux volumes du Dictionnaire philosophique, de quoi faire un recueil de chapitres par ordre alphabétique 1. Vous trouverez plusieurs chapitres sur le même sujet ; mais, comme ils sont différemment traités, ces variétés pourront n’être que plus piquantes. Tous ces ouvrages imprimés sont remplis de fautes typographiques, qui ne se retrouveront plus dans votre édition.
Un homme de mes amis, qui veut être inconnu, m’a communiqué une tragédie 2, laquelle m’a paru très singulière, et qui n’est ni dans le style ni dans les mœurs d’aujourd’hui. Elle est accompagnée de notes que je crois curieuses et intéressantes, et d’un morceau historique qui l’est encore davantage 3. Cela pourra faire un juste volume. Il faudrait non-seulement garder le profond secret qu’on exige de moi, mais, en cas que l’ouvrage se vendît, il faudrait faire un petit présent d’une quinzaine de louis d’or à un comédien 4 qu’on vous indiquerait, et en donner trois ou quatre autres à une personne qu’on vous indiquerait encore.
Ne doutez pas, monsieur, de mon empressement à vous marquer, dans toutes les occasions, les sentiments dont je suis pénétré pour vous. »
1 Voir lettre du 5 avril 1766 à Lacombe : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/09/je-voudrais-vous-donner-bien-des-causes-a-soutenir-6326213.html
2 Octave ou Le Triumvirat , que Lacombe va effectivement publier fin 1766 (daté de 1767 ).
3 Morceau intitulé « Du gouvernement et de la divinité d'Auguste » : https://fr.wikisource.org/wiki/Du_gouvernement_et_de_la_divinit%C3%A9_d%E2%80%99Auguste/%C3%89dition_Garnier
4 Lekain .
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28/07/2021
Madame, Votre département dans le ministère est toujours de faire du bien
... N'est-il pas vrai Mme Elisabeth Borne, ministre du Travail ? Il en est qui peuvent douter : https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/elisabeth-born...
A moins qu'il faille faire mal pour un bien supérieur ! Je sens venir un vent de manif force 10 , ça va décoiffer .
"C'est évident, je les ai à zéro !"
« A Béatrix de Choiseul-Stainville, duchesse de Gramont 1
A Ferney, près de Genève, 5 mai 1766
Madame,
Votre département dans le ministère est toujours de faire du bien . Je ne puis vous séparer de monsieur le duc votre frère .
Souffrez donc que je vous supplie, madame, de lire cette lettre 2, qui n'est point une lettre du bureau des affaires étrangères, mais du bureau des bienfaits . J'ose vous prier de la lui faire lire quand il ne travaille point, supposé qu'il ait de tels moments .
Soyez toujours ma protectrice auprès de mon protecteur .
Nous sommes à vos pieds, Marie Corneille et moi, son vieux père adoptif .
Agréez , madame, le profond respect et la reconnaissance de votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Voir : https://gw.geneanet.org/pierfit?n=de+choiseul+stainville&p=beatrix
et : http://favoritesroyales.canalblog.com/archives/2012/10/06/25266183.html
et : https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&p=etienne+francois&n=de+choiseul+stainville
2 Cette lettre au duc de Choiseul n'est pas connue .
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27/07/2021
On peut considérer que les citoyens et bourgeois sont souverains conjointement avec tous les conseils quand ils sont assemblés en corps de République
... Révolutionnaire ? Ou question d'actualité ?
« A Pierre-Michel Hennin
4è mai 1766 à Ferney
Vous aimez, monsieur, à citer juste ; et moi, qui suis barbouilleur d’histoire, j’aime à citer juste aussi. Vous avez raison quand vous dites qu’il y a un article dans le mémoire à consulter donné aux avocats de Paris 1, lequel qualifie les citoyens de Genève souverains législateurs. Mais aussi je n’ai pas tort quand je dis que, dans le même mémoire, on trouve ces paroles :
On peut considérer que les citoyens et bourgeois sont souverains conjointement avec tous les conseils quand ils sont assemblés en corps de République.
Ce que vous me dîtes à notre dernière entrevue me laissa, comme vous le croyez bien, le poignard dans le cœur. Je me voyais accusé cruellement par-devant le grand juge des anecdotes, M. le chevalier de Taulès 2 ; toute ma réputation d’amateur de la vérité était perdue. Ma douleur m’a fait relire ce vieux mémoire à consulter que j’avais entièrement oublié.
Vous voyez évidemment qu’un des articles s’explique par l’autre, et qu’il n’y a que des théologiens qui puissent tronquer un passage d’un auteur pour le condamner. Je vous demande donc justice et réparation d’honneur. Je crois que ce mémoire était si mal griffonné, que ni vous, ni M. le chevalier de Taulès, n’avez lu l’article où je m’explique catégoriquement.
Voilà comme on juge les pauvres auteurs ; voilà comme on a dit à la cour que M. Thomas était athée, parce qu’il a loué monsieur le dauphin de n’être pas persécuteur ; on n’a ni la justice ni le temps de confronter les passages. Confrontez-moi donc avec moi-même, et vous verrez combien mon cœur est à vous.
V. »
1 Ce Mémoire était de Voltaire ; voyez la lettre à Hennin du 17 décembre 1765 : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1765/Lettre_6191
et voir : Against War and Empire: Geneva, Britain, and France in the Eighteenth Century (The Lewis Walpole Series in Eighteenth-Century Culture and History) (English Edition) de Richard Whatmore | 31 juillet 2012
2 Le chevalier de Taulès était secrétaire attaché à l’ambassade de France en Suisse, et avait accompagné en cette qualité le chevalier de Beauteville à Genève.
Voir lettre du 30 avril 1766 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/21/vous-verrez-que-j-ai-affaire-a-des-fous-et-a-des-sots-qui-ne-6328312.html
et surtout la lettre suivante de Beauteville au duc de Choiseul du 2 mai 1766 : « Monsieur le duc, / « Malgré l'état où je me trouve à la suite de mon opération, je m'efforce de dicter ma dépêche qui finira peut-être par vous importuner […] . / « Malgré la longueur de cette dépêche, monsieur le duc, je dois vous entretenir encore d'un événement où j'ai été fâché de rencontrer le nom de M. de Voltaire./ « Depuis quelque temps on apercevait du mouvement parmi les natifs de cette ville . Comme leur nombre surpasse de beaucoup celui des citoyens, leurs fréquentes assemblées commençaient à inquiéter le gouvernement . Les magistrats les soupçonnaient d'intelligence avec les représentants, et ceux-ci répandaient que les magistrats cherchaient à s’en faire un rempart contre la bourgeoisie . Le 20è du mois dernier quatre hommes vinrent me trouver . Sur ce qu'ils me dirent qu'ils étaient du nombre des natifs, je leur répondis qu'étant dans l’État, et non pas un des ordres de l’État, ils n'avaient aucun rapport avec la médiation . Je les renvoyai ainsi au magistrat sans vouloir ni les entendre ni recevoir aucun mémoire de leur part . Les Suisses chez lesquels ils se présentèrent, tinrent avec eux la même conduite . / « Deux jours après, nous fûmes surpris d'apprendre que le compliment des natifs était imprimé comme ayant été présenté aux médiateurs . Nous mandâmes les quatre natifs, et ils nous avouèrent que M. de Voltaire avait rédigé leur compliment sur un canevas qu'ils lui avaient porté . Ils mirent d'ailleurs tant de vérité dans leur aveu que nous leur pardonnâmes, et la résolution fut prise d'abandonner cette affaire . / « Je crus devoir me plaindre à M. de Voltaire de ce qu'il paraissait de nouveau dans les démêlés de la République . J'envoyai M. de Taulès à Ferney . M. de Voltaire ne se justifia que par sa consternation ; il avoua tout avec la plus grande candeur, et finit par remettre de lui-même à M. de Taulès les papiers qui concernaient cette petite négociation . / « Le Conseil toujours tremblant ne pouvait être tranquille s'il ne connaissait les desseins secrets des natifs . Ils avaient déjà été plusieurs fois au nombre de sept ou huit cents à Carouge pour y tenir conseil et concerter leur conduite . Instruit qu'un nommé d'Auzière était l'agent principal de ces mouvements, le Conseil fit saisir ses papiers avant-hier, et cet homme fut conduit en prison . On prétend que les natifs songeaient à se faire assurer un état dans le gouvernement, et à tenir la balance par leur nombre entre le magistrat et la bourgeoisie ; qu'ils étaient excités par quelques représentants, et que M. de Voltaire avait eu la faiblesse de leur promettre sa protection . / « La connaissance des desseins des natifs suffisait pour les anéantir, et j'aurai désiré que cette affaire fût assoupie, de crainte qu'elle ne vint encore embarrasser la négociation . Les médiateurs n'y paraîtront que pour confirmer le Conseil par la douceur avec laquelle il est résolu d'en agir envers le coupable . On continue la procédure et elle regarde uniquement le Conseil . / « Je ne veux pas excuser M. de Voltaire, mais permettez, monsieur le duc, que je vous représente qu'il a près de soixante-treize ans . Sa conduite également absurde et ridicule est plus digne de compassion que de colère . Elle fait sentir avec regret que l'auteur de La Henriade s’évanouit chaque jour . Il est dans une affliction et un égarement inexprimables . J'envoie aujourd'hui M. de Taulès avec M. Hennin pour l'exhorter à une conduite plus raisonnable . Ils lui représenteront combien il serait dangereux pour lui de vous déplaire et de ne pas se conformer entièrement à vos intentions . Enfin je me flatte que son nom ne paraîtra plus dans ces tracasseries républicaines. / « J'ai l'honneur […] . »
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26/07/2021
Le bon parpaillot paiera ce qu'on voudra
... Alors là, vous vous fourrez le doigt dans l'oeil jusqu'au coude prélats voleurs du Vatican !
https://www.20minutes.fr/monde/3090655-20210725-vatican-c...
Il est évident que toutes les religions ont des chefs avec leurs cours et qu'il faut entretenir ces parasites, donc des milliards sont brassés journellement et pas besoin de faire un dessin, beaucoup se gavent, que ça se sache ou non .
Au train où ils travaillent, ils auront le temps d'user un ou deux papes .
« A Gabriel Cramer
[vers le 1er mai 1766] 1
M. Caro est supplié par un bon protestant de Montauban 2 d'imprimer ce rogaton que je lui envoie . Il n'en faut qu'une trentaine d'exemplaires sur de beau papier avec belle marge . Le bon parpaillot paiera ce qu'on voudra . Je crois qu'un in-8° avec un cadre et un joli filet conviendra fort .
Je prie M. Cramer de commencer, je lui enverrai demain une petite addition de ma façon qui ne contiendra pas deux pages . »
1 La date approximative est fixée par les lettres du 15 mai 1766 à Cramer et du 23 mai à Ribote-Charron : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1766/Lettre_6348
2 Ribote-Charron . Voir : https://books.google.fr/books?id=4CIaiG_huIcC&pg=PA122&lpg=PA122&dq=voltaire+ribote+charron+mai+1766&source=bl&ots=mZikf5yCyt&sig=ACfU3U28DbvrRnkR4-R66TDdNzrZBCpoEw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwi4xKaFuf7xAhWi0eAKHejfB_EQ6AEwEHoECCQQAw#v=onepage&q=voltaire%20ribote%20charron%20mai%201766&f=false
et : https://voltaire-lire.msh-lse.fr/IMG/pdf/RV_11_2_1_NCronk.pdf
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25/07/2021
malade, ne pouvant sortir, et m’amusant à me faire bâtir un petit tombeau fort propre dans mon cimetière
... Tel est l'avenir des manifestants anti-pass qui ont encore défilé aujourd'hui, comme les anti-vax , les cuistres ! Je serai curieux de savoir combien ont été contaminés et combien seront malades, et en mourront ( ne pas oublier que les traitements ne font pas de miracles ) . Cent soixante et un mille selon la police, qui prennent le temps de semer le désordre, purement nuisibles et malfaisants , bel exemple pour les jeunes ! Ce temps aurait été plus intelligemment utilisé pour se faire vacciner et avoir ce pass-sanitaire normalement : ça vous embête de faire un peu de bien ?
Jean-Marie Bigard, grand bienfaiteur de l'humanité, anti-pass s'est vu, ô joie, dans l'incapacité de faire son show à Nice, contré par les anti-vax , ce qui n'est pas une perte pour l'art du spectacle en général, et l'humour en particulier .
NB.- Petit quart d'heure de gloire ! Arrêtez de vous gargariser de formules de publicitaires de lessives . Rappel : on ne peut parler de dictature qu'en l'absence de lois limitant les abus de pouvoir .
« Au chevalier Pierre de Taulès
Ferney, 1 mai 1766
Je suis un pauvre diable de laboureur et de jardinier, possesseur de soixante-douze ans et demi, malade, ne pouvant sortir, et m’amusant à me faire bâtir un petit tombeau fort propre dans mon cimetière, mais sans aucun luxe. Je suis mort au monde. Il ne me faut qu’un De profundis.
Voilà mon état, mon cher monsieur ; ce n’est pas ma faute si Jean-Jacques Rousseau s’imagina que le docteur Tronchin et moi nous ne trouvions pas son roman d’Héloïse assez bon. Souvenez-vous bien que voilà l’unique origine des petits troubles de Genève. Souvenez-vous bien, quand vous voudrez rire, que Jean-Jacques s’étant imaginé encore que nous avions ri des baisers âcres 1, et du faux germe 2, et de la proposition de marier l’héritier du royaume à la fille du bourreau 3, s’imagina de plus que tous les Tronchin et quelques conseillers s’étaient assemblés chez moi pour faire condamner Jean-Jacques, qui ne devait être condamné qu’au ridicule et à l’oubli. Souvenez-vous bien, je vous en prie, que le colonel Pictet écrivit une belle lettre qui n’avait pas le sens commun 4, dans laquelle il accusait le Conseil d’avoir transgressé toutes les lois, de concert avec moi ; que le Conseil fit emprisonner le colonel, qui depuis a reconnu son erreur ; que les citoyens alors se plaignirent de la violation de la loi, et que tous les esprits s’aigrirent. Quand je vis toutes ces querelles, je quittai prudemment les Délices, en vertu du marché que j’avais fait avec le conseiller Mallet, qui m’avait vendu cette maison 87 000 francs, à condition qu’on me rendrait 38 000 francs quand je la quitterais.
Ayez la bonté de remarquer que pendant tout le temps que j’ai occupé les Délices, je n’ai cessé de rendre service aux Genevois. J’ai prêté de l’argent à leurs syndics ; j’ai tiré des galères un de leurs bourgeois 5; j’ai fait modérer l’amende d’un de leurs contrebandiers ; j’ai fait la fortune d’une de leurs familles 6 ; j’ai même obtenu de M. le duc de Choiseul qu’il daignât permettre que les capitaines genevois au service de la France ne fissent point de recrues à Genève, et j’ai fait cette démarche à la prière de deux conseillers qui me furent députés. Voilà les faits, et les lettres de M. le duc de Choiseul en sont la preuve. Je ne lui ai jamais demandé de grâces que pour les Genevois. Ils sont bien reconnaissants.
À la mort de M. de Montpéroux, trente citoyens vinrent me trouver pour me demander pardon d’avoir cru que j’avais engagé le Conseil à persécuter Rousseau, et pour me prier de contribuer à mettre la paix dans la République. Je les exhortai à être tranquilles. Quelques conseillers vinrent chez moi, je leur offris de dîner avec les principaux citoyens et de s’arranger gaiement. J’envoyai un mémoire à M. d’Argental pour le faire consulter par des avocats. Le mémoire fut assez sagement répondu, à mon gré. M. Hennin arriva, je lui remis la minute de la consultation des avocats, et je ne me mêlai plus de rien. Ces jours passés, les natifs vinrent me prier de raccourcir un compliment ennuyeux qu’ils voulaient faire, disaient-ils, à messieurs les médiateurs ; je pris mes ciseaux d’académicien, et je taillai leur compliment. Ils me montrèrent ensuite un mémoire qu’ils voulaient présenter ; je leur dis qu’il ne valait rien, et qu’il fallait s’adresser au Conseil.
J’ignore qui a le plus de tort, ou le Conseil, ou les bourgeois, ou les natifs. Je n’entre en aucune manière dans leurs démarches, et depuis l’arrivée de M. Hennin je n’ai pas écrit un seul mot à M. le duc de Praslin sur Genève.
À l’égard de M. Augspurger 7, j’ai tort de n’avoir pas envoyé chez lui. Mais j’ai supplié M. Sinner d'Aubigny de lui présenter mes respects. Je suis un vieux pédant dispensé de cérémonies . Mais j’en ferai tant qu’on voudra. Je vous supplie, mon cher monsieur, d’ajouter à toutes vos bontés celle de m’excuser auprès de messieurs les médiateurs suisses, et de me continuer vos bons offices auprès de monsieur l’ambassadeur. Pardonnez-moi ma longue lettre, et aimez le vieux bonhomme
Voltaire. »
1 La Nouvelle Héloïse, I, xvi : https://gallica.bnf.fr/essentiels/rousseau/nouvelle-heloise/premier-baiser
2 La Nouvelle Héloïse,LXIII, lxv : https://fr.wikisource.org/wiki/Julie_ou_la_Nouvelle_H%C3%A9lo%C3%AFse/Premi%C3%A8re_partie
3 Émile, V : https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89mile,_ou_De_l%E2%80%99%C3%A9ducation/%C3%89dition_1852/Livre_V
4 Lettre du 22 juin 1762 de Charles Pictet : https://ge.ch/archives/16-proces-laffaire-charles-pictet-1762
5 Chaumont . Voir lettre de février-mars 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/03/21/j-ai-repondu-pour-lui-qu-il-n-entendrait-aucun-sermon-de-sa-vie-il-en-sera.html
6 Les Cramer . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_Cramer_(%C3%A9diteur)
7 Médiateurs nommés par le canton de Berne : Beat Augspurger et Friedrich Sinner . Voir : https://books.openedition.org/pur/132252?lang=fr
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24/07/2021
on condamnera le Conseil à être fouetté avec des lanières tirées du cul des citoyens
... Vous voyez l'image ? Les citoyens s'endurcissent, du cuir leur pousse, quitte à ne plus pouvoir s'asseoir, ils vont s'en servir .
Voila ce que c'est que de vouloir faire payer des amendes qui valent la peau des fesses , ô ministres intègres , sénateurs et parlementaires ! https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/pas...
« A Philippe-Antoine de Claris, marquis de Florian
Ferney le 1er mai 1766 1
Vous faites très-bien, monsieur, de n’aller qu’à la mi-mai à Hornoy. La nature est retardée partout, après le long et terrible hiver que nous avons essuyé. Les trois quarts de mes arbres sont sans feuilles, et je ne vois encore que de vastes déserts.
La grande place de l’homme 2 qui juge, sur le Panégyrique du Dauphin, que l’abbé Coyer est un athée, est apparemment une place aux Petites-Maisons, et je présume que votre ami le calculateur doit être de son conseil. Je réduis tout net ce calcul à zéro . M. de Beauteville me parait d’une autre pâte. Je ne sais s’il connaît bien encore les Genevois ; ils ne sont bons Français qu’à dix pour cent. Nous verrons comment la médiation finira le procès, et si on condamnera le Conseil à être fouetté avec des lanières tirées du cul des citoyens.
Il n’y a pas longtemps que messieurs du Conseil me présentèrent leur terrier, par lequel ils me demandent un hommage-lige pour un pré. Je leur ferai certainement manger tout le foin du pré avant de leur faire hommage-lige. Ces gens-là me paraissent avoir plus de perruques que de cervelle.
Avant que vous partiez pour Hornoy, mon cher monsieur, permettez que je vous fasse souvenir du factum de M. de Lally, que vous avez eu la bonté de me promettre. Je suis bien curieux de lire ce procès ; je connais beaucoup l’accusé, et je m’intéresse à tout ce qui se passe dans l’Inde, à cause des brames mes bons amis, qui sont les prêtres de la plus ancienne religion qui soit au monde, mais non pas de la plus raisonnable. Si je pouvais, par votre crédit, avoir le mémoire de Lally et celui des Sirven, vous feriez ma consolation.
Comme je suis extrêmement curieux, je voudrais bien aussi savoir quelque chose de M. de La Chalotais. Vous me paraissez toujours bien informé. J’ai recours à vous dans les derniers jours où vous serez à Paris. J'attends avec un peu d'impatience le mémoire sur les Sirven ; je suis plus languedochien 3 que jamais ; mais mon affection ne va pas jusqu’au parlement de Toulouse. Il se forme bien des philosophes dans vos provinces méridionales ; il y en a moins pourtant que de pénitents blancs, bleus, et gris. Le nombre des sots et des fous est toujours le plus grand.
Notre Ferney est devenu charmant tout d’un coup. Tous les alentours se sont embellis ; nous avons, comme dans toutes les églogues, des fleurs, de la verdure et de l’ombrage ; le château est devenu un bâtiment régulier de cent douze pieds de face ; nous avons acquis des bois, nous nageons dans l’utile et dans l’agréable ; il ne manque à cette terre que d’être en Picardie.
Allez donc à Hornoy, messieurs ; jouissez en paix d’une heureuse tranquillité, buvez quelquefois à ma santé, et puissé-je vous embrasser tous avant de mourir . »
1 L'édition de Kehl , suivie des autres éditions, fond les premier et avant dernier paragraphes ainsi que le passage Vous me paraissez …. à Paris du cinquième en une version abrégée , remaniée et datée du 2 mai 1766.
2 Un homme de la cour .(Beuchot)
3 Forme déjà employée depuis la lettre du 6 mars 1759 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/04/11/j-aime-fort-les-pays-libres-mais-j-aime-encore-mieux-etre-le-5344503.html
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