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01/05/2014

Vous verrez ... que le temps se consume en frais, et que chaque moment accumule les intérêts que les banques exigent

... Ce n'est que trop vrai, et les dettes de la France en sont un monumental exemple à ne pas suivre . 50 milliards d'économie à faire ,OK, rien à redire , on n'a pas le choix, et comme le dit si bien Voltaire  " il faut vouloir ce qu'on ne peut éviter" .

 Mais, dans toute la mesure du possible, que le fisc et mon banquier cessent de vouloir me faire les poches .

banque centrale.jpg

 

« Au baron Heinrich Anton von Beckers

Au château de Tournay

par Genève, pays de Gex 16 mars 1759

Monsieur, quoique vous ayez bien des occupations, je suis pourtant obligé de vous importuner . Vous verrez par le mémoire ci-joint 1 le tort qu'on me fait dans votre absence de Manheim . J'envoie à Manheim pareil mémoire à M. eɛb Dhoir [sic] . C'est ainsi que signe celui qui m'écrit sans me donner d'autre renseignement . Je suis persuadé, monsieur, qu'un mot de votre excellence mettra fin à toutes les difficultés . J'attends tout de votre équité, de vos promesses, de celles de Son altesse Électorale, et de la bonté dont vous m'honorez . Vous verrez, monsieur, par mon mémoire très exact et très détaillé, que le temps se consume en frais, et que chaque moment accumule les intérêts que les banques exigent . Votre Excellence est occupée de plus grandes affaires dans lesquelles je lui souhaite tout le succès qui a toujours secondé vos négociations . Pour moi je suis sûr du succès de la petite prière que je vous fais . Et j'espère vous venir remercier à Shwetzingen au milieu de l'été . Je conserverai toute ma vie les sentiments respectueux d'attachement et de reconnaissance avec lesquels j'ai l'honneur d'être,

monsieur,de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur,

Voltaire. »

1 « Au département des finances du Palatinat

Lorsque j'eus l'honneur de placer 130 000 livres argent de France sur les caisses de Son Altesse Sérénissime Électorale, elle eut la bonté de vouloir bien permettre que je fusse toujours payé des arrérages en argent de France, et M. le baron de Beckers en conséquence m'a toujours fait toucher mon revenu aux termes accoutumés du 1er juillet et du 1er janvier sans aucune diminution et par les dernières lettres que j'eus l'honneur de recevoir de lui avant son départ pour Paris, il daigna me confirmer les intentions de Son Altesse Électorale, et m'assurer que je serais toujours payé sans supporter aucun frais de change, de différence d'espèces, ni de retardement de la part des banquiers .

C'est sur ce pied que j'ai toujours été payé, et c'est ainsi qu'en use avec moi la chambre des finances de M . le duc de Virtemberg qui a daigné passer avec moi la même transaction .

Cette bonté de Son Altesse Sérénissime Électorale Mgr l’Électeur Palatin est d'autant plus juste que quand je donnai mon capital de 130 000 livres je supportai tous les frais du change, et de la remise, et au lieu de débourser cent trente mille livres, je payai 130 389 livres 8 s., comme il est porté sur les registres des banquiers de Lyon J.-R. Tronchin et Camp, et comme ils me l'ont porté en compte le 12 août 1757, ce qui est aisé à vérifier, et ce que je certifie . Outre ces 130 389 livres il faut compter la commission ordinaire qui est de 1/2 %, 652 livres . Ainsi je déboursai de capital 131 041 £ 18 s.

C'est donc en vertu de ce déboursé de 1041 livres 18 s. de capital par-delà la somme principale de 130 000 livres stipulée, que, je suis fondé à demander à la chambre des finances, qu'elle veuille bien supporter les frais du paiement de mon revenu , comme j'ai supporté les frais du paiement du capital .

Je ne suis pas moins fondé en vertu de la bonté et de l'équité de Son Altesse Sérénissime Électorale et des promesses positives de M. le baron de Beckers .

Je n'ai rien reçu de trop l'année passée, parce qu'étant à la cour de Son Altesse Sérénissime Électorale je fus payé en louis d'or au cours du jour ; ce fut M. le baron de Beckers qui eût la bonté , et la politesse de m'apporter cet argent lui-même . Il n'y a pas d'apparence qu'il se soit trompé, ni que j'aie voulu recevoir plus qu'il ne m'est dû .

Au terme échu cette année 1759 au 1er janvier, j'ai eu besoin d'argent, et en conséquence des lettres de M. le baron de Beckers, j'ai pris la demi-année échue, chez Bontemps, banquier de Genève, correspondant de Finguerlin et Stolzemberg à Francfort . Le sieur Bontemps m'a compté 6500 livres de France , le 13 janvier, et les dits Finguerlin et Stolzemberg ne les ont point payées . Le banquier Bontemps exige les intérêts de cette somme par lui avancée ; et aujourd'hui il m'envoie un compte de 6672 £ 5 s., compte qui augmentera tous les jours, si messieurs de la chambre des fiances n'ordonnent aux banquiers de Francfort de payer les 6672 £ 5S. argent de France au banquier Bontemps de Genève .

Je ne doute pas que ma requête très claire, et très juste ne soit favorablement écoutée, et je supplie Messieurs de la chambre d'avoir la bonté d'ordonner qu'à l’avenir je sois payé de six mois en six mois sans frais de la somme de 6500 livres de France aux termes ordonnés du 1er juillet et 1er janvier, et en conséquence je donne ici ma quittance .

J'ai reçu de M. Bontemps, banquier de Genève, la somme de 6500 livres de France, à la décharge de la chambre des fiances de Son Altesse Sérénissime Mgr l’Électeur Palatin pour les derniers six mois de l'année 1758, de la rente de 130 00 livres argent de France, que Mgr l’Électeur a bien voulu me constituer .

Voltaire.

Fait au château de Tournay 17 mars 1759. »

Cette lettre du 17 mars 1759 fut nommée mémoire par Voltaire . Le 24 mars , l'Electeur palatin ordonna à la Caisse générale de payer correctement V*, ce qui fut fait, et même avec un certain excédent .

 

 

30/04/2014

Quel Tronchin aurons-nous aujourd'hui à Tournay à quatre heures ?

... Quelle tronche ai-je eu aujourd'hui à quatre heures ?

Du mat' ? Décalquée sur l'oreiller .

De l'aprè'm ? les yeux bien en face des trous .

Et demain ? va savoir ! 

Sim_tronche.jpg

 

 

« A François Tronchin

conseiller d'Etat

à Genève

Quel Tronchin aurons-nous aujourd'hui à Tournay à quatre heures ?

Ce mardi [vers mars 1759] »

 

29/04/2014

c’est une très mauvaise politique à MM. les magistrats de Genève de souffrir que les domestiques leurs fassent la loi . Ce n'est pas le moyen de plaire au peuple, mais d'être écrasés par le peuple

... Oignez le vilain , il vous poindra, poignez le vilain , il vous oindra .

 Rassurez-vous, -s'il en est besoin,- les magistrats de Genève n'ont guère de mansuétude pour le peuple de nos jours, ni eux ni ceux des autres pays de notre globe .

Mais, nom de nom, depuis quand est-ce le peuple qui fait la loi ? 1789 ? vous voulez rire , ça se saurait ! Quand les députés et ministres auront des rétributions raisonnables et pas plus d'avantages (dispendieux et à mes yeux hors la loi) que vous et moi, alors, peut-être pourra-t-on parler de représentants du peuple .

Plaire au peuple ? quelle drôle d'idée !

 plaire au peuple.jpg

 

 

« A Jean Vasserot de Châteauvieux

[mars 1759 ?] 1

Voici le fait .

Le nommé Bourgeois, engagé à Lausanne pour jardinier 2 sous la convention expresse que je le renverrais si je n’étais pas content de lui, convention dont je peux faire serment, a été non seulement surpris par Mlle Maton vendant les légumes de mon jardin, mais a causé mille scandales dans ma maison, n'a jamais travaillé, et a bu le vin de Bourgogne qu'on a volé à M. le professeur Pictet . On l'a chassé . Il mérite punition, et c’est une très mauvaise politique à MM. les magistrats de Genève de souffrir que les domestiques leurs fassent la loi . Ce n'est pas le moyen de plaire au peuple, mais d'être écrasés par le peuple . Cette ville est peut-être la seule au monde, où les domestiques soient les maîtres . Si le nommé Bourgeois s'était ainsi conduit à Tournay ou à Ferney, je l'aurais fait mettre au cachot . Je déteste le despotisme mais il faut subordination et justice . Voilà mon code .

Maintenant je vous supplie , mon cher monsieur, de [voul]oir bien me dire comment il faut [ ] un jardinier [ ] qui est huit jours entiers sans travailler . Peut-on alors présenter requête contre lui ? et demander permission de le renvoyer poliment ?

Au reste , monsieur, Mlle Maton non seulement 3 a pris le jardinier en question en flagrant délit de vol domestique, mais Mlle Genou, étrangère, y était présente . Elle est à Paris . Nous ferons venir sa déposition par devant notaire .

Il est d'une extrême conséquence, dans une grosse maison, de n'être pas l'esclave de ceux qui sont à nos gages .

J'attends vos ordres et votre avis . Submisse 4.

V.

A l'égard de Chouet il a le vin fripon 5. »

1 Le manuscrit est gravement endommagé .

2 V* a d'abord écrit « domestique ».

3 « non seulement » est ajouté au dessus de la ligne .

4 Humblement .

 

28/04/2014

Il serait bon que cet écrit fut signé

...

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« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

[mars 1759 ?]

Je supplie notre cher baron de vouloir bien me faire tenir un double du compte de M. Bontemps, et d'avoir la bonté d'ajouter ce qu'il doit en coûter pour l'intérêt du retardement de la cour palatine . Il serait bon que cet écrit fut signé de M. Bontemps afin que je l'envoie au sérénissime électoral .

Je serai très obligé à mon cher baron . »

 

 

 

« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

[mars 1759 ?]

Monsieur le baron de Grandcour est très instamment supplié de vouloir bien ne pas oublier le petit compte de M. Bontemps . Si je l'avais eu aujourd’hui, je l'aurais envoyé à la cour de Manheim. »

 

 

27/04/2014

C'est l'éternité à venir qui fait l'optimisme, et non le moment présent

... Qui, lui, incite fermement au pessimisme sur presque tous les fronts . Mais au diable l'éternité de possible possible félicité selon  la "justice " divine , je préfère un présent agréable avec les humains sur cette terre .

 L'optimisme , c'est croire aux pommes qui viendront immanquablement

 DSCF6098 futures pommes.png

 

« A Jacob Vernes

[vers le 15 mars 1759]

J'ai lu enfin Candide . Il faut avoir perdu l'esprit pour m'attribuer cette coïonnerie . J'ai, Dieu merci, de meilleures occupations . Si je pouvais excuser jamais l'inquisition , je pardonnerais aux inquisiteurs du Portugal d'avoir pendu le raisonneur Pangloss pour avoir soutenu l'optimisme . En effet cet optimisme détruit visiblement les fondements de notre sainte religion ; il mène à la fatalité ; il fait regarder la chute de l'homme comme une fable, et la malédiction prononcée par Dieu contre la terre promise , comme vaine . C'est le sentiment de toutes les personnes religieuses et instruites : elles regardent l'optimisme comme une impiété affreuse .

Pour moi qui suis plus modéré, je ferais grâce à cet optimisme pourvu que ceux qui soutiennent ce système ajoutassent qu'ils croient que Dieu, dans une autre vie, nous donnera, selon sa miséricorde, le bien dont il nous prive en ce monde selon sa justice . C'est l'éternité à venir qui fait l'optimisme, et non le moment présent .

Vous êtes bien jeune pour penser à cette éternité et j'en approche .

Je vous souhaite le bien-être dans cette vie et dans l'autre . »

 

26/04/2014

Elle dit que l'amitié doit se nourrir par la confiance, que les lettres de nos amis doivent toujours nous apprendre quelque chose

... Hier Mme Denis, aujourd'hui Mam'zelle Wagnière pensent et disent la même chose sur l'amitié . Je ne peux correspondre avec la première, mais j'ai le bonheur de connaitre la seconde grâce à Voltaire, un de nos traits d'union .

Nos lettres sont rares, nous ne sommes pas des bavards et notre confiance est intacte .

Que rêver de plus agréable ? Nous voir plus souvent ?

Oui !

 DSCF6081 amitié confiante.jpg

 

 

 

 

« A Henri Lambert d'Herbigny, marquis de Thibouville 1

rue des Saints Pères

à Paris

Au château de Tournay par Genève

15 mars [1759]

J'ai lu enfin mon cher marquis ce Candide dont vous m'avez parlé, et plus il m'a fait rire plus je suis fâché qu'on me l'attribue . Au reste quelque roman qu'on fasse, il est difficile à l'imagination d'approcher de ce qui se passe trop réellement sur ce triste et ridicule globe depuis quelques années 2. Mais nous nous intéressons un peu, Mme Denis et moi, aux malheurs publics, à la persécution suscitée contre des philosophes très estimables, à tout ce qui intéresse le genre humain, et quand nos amis ne nous parlent que de pièces de théâtre et de romans qui nous sont parfaitement inconnus, que voulez-vous que nous répondions ? Elle dit que l'amitié doit se nourrir par la confiance, que les lettres de nos amis doivent toujours nous apprendre quelque chose . Je suis mort au monde, il faut des élixirs pour me rappeler à la vie . Votre amitié est le meilleur de tous . L'oncle et la nièce sont également sensibles à votre mérite, et vous seront toujours très tendrement attachés . »

2 Entre autres la Guerre de Sept ans qui est en cours .

 

25/04/2014

prêt à payer s'il est décidé que je le doive ; et priant qu'on ne fasse point de frais à un homme assez épuisé

... Après avoir beaucoup payé de sa personne ...

L’Homme fatigué par József Somogyi, en Hongrie.

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« A Antoine-Benoit Girard de Propiac 1

Je n'ai point plaidé au conseil au sujet du centième denier qu'on exige pour la vente à vie de Tournay, frontière de Gex et de Genève . J'ai seulement eu l'honneur d'écrire à M. de Chauvelin 2. J'ai représenté que la terre de Tournay est réputée étrangère, comme étant dans l'ancien dénombrement, et exempte de toute imposition et taxe, qu'elle est conservée dans ses immunités, exemptions et franchises depuis l’acquisition du pays de Gex par Henri IV, que ces franchises ont été conservées par Louis XIV au traité d'Arau 1658 ; que Sa Majesté le roi régnant a spécialement maintenu cette terre, en lui faisant perdre ses privilèges ; que je pouvais aussi bien faire mon contrat à Genève qu'à Gex ; que si ce contrat avait été fait à Genève, on n'aurait point demandé le paiement du centième denier .

En un mot je réclame les droits de la terre, prêt à payer s'il est décidé que je le doive ; et priant qu'on ne fasse point de frais à un homme assez épuisé par cette acquisition . J'ajoute seulement, qu'en cas que la terre fût soumise au centième denier malgré ses privilèges, je prie qu'on n'exige pas le droit de douze mille livres de réparations, lesquelles 12000 livres par le contrat même ne sont point exigibles si je meurs dans trois ans ; je demande à MM. les fermiers généraux, 1° si je dois le centième denier d'une terre réputée étrangère, libre de tous droits et taxes, et si je dois le centième denier d'un argent qui ne doit pas être employé si je meurs dans trois ans . Je prie monsieur Girard d'envoyer copie de ma lettre à qui il appartiendra 3.

J'ai l'honneur d'être son très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

Aux Délices près de Genève 15 mars 1759 »

1 En tête de lettre Voltaire a noté « mémoire ». Voir aussi lettre du 15 février 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/03/18/abusant-d-autant-plus-de-son-emploi-5325318.html