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18/01/2014

un curé de Moëns , notre voisin, le plus grand, le plus dur, le plus infatigable chicaneur de la province, homme riche, homme doublement et triplement en état de faire du mal, comme étant prêtre, riche et processif

... Ouf ! c'est du passé .

 Mais, avec ou sans soutane, le riche peut se permettre d'être aussi malfaisant qu'il peut être bienfaisant - dans le meilleur des cas .

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Rich man , poor men !

 

 

« A M. le conseiller Antoine-Jean-Gabriel LE BAULT

Aux Délices, 29 décembre [1758].

Je vous remercie très-humblement, monsieur, de vos vins et de vos plants. Voilà un bel exemple que vous donnez à M. le président de Brosses 1. Il me doit quatre mille ceps pour que je lui fasse boire, après ma mort, du vin de Bourgogne du cru de Tournay: il m'a vendu cette terre à vie, et j'y ai mis pour première condition qu'il me ferait Bourguignon, et que je lui planterais quatre mille bois tortus 2, du meilleur. Si vous le voyez, monsieur, ayez la charité, en digne compatriote, de le gronder de n'avoir pas regardé cette promesse de vigne comme son premier devoir. Le temps est beau et la terre est preste. Ne doutez pas, monsieur, que je n'aie d'abord écrit à l'ami Tronchin 3, et, quand je ne l'aurais pas fait, il n'en obéirait pas moins ponctuellement à vos ordres. Vous êtes trop bon, monsieur, d'avoir demandé tant de grâces pour moi je suis pénétré de reconnaissance; je me flatte que monseigneur le comte de La Marche me daignera donner quelque délai, car je n'ai trouvé dans la terre de Ferney que du délabrement et des procès.

Permettez-moi, monsieur, de vous importuner ici d'un procès auquel je dois prendre part. Il a été jugé à la chambre des enquêtes entre un curé de Moëns 4, notre voisin, le plus grand, le plus dur, le plus infatigable chicaneur de la province, homme riche, homme doublement et triplement en état de faire du mal, comme étant prêtre, riche et processif; entre ce curé, dis-je, d'une part, et les pauvres de Ferney, de l'autre, pauvres de nom, pauvres d'effet, et pauvres d'esprit, aussi le traître ne leur laisse que le royaume des cieux 5. Il s'agissait d'une dîme de novailles ou novales 6, d'une bruyère défrichée par leurs mains il y a cent soixante ans, cela produit dix écus de rente. Il leur a fait pour 1 500 francs de frais, et il exige, en curé d'enfer, en prêtre de Belzébuth, ces 1 500 francs, de malheureux qui n'ont rien et qui n'ont pu ensemencer leur terre cette année. Quoi monsieur, des pauvres qui ont dû plaider in forma pauperum 7 seront-ils mis en prison, comme il les en menace, pour ne pouvoir donner à cet homme avide le reste de leur sang? Ne peuvent-ils présenter une requête au parlement pour obtenir des délais? N'en donnez-vous pas tous les jours à des débiteurs? Au nom de l'humanité, monsieur, mandez-moi, je vous en conjure, si la chose est possible, et daignez protéger des pauvres prêts à déserter un pays abandonné.

Recevez la tendre reconnaissance et le respect de votre très humble et très-obéissant serviteur.

Voltaire. »

2 Ceps de vigne .

3 Jean-Robert Tronchin à Lyon, banquier et homme d'affaires .

5 Voir les Béatitudes dans l'Evangile selon Matthieu , V, 3 . http://fr.wikipedia.org/wiki/B%C3%A9atitudes

7 Dans les formes permises aux pauvres , c'est à dire simplifiées .

 

17/01/2014

lesquels ne portent point de noix et sont sur le retour

...  Ceci n'est pas une question mais une affirmation qui à mes yeux concerne exactement les sénateurs et sénatrices  qui défendent leurs privilèges surannés , dont l'immunité n'est pas le moindre, n'est-ce pas M. Serge Dassault ? Bande de hors la loi !

 Tas de vieilles noix,

T'as de viles noix.

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« A Jean-Robert Chouet 1

Je prie monsieur Chouet de faire abattre et scier proprement les huit noyers près de Chambésy, ou autour du grand pré, lesquels ne portent point de noix et sont sur le retour . Fait à Tournay le 29 décembre 1758 . 

Voltaire »

1 Copie par de Brosses . On y lit : « Non seulement par une direction la plus mal entendue l'on a coupé les noyers qui étaient les plus superbes, ceux qui restent ne peuvent servir pour refendre étant voutés . C’est la suite d'une direction très aisée à comprendre . /Chouet. » Le bois de noyer, comme de nos jours était très estimé pour la fabrication de meubles .

 

Pardon des importunités, monsieur; vous en aurez bien d'autres

... Voilà ce que peuvent dire et écrire tous ceux qui ont François Hollande comme sujet/objet d'étude .

Qu'il se le tienne pour dit ! A vouloir être au sommet, on montre son cul plus aisément que ses sentiments et le spectateur rapporte plus facilement les choses vues que les états d'âme .

Nos présidents ne sont pas des exemples de vertus, peut-être est-ce pour ça qu'ils ont un tel succès ? Hommes d'élite, laissez-moi rire !

La vague qui les a apportés peut les noyer aussi facilement .

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J'attends l'élection d'une femme pour voir si elle se conduira avec la même inconséquence . A suivre ...

 

 

« A Charles de BROSSES, baron de Montfalcon

29 décembre [1758].

Pardon des importunités, monsieur; vous en aurez bien d'autres. Il ne s'agit ici ni de vignes ni de prêtres il est question de notre chemin de Genève jusqu'à Prégny.1

L'illustre et sérénissime république n'est point en état de faire cette dépense. Tous nos vassaux se cotisent, et on nous demande notre portion pour le bien public et pour vous et vos hoirs. Voulez-vous, monsieur, me donner permission de concourir jusqu'à mille francs sur les douze mille livres que je dois employer?2 Vous ne sauriez mieux faire. Soyez bien convaincu que je suis homme à pousser la chose au delà de vingt-quatre mille. C'est ma façon, et surtout avec vous. Je suis connu pour tel dans le pays. J'ai déjà vingt ouvriers qui réparent les délabrés vignobles que noble ivrogne Chouet a négligés. Je ne suis pas comme le roi de Prusse. Je n'aime point la destruction. On va incessamment réparer votre château. Vous ne le reconnaîtrez pas. On donne un cours aux eaux. Votre forêt est dans un état affreux. J'y mettrai ordre; tout est arrangé.

Je vous disais qu'il ne s'agissait point de vignes Eh eh ! si fait, de par saint Martin et saint Jean des Entommeures 3, il s'en agit : le temps est beau, et sera beau. Pour Dieu! quatre mille ceps, et plutôt cinq mille ! Vous gagnerez le centuple. Je ne veux que le bien de la chose; ce sera votre fils qui en boira le vin avec vous.

Je compte faire travailler les paysans à notre chemin du château, et je suppose que vous avez donné vos ordres et vos instructions pour cette besogne nécessaire. N'allez pas cependant, s'il vous plaît, vous dire seigneur de Tournay avec les Genevois car c'est moi qui le suis, et vous m'ôteriez le plus beau fleuron de ma couronne.

 

Quand je ne serai plus Sosie,

Sois-le : j'en demeure d'accord. 4

Mais tant que je le suis... je suis et serai plein d'attachement, d'estime et de respect pour vous. J'attends vos ordres pour les mille livres.

V. »

Le château de Tournay est sur la commune de Prégny-Chambésy, république de Genève . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Pregny-Chamb%C3%A9sy

4 Amphytrion, de Molière, acte I, sc. II , vers 512-513 : http://www.toutmoliere.net/acte-1,405349.html

 

16/01/2014

une nouvelle preuve du service essentiel que vous rendez au pays, en renvoyant dans les montagnes cette horde d'employés qui abîment notre petite province, et qui seront très bien avec les ours et les loups leurs confrères

... Serait-ce le plan de redressement gouvernemental exposé par notre François national qui mériterait le qualificatif de service essentiel ? Renvoyer les hordes de fonctionnaires fiscaux n'est pas une idée neuve, une bonne partie des impôts servant à les rétribuer, on peut envisager cette solution d'économie .

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« A Louis-Gaspard Fabry

Monsieur, j'ai l'honneur de vous envoyer la lettre du curé de Moëns . Cet homme est bien tenace et brave bien insolemment votre médiation . Je vous prie instamment, monsieur, de vouloir bien interposer vos bons offices pour qu'il attende quinze jours ; attendu qu'il est actuellement défendu de faire venir des espèces de Lyon, et qu'on n'en peut tirer de Genève qu'avec une perte considérable . Au reste, ce curé avide et chicaneur qui persécute les pauvres, mériterait plutôt un châtiment exemplaire que de l'argent . Je vous supplie en un mot, qu'il n'accable point 1 de nouveaux frais les communes de Ferney, en attendant qu'on ait pris des mesures convenables .

L'aventure arrivée à une pauvre femme , que je loge par charité à Tournay, et à qui les commis ont enlevé sa farine, pour laquelle on faisait chauffer le four du château, est une nouvelle preuve du service essentiel que vous rendez au pays, en renvoyant dans les montagnes cette horde d'employés qui abîment notre petite province, et qui seront très bien avec les ours et les loups leurs confrères ; si on pouvait leur donner le sieur Ancian pour curé, ce serait très convenable .

J'ai l'honneur d'être du meilleur de mon cœur monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur .

V.

28 décembre [1758] »

1 Point est ajouté par V* au dessus de la ligne .

 

15/01/2014

Une terre reste . Tout autre bien peut être englouti .

... Avant le déluge, avant la hausse des océans, gardons bien les pieds sur terre . Mais attention , nous n'avons qu'UNE terre !

 

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Aux Délices 27 décembre [1758]

Une balle de café encore ! Que dira le docteur ? Mais n'importe mon cher monsieur il faut céder à l'usage . Cette balle n'est pas pour moi mais pour mes convives . Le sucre est très à propos car quoi que fasse M. Berger il renchérira . On dit que Borde ou Laborde 1 est brouillé avec Crésus Montmartel . Dans quelle abbaye enverra-t-on Borde ? Qu'on remplisse la loterie, et les rentes viagères tant qu'on voudra . Moi je veux du blé, du bois, du vin et des fourrages . Une terre reste . Tout autre bien peut être englouti . Je veux mourir laboureur et berger .

S'il en est temps encore, si je ne lasse pas vos bontés et vos complaisances, 4 fusils je vous en prie, très simples, très bons . Point de fusil à deux coups, engin lourd et difficile à manier 2. Grand pardon, et grande reconnaissance .

Votre très humble et très obéissant serviteur .

V. »

1 Jean-Joseph de Laborde , fameux banquier parisien .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Joseph_de_Laborde

 

je suis devenu laboureur, vigneron, et berger cela vaut cent fois mieux que d'être à Paris homme de lettres.

... L'une de ces professions étant en voie de disparition, je vous laisse le choix pour votre avenir ...

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« A Bernard-Joseph SAURIN. 1

rue Guénégaud, ou chez Prault-fils libraire quai de Conti

à Paris

Aux Délices, 27 décembre 1758

route de Genève

Ah! ah! vous êtes donc de notre tripot 2, et vous faites de beaux vers 3, monsieur le philosophe ? Je vous en félicite, et vous en remercie. Les prêtres d'Isis n'ont pas beau jeu avec vous; l'archevêque de Memphis vous lâchera un mandement, et les jésuites de Tanis vous demanderont une rétractation. Quelle est donc cette Adèle dont vous parlez ? Est-ce qu'il y a eu une Adéle 4 ? Dites-moi, je vous prie, ce que devient M. Helvétius 5. J'aurais un peu à me plaindre de son livre , si j'avais plus d'amour-propre que d'amitié. Je suis indigné de la persécution qu'il éprouve.

Non-seulement l'article 6 en question est imprimé dans la seconde édition des Cramer , mais il a excité la bile des vieux pasteurs de Lausanne. Un prêtre 7, plus prêtre que ceux de Memphis, a écrit un libelle à cette occasion. Les ministres se sont assemblés: ils ont censuré les trois bons et honnêtes 8 pasteurs que j'avais fait signer en votre faveur; je les ai tous fait taire 9. Les avoyers de Berne ont fait sentir leur indignation à l'auteur du libelle contre la mémoire de votre illustre père, et nous sommes demeurés, votre honneur et moi, maîtres du champ de bataille. Au reste, je suis devenu laboureur, vigneron, et berger cela vaut cent fois mieux que d'être à Paris homme de lettres.

Je vous embrasse du fond de mon tombeau et de mon bonheur . »

2 Le tripot tragique et comique, ou la Comédie française.

3 Aménophis, jouée le 11 décembre 1750 , ne fut imprimée qu'en 1758.Voir : http://cesar.org.uk/cesar2/titles/titles.php?fct=edit&script_UOID=110644

et : http://books.google.fr/books?id=MVdbAAAAQAAJ&pg=PA55&...

4 Dans la lettre du 18 mai 1757 à Cideville , Voltaire a fait mention de l'Adèle de Ponthieu de La Place, représentée le 28 avril 1757, dont Saurin parle dans sa préface d'Aménophis : page 4 : http://books.google.fr/books?id=MVdbAAAAQAAJ&pg=PA55&lpg=PA55&dq=am%C3%A9nophis+bernard+joseph+saurin&source=bl&ots=dZHrIJsGhv&sig=wu44a_X76r3xUKGWEzFTqK0qNYo&hl=fr&sa=X&ei=4JjWUtKIE4a-0QXmjIDYCw&ved=0CEsQ6AEwBA#v=onepage&q=adele&f=false

. Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/10/30/titre-de-la-note.html

5 Helvétius faisait à Saurin une pension de 3,000 livres. Lors du mariage de Saurin, il lui en assura le capital (60,000).

6L'article « Saurin » du Siècle de Louis XIV dont il a été question à propos de la lettre du 20 novembre 1758 à Elie Bertrand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2008/11/21/un-gessien-fache-de-plus.html

8 Signataires du certificat rapporté ici : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113308/f152.image

page 135.

9 En publiant la Réfutation d'un écrit anonyme; voir lettre du même jour à Durand : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/14/voici-monsieur-une-petite-feuille-litteraire-qu-on-a-debitee-5271533.html

 

14/01/2014

Voici, monsieur, une petite feuille littéraire qu'on a débitée dans le pays que j’habite

... Au cas où la prestation télévisée présidentielle face aux journalistes vous laisse sur votre faim, voyez et écoutez Leny Escudero : http://www.youtube.com/watch?v=9IoqjUbENUM

... Déchirant et beau !

 J'ajoute : http://www.youtube.com/watch?v=2bcGQSG2wJU

 

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« A Durand

directeur du « Journal Encyclopédique »1

Aux Délices 27 décembre [1758]

Voici, monsieur, une petite feuille littéraire 2 qu'on a débitée dans le pays que j’habite . J'imagine que vous pourriez en faire usage dans votre journal et que ce serait une nouvelle obligation que je vous aurai .

Je présume que votre correspondant de Paris aura reçu le paiement des journaux chez M. de Laleu notaire : je vous souhaite une heureuse année .

Votre très humble et très obéissant serviteur .

V. »

2 Peut-être la « Réfutation » parue dans le Journal helvétique de décembre 1758 ; voir lettre à Bertrand du 20 novembre 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2008/11/21/un-gessien-fache-de-plus.html

Voir page 617 : http://books.google.fr/books?id=V6EGAAAAQAAJ&pg=PA617...