24/04/2014
Je ne perdrai cette ambition qu'avec la vie
... Celle de faire connaître Voltaire à travers sa correspondance .
Il me faudra bien des jours et années pour mener à bien ce projet . Je vous impose également d'avoir sous les yeux quelques uns de mes états d'âme, qui , eux, ne passeront pas à la postérité , sinon virtuelle par la grâce des électrons et de quelques galettes de silicium (ou autre selon les progrès de la technique ) .
Longue vie à Hautetfort mon hébergeur ! (voeu très intéressé ).
« A Ivan Ivanovitch Schouvalov
A Tournay, par Genève
14 mars 1759
Monsieur, je reçois en même temps une lettre de vous et une lettre des grandes Indes 1, datées du même mois ; le courrier qui m'a rendu celles dont Votre Excellence m'honore du 20 janvier n'a pas à ce que je vois des ailes aux talons comme Mercure , ou bien apparemment quelque parti prussien lui aura coupé les ailes dans sa route ; vous me coupez furieusement les miennes , monsieur, en me privant des mémoires que vous aviez eu la bonté de me promettre sur les exploits militaires du csar Pierre, sur ses lois, sur sa vie privée, et encore plus sur sa vie publique 2; j'ai tout au plus de quoi composer un recueil très sec de dates et d'évènements ; mais je suis très loin d'avoir les matériaux d'une histoire intéressante ; je ne peux pas imaginer, monsieur, que vous avez abandonné un projet si noble et si digne de vous , projet dont tout votre empire doit désirer l'exécution, et auquel je présume que votre auguste souveraine s'intéresse ; je suis très sensible à votre thé de la Chine 3 , mais je vous avoue que des instructions sur le règne de Pierre le Grand me seraient infiniment plus précieuses ; mon âge avance, je ferai mettre sur mon tombeau ci-gît qui voulait écrire l’histoire de Pierre le Grand .
Je ne doute pas, monsieur, que Votre excellence n'ait d'autres occupations qui emportent la plus grande partie de son temps ; mais s'il vous en reste, songez, monsieur, que c'est moi qui vous conjure aujourd'hui de ne pas oublier le héros sans les soins duquel vous ne seriez peut-être pas aujourd’hui un des génies les plus cultivés et des plus aimables de l'Europe ; votre esprit s'est embelli de toutes les sciences que ce grand homme a fait naître ; la nature a beaucoup fait pour vous, mais Pierre le Grand n'a peut-être pas fait moins . J'ai l'ambition d'être de votre école, de travailler sous vos ordres . Je ne perdrai cette ambition qu'avec la vie .
J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire
comte de Tournay
J'ai eu l’honneur de vous écrire par M. le comte de Keizerling auquel j'adresse cette lettre . »
1 Aucune de ces lettres ne nous est parvenue .
2 Le 31 mars 1759, Schouvalov répond : « Enfin après bien du retard, dont je vous fais mille excuses, j'ai l'honneur de vous expédier tout ce que j'ai pu rassembler jusqu'à présent de matériaux […] j'aurais été bien plus prompt à vous les fournir sans la grande difficulté qu'il y avait à les rassembler et les faire traduire, et les rendre moins confus [...]M. de Soltikoff […] part exprès pour vous les remettre [...] »
3 « M. de Soltikoff est aussi chargé, monsieur, de vous offrir de ma part quelques pelleteries […] j'ai joint quelques livres de thé de la Chine de la meilleure qualité […].
Voici les numéros des espèces du thé. C'est le même dont l'empereur de la Chine fait usage, je l'ai eu de Pékin directement, et j'en joins ici les noms par singularité pour la prononciation chinoise . N° 1 . Lun Dzin ouv izun.. N° 2. Loun dzun may. N° 3. Manichwal . N° 4. Julan.. N° 5 . Dzin Dzilan Dzou. »
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23/04/2014
malgré toute ma sensibilité pour vous, je pense que l'eau du Rhône est aussi bonne que l'eau de la Seine
... Dit Voltaire .
Mais connaissant votre goût pour le plus beau fleuve de France, que dis-je, du monde ( ;-) ), j'ajouterai, chère Mam'zelle Wagnière : "Tout ce qu'on a fait dans Paris depuis quelques années me parait le comble de la folie humaine" . Et du coup, c'est Delanoé qui va se rebiffer . Tant pis, je ne suis pas son ami !
Et puis, l'eau de la Seine est détestable, elle ne sera jamais bonne à m'amener près de vous .
Génissiat juin 2012
« A Jacques-Bernard Chauvelin
Aux Délices, près de Genève
14 mars 1759 1
Je reçois, monsieur, la lettre dont vous m'honorez en date du 9 mars 1759 , avec le mémoire de mes ennemis les fermiers généraux, et l'extrait de la déclaration du roi du 20 mars 1708 . Je ne puis trop vous remercier de la bonté avec laquelle vous daignez entrer dans mes petites peines, et me rendre raison des refus du conseil : Intras in judicium cum servo tuo, Domine 2 . Permettez donc à votre serviteur, le Job des Alpes, de rebéquer 3 encore contre son seigneur, et de lui envoyer cette fois-ci un mémoire très sérieux . Ce n'est qu'en qualité de bon Français que j'ai eu la bêtise de faire griffonner mon contrat par un notaire de Gex . Je pouvais également employer un tabellion suisse , et alors les fermiers généraux n'auraient jamais entendu parler de moi . Je pouvais encore vous lâcher les Treize Cantons et les Ligues grises 4. Nous sommes jaloux de notre liberté, nous autres Helvétiens, et nous sommes de bonnes gens qui croyons que les traités doivent être exécutés à la lettre . Ainsi, monsieur, en qualité de Suisse, de Français et de votre ancien courtisan, j'ose encore vous supplier de revoir mon affaire pour la dernière fois .
Mme Denis est très sensible à l'honneur de votre souvenir . Nous sommes tous également attachés à votre personne, et à tout ce qui porte votre nom ; mais malgré toute ma sensibilité pour vous, je pense que l'eau du Rhône est aussi bonne que l'eau de la Seine , et qu'il importera très peu à ma figure légère d'être mangée des vers du mont Jura ou de ceux de la paroisse de saint Roch . Tout ce qu'on a fait dans Paris depuis quelques années me parait le comble de la folie humaine, et je me croirais plus fou que tout Paris si, à mon âge, je ne savais pas vivre dans la retraite . Il est vrai que je regretterai toujours votre société et vos bontés ; mais il faut savoir se retirer quand on n'est plus propre pour le monde . Au reste, que les fermiers généraux m'assomment ou non, mea virtute me involvo 5. Pardonnez à ma main droite, un peu pote 6, si je vous ennuie par une main étrangère .
Pour le reste de ma vie, et avec tous les sentiments d'un homme qui vous respecte et qui vous aime
Le Suisse V. »
1 Sur la lettre, Chauvelin note : « M'en parler, car cette nouvelle raison peut changer la décision . - Le 22 mars , remis à M. de Faventines le nouveau mémoire de M. de Voltaire . »
2 Seigneur, tu entres dans le jugement de ton serviteur ; Psaumes, cxlii, 2 .
3 Rebecquer, rebéquer : v : se rebiffer, être impertinent .L'emploi de ce verbe sans pronom a surpris car non attesté par Littré, mais dans la langue classique tout verbe pronominal employé à l'infinitif comme complément de faire, laisser, voir, etc. perd normalement le pronom complément ; comparer « j'ai senti réveiller en moi tous les sentiments [...] » de la lettre du 30 mars 1759 à Étienne de Champflour .
4 C'est à dire des Grisons .
5 Je me drape dans ma vertu ; Horace, Odes, III, xxiv .
6 Gourde ou engourdie .
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22/04/2014
je ne dois rien faire à demi
... Pas même dormir . Good nignt folks !
« Au baron Albrecht von Haller
Aux Délices 13 mars [1759]
Il est juste de vous mettre au fait, monsieur, . Ce Grasset et son frère ont été longtemps domestiques chez les Cramer . Le Grasset dont il est question vola ses maîtres , son procès criminel fut commencé , la sentence de prise de corps existe . Grasset s'enfuit et revint au bout de quelques années se jeter aux pieds de ses maîtres . Le frère de Grasset qui est filleul d'un des Cramer obtint la grâce du coupable . Les Cramer donnèrent une quittance au criminel qui signa l'aveu de son crime , emporta sa quittance avec laquelle il sera toujours condamné quand on voudra, et alla se mettre à Lausanne, chez Bousquet; lequel Bousquet se plaint aujourd'hui d'avoir été friponné par Grasset, ipsi viderint 1. Lorsque j'arrivai dans ce pays-ci, attiré par les sollicitations pressantes de plusieurs personnes, déterminé par le soin de ma santé et par l'amour du repos, Grasset m'écrivit de Lausanne qu'il avait des manuscrits importants qu'il voulait me vendre . Je lui mandai qu'il pouvait venir à ma campagne . Il y vint . Ces manuscrits consistaient dans je ne sait pas quel poème de la Pucelle d'Orléans farci de vers tels que la servante de La Mettrie aurait rougi d'en faire dans un mauvais lieu . Il m'en montra un échantillon, qui faisait frémir d'horreur ; et me demanda cinquante louis de l'ouvrage, en m'assurant doucement que si je ne l'achetais pas , il l'allait vendre à d'autres sous mon nom . J'allai sur le champ avec ma famille chez le résident de France . On mit Grasset en prison, et il fut chassé de la ville . Tous ces faits sont de notoriété publique . On dit que cet homme a beaucoup de souplesse, qu'il est flatteur, qu'il sait séduire, et c'est souvent le malheur des belles âmes comme la vôtre d'être trompés par des méchants, mais elles ne le sont pas longtemps .
Je ne suis pas étonné qu'un tel homme ait imprimé le libelle que MM. les curateurs ont fait saisir, mais j'avoue monsieur que j'ai été surpris que des hommes qui doivent être sages aient eu part à cette manœuvre . Le fond de toute l'affaire était l'envie de gagner vingt écus, en intitulant leur libelle Supplément aux œuvres de M. de V. Ils ne songeaient pas que pour vingt écus ils flétrissaient une famille entière, qu'ils pouvaient perdre M. Saurin, ancien secrétaire de M. le prince de Conti, homme de lettres très estimable et d'une probité reconnue .
Si vous saviez, monsieur, qu'il est près d'obtenir un poste considérable, et que ses concurrents se seraient armés contre lui des traits dont on a voulu attaquer son père, que toute sa fortune allait être détruite par cet écrit scandaleux, qu'il était perdu sans ressource, votre équité et votre humanité auraient certainement condamné Grasset et ses consorts . Vous les condamnez sans doute à présent ; et vous êtes surtout indigné que dans ce libelle on se soit servi du masque de la religion pour outrager une famille . Je suis l'ami intime de M. Saurin, il m'a conjuré de prendre sa défense, j'ai fait mon devoir, j'ai été approuvé par tous les honnêtes gens, et je me flatte de l'être par vous .
On m'avait écrit que dans ce libelle infâme on avait osé imprimer une lettre de vous , j'avais eu l'honneur de vous le mander . Je sais aujourd'hui qu'on n'a point eu l'insolence d'abuser ainsi de votre main .
Vous voyez, monsieur, quelles fortes raisons j'ai eues de poursuivre la suppression de ce recueil de scandales dans lequel on m'impute des choses que je n'ai jamais écrites , et dans lequel on me traite simplement de déiste et d'athée parce que je n'ai pas voulu qu'on couvrit d'opprobre la famille de M. Saurin . Avouez, monsieur, avouez que j'ai eu autant de justes motifs de faire supprimer cette œuvre d'iniquité que vous en eûtes de confondre ce détestable fou de La Mettrie . Ce ne sont point ici des fous, mais des hommes qui sont sortis de leur devoir et qu'on y a fait rentrer . Les éditeurs du libelle (je ne parle pas de Grasset) sont des citoyens à qui j'ai épargné la honte de faire une faute publique et j'espère qu'ils n'y retomberont plus .
Encore un mot . Je vous ai parlé , monsieur (non pas d'un libelle qu'on vous attribuât dans ce recueil) , Dieu m'en garde, mais d'une lettre sur des points historiques et supposant qu'elle eût été de vous, j'aurais été seulement affligé qu'on vous eût mis en si méchante compagnie . Songez, monsieur, aux belles manœuvres dont on s'avisa dès que je fus à Lausanne . Un pasteur de campagne m'écrivit une lettre anonyme, et me la fit rendre sous votre nom . Je donnai quelque argent à un officier 2 pour aller joindre sa troupe en Hollande . Le même pasteur m'écrivit une autre lettre anonyme pour m'avertir que je devais donner davantage, et le même homme a trempé en dernier lieu dans l'affaire du libelle .
Vous voilà, monsieur, au fait de tout . Je sais distinguer les honnêtes gens de Lausanne du petit nombre des esprit mal faits qui peuvent y être, mais il vaut mieux faire des expériences de physique avec le semoir, et faire du bien à ses vassaux, que d'avoir de tels procès à conduire . Ils n'altèrent point le repos du philosophe, mais ils consument un temps précieux que je voudrais employer à vous lire, ou à vous voir . Pardon de la prolixité de votre très humble et très obéissant serviteur .
V....3
Après ma lettre écrite, monsieur, j'apprends que la première que je vous adressai, et votre réponse sont publiques en Suisse . J'en suis très étonné . Il faut que vous ayez des amis peu dignes de votre confiance parmi le grand nombre de ceux qui s'empressent à la mériter ; pour moi je vous jure que je n'ai fait voir vos lettres à personne .4
P.S.- Je sens tout le ridicule de tant d'additions, mais je ne dois rien faire à demi . J'apprends, monsieur, dans le moment que Grasset a imprimé deux libelles au lieu d'un . Le premier finit à la page 140, chiffre romain . Le second en numéros ordinaires jusqu'à 181 . Le tout était pour Lausanne mais il a envoyé à Paris le second seulement, et ce second en chiffres communs est poussé jusqu'à la page 360 . Il est rempli des pièces les plus scandaleuses ; Grasset a eu l'insolence de l’adresser à M. le premier président de Malesherbes qui l'a jeté au feu . Connaissez l'homme .5 »
1 Eux-mêmes l'auront vu . Depuis lequel Bousquet, passage ajouté entre les lignes .
2 Crousaz ; voir lettre d'avril 1757 à David-Louis Constant de Rebecque, seigneur d'Hermenches où Crouzat est nommé Mohadar, personnage de la tragédie Fanime , dont il jouait le rôle au théâtre de Mon Repos à partir du 19 mars 1757 .
3 Le dernier paragraphe est écrit au bas de la marge de la quatrième page du manuscrit .
4 Sur le manuscrit cet ajout est fait au bas de la marge de la première page .
5 Le P.S. est écrit sur une feuille à part dans le manuscrit .
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21/04/2014
comme je trouve cet ouvrage très contraire aux décisions de la Sorbonne et aux décrétales je soutiens que je n'y ai aucune part
... Persiste et signe .
« A Jean-Robert Tronchin
12 mars [1759] aux Délices 1
Mon cher correspondant est supplié de vouloir bien affranchir cette lettre pour mon avocat au conseil, lequel plaide contre un curé, et lequel perdra probablement son procès ; je n'ai point de nouvelles de Lisbonne, et je ne sais quand nous pourrons manger du jésuite ; l'abbé Pernetti soutient toujours que j'ai fait voyager le philosophe Pangloss et Candide , mais comme je trouve cet ouvrage très contraire aux décisions de la Sorbonne et aux décrétales je soutiens que je n'y ai aucune part ; et s'il le faut je l'écrirai au révérend père Malagrada ; je fais toujours bâtir un château plus beau que celui de M. le baron Thunder-ten-tronckh . Il me ruine mais j'espère que les Bulgares n'y viendront point ; j'embrasse mon très cher correspondant de tout mon cœur .
V. »
1 Le même jour [Jean-Louis]Dupan écrivait à Freudenreich : « Candide a été brûlé à Paris par arrêt du parlement . On le dit ici, mais cela n'est pas sût […] M. de Voltaire a acheté la terre de Ferney sous le nom de sa nièce Denis . Sa nièce Fontaine lui devait 50 ou 60 mille francs . Il lui en a fait présent . S'il savait modérer l'intempérance de la langue et de la plume il serait heureux . Il dit que la calomnie lui attribue Candide, et il serait bien fâché qu'on ne l'en crût pas l'auteur . »
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Il n'y a pas apparence qu'il ne fasse payer beaucoup d'ordonnances
... Nous voilà prévenus, depuis 1759, tout ministre des finances n'apporte rien de neuf, si ce ne sont de nouvelles taxes . Sous le ciel fiscal, il faut bien nourrir ceux qui ont la prétention de mener l'Etat, non seulement les nourrir, mais trop souvent les enrichir .
« A François de Chennevières
Des Délices du [11 mars 1759 ?]
Mon antique bouche prend la liberté de baiser le bras que le roi de Pologne a orné d'un bracelet 1 et je crois que le contenu est plus précieux que le contenant . Je vous remercie de toutes vos nouvelles . M. Silhouette a très bien traduit Pope 2 et Warburton 3 . Il peut être contrôleur général tant qu'il voudra . Il n'y a pas apparence qu'il ne fasse payer beaucoup d'ordonnances . Je ne connais pas de Boston aux Grandes Indes, mais bien Boston dans la nouvelle Angleterre en Amérique . Souvenez-vous mon ami des marmottes des Alpes . »
1 La copie du manuscrit porte la mention : « Le roi de Pologne avait donné un bracelet à Mme de Chennevières. »
2 A savoir son Essay on man de 1733 traduit sous le titre d'Essai sur l'homme, 1736 . Voir : http://scholarworks.umass.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1089&context=french_translators
3 Dissertations sur l'union de la religion, de la morale et de la politique, tirées de Warburton par [Étienne] de Silhouette ; 1742 .Voir ; http://books.google.fr/books?id=6rmECWc_cpsC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
05:36 | Lien permanent | Commentaires (0)
20/04/2014
La calomnie est interdite, même aux prêtres
... Urbi et orbi, aujourd'hui comme demain , à Pâques comme à la Trinité .
Et je ne veux pas entendre un autre son de cloche ...
... que celui du château de Voltaire !
Ah ! au fait ! Joyeuses Pâques aux humains croyants et condoléances aux moutons .
« A monsieur le docteur et professeur Théodore Tronchin
à Genève
[vers le 10 mars 1759]1
Je vous demande pardon mon cher philosophe . Il est cent fois plus aisé de détruire aujourd'hui les infâmes superstitions chez les honnêtes gens, que d'établir une religion nouvelle chez le peuple .
. . . . . . . . . . . . . .2
Avouez qu'il est plaisant que ce soit un prêtre qui m'ait averti du libelle de Lausanne, qui l'ait poursuivi et qui l'ait fait saisir . Avouez qu'il y a de la raison et de la vertu dans l'enceinte des Alpes . Il n'y est pas permis d'outrager un étranger par des libelles . La calomnie est interdite, même aux prêtres .
Quand ce misérable Vernet a fait le sien 3 il a été obligé de le faire imprimer ailleurs sous un nom supposé . Il a été obligé ensuite de le désavouer . Il n'oserait lever les yeux devant moi . J'ai voulu l'induire à repentir, et tirer de lui une démarche honnête une fois dans sa vie . S'il ne la fait pas, je l'en ferai justement porter la peine . Il n'y a rien que je n'aie fait pour le débourber, mais je le ferai mourir dans la fange .
Je commence à croire que le jésuite Berthier baissera son ton . Les douze apôtres de Lisbonne rendront la Société humble . C'est un grand miracle .
J’ai grand envie de vous voir , mais les dames l'emportent, et cela est juste . Vale, care et magne vir 4. »
1 Cette lettre a été écrite après la condamnation de la Guerre littéraire (voir page 332 : http://books.google.fr/books?id=WotZAAAAcAAJ&pg=PA332&lpg=PA332&dq=la+Guerre+litt%C3%A9raire+1759&source=bl&ots=4hXS27b90C&sig=mF9i2DUeIIsiI7DE6S2S0ZKuYJk&hl=fr&sa=X&ei=f2hTU_umIYWJPbjPgZAJ&ved=0CEkQ6AEwAw#v=onepage&q=la%20Guerre%20litt%C3%A9raire%201759&f=false )
2 Pointillé tel sur le manuscrit .
3 C'est toujours la « Lettre à M. de Voltaire à Lausanne » publiée par le Journal helvétique de juin 1757 . Voir lettre du 3 février 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/02/22/celui-qui-gere-un-bien-de-campagne-et-qui-vend-du-foin-et-qu-5305708.html
4 Porte toi bien cher grand homme .
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19/04/2014
Je me flatte qu’il ne voudrait pas me faire perdre dans ce marché les intérêts qui me sont dus
... Dit le trader , quand il lui reste un tantinet de politesse .
Aucune inquiétude pour ces forçats boursiers, ils gagnent largement de quoi se refaire une santé, et Voltaire parait petit joueur à côté d'eux, requins qui , crise ou non, écument nos économies .
http://www.gaullistelibre.com/2013/02/libor-les-banksters...
« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour
à Genève
[vers le 10 mars 17459]
Mon cher baron aura-t-il pour agréable que je ne sois que pour 80 mille livres dans l'affaire en question ? Il aurait la bonté de me faire toucher 10 mille livres 1, et augmenterait sa part de 10 mille livres à six % . Je me flatte qu’il ne voudrait pas me faire perdre dans ce marché les intérêts qui me sont dus sur ces 10 mille livres depuis que j'ai donné mon argent . Je les toucherais à 5 % quand ils seront payés, et le 6è de cet intérêt serait pour mon cher baron . J'attends ses ordres .
Son très humble et très obéissant serviteur
V. »
1 La somme que V* avait fait payer à Labat par l'intermédaire de Jean-Robert Tronchin, début septembre 1758, de 80000 + 10000 livres, destinée à entrer dans le prêt consenti à la duchesse de Saxe-Gotha ( voir lettre du 29 août 1758 à J.R. Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/10/10/t... )
Labat répondra affirmativement à V* et les deux hommes signeront une convention à ce sujet le 26 avril 1759 .
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