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04/02/2014

Les huit mois de retardement me font beaucoup de peine . Ils ne prouvent rien d'agréable . Tout a bien mal tourné

... Hors la peine supposée, voilà à peu près ce que peuvent dire les footeux devant le manque de fiabilité brésilienne . Ils (les danseurs de samba ou footballers, parfois maçons ) sont bien meilleurs avec leurs pieds qu'avec leurs mains (quoiqu'ils ne soient pas en reste quand il s'agit de contrôler un ballon grâce à la main de Dieu) .  Il est vrai que la truelle et la pince à ferrailler sont d'un usage plus complexe et fatigant .

 Sao Polo n'a pas levé le petit doigt pour bénir cette "église païenne", mais de là à penser que c'est lui qui a fait tomber une grue   dessus ... En tout cas , ça ne me rassurerait pas d'avoir un toit si fragile au-dessus de la tête .

 

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« Au baron Heinrich Anton von Beckers

Aux Délices route de Genève

16 janvier 1759 1

Monsieur, j'ai reçu l'honneur de votre lettre . Les huit mois de retardement me font beaucoup de peine . Ils ne prouvent rien d'agréable . Tout a bien mal tourné . Je vous ai une extrême obligation monsieur de de ne point retarder pour moi l'effet des bontés de Son Altesse électorale . J'en ai d'autant plus besoin que je suis obligé de rétablir entièrement la comté de Tournay dont j'ai fait l'acquisition dans mon voisinage des Délices ; et qu'on commence toujours par se ruiner dans une terre avant d'en pouvoir tirer le moindre avantage . Votre Excellence doit être instruite qu'il en coutera quelques florins pour le change . C'est une petite charge que Mgr l’Électeur a bien voulu supporter . Je compte incessamment avoir l'honneur d'envoyer à Votre Excellence mon reçu pour les six derniers mois de l'année 1758 . Vous n'ignorez pas que mon capital fut envoyé à Francfort dès le mois de novembre lorsque j’eus l'honneur de contracter . Par conséquent ce serait en novembre qu'aurait dû commencer mon année . Mais la facilité des paiements et l'ordre naturel ont semblé demander que je fusse payé de six mois en six mois au premier janvier et au premier juillet . Il est vrai que la première année je ne reçus des lettres de change qu'en février et que je ne fus payé qu'en mars . Mais je n'en suis que plus reconnaissant de la bonté que veut bien avoir Votre Excellence de me faire payer au premier janvier de cette année, et de m'avoir fait payer au premier juillet 1758 . Je n'avais pas besoin de cette attention obligeante pour vous être particulièrement attaché . Quelques soins que me donnent mes terres, j'espère toujours venir faire ma cour à Schuetzingen . Vous savez combien mon cœur appartient à Son Altesse électorale . Je fais mille vœux pour sa prospérité .

J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les pus respectueux et les plus tendres

monsieur

de votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire »

1 Le manuscrit olographe porte la mention écrite par Von Beckers précisant que la lettre a été reçue le 21 et que réponse a été faite le 27 (on ne connait pas celle-ci).

 

Mon cher baron, faites-moi avoir mes 6500 livres dont j'ai besoin

... Ce n'est pas la demande insistante d'un membre de la famille royale d'Angleterre à un noble lord de la gentry pour pouvoir arrondir sa pension .

Ce n'est pas non plus la demande d'un bibliophile en état de manque .

C'est juste une injonction à un banquier afin de faire face aux (grosses) dépenses de ce nouveau propriétaire-exploitant agricole  qu'est Voltaire, notre touche à tout préféré .

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« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

Mon cher baron, faites-moi avoir mes 6500 livres 1 dont j'ai besoin . Endossez vite ma lettre de change, faites-la partir . On trouve ses amis dans l'occasion . Que voulez-vous que j'écrive à Mme la duchesse de Gotha ?2 Je vous embrasse .

V.

13 janvier [1759] »

2 Voir lettre du 17 octobre 1758 à la duchesse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/11/24/je-lui-dis-que-ce-n-est-pas-assez-d-etre-baron-qu-il-faut-en-5229069.html

V* lui écrira à nouveau le 25 janvier 1759  et lui dira ce qu'il pense de Labat : page 18 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f30.image....

 

 

03/02/2014

Oh! qui est-ce qui n'a pas d'esprit dans ce siècle? Mais du talent, du génie, où en trouve-t-on?

... Au XXIè siècle comme au XVIIIè, l'éternelle question demeure posée . Et ce ne sont pas des jurés avec buzzers qui apporteront une réponse juste ! C'est tout juste s'ils apporteront un maigre avis, pour faire bonne figure sur le petit écran , avec un enthousiasme de façade, histoire de faire croire à la venue d'un nouveau messie du show biz (show must go on ! ) .

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« A Louis-Elisabeth de La Vergne, comte de Tressan
Aux Délices, 12 janvier 1759.
Oui, il y a bien quarante ans, mon charmant gouverneur, que je vis cet enfant pour la première fois, je l'avoue ; mais avouez aussi que je prédis dès lors que cet enfant serait un des plus aimables hommes de France. Si on peut être quelque chose de plus, vous l'êtes encore. Vous cultivez les lettres et les sciences, vous les encouragez. Vous voilà parvenu au comble des honneurs, vous êtes à la tête de l'Académie de Nancy.
Franchement, vous pourriez vous passer d'académies, mais elles ne peuvent se passer de vous. Je regrette Formont, tout indifférent qu'était ce sage ; il était très-bon homme, mais il n'aimait pas assez . Mme de Graffigny 1 avait, je crois, le cœur plus sensible ; du moins les apparences étaient en sa faveur . Les voilà tous deux arrachés à la société dont ils faisaient les agréments. Mme du Deffant, devenue aveugle, n'est plus qu'une ombre. Le président Hénault n'est plus qu'à la reine; et vous, qui soutenez encore ce pauvre siècle, vous avez renoncé à Paris.
S'il est ainsi, que ferais-je dans ce pays-là? J'aurais voulu m'enterrer en Lorraine, puisque vous y êtes, et y arriver comme Triptolème, avec le semoir de M. de Châteauvieux 2. Il m'a paru que je ferais mieux de rester où je suis. J'ai combattu les sentiments de mon cœur ; mais, quand on jouit de la liberté, il ne faut pas hasarder de la perdre. J'ai augmenté cette liberté avec mes petits domaines; j'ai acheté la comté de Tournay, pays charmant qui est entre Genève et la France, qui ne paye rien au roi, et qui ne doit rien à Genève. J'ai trouvé le secret, que j'ai toujours cherché, d'être indépendant. Il n'y a au-dessus que le plaisir de vivre avec vous.
Les vers dont vous me parlez m'ont paru bien durs et bien faibles à la fois, et prodigieusement remplis d'amour-propre.
Cela n'est ni utile ni agréable. Des phrases, de l'esprit, voilà tout ce qu'on y trouve. Oh! qui est-ce qui n'a pas d'esprit dans ce siècle? Mais du talent, du génie, où en trouve-t-on? Quand on n'a que de l'esprit, avec l'envie de paraître, on fait 3 un mauvais livre. Que vous êtes supérieur à tous ces messieurs-là, et que je suis fâché contre les montagnes qui nous séparent !4
Mettez-moi, je vous en prie, aux pieds du roi de Pologne ; il fait du bien aux hommes tant qu'il peut. Le roi de Prusse fait plus de vers, et plus de mal au genre humain. Il me mandait l'autre jour que j'étais plus heureux que lui 5; vraiment, je le crois bien; mais vous manquez à mon bonheur. Mille tendres respects. »

1 Morte le 12 décembre 1758.Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7oise_de_Graffigny

3 Suivi de à coup sûr sur le manuscrit n°2 et les éditions .

4 Ce paragraphe manquant dans l'édition de Kehl à la suite de la copie de Beaumarchais, a été restitué par Clogenson .

5 Sans doute la lettre de novembre 1758 : « De FRÉDÉRIC II, roi de PRUSSE

Novembre 1758.

Je ne mérite pas toutes les louanges que vous me donnez. Nous nous sommes retirés d'affaire par des à-peu-près; mais avec la multitude de monde auquel il faut nous opposer, il est presque impossible de faire davantage nous avons été vaincus, et nous pouvons dire, comme François 1er: Tout a été perdu, hors l'honneur [fors]. Vous avez grande raison de regretter le maréchal Keith; c'est une perte pour l'armée et pour la société. Daun avait saisi l'avantage d'une nuit qui laissait peu de place au courage; mais mal gré tout cela nous sommes encore debout, et nous nous préparons à de nouveaux avancements, peut-être que le Turc, plus chrétien que les puissances catholiques apostoliques, ne voudra pas que des brigands politiques se donnent les airs de conspirer contre un prince qu'ils ont offensé, et qui ne leur a rien fait. Vivez heureux, et priez Dieu pour les malheureux, apparemment damnés, parce qu'ils sont obligés de guerroyer toujours. Vale. FÉDÉRIC. »

Voir lettre de V* de décembre 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/28/temp-b555f79d76e7ae3fab3f34c1730ff826-5256908.html

 

 

 

02/02/2014

On tremble de laisser échapper un mot qui peut être mal interprété, on ne peut plus penser par la poste

... Electronique, la poste électronique, rassurez-vous chers lecteurs . Le progrès est tel que les bonnes vieilles feuilles de papier couvertes de notre plus belle écriture sont le meilleur garant de la discrétion que doit garder tout échange d'écrits personnels , le meilleur mais avec une foule d'exceptions laissées à l'appréciation de fonctionnaires guette-au-trou . Le cabinet noir, ou quelle que soit sa couleur actuelle que je verrais bien caca d'oie, n'en a pas fini de sévir . A qui se fier ?

 

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Big Brother , tu n'as qu'à piocher sans fin dans nos blogs, SMS, Tweets, MMS, etc. Puisses-tu en crever d'indigestion et faire péter tes serveurs et f... un mal de crâne carabiné à tes gestionnaires humains .

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand 1

Aux Délices 12 janvier [1759]

Libre d'ambition, de soins et d'esclavage,

Des sottises du monde éclairé spectateur,

Il se garda bien d'être acteur,

Et fût heureux autant que sage .

Il fuyait le vain nom d'auteur,

Il dédaignait de vivre au temple de mémoire,

Mais il vivra dans votre cœur,

C'est sans doute assez pour sa gloire .

 

Les fleurs que je jette, madame, sur le tombeau de notre ami Formont,2 sont sèches et fanées comme moi . Le talent s'en va, l'âge détruit tout ; que pourriez-vous attendre d'un campagnard qui ne sait plus que planter et semer dans la saison ? J'ai conservé de la sensibilité, c'est tout ce qui me reste, et ce reste est pour vous, mais je n'écris guère que dans les occasions .

Que vous dirais-je du fond de ma retraite ? Vous ne me manderiez aucune nouvelle de la roue de la fortune sur laquelle tournent nos ministres du haut en bas, ni des sottises publiques, ni des particulières . Les lettres qui étaient autrefois la peinture du cœur, la consolation de l'absence, et le langage de la vérité, ne sont plus que de tristes et vains témoignages de la crainte qu'on a d'en trop dire, et de la contrainte de l'esprit . On tremble de laisser échapper un mot qui peut être mal interprété, on ne peut plus penser par la poste 3; je n'écris point au président Hénault ; mais je lui souhaite comme à vous une vie longue et saine . Je dois la mienne au parti que j'ai pris . Si j'osais je me croirais sage, tant je suis heureux . Je n'ai vécu que du jour où j'ai choisi ma retraite . Tout autre genre de vie me serait insupportable . Paris vous est nécessaire ; et il me serait mortel 4. Il faut que chacun reste dans son élément . Je suis très fâché que le mien soit incompatible avec le vôtre ; et c'est assurément ma seule affliction . Vous avez voulu aussi essayer de la campagne mais elle ne vous convenait pas . Il vous faut une société de gens aimables, comme il fallait à Rameau des connaissances en musique . Le goût de la propriété et du travail est d'ailleurs absolument nécessaire dans des terres . J'ai de très vastes possessions que je cultive . Je fais plus de cas de votre appartement que de mes blés et de mes pâturages ; mais ma destinée était de finir entre un semoir, des vaches et des Genevois . Ces Genevois ont tous une raison cultivée, et ils sont si raisonnables qu'ils viennent chez moi, et qu'ils trouvent bon que je n'aille jamais chez eux . On ne peut, à moins d'être La Popelinière, vivre plus commodément ; voilà ma vie, madame, telle que vous l'avez devinée, tranquille et occupée, opulente et philosophique, et surtout entièrement libre ; elle vous est absolument consacrée dans le fond de mon cœur, avec le respect le plus tendre, et l'attachement le plus inviolable .

V. »

1L'édition de Kehl introduisit des corrections arbitraires , notamment Mme de Pompadour pour La Popelinière .

2 Vers le 5 janvier, Mme du Deffand écrit à V* : « Je croyais que vous m'aviez oubliée, monsieur, je m'en affligeais sans m'en plaindre, mais le plus grande perte que je pouvais jamais faire et qui met le comble à mes malheurs, m'a rappelée à votre souvenir ; […] mais , monsieur, pourquoi refusez vous à mon ami un mot d'éloge ? Sûrement vous l'en avez trouvé digne, vous faisiez cas de son esprit, de son goût, de son jugement, de son cœur et de son caractère ; [...]pourquoi se serait-il loué que par moi ? Quatre lignes de vous soit en vers soit en prose honoreraient sa mémoire et seraient pour moi une vraie consolation. »

3 A cause du « cabinet noir » censure postale non officielle, d'un type toujours pratiqué par certains pays ; aujourd'hui le courrier électronique est encore plus exposé à la divulgation que le courrier-papier . Voltaire n'apprécierait pas cet espionnage non plus .

4 Tristement prémonitoire pour mai 1778 !

 

01/02/2014

cette grande villasse de Paris, où tout le monde craint, le matin, pour ses rentes, ...et où l'on va le soir battre des mains à de mauvaises pièces, et souper avec des gens qu'on fait semblant d'aimer

...

 

 

« A Pierre-Robert Le Cornier de CIDEVILLE. 1

Conseiller au parlement à Rouen

rue Saint Pierre

près du rempart

à Paris
Aux Délices, 12 janvier [1759]
Mon cher ami, je suis malade de bonne chère, de deux terres que je bâtis, de cent ouvriers que je dirige, du cultivateur et du semoir, et de nombre de mauvais livres qui pleuvent. Pardonnez- moi si je ne vous écris pas de ma main 2 : Spiritus quidem promptus est, manus autem infirma 3.
Je soupçonne que vous êtes actuellement dans cette grande villasse 4 de Paris, où tout le monde craint, le matin, pour ses rentes, pour ses billets de loterie, pour ses billets sur la Compagnie, et où l'on va le soir battre des mains à de mauvaises pièces, et souper avec des gens qu'on fait semblant d'aimer.
J'ai appris avec douleur la perte de notre ami Formont : c'était le plus indifférent des sages. Vous avez le cœur plus chaud, avec autant de sagesse, pour le moins. Je le regrette beaucoup plus qu'il ne m'aurait regretté, et je suis étonné de lui survivre.
Vivez longtemps, mon ancien ami, et conservez-moi des sentiments qui me consolent de l'absence.
Notre odoriférant marquis 5 a fait un effort qui a dû lui coûter des convulsions ; il m'a payé mille écus par les mains de son receveur des finances. Il faudra que je présente quelquefois des requêtes à son conseil. Le bon droit a besoin d'aide auprès des grands seigneurs, et je vous remercie de la vôtre. Si le marquis savait que j'ai acheté une belle comté 6, il redouterait ma puissance, et traiterait avec moi de couronne à couronne.
Bonsoir, mon ancien ami. On dit que le cardinal de Bernis a la jaunisse ; vous êtes plus heureux que tous ces messieurs-là.

V. »

1 Original de la main de Wagnière, date et adresse de la main de V* .

Bestermann pense que cette lettre s'est croisée avec celle de Cideville du 7 janvier 1759 et donc estime que la lettre de Cideville répondait à une lettre de V* antérieure que l'on ne connait pas . Outre qu'on ne voit pas V* écrire deux fois la même chose, sans savoir que sa lettre était perdue, il est clair que Cideville répond bien à la lettre présente, il le fait même point par point, ce qui est confirmé par la formule « il a la jaunisse dites-vous » . mais les dates des deux lettres vérifiées sur les originaux ne laissent pas de doute, il s'agit bien du 7 et du 12 janvier 1759, sachant que l'une des deux dates est fautive . On garde donc cette lettre d V* avec cette date du 12 janvier , sous réserve, avec ci dessous la lettre de Cideville du sensée être du 7 janvier .

« A Paris le 7 janvier 1759

Je suis de retour , illustre et cher ami, dans ce Paris où, quand j'en pars, je ne crois pas revenir ; un beau soleil, une vue plus étendue, mes berceaux , mes chèvrefeuilles, des potagers que j'ai tracés, une maison que j'ai bâtie me rappellent au printemps dans mon séjour champêtre : j'y vais goûter en paix le fruit de mes soins […]

Mais les jours baissent;le vent du nord souffle, les feuilles tombent, la campagne devient hideuse et je la fuis , etc. point assez riche pour la rendre ans le secours des beautés de la nature supportable à qui aurait le courage de m'y venir vois . Ainsi m'accommodant au temps et à ma situation, je me ploie tout bonnement à mon peu de revenus, croyant moins pénible de céder que de lutter contre les saisons et la fortune […]

excepté pourtant quand il s'agirait de vous obliger, je descendrais aux Enfers . Je serais alors un Hercule, prêt encore que je suis à vous aider à tirer mille autres écus de ce cloaque où vous aviez laissé =tomber votre bourse .[allusion à l'odoriférant marquis » de Lézeau]

je pense bien que nous regrettons plus M. Formont qu'il ne nous eût regrettés . C'était un homme de goût et instruit, plus agréable à rencontrer qu'utile à chercher pour amant ou pour consolateur .

L'abbé de Bernis périra des vices contraires ; le sang de l'un s'est figé, le sang de l'autre se dissout . Ambassadeur, ministre, cardinal et devenu de pauvre riche, ne devrait-il pas être content, débarrassé des importuns et des honneurs et de mener une vie libre et commode ? Point du tout, il est malade d'ambition et d'orgueil . Il a la jaunisse, dites-vous, cependant il l=monte à cheval sans pouvoir l'éviter . Post equitem sedet altra cura ; il n'est que le dernier exemple de ceux qui sont malheureux faute de réfléchir .

Oh mon ami que vous êtes bien plus sage ! […]

vous bâtissez, mais deux terres c'est beaucoup . Ne construisez pas pour les enfants du président de Brosses .

J'aime à vous voir alternativement à la main la plume et le semoir ; l'agriculture est l'occupation naturelle de l'homme, elle l'a été des héros et des plus grands génies, on tirait Cincinnatus de sa charrue pour le mettre à la tête de armées . Virgile a chanté la campagne et l'aimait, vous vous y plaisez, comme lui vous nous avez illustrés par une Enéide, de qui pouvons[-nous ] espérer que de vous des Georgiques françaises qui nous manquent?[...] »

 

2 Cette lettre est de la main de Wagnière; ...le

dernier alinéa seulement est de celle de Voltaire. (Clogenson.)

3 L'esprit est dissipé, la main est débile . Matthieu, Évangile XXVI, 41 .

4 Littré, orthographe villace, donne deux exemples dont celui-ci .

5 A cause du « constat de cadavre » ? Voir lettre du 10 novembre 1758 à Cideville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/06/il-n-a-qu-un-plaisir-c-est-de-faire-parler-de-lui-j-ai-cru-a-5240198.html

De Lézeau sera traité de « puant » dans une lettre du 28 mars 1760 : page 340 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f354.image.r=puant

6 Le mot comté était autrefois du genre féminin; c'est ainsi que l'on dit encore la Franche-Comté.

 

 

31/01/2014

Je ne bâtis pas comme Amphion au son de la lyre

... Mais au son du marteau et de la truelle, il y a moins d'un an au château de Voltaire, on restaurait -enfin- l'église .

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« A François de Chennevières 1

Des Délices du 11 janvier [1759]

La paresseuse Mme Denis et son paresseux d'oncle écrivent bien rarement, mais ils sentent très vivement et sont très attachés à monsieur et madame de Chennevières . Si je ne bâtissais pas deux maisons, je vous écrirais aussi des vers . Je ne bâtis pas comme Amphion au son de la lyre 2.

Est-il vrai que Mme de Pompadour a été malade sérieusement et qu'on l'a saignée plusieurs fois ? Je dois m'intéresser à sa santé, je lui ai obligation et quoique je vive au milieu des glaces des Alpes et du mont Jura, je n'ai le cœur ni froid ni endurci . »

 

30/01/2014

Un carré de papier me suffirait contre toutes les messes du pays, et contre le concile de Latran

... Dans le même temps, voici ce que font un trop grand nombre de fonctionnaires avec le dit carré de  papier . Attention aux ampoules du bout des doigts  ! On travaille alors pour la mollesse du pays .

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« A Niklaus Friedrich Steiger, baron de Montricher 1

d'Aubonne

membre du Conseil souverain, etc.

à Berne

Aux Délices route de Genève

9 janvier [1759]

Ah monsieur que ce Bollingbroke est prolixe ! Si ces sept volumes étaient réduits à un seul, il convertirait l'Europe . Dum flueret lutulentus, erat quod tollere velles .2 Ce qu'on a écrit de mieux sur ces matières, n'a pas été imprimé . Il y a un ouvrage de Mme du Châtelet contre tous ces faquins-là 3, qui est écrit comme les Lettres provinciales . Je vous remercie, monsieur, de toutes vos bontés et surtout d'avoir bien voulu me fournir les paroles sacramentales de Louis XIV contre les prêtres qui veulent usurper canoniquement les dîmes inféodées par Berne . J'en ferai tout l'usage qu'en doit faire, a fine to priests and lover of makind 4.

Vos complaisances me rendent insupportable, mais vous me pardonnerez . Priests must be confounded 5. Auriez-vous dans vos archives de Berne quelque inféodation concernant Ferney ou Fernex ? Je suis à couvert dans Tournay, mon artillerie est en bon état . Mais dans Ferney la poudre me manque . Un carré de papier me suffirait contre toutes les messes du pays, et contre le concile de Latran . Je veux vous devoir ma victoire ; mais pour Dieu, monsieur, ayez donc pour agréable de me dire ce que je vous dois . M. de Brenles 6 croit m'avoir envoyé le compte dans une lettre et je ne l'ai point trouvée . Recevez la tendre et respectueuse reconnaissance d’un homme moitié suisse moitié français, et qui n'est pas qu'à demi

votre très humble et très obéissant serviteur

V... »

2Il allait comme un fleuve bourbeux, où il y avait des choses qu'on eût voulu recueillir . Horace, Satires, I, iv, ii .

4Ennemi des prêtres et ami du genre humain .

5Il faut confondre les prêtres .

6V* a d'abord écrit Bertrand, puis l'a rayé .