27/05/2021
Il me semble qu'on aurait dû commencer dans toute cette affaire par examiner le fait dont il est question . La vérité eût été bien vite reconnue et tout aurait été apaisé , deux ou trois fausses démarches ont causé bien des peines et des inquiétudes
... Plutôt que présenter de plates excuses qui ne ressuscitent personne, le président Macron pourrait emprunter à Voltaire cette phrase titre, et puis passer à des choses plus urgentes, mettre au point une solution faisant en sorte que l'Afrique cesse d'être une terre qu'on fuit en masse .
L'ONU présentera-t-elle un jour ses excuses ?
This photo illustrates how during the genocide, Rwanda was pretty much abandoned by the United Nations, specifically in the Democratic Republic of Congo (then Zaire). Now that Rwanda is doing well, the United Nations turn to them in making demands and asking favors.
« A Charles Pictet
Monsieur,
La lettre que j'écrivis ces jours passés à M. Lullin est exactement conforme à la copie que vous me faites l'honneur de m'envoyer, elle n'est pas moins conforme à la vérité dans tous les points . Il me semble qu'on aurait dû commencer dans toute cette affaire par examiner le fait dont il est question . La vérité eût été bien vite reconnue et tout aurait été apaisé , deux ou trois fausses démarches ont causé bien des peines et des inquiétudes qu'on pouvait éviter . On est détrompé, mais trop tard . J'ai vu avec douleur les tristes suites de cette affaire . Si quelque chose pouvait me consoler dans le malheur public, c'est qu'au moins on me rend justice ; et la lettre dont vous m'honorez, monsieur, est assurément une de mes plus flatteuses consolations .
J'ai l'honneur d'être avec les sentiments les plus respectueux
monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire.
Au château de Ferney 6 février 1766. 1»
1 Charles Pictet vient de lire une copie de la lettre du 30 janvier 1766 à Pierre Lullin ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/16/je-hais-et-meprise-trop-les-persecuteurs-pour-m-abaisser-a-l-6316240.html ) et en a écrit une le jour même de Genève à V* ; voir page 64 https://www.yumpu.com/fr/document/read/14034166/les-pictet-dans-la-correspondance-de-voltaire-et-rousseau-avec-une-
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26/05/2021
J’ai peu de loisirs ; mais quand on ne sort jamais de chez soi, on trouve le secret d’employer la journée
... Si j'en crois les déclarations et l'attitude des Français, il semble bien que la majorité ne partage pas les vues du patriarche Voltaire . Par ailleurs, je suis estomaqué par le succès des guignoleries de l'amuseur public Macron ; il ne se rend pas compte que s'il en faisait profession il ne toucherait pas un kopek . Il me rappelle la fable du loup voulant entrer dans la bergerie, les biquettes-électeurs Mc Fly et Carlito le denonceront-ils à temps ? Pour l'instant, ils jouent leur jeu et sont complices du sien, ça rapporte !
http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/louchevreau.htm
" ... il contrefait son ton,
Et d'une voix papelarde
Il demande qu'on ouvre en disant: " Foin du loup!"
« A Nicolas-Claude Thieriot
Mon ancien ami, vous avez attendu trop tard ; vous en serez puni ; vous attendrez ; il fallait me parler de votre grenier dans le temps de la moisson. Tout le monde a glané, hors vous, parce que vous ne vous êtes pas présenté. Je vous promets de réparer votre négligence 1.
Je ferai venir les Révolutions de l’Empire romain 2, puisque vous m’en dites du bien. Je n’ai pas entendu parler de M. d’Orville ; mais quand vous voudrez m’envoyer son livre 3 par frère Damilaville, vous me ferez plaisir. On m’a envoyé enfin l’Encyclopédie en feuilles . Je la4 fais vite relier, afin de le lire. Ce sera ma consolation au coin du feu, dans ce rude hiver. J’ai peu de loisirs ; mais quand on ne sort jamais de chez soi, on trouve le secret d’employer la journée. Je m’occupe continuellement de l’affaire de Sirven, qui sera dispendieuse. Je suis extrêmement content du mémoire que M. de Beaumont m’a envoyé ; il est touchant et convaincant. Il est vrai que les Sirven sont comme vous : ils ont trop attendu ; mais ils trouveront encore de la sensibilité dans les cœurs. Le mien est à vous. Je vous embrasse.
V.
4è février 1766 »
1 Thieriot a demandé à V* une aide financière ; il lui a écrit qu'il a pratiqué le « népotisme » en favorisant tous ses neveux et nièces, et en se négligeant lui-même. Voir lettre du même jour à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/24/je-veux-soulever-l-europe-ma-foi-les-coquins-en-auront-dans-le-cul.html
2 Histoire des révolutions de l'empire romain, 1766, de Simon-Nicolas-Henri Linguet : https://books.google.fr/books?id=H69CAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
3 Pensées Philosophiques de M. de Voltaire. Sous-titre : Voltaire portatif. : voir page 25 et 271 https://doc.rero.ch/record/10675/files/Bibliographie_Voltaire_Bengesco_volume4.pdf
4 V* a d'abord dicté le, mais le second pronom n'a pas été corrigé .
01:41 | Lien permanent | Commentaires (0)
25/05/2021
Vos Genevois sont malades d’une indigestion de bonheur, ils sont trop à leur aise pour être tranquilles, et, n’ayant aucun sujet de se quereller, ils en ont imaginé de ridicules
... Tant entre eux qu'avec les voisins français, la traversée du lac par dessus ou par dessous alimente les discussions de comptoir depuis 1898 , avec piqures de rappel au gré des projets d'architectes et élus visionnaires :
https://www.20min.ch/fr/story/la-france-voisine-se-moque-...
Y-a pas le feu au laaac !
https://www.letemps.ch/suisse/traversee-rade-geneve-une-o...
« A Paul-Claude Moultou
Vous m’avez écrit, mon cher philosophe, d’un climat doux et tempéré, d’un beau pays où tout le monde danse. Je vous réponds de la Sibérie, du milieu des neiges et du voisinage d’une ville triste où tout le monde est de mauvaise humeur. Vos Genevois sont malades d’une indigestion de bonheur, ils sont trop à leur aise pour être tranquilles, et, n’ayant aucun sujet de se quereller, ils en ont imaginé de ridicules ; depuis la Secchia rapita 1 et le Lutrin, il n’y eut jamais pareille guerre ; il est vrai aussi que la guerre est fort paisible ; on ne s’est escrimé que par des brochures, et s’il y a des morts dans la bataille, ce sont ceux qui meurent d’ennui en lisant cet amas énorme de fadaises.
Le conseil a vite envoyé chercher les médiateurs comme si le feu était aux quatre coins de Genève. Je crois voir les rats et les grenouilles prier Jupiter d’envoyer Hercule pour arranger leurs différends 2. La prêtraille de Jehan Chauvin3 ne joue pas le premier rôle dans cette comédie.
J’ai une affaire plus sérieuse à mon gré sur les bras . Notre Élie de Beaumont, défenseur des Calas, vient de faire en faveur des Sirven un mémoire qui me paraît digne de lui. J’espère que l’innocence triomphera une seconde fois, et que l’Europe désormais ne reprochera plus à la France des accusations continuelles de parricide. Cette démence, qui n’a que trop régné en Languedoc, est plus atroce, plus dangereuse, que celle qui fait fermenter aujourd’hui les têtes genevoises. Il y a dans le monde un monstre abominable qui a produit le malheur des Calas et des Sirven après avoir répandu ses poisons dans le monde pendant plus de seize cents ans ; c'est ce monstre qu'il faut écraser . Il est vrai que ce dragon est né d'une mère respectable, mais il déchire sa mère, et il faut le percer jusque sur son sein . 4
Je pense comme vous qu’il serait plus aisé d’accommoder les Genevois que d’engager le doux Caveyrac à être tolérant 5; rien ne serait si aisé que d’arranger les petits différends de Genève , en rendant les médiateurs arbitres suprêmes des cas graves et rares où le peuple se plaindrait d’une violation formelle des lois. Ces médiateurs à perpétuité seraient l’ambassadeur de France en Suisse, et les premiers magistrats de Berne et de Zurich ; ce n’est précisément que ce qui est porté dans l’accommodement de 1738, puisque les médiateurs se sont rendus garants de la tranquillité de Genève ; il est vrai que les médiateurs riront un peu de voir qu’une querelle d’auteur est l’origine de tout ce vacarme. Ce n’est pas ici : quidquid delirant reges plectuntur Achivi 6. C’est : quidquid delirant Achivi reges rident 7. Je vous donne un ïambe pour un hexamètre. J’espère, tout vieux et tout malade que je suis, vous embrasser au printemps, sinon je vous demanderai des De profundis. Adieu, mon très cher et très aimable philosophe.
V.
Ferney 4è février 1766. »
1 La Secchia rapita est un poème d'Alessandro Tassoni paru la première fois à Paris en 1622 ; voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k852292v/f10.item
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Seau_enlev%C3%A9
Voir lettre du 7 juillet 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/07/06/ayant-sous-son-nez-80-mille-autrichiens-et-100-mille-russes-5732407.html
2 Voir lettre du 2 février 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/19/depuis-les-grenouilles-et-les-rats-qui-prierent-jupiter-de-v-6316956.html
3 Calvin .
4 Ce passage depuis Il y a dans le monde , a été biffé sur le manuscrit et supprimé dans toutes les éditions .
5 L’abbé J. de Novi de Caveyrac, né à Nîmes en 1713, mort en 1782, auteur d’une Dissertation sur la tolérance des protestants en France et d’une Apologie de Louis XIV et de son conseil. Auteur d'une Apologie de la St Barthélémy, il figure à ce titre en bonne place parmi les « méchants ».du tableau le « Triomphe de Voltaire » visible à Ferney (à ne pas manquer ).
6 Quand les rois font des folies, ce sont les Achéens qui souffrent ; Horace, Épîtres, I, ii, 14 . Voir : https://fr.wikisource.org/wiki/%C3%89pitres_(Horace,_Leconte_de_Lisle)/I/2
et : https://www.espace-horace.org/etud/courbaud/courbaud_3_02.htm
7 Quand les Achéens font des folies, ce sont les rois qui rient .
11:50 | Lien permanent | Commentaires (0)
et puis n’est-il pas également défendu de forcer une femme à se faire religieuse ?
... Le "mariage" avec Dieu/Jésus/Vishnou/Allah/Yaweh/a.s.o. doit être aussi libre que les épousailles entre tous congénères qui ont l'heur de se plaire . Est-il besoin de préciser que le mariage entre humains, comme celui avec Grand Guignol-qui-est-aux-cieux, ne doit pas être le choix de parents ou prétendus supérieurs confits en religion et/ou marchands de filles ? Oui, de nos jours, hélas encore oui .
« A Pierre Jabineau de La Voute
4è février 1766
Monsieur,
Vous sentez bien que je suis partie dans la cause que vous défendez si bien ; je vous dois autant de remerciements que d’éloges ; votre mémoire me paraît convaincant.
Oserais-je vous supplier seulement de ne point faire sans correctif le triste aveu que les comédiens ont été déclarés infâmes à Rome ?
1°. Je ne vois point de loi expresse, permanente, et publiquement reconnue, qui prononce cette infamie. La loi dont les ennemis des arts triomphent est au tit[re] 2 du 2è livre du digeste 1 ; cette loi ne fait point partie des lois romaines, ce n’est qu’un édit du préteur, et cet édit changeait tous les ans ; c’est Ulpien qui cite cet édit, sans dire à quelle occasion il fut promulgué, et dans quelles bornes il était renfermé. Ulpien est, chez les Romains, ce que sont, chez les Welches, Charondas 2, Rebuffi 3, et autres, qu’on n’a jamais pris pour des législateurs.
2° Il n’y a aucun jurisconsulte romain ni aucun auteur qui ait dit qu’on regardât comme infâmes ceux qui déclamèrent des tragédies et qui récitèrent des comédies sur les théâtres construits par les consuls et par les empereurs. Ne doit-on pas interpréter des édits vagues et obscurs par des lois claires et reconnues qui les expliquent ? Si l’édit rapporté au 2è livre du Digeste parle de l’infamie attachée à ceux qui in scenam prodeunt la loi de Valentin 4, qu’on trouve au tit[re] 4 du 1er livre du code, donne le sens précis de la loi du préteur, citée au Digeste. Elle dit : Mimae, et quae ludibrio corporis sui quæstum faciunt 5, etc. Les mimes et celles qui prostituent leur corps, etc.
Or, certainement, les acteurs qui représentaient les pièces de Térence, de Varus, de Sénèque, n’étaient ni des mimes, ni des danseuses de corde qui recevaient des soufflets sur le théâtre pour de l’argent, comme Théodore, femme de Justinien, qui fit ce beau métier avant que d’être impératrice.
3° La loi du même code, au tit[re] de lenonibus (des maquereaux et maquerelles), défend de forcer une femme libre, et même une servante, à monter sur la scène. Mais sur quelle scène ? et puis n’est-il pas également défendu de forcer une femme à se faire religieuse ?
4° L’article mathematicos déclare les mathématiciens infâmes, et les chasse de la ville. Cela prouve-t-il que l’Académie des sciences est déclarée infâme par les lois romaines ? Il est évident que, par le terme mathematicos, les Romains n’entendaient pas nos géomètres, et que, par celui de mimes, ils n’entendaient pas nos acteurs. La chose est si évidente que, par la loi de Théodose, d’Arcadius, et d’Honorius, si quis in publicis porticibus 6, etc. (livre II, tit. 36), il n’est défendu qu’aux pantomimes et aux vils histrions d’afficher leurs images dans les lieux où sont les images des empereurs. La source de la méprise vient donc de ce que nous avons confondu les bateleurs avec ceux qui faisaient profession de l’art, aussi utile qu’honnête, de représenter les tragédies et les comédies.
5° Loin que cet art, si différent de celui des histrions et des mimes, fût mis au rang des choses déshonnêtes, il fut compté presque toujours parmi les cérémonies sacrées. Plutarque est bien éloigné de rapporter l’origine de la tragédie à la fable vulgaire que Thespis, au temps des vendanges, promenait sur un tombereau des ivrognes barbouillés de lie, qui amusaient les paysans par des quolibets. Si les spectacles avaient commencé ainsi dans la savante Grèce, il est indubitable qu’on aurait eu d’abord des farces avant que d’avoir des poèmes tragiques . Ce fut tout le contraire, les premières pièces de théâtre, chez les Grecs, furent des tragédies dans lesquelles on chantait les louanges des dieux ; la moitié de la pièce était composée d’hymnes. Plutarque nous apprend que cette institution vient de Minos : ce fut un législateur, un pontife, un roi qui inventa la tragédie en l’honneur des dieux ; elle fut toujours regardée dans Athènes comme une solennité sainte . L’argent employé à ces cérémonies était aussi sacré que celui des temples. Montesquieu, qui se trompe presque à chaque page, regarde comme une folie, chez les Athéniens, de n’avoir pas détourné, pour la guerre du Péloponnèse, l’argent destiné pour le théâtre 7; mais c’est que ce trésor était consacré aux dieux. On craignait de commettre un sacrilège, et il fallut toute l’éloquence de Démosthène (dans sa seconde Olynthienne) pour éluder une loi qui tenait de si près à la religion. Puisque le théâtre tragique était saint chez les Grecs, on voit bien que la profession d’acteur était honorable. Les auteurs étaient acteurs quand ils en avaient le talent : Eschine, magistrat d’Athènes, fut auteur et acteur ; Paulus fut envoyé en ambassade.
Ce spectacle était si religieux que, dans la première guerre punique, les Romains l’établirent pour conjurer les dieux de faire cesser le fléau de la contagion : jamais il n’y eut à Rome de théâtre qui ne fût consacré aux dieux, et qui ne fût rempli de simulacres.
Il est très faux que la profession d’acteur fut ensuite abandonnée aux seuls esclaves. Il arriva que les Romains, ayant subjugué tant de nations, employèrent les talents de leurs esclaves ; il n’y eut guère chez eux de mathématiciens, de médecins, d’astronomes, de sculpteurs, et de peintres, que des Grecs ou des Africains pris à la guerre. Térence, Épictète, furent esclaves. Mais de ce que les peuples conquis exerçaient leurs talents à Rome, on ne doit pas conclure que les citoyens romains ne pussent signaler les leurs.
Je ne puis comprendre comment M. Huerne 8 a pu dire que Roscius n’était pas citoyen romain ; que Cicéron, son orateur adverse, employa contre lui les lois de la république, sa naissance, et la vénalité des spectacles, et que Roscius n’eut rien de solide à lui opposer 9 . Comment peut-on dire tant de sottises, en si peu de paroles, dans l’ordre des lois, dans l’ordre de la société, et dans l’ordre de la religion, par le secours d’une littérature agréable et intéressante ? Ce pauvre homme a trop nui à la cause qu’il voulait défendre. Comment a-t-il pu ignorer que Cicéron plaida pour Roscius, au lieu d’être son avocat adverse ? qu’il ne s’agissait point du tout de citoyen romain, mais d’argent ? Cicéron dit que Roscius fut toujours très-libéral et très-généreux ; qu’il avait pu gagner trois millions de sesterces, et qu’il ne l’avait pas voulu. Est-ce là un esclave ? Roscius était un citoyen qui formait une académie d’acteurs. Plusieurs chevaliers romains exercèrent leurs talents sur le théâtre. Nous avons encore le catalogue des prêtres qui desservaient le temple d’Auguste à Lyon ; on y trouve un comédien.
Lorsque le christianisme prit le dessus, on s’éleva contre les théâtres consacrés aux dieux. Saint Grégoire de Nazianze leur opposa des tragédies tirées de l’Ancien et du Nouveau Testament 10. Cette mode barbare passa en Italie ; de là nos mystères ; et ce terme de mystère devint tellement propre aux pièces de théâtre que les premières tragédies profanes que l’on fit dans le jargon welche furent aussi appelées mystères.
Vous verrez d’un coup d’œil, monsieur, ce qu’il faut adopter ou retrancher de tout ce fatras d’érudition comique.
Mais je vous prie de ne point mettre dans le projet de déclaration : Voulons et nous plaît que tout gentilhomme et demoiselle puisse représenter sur le théâtre, etc. . Cette clause choquerait la noblesse du royaume. Il semblerait qu’on inviterait les gentilshommes à être comédiens ; une telle déclaration serait révoltante. Contentons-nous d’indiquer cette permission, sans l’exprimer, d’autant plus qu’il n’est point du tout prouvé que Floridor fût gentilhomme 11, il se vantait de l’être, il ne le prouva jamais ; on le favorisa, on ferma les yeux. Ce qui peut d’ailleurs se dire historiquement ne peut se dire quand on fait parler le roi. Il faut tâcher de rendre l’état de comédien honnête, et non pas noble 12.
Je vous demande pardon, monsieur, de tout ce que je viens de dicter à la hâte ; vous le rectifierez. J’insiste sur l’infamie prononcée contre les mathématiciens ; cet exemple me paraît décisif : nos mathématiciens, nos comédiens, ne sont point ceux qui encoururent quelquefois par les lois romaines une note d’infamie ; certainement cette infamie qu’on objecte n’est qu’une équivoque, une erreur de nom.
Je finis comme j’ai commencé, par vous remercier, et par vous dire combien je vous estime : agréez les respectueux sentiments de votre très humble et très obéissant serviteur .»
1Le Digeste, ou Digesta Justiniani Augusti, c'est-à-dire le code de Justinien .Voir : https://archive.org/details/digestaiustinia00kruegoog/page/n14/mode/2up
2 Louis Le Caron a publié sous le nom de Loys Charondas Le Caron, les Pandectes, ou Digeste du droit français, 1596, ainsi que de nombreux autres ouvrages de droit ; voir : https://data.bnf.fr/fr/12510806/louis_le_caron/
3 Pierre Rebuffi est un compilateur et commentateur des lois et de la jurisprudence . Son œuvre la plus connue est Ordonnances, lois, statuts et édits royaux de tous les rois de France, 1547 ; voir : https://data.bnf.fr/fr/13006261/pierre_rebuffi/
4 Ou plutôt de Valentinien . Qui in scaenam prodeunt = ceux qui montent en scène .
5Les mimes et celles qui, par dérision, font métier de leur corps : V* traduit lui-même ce membre de phrase mais en omettant le mot ludibtis.
6 Si quelqu'un dans les portiques publics , etc. : premiers mots du décret .
7 Dans De l'esprit des lois, III, 3 . L'objection de V* à Montesquieu est valable . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62730454/f231.item
8 Dans son mémoire Libertés de la France, contre le pouvoir arbitraire de l'excommunication […] : https://books.google.fr/books?id=QHFMAAAAcAAJ&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false
; et voir lettre du 22 avril 1761 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/04/01/m-damilaville-me-mande-qu-il-y-a-quelque-breche-a-votre-roto-5782839.html
9 Page 81 du Mémoire en forme de dissertation , etc, dont il est parlé dans une note de l'ouvrage suivant : https://fr.wikisource.org/wiki/Conversation_de_M._l%E2%80%99intendant_des_menus/%C3%89dition_Garnier
10Dans sa Passion du Christ . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gr%C3%A9goire_de_Nazianze#%C3%89crits
11 Ainsi que l'a montré Émile Campardon, Josias de Soulas, sieur de Primefosse, surnommé Floridor, appartenait incontestablement à la petite noblesse : https://fr.wikipedia.org/wiki/Floridor
voir p. 107-111 de l'ouvrage Les Comédiens du roi de la troupe française, 1879 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64385199/f131.item.texteImage
12 En face de ce paragraphe on voit en marge de la copie Beaumarchais-Kehl, l'intéressante note suivante, dont il n'a d'ailleurs pas été tenu compte puisque le passage fut imprimé : « Nota. Il faut retrancher tout cet article, parce qu'on n'imprimera rien qui soit relatif à l'Académie royale dramatique . »
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24/05/2021
je veux soulever l’Europe ... Ma foi, les coquins en auront dans le cul.
... Ce qui est dit est dit . On ne peut être plus franc, plus direct, ni plus juste .
NDLR -- Pas d'illustration pour cette note .
« A Etienne-Noël Damilaville
4è février 1766
Il est arrivé, il est arrivé, le ballot Briasson1 ! On relie jour et nuit. Je grille d’impatience. Mille compliments à Protagoras.
Voici un certificat de ma façon 2 pour les Sirven. Consultez avec Élie s’il est admissible. Je voudrais bien que ce divin Élie m’envoyât un précis de son mémoire, dépouillé entièrement des accessoires qui sont nécessaires pour les juges, et qui ne font que ralentir l’intérêt et refroidir les lecteurs étrangers. J’enverrais ce précis à tous les princes protestants et à l’impératrice de l’Église grecque. Je l’accompagnerais d’un petit discours sur le fanatisme, qui n’est pas d’un bigot, mais qui est, je crois, d’un bon citoyen. Mon cher frère, je veux soulever l’Europe en faveur des Sirven.
Voici une feuille que je détache des Mélanges 3, et que je vous envoie pour en régaler Élie. Ma foi, les coquins en auront dans le cul. Je ne sais plus ou demeure l’indolent Thieriot 4. »
1 Contenant les volumes VIII-XVII de l’Encyclopédie.
2 Selon Beuchot : « Voltaire, dans sa lettre du 4 février , parle d’un certificat de sa façon. Il s’agit ici d’un petit discours. Je ne connais rien sous ces titres, et probablement c’était ce qu’il fit imprimer plus tard sous le titre de Avis au public sur les parricides imputés aux Calas et aux Sirven (voyez https://fr.wikisource.org/wiki/Avis_au_public/%C3%89dition_Garnier ) ou une première ébauche.. »
Galland, en note, donne le texte de ce certificat, sans dire d'où il le tient : « Mon certificat n’est peut-être pas d'une grande valeur, puisque je suis devenu en quelque sorte, partie pour la famille des Sirven, en recommandant son innocence à ceux qui la défendent . Mais je dois d'autant moins cacher une vérité dont je suis convaincu que c'est cette conviction même qui m'a forcé de m'intéresser pour cette famille infortunée .
"Je dois dire que le père et les deux filles vinrent de Lausanne chez moi, le 5 avril 1765, pour signer une procuration . La mère, qui était attaquée d'une maladie mortelle, voulut accompagner ses filles, elle ne put se trainer que jusqu'à Genève . Le sieur Sirven et ses filles m'apprirent l'état où était la dame Sirven . J’envoyai sur-le-champ un domestique à Genève s'informer de la santé de la malade : il la trouva rendant les derniers soupirs, et prenant Dieu à témoin de son innocence et de celle de sa famille . On ne dissimule pas dans ces moments . Une femme , persuadée de sa religion, ne trompe point ,en mourant, Dieu et les hommes . Je dois ajouter que quiconque aura entretenu un quart d'heure le père et les filles aura vu tout ce qui peut pénétrer un cœur de compassion pour les plus grands malheurs et de respect pour la vertu la plus pure .
"Fait au château de Ferney, le 4 février 1766 / Signé : Voltaire . »
3 Selon Beuchot : « Au commencement de 1766, parurent, sous le millésime de 1765, trois volumes intitulés Nouveaux Mélanges philosophiques, historiques, critiques, etc. ; aux pages 190-195 du tome second est un Article nouvellement ajouté (au Traité sur la Tolérance ; voyez tome XXV, pages 115-118 : https://fr.wikisource.org/wiki/Trait%C3%A9_sur_la_tol%C3%A9rance/%C3%89dition_Garnier_1879/26 ). Je crois que c’est de ce morceau que Voltaire veut parler. »
En fait il est impossible de savoir vraiment quelle feuille a pu être déchirée .
4 Ce dernier a écrit le 24 janvier 1766 pour lui demander une aide financière pour subvenir aux besoins de sa fille naturelle à laquelle il dit s'être engagé à assurer pendant quatre ans une pension de six cents livres par an.
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23/05/2021
Il est bon d’écraser deux fois le fanatisme ; c’est un monstre qui lève toujours la tête
...Le monstre actuel est le nationalisme, il est à deux-trois têtes en Israël et Palestine . Qui donc a armé le Hamas et le Djihad islamique ? pour Israël, pas de souci, ils sont de la bonne école US . Détestables ! tous .
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
4 février 1766
Je renvoie à mes divins anges le mémoire de M. de La Voute 1 pour les comédiens. Je les supplie très-humblement de trouver que j’ai raison, parce que je crois avoir raison , mais, s’ils me condamnent, je croirai que j’ai tort. La tournure que vous avez prise est très habile. La déclaration du roi sera un bouclier contre la prêtraille. Elle sera enregistrée ; et quand les cuistres refuseront la sépulture à un citoyen pensionnaire du roi, on leur lâchera le parlement. Ne vous ai-je pas mandé que ma Catherine vient de chasser les capucins 2, pour n’avoir pas voulu enterrer un violon français ?
Vous êtes 3 donc de très bons politiques , vous auriez donc arrangé les Genevois en vous jouant ? On dit M. le chevalier de Beauteville malade . Il peut se donner tout le temps de raffermir sa santé . Rien ne presse ; il n’y a pas eu une patte de froissée dans la guerre des rats et des grenouilles 4. M. Crommelin est un peu ardent . On aurait dit que le feu était aux quatre coins de Genève. Comptez que les médiateurs se mettront à pouffer de rire quand ils verront de quoi il s’agit. On a trompé monsieur le duc, on l’a engagé à précipiter ses démarches. Les Zurikois, qui n’aiment pas à dépenser leur argent inutilement, commencent à murmurer qu’on les envoie chercher pour une querelle d’auteur , car c’est là l’unique fond de la noise. Si je ne m’occupais pas tout entier de l’affaire des Sirven, qui est plus sérieuse, je ferais un petit lutrin de la querelle de Genève 5. J’ai vu l’esquisse du mémoire d’Élie de Beaumont. Je me flatte qu’il fera un très grand effet, et que nous obtiendrons un arrêt d’attribution. Vous nous protégerez, mes chers anges. Il est bon d’écraser deux fois le fanatisme ; c’est un monstre qui lève toujours la tête. J’ai dans la mienne de soulever l’Europe pour les Sirven . Vous m’aiderez.
Respect et tendresse. »
1 Pierre Jabineau de La Voute, né à Étampes en 1721, avocat en 1746, mort le 1er mars 1787. Voir : https://data.bnf.fr/fr/16142968/pierre_jabineau_de_la_voute/
2Voir lettre de Catherine II du 2 septembre 1765 , citée dans la lettre du 5 novembre 1765 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/02/27/nous-sommes-tres-etonnes-d-un-cote-de-lire-des-productions-q-6300322.html
3 V* a d'abord écrit avez .
4 Voir lettre du 2 février 1766 à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2021/05/19/depuis-les-grenouilles-et-les-rats-qui-prierent-jupiter-de-v-6316956.html
5 Sitôt dit, sitôt fait : La Guerre civile de Genève, inspirée du Lutrin de Boileau ; voir https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome9.djvu/517
et https://fr.wikisource.org/wiki/Boileau_-_%C5%92uvres_po%C3%A9tiques/Le_Lutrin
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22/05/2021
continuer à être inflexible sur les mauvais ouvrages et sur le mauvais goût
... C'est bien le moins qu'on puisse faire , l'ouvrage ne manque pas, et ne manquera jamais , je le crains bien .
A-t-on là un début d'instructions pour éliminer ce qui est mauvais ?
« A Augustin Marie, marquis de Ximénès
3 février 1766, à Ferney
Je n’ai rien à vous mander, monsieur le marquis, et cependant je vous écris. J’ai pensé mourir de froid et de fluxion de poitrine. Je ne suis pas encore tout à fait en vie ; mes dernières volontés sont que vous ayez la bonté de faire rendre les deux chiffons ci-joints à vos deux protégés, MM. de La Harpe et de Chamfort. Je vous serai très obligé de vouloir bien être mon exécuteur testamentaire. Je vous prie par ce codicille de continuer à être inflexible sur les mauvais ouvrages et sur le mauvais goût ; de juger des choses malgré les noms, de ne jamais souffrir le galimatias, se trouvât-il dans Pierre Corneille ; de trouver le roman de Julie 1 détestable au nez des dames qui l’admiraient en baillant, etc., etc.
Je me fais faire un petit tombeau dans mon cimetière. Pompignan se ferait enterrer sur le maître-autel. Vous ferez, s’il vous plaît, mon épitaphe, et vous y direz que je pensais comme vous. Vivez heureux ! »
1 C’est sous le nom de Ximenès que Voltaire avait donné une critique de ce roman de J.-J. Rousseau ; voir : https://fr.wikisource.org/wiki/Page:Voltaire_-_%C5%92uvres_compl%C3%A8tes_Garnier_tome24.djvu/175
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