28/12/2013
Quand on vit d'égal à égal avec d'aussi grands hommes, le reste du genre humain est bien petit
...Voila ce que s'imaginent bien des dirigeants quand ils fricotent entre eux, mais qu'ils n'oublient pas que plus ils sont haut, plus ça fait de bruit et de miettes quand ils tombent , et qu'alors les petits leur pissent dessus (il en est qui n'attendent pas !).
Hey mister Bush ! Wet dream ?
« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis
Monseigneur, ce ne sont point des vœux que je vous offre ; je n'en ai pas à faire pour votre Éminence . Le ciel , en lui accordant tous les talents, ne lui refusa pas les vertus, et l’homme est aussi grand en elle que le ministre et le poète .
Héritier du luth de Chaulieu ;
Votre place est marquée à l'Olympe, au Parnasse ;
A l'Hélicon auprès d'Horace,
A l'Olympe avec Richelieu .
Quand on vit d'égal à égal avec d'aussi grands hommes, le reste du genre humain est bien petit . Si dans cette foule d'insectes, votre Éminence distingue quelqu'un, elle ne trouvera personne qui ait plus d'admiration pour son génie, et un plus tendre respect pour son caractère généreux et bienfaisant, que celui , etc. »
1 Si on considère le ton de la lettre au même correspondant du 19 août 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/08/19/mele-les-plaisanteries-aux-pensees-serieuses.html
le fait que le 18 novembre V* avait appris la « démission » de Bernis (lettre à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/12/voila-le-commencement-de-la-debacle-vous-aurez-un-peu-de-vir-5245118.html )
et la date officielle de la retraite de Bernis au 13 décembre 1758, les termes de la présente lettre font penser qu'elle fait suite à l'avis que V* aurait reçu de la disgrâce de Bernis et donc la dater des environs du 20 décembre 1758 .
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27/12/2013
bannis loin de toi la Superstition, Fille de l'Imposture et de l'Ambition, Qui tyrannise la Faiblesse
...Il est de bon conseil encore ce jour, notre ami Voltaire .
Ô nom de Dieu ! au nom de Dieu, combien de tyrans ont écrasé/écrasent les faibles
« A Frédéric II, roi de Prusse
[décembre 1758]
Ombre illustre, ombre chère, âme héroïque et pure,
Toi que mes tristes yeux ne cessent de pleurer,
Quand la fatale loi de toute la nature
Te conduit dans la sépulture,
Faut-il te plaindre ou t'admirer?
Les vertus, les talents, ont été ton partage;
Tu vécus, tu mourus en sage;
Et, voyant à pas lents avancer le trépas,
Tu montras le même courage
Qui fait voler ton frère au milieu des combats.
Femme sans préjugés, sans vice, et sans mollesse,
Tu bannis loin de toi la Superstition,
Fille de l'Imposture et de l'Ambition,
Qui tyrannise la Faiblesse.
Les Langueurs, les Tourments, ministres de la Mort,
T'avaient déclaré la guerre;
Tu les bravas sans effort,
Tu plaignis ceux de la terre.
Hélas! si tes conseils avaient pu l'emporter
Sur le faux intérêt d'une aveugle vengeance,
Que de torrents de sang on eût vus s'arrêter!
Quel bonheur t'aurait dû la France
Ton cher frère aujourd'hui, dans un noble repos,
Recueillerait son âme à soi-même rendue;
Le philosophe, le héros,
Ne serait affligé que de t'avoir perdue.
Sur ta cendre adorée il jetterait des fleurs
Du haut de son char de victoire;
Et les mains de la Paix et les mains de la Gloire
Se joindraient pour sécher ses pleurs.
Sa voix célébrerait ton amitié fidèle,
Les échos de Berlin répondraient à ses chants;
Ah ! j'impose silence à mes tristes accents,
Il n'appartient qu'à lui de te rendre immortelle. 1
Voilà, sire, ce que ma douleur me dicta, quelque temps après le premier saisissement dont je fus accablé, à la mort de ma protectrice . J'envoie ces vers à Votre Majesté, puisqu'elle l'ordonne. Je suis vieux elle s'en apercevra bien mais le cœur, qui sera toujours à vous et à l'adorable sœur que vous pleurez 2, ne vieillira jamais. Je n'ai pu m'empêcher de me souvenir, dans ces faibles vers, des efforts que cette digne princesse avait faits pour rendre la paix à l'Europe. Toutes ses lettres (vous le savez sans doute) avaient passé par moi. Le ministre,3 qui pensait absolument comme elle, et qui ne put lui répondre que par une lettre qu'on lui dicta, en est mort de chagrin .Je vois avec douleur, dans ma vieillesse accablée d'infirmités, tout ce qui se passe et je me console parce que j'espère que vous serez aussi heureux que vous méritez de l'être. Le médecin Tronchin dit que votre colique hémorroïdale n'est point dangereuse 4; mais il craint que tant de travaux n'altèrent votre sang. Cet homme est sûrement le plus grand médecin de l'Europe, le seul qui connaisse la nature. Il m'avait assuré qu'il y avait du remède pour l'état de votre auguste sœur,5 six mois avant sa mort. Je fis ce que je pus pour engager Son Altesse royale à se mettre entre les mains de Tronchin elle se confia à des ignorants entêtés, et Tronchin m'annonça sa mort deux mois avant le moment fatal. Je n'ai jamais senti un désespoir plus vif. Elle est morte victime de sa confiance en ceux qui l'ont traitée. Conservez-vous, sire, car vous êtes nécessaire aux hommes. »
1 Wilhelmine de Prusse, margravine de Bayreuth était morte au moment où Frédéric subissait la défaite d'Hochkirch, le 14 octobre 1758 . Le 6 décembre Frédéric écrivait à V* : « Jugez de ma douleur ... » voir : « DE FRÉDÉRIC II
Il vous a été facile de juger de ma douleur par la perte que j'ai faite . Il y a des malheurs réparables par la constance et par un peu de courage; mais il y en a d'autres contre lesquels toute la fermeté dont on veut s'armer et tous les discours des philosophes ne sont que des secours vains et inutiles. Ce sont de ceux-ci dont ma malheureuse étoile m'accable dans les moments les plus embarrassants et les plus remplis de ma vie.
Je n'ai point été malade, comme on vous l'a dit mes maux ne consistent que dans des coliques hémorroïdales, et quelquefois néphrétiques. Si cela eût dépendu de moi, je me serais volontiers dévoué à la mort, que ces sortes d'accidents amènent tôt ou tard, pour sauver et pour prolonger les jours de celle qui ne voit plus la lumière. N'en perdez jamais la mémoire, et rassemblez, je vous prie, toutes vos forces pour élever un monument à son honneur. Vous n'avez qu'à lui rendre justice; et, sans vous écarter de la vérité, vous trouverez la matière la plus ample et la plus belle.
Je vous souhaite plus de repos et de bonheur que je n'en ai. »
Le roi de Prusse ne fut pas content des vers de la lettre présente : « Je désire quelque chose de plus éclatant et de plus public . »; voir lettre du 23 janvier 1759 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f30.image
; et le 4 février 1759, Voltaire lui envoya l'ode suivante , page 462, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411324f/f472.image
2 Le roi de Prusse a adressé à sa sœur, la margrave de Baireuth, plusieurs épîtres en vers. On les trouve dans ses Œuvres posthumes, ainsi qu'une à milord Maréchal, où Frédéric parle longuement de la perte de cette sœur. (Beuchot.)
3 Le cardinal de Tencin que l'abbé de Bernis obligea de signer une lettre qu'il lui envoya pour rompre toute négociation, et cette adroite politique nous a valu la paix glorieuse de 1763. (édition de Kehl)-Voir aussi la lettre à Frédéric, du 19 mai 1759 : page 100 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f112.image
4 Frédéric II à V* le 6 décembre 1758 : « Je n'ai point été malade comme on vous l'a dit ; mes maux ne consistent que dans des coliques hémorroïdales et quelquefois néphrétiques »
5 Voir lettre du 27 septembre 1758 à la margravine de Bayreuth : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/06/il-faut-vivre-tout-le-reste-n-est-rien-5214859.html
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26/12/2013
le pays de Gex qui est un jardin continuel
...Qui était !! En exceptant les marécages et friches du XVIIIè, bien sûr .
Zone quasi urbaine de nos jours , banlieue dortoir du canton de Genève, avec un prix de l'immobilier digne de Paris .
By night
« A Cosimo Alessandro Collini
gouverneur
de M. le comte de Baver
à Strasbourg
Aux Délices 14 décembre [1758]
Mon cher Collini, j'ai encore écrit à Mgr l'électeur palatin . Point de place vacante . Il faut attendre .
J'ai envoyé un ballot qui doit parvenir bientôt à M. Turkeim . Vous pouvez lui dire que ce ballot est pour vous . Je le prie d'en payer les frais . C'est Cramer qui l'a dépêché par les voitures embourbées de Suisse . Il contient trois exemplaires, un pour M. Langham, et deux pour vous . Si les Autrichiens, les Français, les Russes, les Suédois ne piquent pas mieux leurs chiens, ils ne forceront point la proie qu'ils chassent . Freitag aura raison , et la peine de M. Langham sera perdue . Adio mio Colini .
V.
J'ai acquis deux belles terres en France dans le pays de Gex qui est un jardin continuel . Si jamais vous êtes las du Rhin j'habite toujours près du lac . »
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J'ai choisi Lausanne et Genève pour être libre, j'y ajoute la France pour l'être davantage
... Bon choix madame, bon choix mademoiselle, bon choix monsieur ! [dixit VGE]
http://www.ina.fr/video/I00014068
France dépoitraillée, quasi avec du poil au menton, sans bonnet rouge, elle n'a pas froid aux fess yeux!
« A David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches
à Lausanne
Aux Délices 13 décembre [1758]
Plus d'un tracas, je ne dis pas tracasserie, m'a empêché d'écrire au plus aimable colonel suisse qui ait jamais servi les Bataves . Je vous promets bien cependant, mon cher maître de notre scène lausannoise, de tenir mes rôles de vieillard tout prêts . Mme Denis sait Mérope . Mais quand ouvrirons-nous notre théâtre ? Il faut le demander à M. de Boisy qui a la goutte et qui n'a point encore signé le marché de Ferney, à M. le président de Brosses qui me vend aussi son Tournay, aux notaires, à l'architecte, à cinquante ouvriers en tout genre . Je me suis donné le plaisir malin d'entourer la république de Genève de mes terres . Ce n'est pas à dire qu'elles soient d'une seule étendue, mais je ris d'avoir juste pour mes vassaux deux prédicants dont je n'étais guère plus édifié que de celui de Vevey . J'ai choisi Lausanne et Genève pour être libre, j'y ajoute la France pour l'être davantage, mais Lausanne sera toujours mon séjour favori tant que vous y serez . J'attends les neiges et les glaces comme les autres attendent le printemps . Il faut qu'il gèle bien fort pour que je vienne vous voir . Je prendrai à peu près le temps où les trois Rois vinrent d'Asie . J'arriverai avec toute ma colonie et je serai à vos ordres quand il gèlera à pierre fendre . Ce n'est pas que je n'y sois toute l'année, mais cette fois-ci je ne suis le maître de mon temps que pendant les glaces . Mille respects à Mme d'Hermenches et à toute votre famille . Nos dames vous font force coquetteries .
V. »
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25/12/2013
si je vis tout ira bien . Si je meurs, je n'ai besoin de rien ; et en attendant je compte sur votre amitié qui vaut mieux que richesse
...Quel plus beau cadeau recevoir en ce jour de Noël ? Et j'en suis l'heureux bénéficiaire depuis bien avant ; qu'ajouter ? Merci Mam'zelle Wagnière
http://www.monsieurdevoltaire.com/article-citation-du-jour-121758429.html
Une même sève pour deux
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
11 décembre [1758]
Il nous vient, mon cher correspondant, quatre tonneaux de vin de Languedoc en double futaille 1 par le Rhône à vous adressés à Lyon pour l'étranger . Je les recommande à vos bontés, ainsi que les toiles qui nous viennent de Laval .
Me voilà à sec ou je suis fort trompé . Mais pour remplacer environ trois cent mille livres que probablement vous aurez payées pour moi au paiement nommé des Rois, voici une lettre de change de 207 livres . C'est faire comme Panurge 2 de cent sous quatre livres, et de quatre livres rien . La grosse tête de notre ami Labat n'a pas bonne opinion des affaires de la France . Je crois que vous avez plus mauvaise opinion des miennes, mais si je vis tout ira bien . Si je meurs, je n'ai besoin de rien ; et en attendant je compte sur votre amitié qui vaut mieux que richesse .
V. »
1 Voir lettre à Le Bault du 4 décembre 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/21/je-vais-tacher-de-faire-un-peu-de-bien-dans-un-pays-ou-je-ne-5252467.html
2 Référence à Pantagruel , III, ii-v, de Rabelais : https://archive.org/stream/lescinqlivresdef03rabeuoft#page/24/mode/2up
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24/12/2013
j'édifie plus que je ne détruis ( je parle d'édifice et non d'édification), et je plante plus que je n'arrache
...
Union libre ...
« A Charles de Brosses, baron de Montfalcon
Aux Délices, 10 décembre 1758 1
J'ai l'honneur, monsieur d'être à vos ordres demain matin à Tournay ; je vous offrirai des œufs et du fromage de Ferney ; j'espère que nous reviendrons coucher à l'ermitage des Délices .
Ne soyez en peine ni de votre château ni de votre forêt ; j'édifie plus que je ne détruis ( je parle d'édifice et non d'édification), et je plante plus que je n'arrache . Mais vous savez qu'un Suisse ne peut être gêné . M. Tronchin s'est bien trouvé de m'avoir laissé la bride sur le cou . Il y a un article qu'il faudra expliquer, c'est celui des troupeaux qui vous resteront à ma mort . Vaches et moutons avec le chien, oui ; mais bœufs et chevaux , non 2. La raison est que j'aurai probablement un haras à Tournay et que les bœufs qui exploiteront la terre seront ceux de Ferney, qui sont au nombre de seize . Je deviens patriarche . Si vous vous fiez à moi, vous y gagnerez , si vous vous défiez, vous y perdrez . Mais vous ne perdrez jamais les sentiments qui m'attachent à vous .
V. »
1 Réponse à la lettre du 27 novembre de de Brosses : « De M. le président de BROSSES
A Montfalcon, le 27 novembre [1758].
Comme notre droit féodal, monsieur, est tant soit peu barbaresque, il ne se déduit pas si bien que la jurisprudence papinienne des principes de la droite raison éternelle et universelle, surtout dans les points où les premières pierres, n'étant pas posées bien droit, les conséquences gauchissent de plus en plus quand le cas devient anomal et singulier comme celui-ci. Il n'y a rien de prévu par la loi pour les ventes à vie, chose très inconnue autrefois et dont l'usage ne s'est introduit que depuis fort peu de temps. La règle générale de notre pays savoyard est que les lods sont dus ex translalione dominii per emptionena. L'usage pour les ventes à réachat, auxquelles les ventes à vie pourraient s'équiparer, est que le lod est dû de la première vente, et non du retrait, parce que, disent les docteurs, est resolulio et distractus, potius quam contractus. Concluez de là que les princes, à qui vous êtes las de faire des libéralités, ne manqueront pas de prétexte pour vous demander, et que vous aurez à leur répondre que vous n'avez rien à leur offrir, puisque ce n'est qu'une vente d'usufruit, où il manque translalio dominii et proprietatis; que, dans le réachat ordinaire, l'aliénation est certaine et le retour incertain, car il n'est que faculté et peut n'avoir jamais lieu, au lieu qu'il est certain et de nécessité dans la vente viagère. Mais à quoi bon laisser matière à contestation ? Il ne faut jamais avoir d'affaire où l'on soit défendeur, c'est le mauvais rôle. Pourquoi ne vous en pas tenir au plan projeté d'un bail apparent suivi d'une vente réelle ? Ne serez-vous pas parfaitement le maître chez vous et sans embarras, quand, deux jours après le bail à ferme, nous passerons un acte de vente où il sera rescindé du consentement de toutes les parties et converti en vente viagère? N'ayez pas peur pour votre acquisition. Je vous puis assurer que vous ne risquez rien. D'ailleurs il ne me serait pas possible d'adopter aucune formule publique qui pût mettre en risque les franchises de ma terre, qui se perdraient par aliénation à un Français; et vous avez à ceci le même intérêt que moi.
Or sus, tant sur cet article-ci que sur beaucoup d'autres, on s'égosille à parler de loin, et l'on ne termine rien. Il faut faire en sorte de nous voir. Nous en dirons plus en une demi-heure qu'en cent pages. J'attends ici, sur la fin de la semaine, un ecclésiastique de mes amis, fort honnête évêque [Courtois de Quincy ; voir page 373 : http://books.google.fr/books?id=oXUTAAAAQAAJ&pg=PA373&lpg=PA373&dq=Courtois+de+Quincy&source=bl&ots=9gDMQYHqj8&sig=qTc5AojWHF9a8aIHFwbOsNe54Bk&hl=fr&sa=X&ei=NTG6Uo7LMaev0QWzxoCIDg&ved=0CE8Q6AEwBw#v=onepage&q=Courtois%20de%20Quincy&f=false
et page 165 : http://books.google.fr/books?id=DD-JW9LnpDEC&pg=PA165&lpg=PA165&dq=Courtois+de+Quincy&source=bl&ots=u6nIbtCbnI&sig=kdSvNsHTEbldT7cMQ6pTBdwcql0&hl=fr&sa=X&ei=NTG6Uo7LMaev0QWzxoCIDg&ved=0CDYQ6AEwAQ#v=onepage&q=Courtois%20de%20Quincy&f=false]. Voulez-vous que j'aille avec lui jusqu'à Belley ? Voulez-vous avoir la bonté d'y venir passer 24 heures ? Nous en ferons l'île de la Conférence; et je m'assure qu'en un moment nous aurons tout réglé et terminé de fort bonne grâce beaucoup mieux probablement que nous ne ferions sur la place même, dans un pays, soit dit entre nous, de grand bavardage. Je serai à Belley au milieu de la semaine prochaine, vers le mardi. Faites-moi l'honneur de m'y écrire sans aucun retard un petit mot à l'évêché pour m'apprendre votre résolution. Vous ne doutez pas de l'empressement extrême que j'aurais de vous voir, de vous embrasser, de finir avec vous une affaire qui nous mettrait encore plus en liaison. De votre côté, vous ne serez pas fâché de faire connaissance avec un voisin homme d'esprit et de beaucoup de mérite . A demain donc les affaires, disait le roi Antigone. Mais. tous les jours de ma vie, elle vous est entièrement dévouée par tous les sentiments imaginables d'estime et d'attachement.
Vous me mettez en colère contre l'ennemi qui a suscité ce maudit Chouet pour semer de l'ivraie dans mon champ admirable, où il n'a jamais crû du blé que pour les élus. L'ivrogne qu'il est n'a donc pas assez de s'enivrer de mon vin, il veut encore s'enivrer de mon blé. »
Voir la correspondance V*/de Brosses : http://books.google.fr/books?id=C6bPerPXMYsC&pg=PA42&lpg=PA42&dq=je+plante+j%27%C3%A9difie&source=bl&ots=bISYG82VCj&sig=KdkHj3lJOygqbCSg84A-MIVyYoc&hl=fr&sa=X&ei=UTO6UtL-M82d0wWJpYDQAQ&ved=0CDEQ6AEwAA#v=onepage&q=je%20plante%20j%27%C3%A9difie&f=false
2 Le lendemain, 11 décembre 1758 ; V* signera le contrat suivant avec de Brosses : « BAIL A VIE DE LA TERRE DE TOURNAY
L'an mil sept cent cinquante-huit, et le onze décembre après midi, par devant le notaire royal au bailliage de Gex, soussigné; et en présence des témoins ci-après nommés, fut présent haut et puissant seigneur messire Charles de Brosses, baron de Montfalcon, président à mortier au parlement de Bourgogne, demeurant à Dijon, lequel a par ces présentes remis à titre de bail à vie, avec promesses de faire jouir, à commencer le vingt-deuxième février prochain, à messire François-Marie Arouet de Voltaire, chevalier, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, demeurant aux Délices-sur -Saint-Jean, ici présent et acceptant : assavoir le château, terre et seigneurie de Tournay, granges, écuries, prés, terres, vignes hautes et basses, bois, la forêt, droits seigneuriaux honorifiques, la dime en dépendant, les censives et droits seigneuriaux dus et relevant du château de Tournay, auquel effet le terrier dudit Tournay lui sera remis ledit jour pour les exiger; pour être par lui rendu à l'expiration de sa jouissance, le troupeau de vaches tel qu'il a été remis au fermier actuel, pour en rendre pareil nombre et valeur suivant l'estimation qui en sera faite par experts; tous les meubles et effets d'agriculture et futailles; comme encore tous les meubles meublants qui sont dans le château; toutes lesquelles choses seront remises ledit jour vingt-deux février prochain audit sieur preneur, qui s'en chargera sur un état et inventaire à double, dans lequel sera spécifiée la quantité de foin et de paille qui se trouveront dans les granges, et aussi la quantité de terres ensemencées, pour être rendu par ledit sieur preneur à la fin de sa jouissance au même état, auquel temps tous les meubles et effets qui se trouveront dans lesdits bâtiments sans exception appartiendront audit seigneur de Brosses en propriété.
M. de Voltaire aura la faculté de faire dans les bâtiments et fonds les changements qui lui conviendront, au moyen de quoi il restera chargé de toutes réparations, tant dans lesdits bâtiments que dans les fonds, et de rendre le tout en bon état. M. de Voltaire aura la pleine jouissance de la forêt de Tournay, et des bois qui SONT SUR PIED et non vendus, de laquelle il usera en bon père de famille sans la détruire; c'est-à-dire en y laissant par chaque pose, l'une portant l'autre, soixante arbres de ceux qui sont sur pied, et elle sera mise en défense pour croître en taillis.
Ce bail fait moyennant la somme de trente-cinq mille livres, qui ont été payées présentement par ledit sieur preneur, en lettres de change sur Lyon, payables la moitié en payement des Saints, et l'autre moitié en payement des Rois, dont ledit seigneur de Brosses tient quitte ledit sieur preneur. Et en outre M. de Voltaire promet et s'oblige de faire dans lesdits bâtiments, granges, fossés, jardins, écuries, en constructions, grosses réparations et améliorations de toute espèce, avenues, chemins, haies autres que celles d'entretien ordinaire, pendant le cours de sa jouissance, soit pour l'utilité, soit pour l'agrément, jusques à concurrence de la somme de douze mille livres, comme faisant ladite somme partie du prix du présent bail, suivant la reconnaissance et estimation par experts, relativement aux livres de dépense dudit sieur preneur, et ledit emploi des douze mille livres ne sera point exigible si ledit sieur preneur venait à décéder dans les trois premières années, et sans répétition néanmoins de ce qui se trouvera fait. Ledit seigneur de Brosses s'engage à ne faire couper aucun arbre dans ladite forêt, à la réserve de huit chênes vendus à un tonnelier de Genève, qui sont encore sur pied, et ce à compter de ce jour.
Le revenu annuel de ladite terre ayant été estimé être de la somme de trois mille cinq cents livres. Tout ce que dessus ainsi convenu entre lesdites parties, qui ont promis l'exécuter respectivement, à peine de tous dépens, dommages et intérêts, obligation de biens.
Fait, lu et prononcé au château de Ferney, en présence de Bernard et Jacques Brillon frères, laboureurs, demeurant audit Ferney, témoins qui ont signé avec les parties, et moi dit notaire.
Signé sur la minute BROSSES, DE VOLTAIRE, Jacques Brillon, Bernard Brillon, et Girod, notaire.
Contrôlé à Gex, le quinzième décembre 1758 reçu quatre-vingt-six livres huit sols. Signé: Rods.
Par expédition audit seigneur de Brosses,
GIROD »
Après le décès de V* :
« Marc Duval, conseiller du roi, lieutenant général au bailliage de Gex, certifions que M. Girod, qui a reçu, expédié et signé l'acte ci-devant, est notaire royal en ce bailliage, et que foi doit y être ajoutée en jugement et dehors. En témoin, nous avons donné les présentes sous le sceau de ce bailliage, de nous signées à Gex, en notre hôtel, ce six juin mil sept cent soixante-dix-huit.
DUVAL »
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23/12/2013
il faut être sage dans ses folies
... Ceci fait-il partie des recommandations de cette période festive ?
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
[Aux Délices 9 décembre 1758]
Mon cher correspondant qui ne correspondrez bientôt plus que sur un bien chétif capital à moins que Dieu ne me prête vie, voici encore douze cents livres que vous aurez la bonté de payer à l'ordre de M. Bontems 1 ou Marcuard 2 pour pareille somme que je prête au prêtre Bertrand de Berne 3. Mais permettez-moi de récapituler un peu mes affaires car il faut être sage dans ses folies .
Or on me propose encore des acquisitions pour environ 44 000 livres lesquels joints aux ci-devant 286 000 feront la somme de livres 333 000 .
Que me restera-t-il alors de fonds entre vos mains en comptant les annuités et billets de loterie ? Je vous demande en grâce de me le dire à peu près, afin que je me détermine et que je ne me prépare point de regrets . Je ne demande pas un compte exact . Je vous supplie seulement de jeter une vue générale sur les différents effets que vous avez à moi ou que vous avez mis entre les mains de M. Duverger 5. J'abuse de votre temps et de vos bontés mais pardonnez à un homme qui ne veut pas faire de sottises dans un âge qui ne le permet pas .
Vos Délices sont bien jolies . Jamais Ferney n'en approchera . »
3 Voir lettre du 27 novembre 1758 à Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/18/temp-00c0b34a56352cfa0ed5ecdb76a43265-5250018.html
5 Voir lettre du 16 avril 1757 à jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/24/a-l-egard-de-votre-malaga-je-crois-que-cent-cinquante-demi-b.html
du 20 avril 1757 au même, etc.
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