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08/05/2014

Vous voulez toujours avoir raison, et moi aussi : c'est ainsi qu'on est fait

... Dit en substance notre cher président de la république française lors de sa dernière (en date) interview . Grand bien lui fasse, mais peut-on encore lui accorder le bénéfice du doute ? Si tant est que le doute en politique soit une qualité .

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 Avoir raison, ou presque !

 

 

 

« A M. le baron Albrecht von HALLER

bailli de Roche

par Vevey

à Roche, pays de Vaud.

En bon Genevois, il faut, monsieur, solder mon compte avec vous . Vous avez donné copie de mes lettres et des vôtres ; cela n'est pas dans la règle des procédés ; mais je vous le pardonne parce que j'estime d'ailleurs tout ce que vous avez publié dans le monde .
Vous voulez toujours avoir raison, et moi aussi : c'est ainsi qu'on est fait ; mais comme je sais mieux que vous ce qui se passe dans mon âme, et (c'est la seule chose que je sais mieux que vous), je vous proteste, je vous jure, que je n'ai pas été un instant altéré de toutes ces misères de prêtraille et de typographie dont il a été question . Je suis venu à bout de ce que je voulais : c'est à ceux qui se sont attiré cette mortification à être aussi sages qu'ils sont ennuyeux.

Ne soyez point étonné que Grasset ait eu une médaille de ce bon pape Benoit . Il lui a fait accroire qu'il imprimerait à Lausanne les énormes et inlisibles volumes de Sa Sainteté . Le père de Menoux, jésuite, lui avait bien fait accroire qu'il le traduisait ; et il en a eu un bon bénéfice de deux mille livres de rente ; Grasset peut fort bien être pendu avec sa médaille à son cou ; je ne le souhaite pourtant pas . A l'égard de Servet, je vous estime assez pur croire que vous trouvez sa mort une cruauté de cannibale . Vous êtes physicien, et vous devez respecter celui qui a découvert le premier la circulation du sang ; ce n'est pas assez d'être physicien, je vous crois philosophe ; et j'imagine que je le suis en étant parfaitement libre, et m'étant rendu aussi heureux qu'on puisse l'être sur la terre . Il ne manque à mon bonheur que de pouvoir vous rencontrer et vous témoigner mes sentiments .

A l'égard d'une lettre anonyme très impertinente , vous m'apprenez qu'il y a eu dans le monde un sot nommé Atman et que cet Atman l'a écrite ; dieu veuille avoir son âme 1.

Un autre polisson de prêtre m'écrivit une autre lettre anonyme quand j’eus fait présent de huit louis d'or et d'un cheval à un officier suisse 2 de Lausanne pour l'aider à faire sa campagne ; il me mande que je devais donner beaucoup plus . J'ai reçu plus d'une lettre dans ce goût .

Il résulte de tout cela, monsieur, qu'il y a d'étranges gens et que peu ont l'esprit aussi bien fait que vous . J'aurais eu beaucoup plus de plaisir à vous entretenir de physique, et à m'instruire avec vous, qu'à vous parler de toutes ces pauvretés. Vous devez les mépriser autant que je les dédaigne. Je vous souhaite autant de plaisir dans votre terre de Roche que j'en ai dans les miennes, et me flatte qu'un homme qui a autant d'estime pour vous que j'en ai doit avoir quelque part à vos bontés, le tout sans cérémonie, votre très humble et très obéissant serviteur

V.

Tournay 24 mars [1759] »

1 Cette lettre est une réponse à celle du 16 mars 1759 de Haller . « […] Pour ma part à cette guerre littéraire vous m'avez déjà cru une fois, monsieur,l'auteur d'une lettre de feu M. Altmann, car elle était de lui, comme il me l'a avoué depuis vos plaintes, il ne paraît pas qu'un homme puisse m'estimer s’il me croit capable d’écrire des libelles . Mais je suis tranquille la-dessus . J'ai sans doute écrit des choses faibles, mais je n'ai pas à me reprocher des ouvrages qu'il me convient de désavouer. »

2 Crousaz ; voir lettre du 13 mars 1759 à Haller : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/04/23/j...

 

 

07/05/2014

J'ai trois terres, et trois procès au conseil ; tout cela m'amuse

... Heureuse nature que celle de Voltaire qui contre mauvaise fortune fait bon coeur .

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http://www.terrededance.com/#!Processus-de-cr%C3%A9ation-de-lAuto-Portrait/c1qr3/1 

 [un peu ésotérique, mais bast, il est des sites plus désagréables ou sectaires ]

« A Sébastien DUPONT
Le conseil soussigné est toujours d'avis qu'il faut porter la Goll et les Goll à s'accommoder; que M. Dupont peut avoir des occasions de leur parler, et de les faire trembler sur l'événement du procès ; que, pendant la guerre, il ne sera pas permis d'attaquer M. le prince de Beauffremont, et qu'après la paix il sera très- dangereux de l'attaquer. Ledit conseil se fera fort de faire donner cinquante louis à M. Dupont, par le prince, pour ses peines ; il faut que les Goll en donnent autant ; nous les amènerons là, ou je ne pourrai, car je veux que mon ami. ait cent louis d'or de cette affaire, et que tout soit fini. J'ai trois terres, et trois procès au conseil ; tout cela m'amuse.
Je ne connais point de traité sur l'optimisme, mais une espèce de petit roman du chevalier de Mouy 1, intitulé Candide, ou l'Optimisme. Je l'adresse avec cette lettre à M. Dupont, par le canal de M. Defresnay 2. Le prêtre de Belzébuth 3 qui s'enivre avec des jésuites pourra peut-être être assez ivre pour écrire contre ce roman, avec l'aide du recteur allemand 4. Ce recteur d'ailleurs est le plus impudent personnage, et le plus sot cuistre de l'Europe.
Mille compliments à Mme Dupont ; le conseil embrasse tous les petits enfants.

V. 

Au château de Tournay par Genève, 24è mars 1759.»

1Mouhy , Voltaire l'avait, en 1738, chargé de l'impression du Préservatif; voir tome XXII, page 371. : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4113389/f381.image

2Fils de la directrice des postes de Strasbourg; une lettre de Voltaire, du 18 juin 1764, lui est adressée.

3 Guillaume Rinck von Baldenstein, prince-évêque de Bâle, voir lettre du 14 février 1754 à Marc-Pierre de Voyer, comte d'Argenson :

et du même jour à Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/02/24/quelques-justes-haussent-les-epaules-et-se-taisent.html

Voir aussi : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F17054.php

4Kroust, frère du jésuite qui confessait encore à cette époque madame la dauphine. Voir lettre du 7 janvier 1755 à Dupont : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/05/j-ai-peur-que-les-places-d-alsace-ne-dependent-des-dames-de.html

 

06/05/2014

il faut se contenter de penser pour soi, et laisser là le public qui ne mérite pas d'être instruit

...

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Le public me laisse de marbre, si j'ose dire !

 

 

 

« A Élie Bertrand

J'enverrai, mon cher ami, votre amiante 1 à l'Académie de Lyon ; j'aurais voulu quelque chose d'un peu plus piquant, et dont le sujet eût donné plus d'exercice à votre esprit philosophique : envoyez-moi encore quelques petits morceaux afin de faire une cargaison honnête .

Je crois que l'Encyclopédie se continuera, mais probablement elle finira encore plus mal qu'elle n'a commencé , et ce ne sera jamais qu'un gros fatras . J'ai eu la complaisance d'y travailler lorsqu’il y avait encore un peu de liberté dans la littérature ; mais puisque les assassins des rois coupent les ongles aux gens de lettres 2 il faut se contenter de penser pour soi, et laisser là le public qui ne mérite pas d'être instruit .

Je crois les sottises lausannoises tout à fait finies . Mes sentiments pour vous et pour M. et Mme de Freudenreick ne finiront qu'avec ma vie .

La moitié de Genève sortit hier de la ville pour accompagner deux voleurs 3, l'autre moitié va à Lyon pour voir passer des rois 4. Cela est peu philosophe .

V.

21mars [1759] »

1 Il s'agit sans doute du manuscrit de la Dissertatio de amianto parue à Berne en 17560 . http://search.books2ebooks.eu/Record/nb_vtls000642827

2 On retrouvera cette formule retournée pour s'appliquer à la censure et à l'inquisition, notamment dans l'Eloge historique de la raison, composé vers 1774 ; voir : http://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89loge_historique_de_la_raison

3 Les frères Pignatelli dont on a déjà parlé, par exemple dans le lettre du 31 décembre 1758 à François Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/01/19/j-apprends-que-m-tronchin-est-bien-empeche-avec-les-voleurs-5275932.html

4 Louis XV fit un voyage à Lyon destiné à lui faire rencontrer sa fille Marie-Louise-Elisabeth, femme de Philippe, duc de Parme, fils de Philippe V d'Espagne . La princesse mourra de la petit vérole à Versailles le 6 décembre 1759 .

 

05/05/2014

la plupart vous viennent du pays des Cévennes où il y a beaucoup de fous ; ils se sont mis ici à être sots ; et ils finiraient par être méchants si on les laissait faire

... Aïe ! avec un tel choix de titre je ne vais pas me faire que des amis . J'ai seulement en tête le fait que nombre de Cévenols, suite à une lourde hérédité [sic] ont embrassé la carrière politique, sont allés dans la capitale ou à Strasbourg, et qu'il ne me déplait pas de les titiller en détournant un tantisoi une déclaration de Voltaire qui lui pensait aux fous de Dieu . D'autres régions auraient fait aussi bien l'affaire, je ne suis pas sectaire, et si vous voulez être cités à ce tableau de chasse, manifestez-vous , dénoncez votre région la plus détestée !

 

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« A François-Louis Allamand 1

pasteur

par Vevey

à Bex

Je vous ai envoyé, monsieur, un paquet de sottises qui doit vous être venu par Lausanne ; mais j’aurais bien de la peine à en faire autant que maints de vos confrères en ont fait cette année ; je leur ai un peu fait donner sur les doigts ; mais il faudrait les leur couper pour les empêcher d'écrire leurs impertinences ; il est vrai que la plupart vous viennent du pays des Cévennes où il y a beaucoup de fous ; ils se sont mis ici à être sots ; et ils finiraient par être méchants si on les laissait faire ; votre style est si éloigné de celui de ces gens-là qu'il ne semble pas que vous soyez de leur métier ; mais puisque vous avez le malheur d'en être, oubliez-le toujours avec moi ; je ne vous connais que par vos lettres, si votre conversation est aussi aimable qu'elles, venez me voir , méprisez votre profession tant que vous pourrez ; faites votre devoir tellement quellement et dites toujours du bien de monsieur le prieur 2. C'est le conseil de Rabelais qui valait mieux que tous les prêtres de son temps et du nôtre ; je vous embrasse philosophiquement .

V.

Au château de Tournay par Genève 21 mars [1759] »

2 V* a écrit un essai intitulé Ce qu'on ne fait pas et ce qu'on pourrait faire (composé au plus tard en 1742) commençant ainsi : « Laisser aller le monde comme il va, faire son devoir tellement quellement, et dire toujours du bien de monsieur le prieur, est une ancienne maxime de moine . » C'est une formule proverbiale . Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-opuscule-ce-qu-on-ne-fait-pas-100400717.html

 

 

04/05/2014

Je ne sais pas ce qu’il faut précisément d'argent pour faire ce compte, parce que le prix de l’argent change tous les jours

... Dis-je à la boulangère qui me demandait encore une fois de faire l'appoint en payant une misérable baguette 95 centimes alors qu'elle est à 55 centimes et meilleure au super marché du coin .

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« A David Duval

[16 mars 1759 ?] 1

Cela coûte à Paris 3 livres, c'est-à-dire deux tiers moins .

J'ai donné 18 livres de France, et je consens d'en donner 18000 si à Lyon je n'en fais pas faire autant à quatre francs pièce . Je paye à Genève un tiers en sus . »

1 Edition Jean Martin « Voltaire et son passementier », Journal de Genève 11 février 1924 . Sur cette facture est écrite cette note : « 1759/

Monsieur de Voltaire doit à Duval fils remis à M. du Mas, février, 3. 3 armoiries brodées en or et argent à 6 livres pièce : £18

Pour acquit Genève le 16è mars 1759

Pour Duval fils

Téron »

 

 

 

« A David Duval

[vers le 20 mars 1759]1

Quand on a des bois et du gibier à garder il faut des gardes, quand on a des gardes il faut des bandolières . Les armoiries des bandolières coutent quatre livres à Paris, les plus ornées avec supports coûtent six livres . Comme les livres de France sont de deux cinquièmes moins fortes que celles de Genève, je conçois qu'on paye ici deux cinquièmes de plus . J'envoie donc 18 livres de Genève . Je ne sais pas ce qu’il faut précisément d'argent pour faire ce compte, parce que le prix de l’argent change tous les jours . M. Duval aura la bonté de faire le compte . J'ai donné 30 livres de France au porteur . »

1Voir « Voltaire et son passementier », Journal de Genève du 11 février 1924 . Le billet répond à une demande de Duval du 19 au verso duquel il figure .

 

03/05/2014

Mes ouvriers me ruinent, il leur faut de l'argent tous les jours et je n'en ai point

... Dit un grand patron du MEDEF avant de s'offrir un jet privé ! Je ne citerai pas de nom, l'actualité économique n'étant pas avare de tels exemples ; j'ai mis patron MEDEF, mais ce discours ne connait pas de frontières .

Voltaire, lui, secoue les puces d'un de ses banquiers pour assurer la paye . Notons que Voltaire , tout comme vous et moi (d'aileurs plutôt moi), se heurte à cette redoutable et immémoriale mauvaise volonté du banquier à laisser sortir l'argent qu'on lui a confié . Il est bien évident que je n'embrasse pas mon banquier, fut-il/elle de toute beauté  !

 

 

 

« A Jean de Türckheim

[vers le 17 mars 1759]

On a recours à ses amis dans l'occasion . Monsieur, pouvez-vous m'empêcher d'abandonner une pauvre petite maison que je fais bâtir ? Mes ouvriers me ruinent, il leur faut de l'argent tous les jours et je n'en ai point . Vous serait-il si difficile de me faire avoir une lettre de change de quatorze mille soixante et deux livres ? c'est je crois mon compte au 1er avril . Ou voulez-vous permettre que j'en tire une sur vous ? j'en ai un besoin un peu pressant, je suis une terre aride qu'il faut arroser tous les six mois, mais cette fois-ci je meurs de sécheresse , je me recommande à vos bontés et je vous embrasse de tout mon cœur . »

 

02/05/2014

Quelque opération qu'on imagine il faut que le peuple la paye

... Nous voici prévenus, Voltaire est tout à fait lucide, tous les hommes politiques qui essayent de nous enfumer devraient bien économiser leur salive, et nos impôts par la même occasion .

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« A François de Chennevières

Mon cher correspondant, je me suis toujours bien douté que les six cents millions étaient des Mille et Une nuits . Quelque opération qu'on imagine il faut que le peuple la paye . Vous faites toujours de jolis vers . Apparemment que vous ne payez rien . Je prends la liberté de vous recommander les deux lettres ci-jointes . Vous me voyez en commerce avec un avocat au conseil . Qui terre a , guerre a, et qui plume a, aussi . Mes respects à la sœur du pot 1.

17 mars [1759] »

1 La duchesse d'Aiguillon , elle était au chevet de Montesquieu , mort le 10 février 1755, et demanda à V* une épitaphe , qui ne la fit pas ; les « sœurs du pot » sont des religieuses qui vivent en communauté et soignent les malades . Voir aussi lettre à Thieriot du 27 février 1755 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/28/on-a-oublie-tout-net-les-petits-appartements-commodes-pour-l.html