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30/06/2023

ce peuple, dont nous tenons les échecs, le trictrac, les théorèmes fondamentaux de la géométrie, est malheureusement d'une superstition qui effraye la nature

...  Les Indiens maitrisent bien des sciences et pourtant ont toujours une vie régie par le système des castes né de leur religion, ce qui est d'une injustice crasse : https://fr.euronews.com/2016/02/23/cinq-minutes-pour-comp... 

Etat le plus peuplé du monde, avec des champions du domaine informatique et des enfants qui crèvent dans les ordures, ils sont les rois de la pollution, de l'injustice et la misère sociale .

Ce naïf Voltaire n'a malheureusement pas connu le quotidien des intouchables, les parias, pour le dénoncer .

Les intouchables en Inde : Robert Deliège - 9782849523476 - Ebook arts,  culture & société | Cultura

 

 

 

« A Peacock

A Ferney, 8 décembre 1767 1

Je ne saurais, monsieur, vous remercier en anglais, parce que ma vieillesse et mes maladies me privent absolument de la facilité d'écrire. Je dicte donc en français mes très sincères remerciements sur le livre instructif que vous avez bien voulu m'envoyer 2. Vous m'avez confirmé de vive voix une partie des choses que l'auteur dit sur l'Inde, sur ses coutumes antiques, conservées jusqu'à nos jours; sur ses livres, les plus anciens qu'il y ait dans le monde; sur les sciences, dont les brachmanes ont été les dépositaires, sur leur religion emblématique, qui semble être l'origine de toutes les autres religions. Il y a longtemps que je pensais, et que j'ai même écrit, une partie des vérités que ce savant auteur développe. Je possède une copie d'un ancien manuscrit 3 qui est un commentaire du Veidam, fait incontestablement avant l'invasion d'Alexandre. J'ai envoyé à la Bibliothèque royale de Paris l'original de la traduction faite par un brame, correspondant de notre pauvre compagnie des Indes, qui sait très bien le français.

Je n'ai point de honte, monsieur, de vous supplier de me gratifier de tout ce que vous pourrez retrouver d'instructions sur ce beau pays où les Zoroastre, les Pythagore, les Apollonius de Thyane, ont voyagé comme vous.

J'avoue que ce peuple, dont nous tenons les échecs, le trictrac, les théorèmes fondamentaux de la géométrie, est malheureusement d'une superstition qui effraye la nature . Mais, avec cet horrible et honteux fanatisme, il est vertueux ce qui prouve bien que les superstitions les plus insensées ne peuvent étouffer la voix de la raison, car la raison vient de Dieu, et la superstition vient des hommes, qui ne peuvent anéantir ce que Dieu a fait.

J'ai l'honneur d'être, monsieur, avec une très vive reconnaissance. »

1 Copie Beaumarchais-Kehl ; édition de Kehl . Il n'a pas été possible d'identifier plus exactement le correspondant de V* , nommé « ci-devant fermier général du roi de Patna. » . Peut-être Thomas Peacock : https://www.wikitree.com/wiki/Peacock-4598

Voir lettre du 25 décembre 1767 à Chabanon :7109 :https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411361p/texteBrut

29/06/2023

Je ne puis trouver à emprunter, n'ayant que du viager

... Très chers, trop chers banquiers, vous ne changerez jamais .

Idées d'un citoyen presque sexagénaire sur l'état actuel du royaume de  France, comparées à celles de sa jeunesse (1787) - Institut Coppet

" Le plus mauvais système est donc celui qui entraîne beaucoup de frais et faux frais, beaucoup de pertes d’hommes, travaux et denrées ».

https://www.institutcoppet.org/idees-dun-citoyen-presque-...

 

 

 

« Au Conseil suprême de Montbéliard

Au château de Ferney 8 décembre 1767

Messieurs,

Je reçois la lettre dont vous m’honorez du 4 décembre . Permettez-moi d'abord de vous dire que le compte de M. Jeanmaire n'est pas juste . Il prétend par votre lettre qu'au 1er octobre dernier on me doit environ cinquante-cinq mille sept cents livres qu'on m'a fait passer en lettres de change sur Lyon payables au 12 novembre . Or, messieurs, par le compte de MM. Jeanmaire et Surleau du 30 septembre 1767 et par leur compte joint à leur lettre, il m'est dû d'une part soixante et un mille quarante et une livres, et de l'autre cent cinquante ; le tout faisant soixante et un mille cent quatre- vingt-onze livres .

De ces soixante et un mille cent quatre-vingt-onze livres il faut déduire quatre mille cinq cents livres que j'ai touchées à Lyon à la fin de novembre sans préjudice de mes droits . Reste cinquante-six mille six cent quatre-vingt onze livres qui me sont dues .

Et à la fin du mois où nous sommes il me sera dû un quartier montant à la somme de quinze mille cinq cent trente et une livres .

Total au 1er janvier 72222 £

Ajoutez à ce compte qui est très juste neuf cents livres qu'il m'en a coûté tant à Besançon qu'à Colmar pour m'opposer aux poursuites illégales de mes cocréanciers et pour soutenir l'antériorité de mes hypothèques, desquelles neuf cents livres, je produirai l'état .

Le tout se monte au 1er janvier à 73122 £

Voilà, messieurs, sur quoi vous pouvez tabler . Il s'agit donc maintenant de me payer cette somme et de m'assurer le courant . J'entre dans ma soixante et quinzième année . Je n'ai pas de temps à perdre et ce courant ne vous sera ps longtemps à charge . Vous ne pouvez m'envoyer actuellement que dix mille livres, soit . Ayez donc la bonté de les faire envoyer en lettres de change sur Lyon payables à vue .

Vous me promettez dix mille francs au mois de janvier ; très volontiers encore . Donnez-moi donc, messieurs, des délégations acceptées, pour le reste délégations en bonne forme, délégations irrévocables tant pour ma vie durant que pour celles de mes neveux et nièces, pour ce qui leur appartiendra après ma mort . Cela finira toute discussion .

Vous sentez, messieurs, à quel triste état vous m'avez réduit en ne me payant point . Je dois actuellement plus de vingt-cinq mille livres . Je suis un père de famille à la tête d'une grosse maison . Je ne puis trouver à emprunter, n'ayant que du viager . Je me flatte que vous ne voudrez pas remplir de tant d'amertume la fin de ma vie .

J'ai l'honneur d'être avec tous le sentiments que je vous dois,

messieurs,

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

28/06/2023

Ainsi en usent tous nos grands seigneurs . Leurs affaires sont aussi embrouillées que celles du roi . Comme je ne suis pas grand seigneur, les miennes sont fort nettes ; mais aussi personne ne me paie, et tout le monde se moque de moi

...Une pétition pour préserver les ressources des personnes handicapées -  Faire Face - Toute l'actualité du handicap

C'est du passé récent .

 

 

« A Alexandre-Marie-François de Paule de Dompierre d'Hornoy

7è décembre 1767 à Ferney

Mon cher magistrat, vous ne ressemblez pas à ce conseiller de grand-chambre qui, étant prié d'arranger les affaires de sa famille, répondit qu'il n’entendait pas les affaires . Vous me paraissez les entendre fort bien ; vous n'avez point de négligence quoique votre notoriété vous mette en droit d'être paresseux .

Vous verrez par l'aide authentique que je vous envoie qu'il est nécessaire que vous me donniez un petit mot de ratification conjointement avec votre mère et le gros abbé .

De plus il est nécessaire que vous préveniez les chicanes de nos seigneurs les fermiers généraux des domaines . Ils pourraient très bien vous faire payer les droits d'insinuation que vous ne devez pas ; ou essayer de vous dépouiller de vos rentes sous prétexte que l'acte n'a ni été contrôlé , ni insinué . Il n'a point été contrôlé parce qu'il a passé en Alsace où le contrôle n'a point lieu . Il n'a point été insinué parce qu'on n'insinue que les donations et les substitutions ; et que cet acte ne porte aucun de ces caractères .

Votre mère s'arrangea avec moi il y a quelques années ; et c'est en vertu de cet arrangement que vous avez tous trois de ce chef chacun deux mille livres de rente immédiatement après ma mort indépendamment de ce qui vous revient d'ailleurs . Il faut donc qu'en ratifiant cet acte vous ayez la bonté de spécifier que l'argent a été fourni en partie par par vous trois, selon les conventions faites entre nous . En effet, ma nièce votre mère m'a fourni de l'argent comptant dans un de ses voyages ; et c'est cet argent qui a servi de base à ce contrat . Il est inutile de spécifier la somme .

Vous pouvez dire en deux mots, vous, Mme de Florian et l'abbé Mignot, que vous ratifiez l'acte pour la passation duquel vous avez tous trois fourni les deniers dont la rente vous est assurée .

Je suppose que vous êtes majeur, et, quand vous ne le seriez pas, je crois que votre signature autorisée par Mme de Florian et l'abbé Mignot est très valable dans le cas dont il s'agit .

Mme de Florian étant à la campagne, vous pourrez aisément lui envoyer un modèle de procuration ; moyennant quoi, l'abbé Mignot ou vous signerez pour elle .

Cette petite formalité étant expédiée, voici une autre affaire que je confie à votre prudence et à votre amitié, bien sûr que vous ne me refuserez pas vos bons offices . Il y a dans le monde un abbé de Blet 1, prieur de je ne sais où, gentilhomme poitevin attaché depuis longtemps au maréchal de Richelieu . Il s'est chargé de débrouiller les affaires de la maison par pur attachement . C'est un homme sage, honnête et exact . M. le maréchal me doit une somme assez considérable . Elle sera selon M. de Laleu d'environ quarante-deux mille livres au mois de janvier, et selon M. l'abbé de Blet elle ne sera que d'environ vingt-sept . La raison de cette différence est probablement que le commissionnaire chargé du recouvrement par M. de Laleu, n'a point compté avec lui de toute sa recette .

Je vous supplierais donc premièrement d'éclaircir cette difficulté, et de savoir ensuite de M. de Blet comment et dans quel temps il pourra me satisfaire, en m’envoyant des lettres de change sur Lyon .

Ce même M. de Blet s'est chargé aussi des arrangements concernant la succession du prince et de la princesse de Guise, dont M. le duc de Fronsac est petit-fils et héritier par sa mère .

J'avais contribué beaucoup au mariage de M. le duc de Richelieu avec Mlle de Guise en prêtant au prince de Guise le sourdaud, vingt-cinq mille livres dont il me fit une rente viagère de deux mille cinq cents livres 2, croyant que je mourrais dans l'année .

Ce fut au contraire le sourdaud qui mourut . L'auguste princesse sa femme, sur les biens de laquelle ma rente fut hypothéquée mourut aussi . Sa fille , la duchesse de Richelieu, en fit autant, et me voici en vie encore pour quelques mois .

La succession se partage entre M. le duc de Fronsac et M. le prince de Beauvau, M. de Fronsac parce qu'il est petit-fils , M. de Beauvau parce qu’il a épousé une petite-fille .

Tout ceci posé, il faut savoir que cette succession me doit environ dix-huit mille livres, et au mois de janvier plus de vint mille livres . J'entends toujours toutes impositions déduites . L'abbé de Blet ne refusera pas d'entrer en conférence avec vous . Vous verrez ce que je peux et ce que je dois faire, et vous me fournirez s'il en est besoin, un avocat et un procureur, qui ne demeurant pas, s'il est possible, fort loin de l'hôtel de Richelieu où demeure M. l'abbé de Blet, et qui ne dédaignent pas de me rendre compte du succès de cette entremise, soit entremise de simple considération, soit entremise juridique .

Il faut vous dire que dans cette affaire le duc de Fronsac agit en son propre nom, et le prince de Beauvau au nom de ses enfants mineurs . Ainsi je soupçonne qu'il y a du juridique dans l'arrangement de cette succession .

Voici de plus ce qui est arrivé, et ce qui pourrait me nuire . Mon hypothèque pour les deux mille cinq cents livres de rente était spécialement établie sur la terre de Monjeu . Cette terre a été vendue, et je ne sais ce qui est advenu de mon hypothèque .

J'ai eu la même aventure avec M. le maréchal de Richelieu ; il a tant retourné, tant saboulé son bien, que mon hypothèque avec lui est à tous les diables . Ainsi en usent tous nos grands seigneurs . Leurs affaires sont aussi embrouillées que celles du roi .

Comme je ne suis pas grand seigneur, les miennes sont fort nettes ; mais aussi personne ne me paie, et tout le monde se moque de moi 3.

Il n'en sera pas ainsi de vous, et les bagatelles déléguées irrévocablement sur des fermiers de Franche-Comté, ne souffriront jamais de retardement . Je m'arrange actuellement en Franche-Comté ; je compte sur votre amitié pour être arrangé à Paris . Je vous demande pardon d'une si longue lettre et de tant de fatras, mais les fatras d'affaires sont l'élément d'un conseiller de la cour .

Sur ce, mon cher neveu, je vous embrasse le plus tendrement du monde .

V. »

1 Il est question de cet abbé de Blet dans une lettre de Richelieu à V* du 12 novembre 1767 ; c'est une sorte d'intendant du duc . Voir : « Blet, abbé, correspondant de Voltaire, XV 74 » https://societe-voltaire.org/cv-index.php

2 Somme ajoutée de la main de V* .

3 Ces mots et tout le monde se moque de moi sont une addition manuscrite de V*.

27/06/2023

Nous sommes plus savants sur certains chefs intéressants que dans le siècle passé mais adieu les talents, le goût, le génie et les grâces

... En cette période de passages d'examens, les résultats de ces chers collégiens, lycéens et étudiants de tous poils viennent confirmer ce constat .

 

 

« A Michel-Paul-Guy de Chabanon , de

l'Académie des belles-lettres

rue du Doyenné-Saint-Louis-du Louvre

à Paris

Ami aussi essentiel qu'aimable, ayez tout pouvoir sur Pandore. Vous me donnez le fond de la boîte, et j'espère tout de votre goût, de la facilité de M. de La Borde. A l'égard de ma docilité, vous n'en doutez pas.

Je suis bien étonné qu'on ait fait un opéra d'Ernelinde, de Rodoald, et de Ricimer 1; cela pourrait faire souvenir les mauvais plaisants

De ce plaisant projet d'un poète ignorant

Qui de tant de héros va choisir Childebrand. 2

Le bizarre a succédé au naturel en tout genre. Nous sommes plus savants sur certains chefs intéressants que dans le siècle passé mais adieu les talents, le goût, le génie et les grâces.

Mes compliments à Rodoald je vais relire Atis 3.

J'ai peur que vous ne soyez dégoûté de l'empire romain et d'Eudoxie, depuis que vous avez vu la misère où les pauvres acteurs sont tombés. On dit qu'il n'y a que la Sorbonne qui soit plus méprisée que la Comédie française.

J'envie le bonheur de M. Dupuits, qui va vous embrasser. Je félicite M. de La Harpe de tous ses succès. Il en est si occupé qu'il n'a pas daigné m'écrire un mot depuis qu'il est parti de Ferney 4.

Mme Denis vous regrette tous les jours . Elle brave l'hiver, et j'y succombe. Je lis et j'écris des sottises au coin de mon feu, pour me dépiquer.

J'ai reçu d'excellents mémoires sur l'Inde 5. Cela me console des mauvais livres qu'on m'envoie de Paris. Ces mémoires seraient seraient mal reçus de votre Académie, et encore plus de vos théologiens. Il est prouvé que les Indiens ont des livres écrits il y a cinq mille ans . Il nous sied bien après cela de faire les entendus ! Leurs pagodes, qu'on a prises pour des représentations représentations de diables, sont évidemment les vertus personnifiées.

Je suis las des impertinences de l'Europe. Je partirai pour l'Inde, quand j'aurai de la santé et de la vigueur. En attendant, conservez-moi une amitié qui fait ma consolation.

V.

7è décembre 1767 à Ferney. »

1 Sur cet opéra, voir lettre du novembre 1767 à Chabanon : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/15/je-presume-qu-il-passe-fort-agreablement-son-temps-avec-quel-6447856.html

Les paroles d'Ernelinde sont de Poinsinet, la musique de Philidor. La première représentation avait été donnée le 24 novembre 1707.

2 Boileau, Art poétique., ch. III, v. 241-242 : https://fr.wikisource.org/wiki/Boileau_-_%C5%92uvres_po%C3%A9tiques/L%E2%80%99Art_po%C3%A9tique/Chant_III#cite_note-16

La citation comme l'idée sont familières à V* à cette époque.

4 Cette phrase a été barrée en vue de l'édition sur le manuscrit original ; elle a cependant été imprimée .

5 Phrase importante . Ces écrits sur l'Inde vont marquer profondément V* dans les cinq- six années subséquentes . Le commencement du chapitre XXIX du Précis du Siècle de Louis XV montre qu'il a reçu les deux premier volumes de l'ouvrage de John Zephaniah Holwell, Interesting Historical Events, Relative to the Provinces of Bengal, and the Empire of Indostan, 1766-1771 .

Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Pr%C3%A9cis_du_si%C3%A8cle_de_Louis_XV/Chapitre_29

et https://wellcomecollection.org/works/me6m8q8z

26/06/2023

cela va produire une file de tracasseries qui ne finira point

... Ainsi en est-il à Mayotte : https://la1ere.francetvinfo.fr/mayotte/

https://la1ere.francetvinfo.fr/image/rPV9vmgsYwPsfEAzlVpNtOwKzeA/930x620/outremer/2023/03/15/6411713e09d45_etrangers-id13341-800x533.jpg

La misère n'est toujours pas moins pénible au soleil, comme chantait le petit Charles .

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

7 décembre à Ferney

Mon cher ange, je vous, dépêche mon gendre 1, qui ne va à Paris ni pour l'opéra de Philidor, ni pour l'Opéra-Comique, ni pour le malheureux tripot de l'expirante Comédie-Française. Il aura le bonheur de faire sa cour à mes deux anges ; cela mérite bien le voyage. De plus, il compte servir le roi, ce qui est la suprême félicité. Puisse-t-il le servir longues années en temps de paix!

J'ai vaincu mon horrible répugnance, en excédant M. le duc de Duras de l'histoire de la falsification de mon testament 2. Je vois bien que je mourrai avant d'avoir mis ordre à mes affaires comiques, et que cela va produire une file de tracasseries qui ne finira point. Le théâtre de Baron, de Lecouvreur, de Clairon, n'en deviendra pas meilleur. La décadence est venue, il faut s'y soumettre . C'est le sort de toutes les nations qui ont cultivé les lettres ; chacune a eu son siècle brillant, et dix siècles de turpitude.

Je finis actuellement par semer du blé, au lieu de semer des vers en terre ingrate, et j'achève, comme je le puis, ma ridicule carrière.

Vivez heureux en santé, en tranquillité.

Dites , je vous prie , à M. de Thibouville que j'ai écrit à M. le duc de Duras 3 .

Adieu, mon ange, que j'aimerai tendrement jusqu'au dernier moment de ma vie.

V. » 

1 Dupuits .

2 Cette lettre, on l'a vu dans la lettre du 30 novembre 1767 à Lekain (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2023/06/18/je-sais-seulement-que-le-public-doit-etre-servi-de-preferenc-6447848.html ) ne nous est pas parvenue , mais on a la réponse du duc de Duras qui dit ceci en réponse à l'article du « testament » : « Il est certain que votre testament n'a pas été .exécuté avec la bonne foi que la candeur de Mlle Dubois pouvait faire espérer . Elle a voulu vous tromper comme elle trompe ses amants et même les greluchons . Elle a adjoint quelques lignes à la lettre que vous lui avez écrit . La bonne foi de Mlle Durancy en a été la dupe et son amour-propre la détermina à quitter la comédie pour retourner à l'opéra où ses succès sont peut-être plus amers . Je sais bien ce qu'il faudrait pour mettre tout le monde d'accord . Il en existe une qui comme vous ne peut jamais être remplacée . On l'a forcé de quitter un spectacle dont elle faisait l'ornement et malgré la sagesse qui dirige les premiers gentilshommes de la chambre, j'ose dire qu'il est impossible d'avoir une conduite plus pitoyable . Je pourrais pour me justifier dire que tout s'est passé contre mon avis mais l’événement n'en a pas moins eu les suites les plus désagréables pour le spectacle . Il faudrait un prophète comme vous pour la convertir . Je ne suis ni assez jeune ni assez éloquent pour entreprendre une besogne aussi difficile . »

3 Cette phrase est supprimée dans l'édition de Kehl .

25/06/2023

je fais des vœux au ciel avec vous pour qu'il réussisse en tout, et pour que les hommes soient moins asservis à leurs préjugés, et plus dignes d'être heureux

... Voeux pour tout chef d'Etat digne de ce nom et des peuples qui ne soient pas bornés .

Philosophie, Aix - Marseille, Florilèges

http://www.pedagogie.ac-aix-marseille.fr/jcms/c_10688539/...

 

 

 

« A Stanislas-Auguste Poniatowski, roi de Pologne

6 décembre 1767

Sire,

On m'apprend que Votre Majesté semble désirer que je lui écrive. Je n'ai osé prendre cette liberté ; un certain Bourdillon 1, qui professe secrètement le droit public à Bâle, prétend que vous êtes accablé d'affaires, et qu'il faut captare mollia fandi tempora 2. Je sais bien, sire, que vous avez beaucoup d'affaires mais je suis très sûr que vous n'en êtes pas accablé, et j'ai répondu au sieur Bourdillon Rex ille superior est negotiis 3.

Ce Bourdillon s'imagine que la Pologne serait beaucoup plus riche, plus peuplée, plus heureuse, si les serfs 4 étaient affranchis, s'ils avaient la liberté du corps et de l'âme, si les restes du gouvernement gothico-slavonico-romano-sarmatique étaient abolis un jour par un prince qui ne prendrait pas le titre de fils aîné de l'Église, mais celui de fils aîné de la raison. J'ai répondu au grave Bourdillon que je ne me mêlais pas d'affaires d'État, que je me bornais à admirer, à chérir les salutaires intentions de Votre Majesté, votre génie, votre humanité, et que je laissais les Grotius et les Puffendorf ennuyer leurs lecteurs par les citations des Anciens, qui n'ont pas fait le moindre bien aux Modernes. Je sais, disais-je à mon ami Bourdillon, que les Polonais seraient cent fois plus heureux si le roi était absolument le maître, et que rien n'est plus doux que de remettre ses intérêts entre les mains d'un souverain qui a justesse dans l'esprit et justice dans le cœur 5, mais je me garde bien d'aller plus loin. Vous n'ignorez pas, monsieur Bourdillon, qu'un roi est comme un tisserand continuellement occupé à reprendre les fils de sa toile qui se cassent; ou, si vous l'aimez mieux, comme Sisyphe, qui portait toujours son rocher au haut de la montagne, et qui le voyait retomber; ou enfin comme Hercule avec les têtes renaissantes de l'hydre.

M. Bourdillon me répondit : « Il finira sa toile, il fixera son rocher, il abattra les têtes de l'hydre. »

Je le souhaite, mon cher Bourdillon, et je fais des vœux au ciel avec vous pour qu'il réussisse en tout, et pour que les hommes soient moins asservis à leurs préjugés, et plus dignes d'être heureux. Je ne doute pas qu'un grand jurisconsulte comme vous ne soit en commerce de lettres avec un grand législateur. La première fois que vous l'ennuierez de votre fatras, dites-lui, je vous en prie, que

je suis avec un profond respect, avec admiration, avec dévouement,

de Sa Majesté,

le très humble, etc. »

1 C'est le nom sous lequel Voltaire avait publié l'Essai sur les Dissensions des églises de Pologne; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome26.djvu/461

2 Saisir les occasions favorables de parler, d'après Virgile, L'Enéide, IV, 293-294 :

Par les plaisirs vos moments sont comptés. / Goûtez longtemps cette douceur première; /A la raison joignez les voluptés; /Et que je puisse, à mon heure dernière, /Me croire heureux de vos félicités.

3 Ce roi là est supérieur aux affaires .

4 La copie porte chefs, ce qui manifestement est une erreur .

5 C'est la doctrine du despotisme éclairé . Mais il est cruel de la proposer à Stanislas-Auguste, monarque éclairé certes, mais qui peut d'autant moins faire table rase des traditions de son pays que celles-ci en constituent l'armature contre ses ennemis naturels, notamment la puissante Russie.

24/06/2023

l'inimitable auteur qui fait la plus grande gloire de la France

...  Pour moi, c'est Voltaire, suivi de Zola et Hugo . Point .

 

 

« A Adrien-Michel-Hyacinthe Blin de Sainmore

A Ferney le 6 décembre 1767

Je vois, monsieur, que les éditeurs des commentaires de Racine 1 ont envoyé depuis longtemps leur livre aux auteurs du Journal encyclopédique ; j'espère qu'on me fera bientôt la même faveur . M. Damilaville, mon ami, qui demeure au Bureau Vingtième, quai Saint-Bernard, paiera le complément de la souscription . Comme c'est entre vos mains que j'ai souscrit 2 , je m'adresse à vous, monsieur, pour vous prier me faire tenir mon exemplaire ; il n'y a qu'à le mettre à la diligence de Lyon, à M. de Voltaire, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, par Lyon à Gex . Je vous aurai une très grande obligation de me procurer la lecture d'un commentaire que je crois digne de l'inimitable auteur qui fait la plus grande gloire de la France .

J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments que je vous dois, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

2 Blin de Sainmore a noté sur le manuscrit : « Voltaire s'est trompé . Ce n'est point entre mes mains qu'il avait souscrit . Je l'ai seulement engagé, ainsi que le cardinal de Bernis et plusieurs autres personnes, de se mettre au nombre des souscripteurs . Si j'avais été le maître de l'édition et de la distribution, je n'aurais point proposé à Voltaire de souscrire : j'aurais été empressé de lui en offrir le premier exemplaire. »