07/07/2021
qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?
... Ô Bac sacré, combien d'heureux fais-tu cette année ? à combien de buggs as-tu donné naissance ?
https://www.bfmtv.com/societe/education/en-direct-bac-202...
« A Etienne-Noël Damilaville
4 avril 1766 1
Mon cher ami, il n’y a qu’une pauvre petite lettre à la poste d’Italie pour M. d’Alembert. Je la lui ai envoyée dans un paquet adressé à M. d’Argental, qui demeure dans son quartier.
Je saurai demain si vous avez reçu une lettre adressée à Monsieur d’Auch 2, ou plutôt à frère Patouillet, auquel il n’a fait que prêter son nom.
M. Thomas m’a envoyé l’Éloge de Mgr le dauphin 3. Il y a de l’éloquence et de la philosophie. Il n’est pas vraisemblable qu’il ait attribué à ce prince des qualités et des connaissances qu’il n’aurait pas eues ; il se serait décrédité auprès des honnêtes gens. Enfin, de tout ce que j’ai lu sur ce triste événement, il est le seul qui m’ait instruit et qui m’ait fait plaisir. Il y a quelques défauts dans son ouvrage ; mais, en général, c’est un homme qui pense beaucoup, et qui peint avec la parole.
En lisant le Dictionnaire, je m’aperçois que le chevalier de Jaucourt en a fait les trois quarts 4. Votre ami 5 était donc occupé ailleurs ? Mais, par charité, dites-moi pourquoi ce livre, qui, à mon gré, est nécessaire au monde, n’est pas encore entre les mains des souscripteurs ? Au nom de qui l’examine-t-on ? qui sont les examinateurs ? quelles mesures prend-on ?
Vous m’aviez bien dit que la comédie 6 que vous m’aviez envoyée était meilleure à voir qu’à lire. Bonsoir, mon très-cher philosophe. »
1 L'édition Correspondance littéraire, philosophique et critique, de Grimm, n'identifie pas le destinataire .
2 De la Lettre pastorale à M. l’archevêque d’Auch, J. -F. Montillet ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/479
Voir lettre du 24 mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/29/persequitur-pede-poena-claudo-le-chatiment-poursuit-le-crime-6324372.html
Il faut manifestement lire ensuite n'a fait et non n'avait comme le portent les copies et l'édition Besterman.
3 Voltaire publia peu après un Petit Commentaire sur cet ouvrage de Thomas ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome25.djvu/481
4 Sur la participation de Jaucourt à l'Encyclopédie que Richard N. Schwab estime à 15 000 articles dans son Inventory of Diderot's Encyclopédie, 1972, voir aussi J. Lough, « Louis, chevalier de Jaucourt » dans les Essays Presented to C. M. Girdlestone, 1960 .
5 Diderot .
6 Le Philosophe sans le savoir, de Sedaine.
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Cette santé est un bien dont je n’ai jamais joui, et c’est ce qui me rend la retraite à la campagne absolument nécessaire. La réputation est une chimère, et le bien-être est quelque chose de solide.
...
« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet
de l'Académie française, etc.
quartier du Louvre
à Paris
1er avril 1766 à Ferney
Mon cher maître, je ne vous donne point un poisson d’avril quand je vous dis que je vous aimerai tendrement toute ma vie, et que je vous souhaite les années de Nestor, et surtout cette santé inaltérable sans laquelle la vieillesse n’est qu’une longue mort. Cette santé est un bien dont je n’ai jamais joui, et c’est ce qui me rend la retraite à la campagne absolument nécessaire. La réputation est une chimère, et le bien-être est quelque chose de solide.
En vous remerciant de l’Alexandre. Il n’y a personne qui ne voulût pencher le cou avec un si beau surnom. Je vous trouve quelquefois bien sévère avec Racine 1. Ne lui reprochez-vous pas quelquefois d’heureuses licences qui ne sont pas des fautes en poésie ? Il y a dans ce grand homme plus de vers faibles qu’il n’y en a d’incorrects ; mais, malgré tout cela, nous savons, vous et moi, que personne n’a jamais porté l’art de la parole à un plus haut point ni donné plus de charme à la langue française. J’ai souscrit, il y a deux ans, pour une édition qu’on doit faire de ses pièces de théâtre, avec des commentaires 2. J’ignore qui sera assez hardi pour le juger, et assez heureux pour le bien juger. Il n’en est pas de ce grand homme, qui allait toujours en s’élevant, comme de Corneille, qui allait toujours en baissant, ou plutôt en tombant de la chute la plus lourde. Racine a fini par être le premier des poètes dans Athalie, et Corneille a été le dernier dans plus de dix pièces de théâtre, sans qu’il y ait dans ces enfants infortunés ni la plus légère étincelle de génie, ni le moindre vers à retenir ; cela est presque incompréhensible dans l’auteur des beaux morceaux de Cinna, du Cid, de Pompée, de Polyeucte, etc.
Vous avez bien raison de dire qu’il y a moins de fautes dans Racine que dans nos meilleurs écrivains en prose . Les belles oraisons funèbres de Bossuet en sont pleines ; mais, en vérité, ces fautes sont des beautés, quand on les compare à la plupart des pièces d’éloquence d’aujourd’hui. Vous savez bien que Louis Racine, cité par vous quelquefois, a frappé souvent des vers sur l’enclume de Jean, son père . Pourquoi donc a-t-il si peu de réputation ? C’est qu’il manque d’imagination et de variété ; il n’y a rien chez lui de piquant : il n’a pas sacrifié aux Grâces ; il n’a sacrifié qu’à saint Prosper 3, et, quoiqu’il tourne bien ses vers,
On lit peu ces auteurs nés pour nous ennuyer,
Qui toujours sur un ton semblent psalmodier.4
Vous voyez que j’ai avec vous le cœur sur les lèvres ; voilà cette franchise parisienne que vous avez louée, ce me semble, et qui doit plaire à la franchise franc-comtoise. C’est une consolation pour moi de m’entretenir aussi librement avec vous. J’ai eu besoin depuis quelque temps de me remettre à relire vos Tusculanes 5 et le De Natura deorum, pour me confirmer dans l’opinion où je suis que jamais philosophe, ancien et moderne, n’a mieux parlé que Cicéron. J’aime bien mieux ces ouvrages-là que ses Philippiques, qui l’ont fait tuer à l’âge de soixante-trois ans.
Adieu ; vivez heureux et longtemps, mon cher maître, et souvenez-vous du mot de votre ami Marcus Tullius : Non est vetula quæ credat.6, etc. »
1Voir lettre du même jour à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/07/05/beaucoup-d-artistes-et-d-ouvriers-des-fils-de-marchands-d-av-6325470.html
. L'Alexandre est-il celui de la pièce de Racine ? Sans la lettre de l'abbé d'Olivet, cette allusion n'a pu être éclaircie .
2 Les commentaires que Blin de Sainmore vendit à Luneau de Boisjermain. (Georges Avenel.) . Voir lettre du 8 février 1765 à Blin de Sainmore : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/04/29/etant-juge-sans-interet-vous-serez-plus-eclaire-et-moins-suspect-de-partial.html
Voir : https://dictionnaire-journalistes.gazettes18e.fr/journaliste/533-pierre-luneau-de-boisjermain
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Joseph_Luneau_de_Boisjermain
3 Dans la mesure où Louis Racine fait, dans son poème de La Grâce, une place aux controverses théologiques de Saint Augustin, saint Prosper et autres docteurs de l’Église . « De l'illustre Prosper j'ose suivre les pas …. » : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Gr%C3%A2ce/Chant_I
4 Art poétique, I, 73-74, de Boileau : http://wattandedison.com/Nicolas_Boileau1.pdf
5 Voir lettre du 12 février 1736 à d'Olivet : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1736/Lettre_560
6 Il n'y a pas toujours une vielle pour croire [...] . Ce membre de phrase n'est pas retrouvé chez Cicéron, mais on ne dispose pas d'une concordance complète des œuvres de cet auteur .
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06/07/2021
Je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être instruit. J’entends par peuple la populace, qui n’a que ses bras pour vivre
... J'ai longtemps hésité avant de choisir ce titre, mais il y a ce que dit Voltaire et ce qu'il fait . Certains le disent un ignoble richard qui méprise le peuple, ne connaissent que partiellement ses écrits et ignorent ses oeuvres matérielles à Ferney . Cette populace , il la connait, il lui fournit du travail, il la fait vivre . Soit ! il préfère avoir de bons laboureurs que des philosophes, mais outre le soutien inaltérable qu'il apporte aux paysans, aux artisans, il créera une école ! Cet homme n'est pas simple, il est humain , il est du monde des idées, et fraternel au quotidien .
"... tout vieux et infirme que je suis, je planterai aujourd'hui, sûr de mourir demain . Les autres en jouiront ." Voltaire à François Moreau, le 1er juin 1767 .
Que ceux qui se bornent à le critiquer passent leur chemin , ils perdent l'essentiel .
Un salut particulier pour Axel Kahn qui donna jusqu'au bout de la qualité à sa vie et celle de ses contemporains, tout à fait voltairien selon moi : https://www.20minutes.fr/sante/3078219-20210706-axel-kahn-geneticien-ancien-president-ligue-contre-cancer-mort
« A Etienne-Noël Damilaville
1er avril 1766 1
Le Philosophe sans le savoir, mon cher ami, n’est pas à la vérité une pièce faite pour être relue, mais bien pour être rejouée. Jamais pièce, à mon gré, n’a dû favoriser davantage le jeu des acteurs ; et il faut que l’auteur ait une parfaite connaissance de ce qui doit plaire sur le théâtre ; mais on ne relit que les ouvrages remplis de belles tirades, de sentences ingénieuses et vraies, en un mot des choses éloquentes et intéressantes.
Je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être instruit. J’entends par peuple la populace, qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes ; il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis, ce n’est pas le manœuvre qu’il faut instruire, c’est le bon bourgeois, c’est l’habitant des villes ; cette entreprise est assez forte et assez grande. Il est vrai que Confucius a dit qu’il avait connu des gens incapables de sciences, mais aucun incapable de vertu ; aussi doit-on prêcher la vertu au plus bas peuple ; mais il ne doit pas perdre son temps à examiner qui avait raison de Nestorius ou de Cyrille, d’Eusèbe ou d’Athanase, de Jansénius ou de Molina, de Zwingle ou d’Œcolampade. et plût à Dieu qu’il n’y eût jamais eu de bon bourgeois infatué de ces disputes , nous n’aurions jamais eu de guerres de religion, nous n’aurions jamais eu de Saint-Barthélemy, toutes les querelles de cette espèce ont commencé par des gens oisifs et qui étaient à leur aise ; quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu. Je suis de l’avis de ceux qui veulent faire de bons laboureurs 2 des enfants trouvés, au lieu d’en faire des théologiens ; au reste, il faudrait un livre pour approfondir cette question, et j’ai à peine le temps, mon cher ami, de vous écrire une petite lettre.
Je vous prie de vouloir bien me faire un plaisir, c’est d’envoyer l’édition complète de Cramer à M. de La Harpe ; ce n’est pas qu’assurément je prétende lui donner des modèles de tragédies ; mais je suis bien aise de lui montrer quelques petites attentions dans son malheur 3 en cas que je ne lui aie pas déjà fait ce présent, car il me vient un scrupule en vous écrivant ; gardez donc l'exemplaire , mon cher ami, jusqu'à ce que je sois instruit s'il en a eu de ma part .
Je suis beaucoup plus inquiet du mémoire pour les Sirven, je vous supplie de m'en dire des nouvelles . Je vais faire retirer les lettres pour M. d'Alembert, qui probablement ne pourront partir que vendredi prochain 4 avril . J'ai été si malade que je n'ai pu vous écrire la poste dernière..
Je n’ai point reçu le panégyrique fait par M. Thomas 4. Sûrement on fait examiner secrètement le Dictionnaire des sciences 5, puisqu’il n’est pas encore délivré aux souscripteurs. Mais qui sont les examinateurs en état d’en rendre un compte fidèle ? Faudrait-il qu’un scrupule mal fondé, ou la malignité d’un pédant, fit perdre aux souscripteurs leur argent, et aux libraires leurs avances ? J’aimerais autant refuser le payement d’une lettre de change, sous prétexte qu’on en pourrait abuser.
J'attends toujours quelque chose de Fréret 6. On dit que ma nièce de Florian passera son temps bien agréablement à Hornoy ; vous irez la voir, elle est bien heureuse . Adieu, mon très cher ami .
Je vous prie de me dire s’il y a eu en effet une troisième remontrance du parlement de Paris sur les affaires du parlement de Bretagne 7 ; je ne le crois pas, cela serait bien peu convenable. »
1 Voir lettre du 24 mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/29/persequitur-pede-poena-claudo-le-chatiment-poursuit-le-crime-6324372.html
2 Cela semble être l’idée du physiocrate Moreau de La Rochette exposée dans un de ses ouvrages ( V* lui adressera une lettre le 1er juin 1767) . Voir : http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=3230
3 Le Gustave Vasa de La Harpe a été joué sans succès le 3 mars 1766 .
4 Éloge de feu Mgr le dauphin de France, 1766 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63720222.texteImage
5 L’Encyclopédie .
6 Examen des apologistes de la religion chrétienne. Ce livre, publié sous le nom de Fréret, 1766, in-8°, est de Lévesque de Burigny. Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k845348.image
et : https://www.honorechampion.com/fr/champion/5842-book-08530371-9782745303714.html
7 Voir lettre du 12 mars 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/22/je-ne-suis-pas-assez-bon-financier-pour-savoir-si-l-impot-su-6323015.html
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05/07/2021
Beaucoup d’artistes et d’ouvriers, des fils de marchands, d’avocats, de procureurs, s’enfuient de tous côtés ; ils vont par bandes dans les pays étrangers. J’ai perdu des artisans qui m’étaient extrêmement nécessaires, et j’en suis fort affligé
... -- XVIIIè siècle ou XXIè ?
-- Les deux mon président !
Pas besoin de virus pour faire s'exiler une partie non négligeable de nos jeunes et de nos ouvriers qualifiés et artisans . Un parti pris pour un enseignement purement intellectuel et théorique aux dépends du manuel, des rémunérations à la traine, une bureaucratie paralysante, des avenirs bornés, et autres joyeusetés ne sont pas faits pour stopper le flux d'une émigration nous privant de talents nécessaires . L'après-pandémie est sans doute trop proche ( NDLR -- James soupçonne ses concitoyens d'être assez raisonnables pour se faire tous vacciner . ) pour inverser tout de suite la courbe de l'exil ( à propos, j'en ai marre de voir ces reportages uniquement ciblés sur commerciaux , vendeurs de tous poils mis en vedette dans ces foutus émirats qui immanquablement se casseront la g... un jour prochain : qui prend le pari ? Un indice : quand l'eau sera-t-elle plus rare que le pétrole ? ).
Ô qu'ils sont savants nos enseignants : https://eduscol.education.fr/566/les-rendez-vous-de-l-antiquite-les-metamorphoses-d-apulee
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'ArgentaI
1er avril 1766 1
Je crois, mes anges, que le petit ex-jésuite me fera tourner la tête. Il est au désespoir d’avoir choisi un sujet qui n’est pas dans les mœurs présentes ; il dit que ce n’est pas assez de bien faire, et qu’il faut faire au goût du monde. Presque tous ses vers me paraissaient assez bons, mais il n’est pas encore satisfait. Il a donné depuis peu quelques coups de pinceau à son tableau du Caravage : il vous supplie de le lui renvoyer ; il jure qu’il vous le rendra bientôt avec une préface d’un de ses amis, et des notes historiques d’un pédant assez instruit de l’histoire romaine. Cela fera un petit volume qui pourra plaire à quelques gens de lettres. Tout cela sera prêt pour le retour de Roscius Lekain.
Gabriel Cramer avait commencé, sans m’en rien dire, ce recueil eu trois volumes 2, ce qui n’est pas trop bien à lui. Et pourquoi charger encore le public de ces trois boisseaux d’inutilités ? Il avoua enfin ce mystère. Il était tout prêt à imprimer une infinité de rogatons qui ne sont pas de moi ; il a fallu, pour l’en empêcher, lui donner les sottises que j’ai pu trouver sous ma main. Voilà l’histoire de cette plate édition, à laquelle je ne m’intéresse en aucune manière.
M. de Chabanon partit pour Lyon le lendemain de la lettre 3 à laquelle vous me répondez par la vôtre du 26è mars .
J’ai eu l’honneur de recevoir dans mon ermitage celui qui occupe la place que je vous destinais. Je vois bien que cette place devait être remplie par un homme aimable. Il y a deux ans que je ne suis sorti de chez moi ; il y est venu sans façon avec M. de Taulès et M. Hennin ; il s’est accoutumé à moi tout d’un coup . Il a dîné avec autant d’appétit que si ses cuisiniers avaient fait le repas. C’est, ce me semble, un homme très simple et très accommodant ; mais je doute qu’il veuille se charger du droit négatif, qui est le fondement de toutes les querelles de Genève. Au reste, il s’occupe à écouter les deux partis avec l’air de l’impartialité ; ses collègues en font autant, et tous trois sont résolus, si je ne me trompe, à brider un peu le peuple ; mais qui ne faudrait-il pas brider ?
La nouvelle milice excite de grands mécontentements dans toutes les provinces du royaume. Beaucoup d’artistes et d’ouvriers, des fils de marchands, d’avocats, de procureurs, s’enfuient de tous côtés ; ils vont par bandes dans les pays étrangers. J’ai perdu des artisans qui m’étaient extrêmement nécessaires, et j’en suis fort affligé.
Vous voyez que je réponds, mes divins anges, à tous vos articles ; et, afin de ne laisser rien en arrière, j’ai lu les critiques de mon aîné d’Olivet sur Racine 4. Mon aîné est un peu vétillard 5; mais il faut qu’il y ait de ces gens-là dans notre république des lettres. Mon ex-jésuite est à vos pieds, et moi aussi ; nous attendons tous deux la plus voyageuse des tragédies. »
1 L'édition de Kehl, suivie des autres supprime le troisième paragraphe biffé sur la copie Beaumarchais .
2 De Nouveaux Mélanges ; voyez lettre du 4 février 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/24/je-veux-soulever-l-europe-ma-foi-les-coquins-en-auront-dans-le-cul.html
3 Apparemment celle du 19 mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/26/ce-qui-me-paraissait-froid-auparavant-me-faisait-une-tres-grande-impression.html
4 Remarques sur la grammaire de Racine, 1738, réédité 1766, de l'abbé d'Olivet : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k50814w.image
5 Terme attesté dans le dictionnaire d'Oudin dès 1640, quoique par la suite Littré ne cite pas d'exemple de ce mot en dehors de ceux qu'il trouve dans la correspondance de V* en 1766 et en 1768 .
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c'est pour votre intérêt comme pour le bien de la chose
... Faites-vous vacciner, bon sang !
https://www.letribunaldunet.fr/blagues/blague-jour-medeci...
« A Gabriel Cramer
à Genève
[mars-avril 1766]
Je vous demande en grâce, mon cher Gabriel, de n'imprimer aucune feuille sans que je l'aie revue, c'est pour votre intérêt comme pour le bien de la chose . Il y a quelques corrections et quelques additions à faire, cela demandera très peu de remaniement, et l'ouvrage en vaudra beaucoup mieux .
J'ai besoin du petit livre de la prédiction, et je prie madame Cramer de le renvoyer cacheté chez M. Souchay le plus tôt qu'elle pourra . »
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04/07/2021
Nous devons en user à cet égard comme les Anglais par rapport à nos vins, dont ils ne font passer chez eux que les meilleurs. Tâchons de ne tirer de leur sol en tout genre que ce qu’il peut nous offrir de mieux
... Brexit ou pas Brexit, les British sont trop fous pour ne pas avoir quelque chose de bon à en tirer , à nous de faire le meilleur choix.
Humour is always good
« A Simon-Augustin Irailh 1
A Ferney, 30è mars 1766
Depuis la lettre, monsieur, que vous avez bien voulu m’écrire, du 4 mars, M. Thieriot ne m’a rien envoyé. Je n’ai reçu aucune de ses nouvelles. Il a peu de santé, et c’est l’excuse de son extrême négligence. Si vous êtes dans le dessein de me favoriser du paquet dont vous me flattiez, le moyen le plus court et le plus sûr est de l’envoyer par la diligence de Lyon à M. Souchay, négociant à Genève.
J’espère trouver, dans les Mémoires de miss Honora 2 le plaisir que m’ont fait vos autres ouvrages. Vous m’annoncez cette production comme tirée d’une source anglaise. Nous devons en user à cet égard comme les Anglais par rapport à nos vins, dont ils ne font passer chez eux que les meilleurs. Tâchons de ne tirer de leur sol en tout genre que ce qu’il peut nous offrir de mieux.
Je ne doute point de la bonté du choix que vous aurez fait, du mérite du sujet, et de tout l’intérêt que vous-même aurez répandu dans cet essai. Voulant bien m’en procurer la lecture, vous me fournirez une occasion de plus de m’affermir dans l’estime que j’ai conçue pour vos talents. C’est avec ces sentiments que j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Volt. »
1 Voir : https://books.google.fr/books?id=qS3lLXx2f3EC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
2 L'Histoire de Miss Honora, ou le Vice dupe de lui-même, 1766 . Le nom de l'héroïne est emprunté à Tom Jones : voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Tom_Jones_(Philidor) et https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9067419m.image
.Cet ouvrage est revendiqué par l'abbé Irailh, comme on le voit par cette lettre, mais dans une lettre au Journal encyclopédique de Bouillon de mars 1766, Claude Rigobert Lefebvre de Beauvray prétend l'avoir dictée à Irailh ; voir : https://bibliotheques-numeriques.defense.gouv.fr/document/beb708a7-c668-47b1-b622-291a12736f06
et :
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03/07/2021
je vous serai attaché toute ma vie, soit que vous donniez des bénéfices à des prêtres, soit que vous les corrigiez de leur impertinence, soit que vous les méprisiez
... Alors à tous les coups, vous gagnez . E viva Voltaire !
« A Claire-Josephe-Hippolyte Léris de La Tude Clairon
Ferney 30è mars 1766 1
Vous allez être un peu surprise, mademoiselle ; je vous demande une cure. Vous allez croire que c’est la cure de quelque malade pour qui je vous prierais de parler à M. Tronchin, ou la cure de quelque esprit faible que je recommanderais à votre philosophie, ou la cure de quelque pauvre amant à qui vos talents et vos grâces auraient tourné la tête . Rien de tout cela ; c’est une cure de paroisse. Un drôle de corps de prêtre du pays de Henri IV, nommé Doleac 2, demeurant à Paris, sur la paroisse Sainte-Marguerite, meurt d’envie d’être curé du village de Cazaux. M. de Villepinte 3 donne ce bénéfice. Le prêtre a cru que j’avais du crédit auprès de vous, et que vous en aviez bien davantage auprès de M. de Villepinte . Si tout cela est vrai, donnez-vous le plaisir de nommer un curé au pied des Pyrénées, à la requête d’un homme qui vous en prie du pied des Alpes. Souvenez-vous que Molière, l’ennemi des médecins, obtint de Louis XIV un canonicat pour le fils d’un médecin 4.
Les curés qui ont pris la liberté de nous excommunier nous canoniseront quand ils sauront que c’est vous qui donnez des cures. Je voudrais que vous disposassiez de 5 celle de Saint-Sulpice.
Je ne sais pas quand vous remonterez sur le jubé de votre paroisse. Vous devriez choisir, pour votre premier rôle, celui de lire au public la déclaration du roi en faveur des beaux-arts contre les sots ; c’est à vous qu’il appartient de la lire 6.
Adieu, mademoiselle ; je vous supplie de vouloir faire souvenir de moi vos amis, et surtout d’être bien persuadée qu’il n’y en a aucun de plus sensible que moi à tous vos différents mérites; je vous serai attaché toute ma vie, soit que vous donniez des bénéfices à des prêtres, soit que vous les corrigiez de leur impertinence, soit que vous les méprisiez. »
1 Une mauvaise version de cette lettre, et sous la date de 1769, a été imprimée dans l’Almanach littéraire, 1790, page 158. (Beuchot.) .
Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9737872r/f172.item
Ici, édition de Kehl , suivant minute avec corrections autographes .
2 Dans un article intitulé « Un curé de Cazaux-Pardiac » paru dans la Revue de Gascogne, avril[janvier ] 1891, Cyprien La Plagne-Barris a établi que son nom est Doliac et non Doleac comme le donne le manuscrit .
Chercher « Pardiac » dans https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5726273p/texteBrut
3 Le marquis de Villepinte est seigneur de Cazaux et doit une forte somme d'argent à Beyrie, trésorier des états de Bigorre, et c'est le candidat de ce dernier, Louis Barris, qui sera nommé curé . Voir page 433 : https://books.google.fr/books?id=lvTy8cg1p50C&pg=PA433&lpg=PA433&dq=marquis+de+Villepinte++seigneur+de+Cazaux&source=bl&ots=JMD7spgt0M&sig=ACfU3U01mPEKGbOjp7SgKjy3z7ANy4lEFw&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjvkdqQj8fxAhWHxYUKHbLbALgQ6AEwB3oECAUQAw#v=onepage&q=marquis%20de%20Villepinte%20%20seigneur%20de%20Cazaux&f=false
4 Phrase ajoutée par V* entre les lignes et dans la marge .
5 Les mots disposassiez de sont une correction autographe au texte primitif, donnassiez .
6 M. de Voltaire sollicitait vivement une déclaration du roi qui rendit aux comédiens l’état de citoyen, et qui les affranchit de l’excommunication lancée autrefois contre de vils baladins. Il n’eût pas fallu moins sans doute pour engager Mlle Clairon à remonter sur le théâtre. (Kehl.) — Voir ci-devant les lettres à M. Jabineau du 4 février 1766 et du 1er mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/24/et-puis-n-est-il-pas-egalement-defendu-de-forcer-une-femme-a-6317899.html
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