03/07/2021
Je me connais trop bien pour n’être pas modeste
... C'est dit ! et je reste cependant v.t.h.e.t.o.s .
Dédicace à tous ceux qui sont sur les routes pour ce premier gros départ en vacances
« A Jacques Lacombe
Au château de Ferney, par Genève, 29è mars 1766 1
Je vous ai plus d’une obligation, monsieur : celle de vos soins, celle de vos présents, et celle de votre préface 2, de laquelle vous me faites un peu rougir, mais dont je ne vous dois pas moins de reconnaissance. Je crois vous avoir déjà dit 3 qu’ayant quitté la profession des Patrus 4 pour celle des Estiennes, vous vous tireriez mieux d’affaire en imprimant vos ouvrages que ceux des autres. Je doute que le petit recueil que vous avez bien voulu faire de tout ce que j’ai dit sur la poésie ait un grand cours ; mais, du moins, ce recueil a le mérite d’être imprimé correctement, mérite qui manque absolument à tout ce qu’on a imprimé de moi.
Au reste, vous me feriez plaisir d’ôter, si vous le pouviez, le titre de Genève ; il semblerait que j’eusse moi-même présidé à cette édition, et que les éloges que vous daignez me donner dans la préface ne sont qu’un effet de mon amour-propre. Je me connais trop bien pour n’être pas modeste ; je ne suis pas moins sensible à toutes les marques d’amitié que vous me donnez ; que ne puis-je être à portée de vous témoigner l’estime, la reconnaissance et l’amitié, avec lesquelles j’ai l’honneur d’être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1L'édition de Kehl amalgame des fragments de cette lettre et des lettres du 5 avril et du 25 juin 1766, datant le tout du 26 mai 1766 . On donne ici l'édition Cayrol .
2 Celle de Poétique de M . de Voltaire, ou Observations recueillies de ses ouvrages, concernant la versification française [etc.], 1766, ouvrage anonyme : https://numelyo.bm-lyon.fr/f_view/BML:BML_00GOO0100137001100994982
3 Dans la lettre de février-mars 1766 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/06/02/puisque-vous-avez-monsieur-quitte-le-barreau-pour-la-typogra-6319547.html
4 Olivier Patru a été un avocat célèbre dont les Plaidoyers ont été publiés en 1670 et suiv. V* possède ses Œuvres diverses, 4è édition, Paris , 1732 : https://www.google.fr/books/edition/Plaidoyers_et_oeuvres_diverses_de/ujl1cKAk40YC?hl=fr&gbpv=1&pg=PP7&printsec=frontcover
09:07 | Lien permanent | Commentaires (0)
ce n’est pas des roués, mais des fous, que je vous entretiendrai aujourd’hui. De quels fous ? m’allez-vous dire
... Ceux qui refusent la vaccination anti-Covid !
Que dire des soignants qui sont dans le camp des opposants ? Pourquoi trouver liberticide l'obligation de se faire vacciner ? Il s'agit de santé publique, tout doit être fait pour éradiquer le virus dans les plus grandes proportions . Qui se souvient de l'obligation faite à tout le personnel médical de se faire vacciner contre l'hépatite B ? Ce qui fut fait sans hurler "la liberté est morte", le sens de la responsabilité étant encore respecté . Autre temps, autres moeurs, on ne demandait pas aux politiciens ni aux syndicalistes d'avoir un pouvoir décisionnaire en matière médicale .
Le virus ne passera pas par moi !
Pour info :
https://professionnels.vaccination-info-service.fr/Recomm...
Un p'tit coup de gueule de Pierre Perret ( à réactualiser ) : https://www.youtube.com/watch?v=zA2JjodD6IU
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
29è mars 1766
Mes divins anges, ce n’est pas des roués, mais des fous, que je vous entretiendrai aujourd’hui. De quels fous ? m’allez-vous dire. D’un vieux fou qui est Pierre Corneille, petit-neveu, à la mode de Bretagne, de Pierre Corneille, et non pas de Pierre Corneille auteur de Cinna, mais sûrement de l’auteur de Pertharite, qui n’a pas le sens commun.
Nous avions toujours craint, Mme Denis et moi, sur des notions assez sûres, qu’il ne sût pas gouverner la petite fortune qu’on lui a faite avec assez de peine. Figurez-vous, mes anges, qu’il mande à sa fille qu’elle doit lui envoyer incessamment cinq mille cinq cents livres pour payer ses dettes. M. Dupuits est assurément hors d’état de payer cette somme ; il liquide les affaires de sa famille ; il paye toutes les dettes de son père et de sa mère ; il se conduit en homme très sage, lui qui est à peine majeur ; et notre bonhomme Corneille se conduit comme un mineur. Nous vous demandons bien pardon, mes chers anges, Mme Denis, M. Dupuits, et moi, de vous importuner d’une pareille affaire ; mais à qui nous adresserons-nous, si ce n’est à vous, qui êtes les protecteurs de toute la Corneillerie 1? Non-seulement Pierre a dépensé en superfluité tout l’argent qu’il a retiré des exemplaires du roi, mais il a acheté une maison à Évreux, dont il s’est dégoûté sur-le-champ, et qu’il a revendue à perte. Il m’a paru fort grand seigneur dans le temps qu’il a passé à Ferney ; il ne parlait que de vivre conformément à sa naissance, et de faire enregistrer sa noblesse, sans savoir qu’il descend d’une branche qui n’a jamais été anoblie, et qu’il n’y a plus même de parenté entre sa fille et le grand Corneille. Il n’avait précisément rien quand je mariai sa fille : il a aujourd’hui quatorze cents livres de rente, et les voici bien comptées .
Sur M. Tronchin |
600 livres |
Pensions des fermiers généraux |
400 '' |
Sa place à Évreux |
160 '' |
Sur M. Dupuits |
240 '' |
Total |
1400 livres |
S’il avait su profiter du produit des exemplaires du roi, il se serait fait encore 500 livres de rente ; il aurait donc été très à son aise, eu égard au triste état dont il sortait.
Comment a-t-il pu faire pour 5 500 livres de dettes sans avoir la moindre ressource pour les payer ? Il a acheté, dit-il, une nouvelle maison à Évreux : qui la payera ? Il faudra bien qu’il la revende à perte, comme il a revendu la première. Il doit à son boulanger deux ou trois années. Vous voyez bien que le bonhomme est un jeune étourdi qui ne sait pas ce que c’est que l’argent, et qui devrait être entièrement gouverné par sa femme, dont l’économie est estimable. On pourra l’aider dans quelques mois ; mais pour les 5,500 livres qu’il demande, il faut qu’il renonce absolument à cette idée, plus chimérique encore que celle de sa noblesse.
Mes anges ne pourraient-ils pas avoir la bonté de l’envoyer chercher, et de lui proposer de se mettre en curatelle sous sa petite femme ? Il se fait payer ses rentes d’avance, dépense tout sans savoir comment, mange à crédit, se vêtit à crédit, et cependant il n’est point interdit encore. Pardon, encore une fois, de ma complainte ; notre petite Dupuits est désespérée ; sa conduite est aussi prudente que celle de son père est insensée. Agésilas, Attila, et Suréna, ne sont pas des pièces plus mal faites que la tête du jeune Pierre.
Respect et tendresse.
V.»
1 Néologisme amusant du style historiographerie, déjà vu .
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02/07/2021
Je ne crois pas que je parvienne jamais à faire établir de mon vivant une tolérance entière en France , mais j’en aurai du moins jeté les premiers fondements
... A lire sans modération : https://societe-voltaire.org/cqv/intolerant.php
"qu’il ne fût jamais permis de tuer personne sans avoir auparavant donné la vie à quelqu’un. Je ne sais rien de plus naturel et de plus juste" : voila une déclaration, d'une grande sécheresse mathématique, raisonnement par l'absurde, qui me laisse pantois, et me laisse supposer ici que Voltaire n'a pas réfléchi autant qu'il en a l'habitude et laisse transparaitre purement sa colère contre les souverains détestables, assassins par l'intermédiaire de troupes en uniforme .
https://www.puf.com/content/Dictionnaire_de_la_guerre_et_...
« A James Marriott 1
À Ferney 28è mars 1766 2
Votre lettre, monsieur, est comme vos ouvrages, pleine d’esprit et d’imagination. Je ne crois pas que je parvienne jamais à faire établir de mon vivant une tolérance entière en France , mais j’en aurai du moins jeté les premiers fondements, et il est certain que depuis quelques années, les esprits sont plus heureusement disposés qu’ils n’étaient. La philosophie humaine commence à l’emporter beaucoup sur la superstition barbare.
À l’égard des princes dont vous me parlez, qui souhaitent tant la population, et qui la détruisent par leurs guerres, je voudrais qu’ils fussent condamnés, eux et tous leurs soldats, à engrosser trente ou quarante mille filles avant d’entrer en campagne, et qu’il ne fût jamais permis de tuer personne sans avoir auparavant donné la vie à quelqu’un. Je ne sais rien de plus naturel et de plus juste.
À l’égard de la polygamie, c’est une autre affaire. Votre marchand de volaille était très estimable d’avoir deux femmes, il devait même en avoir davantage, à l’exemple des coqs de sa basse-cour ; mais il n’en est pas de même des autres professions ; votre marchand pondait apparemment sur ses œufs, et tout le monde n’a pas le moyen d’entretenir deux femmes dans sa maison . Cela est bon pour le Grand Turc, les rois d’Israël, et les patriarches . Il n’appartient pas aux citoyens chrétiens d’en faire autant. Je voudrais seulement que chacun de nos prêtres en eût une, et surtout chacun de nos moines, qui passent pour être très capables de rendre à l’État de grands services. Il est plaisant qu’on ait fait une vertu du vice de chasteté ; et voilà encore une drôle de chasteté que celle qui mène tout droit les hommes au péché d’Onan, et les filles aux pâles couleurs !
Si vous voyez milord Schesterfield et milord Littleton, je vous prie, monsieur, de vouloir bien leur présenter mes respects. J’aurais bien voulu vous écrire quelques mots dans votre langue, que j’aimerai toute ma vie, et pour laquelle vous redoublez mon goût ; mais je perds la vue, et je suis obligé de dicter que je suis, avec l’estime la plus respectueuse, monsieur,
votre, etc. »
1 Voir : file:///C:/Users/james/AppData/Local/Temp/20940.pdf
et faire Recherche : Marriot dans :
https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2022178?docref=bf28Nu890x8JBCrd76FHEw
et : http://www.marievictoirelouis.net/document.php?id=1221&am...=
2 L'édition de Kehl suivant le manuscrit présente le destinataire comme « M. Mariott, à Londres»
00:18 | Lien permanent | Commentaires (0)
01/07/2021
Je le supplie de ne pas opposer tant de négligence à ma tendre amitié
... Ah qu'en termes charmants cette chose-là est dite .
« A Gabriel Cramer
à Genève
[26 mars 1766]
Je suis très affligé de la mort de Mme Constant, et bien étonné de n'avoir reçu aucune nouvelle de l'édition de monsieur Cramer depuis huit jours . Je le supplie de ne pas opposer tant de négligence à ma tendre amitié . »
11:33 | Lien permanent | Commentaires (0)
On ne veut pas être milicien, même en temps de paix... On y sera peut-être moins effarouché de tirer au sort à qui servira l’État
... Demandez aux Suisses !
« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches Colonel
et major au régiment suisse
d'Eptingue
à Landrecies .1
[26 mars 1766]
Je ne croyais pas, monsieur, que je dusse mouiller de mes larmes la réponse que je vous dois depuis si longtemps 2. Je regretterai Mme Constant toute ma vie ; monsieur votre frère est inconsolable ; elle remplissait les devoirs d'épouse, de mère, et tous ceux de l'amitié 3. M. Constant reste avec quatre enfants . Que deviendront-ils ? Quel parti prendra-t-il ? Si ses enfants n'étaient pas aussi aimables qu'ils le sont, je dirais qu'il eût bien mieux fait de se point marier, et de rester auprès de vous . Je sais que vous êtes adoré dans votre régiment, je m'y attendais bien . M. le duc de Choiseul a fait en vous une bien bonne acquisition, et nous nous en apercevrons si nous avons le malheur d'avoir la guerre . Il y a eu dans nos quartiers un peu de mutinerie pour les milices . Beaucoup de gens qui craignaient d'avoir le gros lot à cette loterie, se sont enfuis à Genève . On ne veut pas être milicien, même en temps de paix . Il semble que tous ces gens-là soient devenus philosophes . Le pays où vous êtes est un peu plus guerrier . On y sera peut-être moins effarouché de tirer au sort à qui servira l’État .
Conservez-moi vos bontés, monsieur, et ne m'oubliez pas , je vous en prie, auprès de M. le duc d'Aremberg et de M. le prince de Ligne quand vous leur écrirez .
Mme Denis et toute ma petite famille postiche vous font les plus sincères compliments .
V. »
1 La fin de l'adresse a été ajoutée d'une autre main .
2 Constant de Rebecque a écrit à V* le 28 février 1766 ; sa lettre est conservée : http://www.e-enlightenment.com/item/voltfrVF1140114b1c/?letters=decade&s=1760&r=11882
Voir :
https://data.bnf.fr/12156799/david-louis_de_constant_de_rebecque/
3 Charlotte Constant est morte le 25 mars 1766 . Voir : https://gw.geneanet.org/garric?lang=en&p=charlotte&n=pictet
et : https://fr.rodovid.org/wk/Personne:1145122
et : https://gw.geneanet.org/garric?lang=en&p=samuel&n=constant+de+rebecque
01:02 | Lien permanent | Commentaires (0)
30/06/2021
Je suis très sensible à la confiance que vous daignez me témoigner
...
Pour de vrai !
« A Catherine-Josephe de Loras du Saix, baronne de Monthoux 1
à Annemasse
A Ferney 26è mars 1766
Madame,
Je suis très sensible à la confiance que vous daignez me témoigner, et aussi touché des embarras où vous êtes qu'incapable d'y porter remède . Je vois que vous n'avez d'autre parti à prendre que celui d'obtenir des délais des créanciers qui vous pressent . C'est une affaire de conciliation à laquelle vous emploierez sans doute les amis que vous pourrez avoir à Turin ou à Chambéry . Je ne suis qu'un étranger, je ne connais aucun de vos créanciers ; je voudrais qu'ils en usassent tous comme moi . Je m’intéresserai toujours à ce qui vous regarde . J'ai l'honneur d'être avec bien du respect
madame
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
17:11 | Lien permanent | Commentaires (0)
On peint toujours fort bien les endroits qu'on habite
... Et ceux qu'on aimerait habiter, Mam'zelle Wagnière ?
« Au comte Giorgio di Polcenigo E Fanne 1
Du château de Ferney par Genève 25 mars 1766 2
Monsieur,
Je vous remercie de la seconde consolation que vous me donnez 3 dans mes maux et dans ma vieillesse . Je ne suis pas étonné que vous ayez si bien peint le palais de la gloire . Vous avez imité Pline qui dans ses lettres fait une belle description de sa maison de campagne 4. On peint toujours fort bien les endroits qu'on habite . Je reçois aussi un petit poème manuscrit de M. le comte Nollini 5. Je ne sais si mes yeux qui sont fort affaiblis pourront le lire ; j'y ferai mes efforts pour avoir un nouveau plaisir . Je vous prie de lui présenter mes remerciements et de recevoir les miens . J'ai l'honneur d'être avec toute la reconnaissance,
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Voir : https://www.dizionariobiograficodeifriulani.it/polcenigo-di-giorgio/
2 L'édition Quirico Viviani : Lettere inedite d'illustri Friulani del secolo XVIII o scritte da altri uomini celebri a personnaggi friulani, 1826, incomplète .
3 Sous la forme de l'ouvrage Il Tempio della gloria, 1765 .
4 Dans une lettre à Domitius Apollinaris (Epistolae, V, vi)
5 Suivant Joseph G. Fucilla : « Unedited Voltaire letters to Count di Polcenigo », 1939, il s'agit là d'un pseudonyme de Polcenigo dont le « poème manuscrit » est soit Il Viaggio concineo, soit La Lettiera precipitata .
11:07 | Lien permanent | Commentaires (0)