03/05/2015
Je suis encore obligé de vous importuner
... Résistons !
Plier, tomber, se redresser, se relever sans cesse, c'est la vie .
« A Jean-François Joly de Fleury
Aux Délices 3 mai 1760
Je suis encore obligé de vous importuner 1 pour vous dire que je ne reçois que dans le moment la copie de la lettre à vous écrite par M. de Courteilles le 26 mars 2.
Je trouve qu'il s'est glissé une petite méprise dans cette lettre . Il est dit que le seigneur de Tournay observe que le délit a été commis au lieu de La Perrière qui relève bien de sa terre, mais il n'est point haut justicier . Il faut que cette méprise vienne de mon avocat au conseil . Il est de notoriété publique que je ne suis point seigneur de La Perrière . J'espère que cette petite inadvertance de mon avocat au conseil ne me nuira pas .
Le chapitre de Saint Victor auquel la seigneurie de Genève succéda affectait la souveraineté absolue sur tous ses fiefs, et ne relevait de personne du temps que le pays de Gex appartenait aux ducs de Savoie . Aussi lorsque les auteurs 3 de M. De Brosses achetèrent la juridiction de Tournay, sous les ducs de Savoie, il ne fût fait nulle mention de La Perrière qui ne dépendait pas des ducs de Savoie . Tout droit sur la Perrière comme sur les autres fiefs de Saint Victor a été cédé au roi, en 1749, et non au seigneur de Tournay . J'ai eu l'honneur monsieur de vous en administrer les preuves que j'ai pu avoir .
Le certificat en forme de la république ne peut être délivré que sur un ordre de vous, supposé qu'il en soit besoin . Si vous m'honorez de cet ordre, je requerrai de votre part la délivrance des actes qu'on ne peut donner à un particulier . Mais en attendant, monsieur, permettez-moi d'observer que si jamais les juges de Tournay avaient fait à La Perrière quelque acte de juridiction, quelque descente, quelque procédure (ce que je ne crois pas) ces actes seraient nuls de plein droit, soit avant , soit après 1749 .
Je suis avec beaucoup de respect
monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire »
1 Voir lettre de la veille au même : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/05/02/le-paquet-que-j-ai-l-honneur-de-vous-envoyer-n-est-point-jur-5614497.html
2 C'est la lettre à laquelle répondra Joly de Fleury le 4 mai 1760 .
3 Ce terme d'ancienne jurisprudence désigne les personnes de qui l'on tient ses titres ou ses droits .
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02/05/2015
Le paquet que j'ai l'honneur de vous envoyer n'est point juridique
... Je ne suis pas Marine Le Pen qui fait agresser des Femen et se paye le luxe de les attaquer en justice .
Pour qui se prend-elle pour autoriser ses nervis à violer une propriété privée ?
Quelle gloire pour ses gros bras à petite quéquette et deux neurones à eux tous ? Marine , garde- les bien, ils ajoutent à ton aura de femme influente, à n'en pas douter , tout comme papy Le Pen qui appelle au secours (les cendres de) Jeanne d'Arc . Ridicule encore une fois, quand il ne se rend pas ignoble !
Tout cela laisse augurer du bien et du bon pour toute opposition si jamais le FN venait au pouvoir . Les journalistes du Petit Journal de Canal+ et ceux de France 5 ont déjà pu le tester à corps défendant .
ça donne vraiment envie de voter FN ! Non ?
« A Jean-François JOLY DE FLEURY,
intendant de Bourgogne 1
Aux Délices, 2 mai 1760.
Voici, monsieur, l'écrit que MM. les commissaires Moussard 2 et Saladin (délégués de la république de Genève pour signer le traité de 1749 3 avec les commissaires du roi) m'avaient remis, et qu'ils étaient prêts à signer lorsqu'on les a fait apercevoir qu'il fallait une délibération du conseil pour délivrer un acte en chancellerie concernant les traités de la république 4. Le paquet que j'ai l'honneur de vous envoyer n'est point juridique, mais il est de la main du syndic Moussard. Je ne peux avoir un certificat dans les formes que moyennant un ordre signé de vous, qui m'autorise à le demander.
En attendant, monsieur, que je puisse remplir cette formalité, cet écrit de la main de M. Moussard vous convaincra au moins qu'avant la transaction passée en 1749 entre le roi et Genève, cette ville avait la haute justice de tous les fiefs de Saint-Victor, et par conséquent de la Perrière. Le roi est haut justicier de cet endroit depuis 1749, et jamais le seigneur de Tournay n'a pu avoir cette juridiction.
J'attends vos ordres, et suis avec respect, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
Voltaire. »
1 Jean-François Joly de Fleury de La Valette, intendant de Bourgogne de 1749 à 1761. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fran%C3%A7ois_Joly_de_Fleury
2 Pierre Moussard .
3 Traité concernant le statut du territoire de Gex .
4 Dans le cours de l'année 1758, un Suisse nommé Panchaud, qui habitait la Perrière, près de Prégny, sur la frontière de France et de Genève, donna un coup de sabre à un Savoyard qu'il avait surpris en flagrant délit de vol de noix. Panchaud fut poursuivi devant le bailliage de Gex, qui le condamna au bannissement et à 100 livres d'amende envers le seigneur haut justicier de Prégny et Tournay, c'est-à-dire envers Voltaire. Celui-ci fit d'abord peu d'attention à la sentence, mais lorsqu'on lui présenta la carte à payer, ou en d'autres termes un mémoire de 600 livres de frais occasionnés par la procédure, qui retombaient naturellement à la charge du seigneur sur la terre de qui l'attentat avait été commis, il se récria vivement, et soutint que la Perrière ne dépendait pas de Tournay, mais relevait directement du roi, à qui ce lambeau de terre avait été cédé, selon lui, par la république de Genève en 1749.
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01/05/2015
j'endoctrinerai les ignorants qui veulent boire en avril ce qu'il faut boire en novembre
... Comme ce fichu Beaujolais nouveau et autres pinards primeurs, venant de vignes qu'on fait pisser à outrance, et qui ont des réveils printaniers acidulés .
« A Ami Camp
à Lyon
Ne soyez en peine de rien, mon cher monsieur . J'aurai l'honneur de vous envoyer pour 18000 livres de lettres de change en mai et en juin et alors je pourrai demander un grouppe 1 après le paiement d'icelles .
Voulez-vous bien avoir la bonté d'envoyer ce chiffon à votre ami 2 dans votre premier paquet ?
Permettrez-vous que je vous supplie de donner vos ordres pour que j'aie
300 livres de savon
un baril de petites câpres
un baril d'olives
trois livres de belle cire à cacheter ?
J'ai reçu le vin, j'endoctrinerai les ignorants qui veulent boire en avril ce qu'il faut boire en novembre . Je vois que vous en savez plus qu'eux . Je vous remercie de vos bontés et de vos instructions de tout mon cœur .
Votre très humble et très obéissant serviteur .
V.
Aux Délices 2 mai [1760] »
1 Un group est un « sac d'argent cacheté qu'on envoie d'une ville à une autre » Littré .
2 Jean-Robert Tronchin, à Paris .
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30/04/2015
Il court une maladie épidémique dont je suis attaqué, j'écris
... Sans trop de peine sous la dictée de Voltaire , avouons-le .
Par ailleurs je suis un détestable ami de la trempe d'un Thieriot qui n'usait pas trop sa plume, -j'entends celle qui sert à écrire,- pour correspondre . Mea culpa !
« A Cosimo Alessandro Collini,
secrétaire
Intime de Son Altesse Sérénissime Électorale Mgr l’Électeur
palatin
à Manheim
[avril/mai 1760 ?]
Il court une maladie épidémique dont je suis attaqué, j'écris avec beaucoup de peine . Si vous voyez M. de Caux 1, je vous prie de lui dire mon état , et de m'excuser auprès de lui si je n'ai pu encore lui répondre .
Je vous embrasse de tout mon cœur .
V. »
1 Voir lettre du 21 avril 1760 à Collini : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/18/on-m-a-dit-mort-cela-n-est-pas-entierement-vrai-5605707.html
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je vous écris encore. Les gens qui aiment sont insupportables.
... Persiste et signe .
Aimer Voltaire et Mam'zelle Wagnière est un bien dont je ne peux me passer . Aussi, mon philosophe préféré sera encore et toujours votre/notre compagnon de route bloggueuse .
Insupportables !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL
conseiller d'honneur du parlement
envoyé de Parme
rue de la Sourdière
à Paris
30 avril [1760].
O anges ! je mets tout sous vos ailes, tout retombera sur vous. Le nœud est bien mince ; Tamire est bien peu de chose. Madame, je suis son mari 1 . Eh! Nicodème, que ne le disais-tu plus tôt?
M. le duc de Choiseul semble avoir senti cela comme je le sens; il m'a écrit une lettre charmante 2. Mon divin ange, il paraît qu'il vous aime comme vous méritez d'être aimé. Dites-moi, en conscience, aurons-nous la paix ? Vous la voulez ; mais veut-on vous la donner ? est-ce tout de bon ? J'ai plus besoin de la paix que des sifflets. J'aime mieux les Chevaliers 3 que Ramire. Il n'y a que deux coups de rabot à donner aux Chevaliers, mais il manque à tout cela un peu de force. Je baisse, je baisse, je fonds; j'ai acquis de la gaieté, et j'ai perdu du robuste. Vous vous moquez de moi ; on peut faire quelque chose de Hurtaud. Ce petit drôle-là n'a mis que quinze jours à son œuvre 4. Nous allons jouer sur notre théâtre de Tournay, mais je ne peux plus même faire les pères; j'ai cédé mes rôles; je suis spectateur bénévole.
Mon cher ange, je deviens bien vieux; j'ai, je crois, cinq ou six ans plus que vous 5. Le temps va d'un tel pas qu'on a peine à le suivre.6
Je voudrais bien savoir si le chevalier d'Aydie, autre philosophe campagnard de mon âge, est à Paris, comme on me l'a mandé ; serait-il assez lâche pour se démentir à ce point ? au moins je me flatte que c'est pour peu de temps. Vous avez dû recevoir vingt pages 7 de moi l'ordinaire dernier, et je vous écris encore. Les gens qui aiment sont insupportables.
V. »
1 Parodie de ce que Ramire dit à Zulime, dans la tragédie qui porte ce titre, acte V, scène III, v. 61 :
« Madame, ainsi le veut la fortune jalouse,
Vengez-vous sur moi seul, Atide est mon épouse » .
Ces deux répliques résument le sujet de Zulime .
2 Lettre datée du 22 avril 1760, très drôle : « A Versailles, ce 22 avril [1760].
La lettre que vous me confiez datée de Frieberg du 25 mars [Ou plutôt du 26 ], mon cher solitaire me paraît d'autant plus extraordinaire que j'en ai vu une du même personnage et à peu près du même temps, qui n'avait pas le ton si fier . Quoi qu'il en soit, je vous prie d'assurer le roi de Prusse que je suis son humble serviteur, que je respecte profondément sa dignité de roi, mais qu'hors la personne de mon maître que j'aime, je ne me soucie pas plus des autres rois de la terre que des charriers de Touquin [Charretiers . Touquin est une petite ville de Seine et Marne . Choiseul a pu écrire aussi Tonquin .] , même de ceux de Berlin , s'il en reste dans ce petit et malheureux pays . Vous ajouterez à Sa Majesté prussienne, et je vous demande en grâce que je lui défie de jouer un tour approuvé des honnêtes gens à un ministre qui quitterait sa place avec le plus grand plaisir du monde, qui croit que la paix est un bien nécessaire et qui voudrait au prix de son sang la procurer, qui sert un maître qui ne veut pas acquérir un pouce de terrain sur le continent et qui consentira pour la tranquillité de son royaume de payer dans les autres parties du monde parce qu'il a été battu . Vous pouvez ajouter que je jure de bonne foi que je n'ai nulle ambition, mais en revanche j'aime mon plaisir à la folie,je suis riche ; j'ai une très belle et très commode maison à Paris ; ma femme a beaucoup d'esprit [Honorine Crozat du Chatel, aimable, dévote et vertueuse ] ; ce qui est fort extraordinaire elle ne me fait pas cocu ; ma famille et ma société me sont agréables infiniment ; j'aime à faire enrager d'Argental, à boire et à dire des folies jusqu'à 4 heures du matin avec M. de Richelieu . On a dit que j'avais des maîtresses passables , je les trouve, moi, délicieuses ; dites-moi , je vous prie,quand les soldats du roi de Prusse auraient douze pieds, ce que leur maitre peut faire à tout cela ; je ne lui connais que deux tours à me jouer, celui de me faire jeter un sort pour que je sois impuissant (si je m'en doute, j’irai à la messe de paroisse où, au prône,l'on exorcise les maléfices ) ou bien me faire ordonner par un article de la paix de lire une deuxième fois les Œuvres du philosophe de Sans Souci, sans goût, sans vers, etc., hors ceux qui sont pillés . Je vous avoue que véritablement ce serait un tour car je n'ai jamais rien lu de si ennuyeux . Au reste, votre réponse à la lettre de Luc est charmante,[Lettre du 15 avril 1760 au roi de Prusse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/14/eh-qui-etes-vous-donc-vous-autres-maitres-de-la-terre-5603105.html] excepté ce que vous dites de moi, qui n'est pas juste et que je ne mérite point . Je crois qu'il n'y a pas de mal que vous continuiez le commerce ; nous aurons le plaisir de voir de temps en temps comment un roi chante dans la rue des impertinences quand il a peur ; mais prenez garde de ne rien mettre dans vos lettres qui puisse être communiqué ; car j'ai des certitudes physiques que cet honnête homme de Luc fait une gazette des des confidences les plus intimes qu'il cherche à se procurer . Il faut prendre son parti ; nous n’embellirons pas ce naturel pervers ; mais s'il aboie, morde ou lèche, il faut suivre son système, faire le bien et même le sien dès que l’occasion s'en présentera, sans humeur de notre part, mais avec honneur . Mme de Pompadour vous aime de tout son cœur, elle le dit sans cesse ; je suis cause qu'elle ne vous a pas répondu parce que j'ai oublié de lui rendre la lettre que vous lui avez écrite , à laquelle je m'étais chargé de vous répondre que l'on ne pouvait pas faire ce que vous désiriez pour M. de Langallerie par cent mille raisons [On n'a pas la lettre par laquelle V* demande cette faveur pour son protégé sur le marquis de langallerie ; voir la lettre du 27 février 1757 à Jacob Vernes , et celle du 5 avril 1760 à d'Hermenches : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/04/il-y-a-de-grands-hommes-qui-se-consolent-de-la-perte-de-leur-5596743.html] . On n'a pas encore épuisé la classe des fils de blessés à l’École militaire, M.M. de Langallerie ne pourront y entrer de vingt ans d'ici ; le père et la mère ne peuvent pas être reçus en France comme regnicoles [Comme citoyens de ce pays .], dont je suis bien fâché . L'on m'a montré une Médime [Zulime-Fanime.] dont je suis enchanté ; j'aime mieux cette femme que toutes celles que j'ai aimées ; la chère épouse du héros n'est pas mal, mais le mari, Dieu me pardonne, il est un peu trop blafard . En tout les deux premiers actes, et le cinquième m'enchantent ; les deux autres seront bien au milieu . J'ai vu aussi deux chants de La Pucelle ; je les ai trouvés si jolis que je les viens de prêter à ma femme . Allons je perds mon temps à bavarder avec vous ; l'écriture et la mauvaise diction de cette lettre vous mettront à la torture . Mon amitié tendre et véritable pour vous obtiendra mon pardon . »
3 Tancrède.
4 Le Droit du seigneur .
5 Ou six est ajouté au dessus de la ligne .D'Argental était né le 20 décembre 1700.
6 « Vous allez d'un tel pas qu'on a peine à vous suivre « : Tartuffe, acte I, scène 1.
7 La lettre du 27 avril 1760 avec les corrections pour Zulime. : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/27/la-demence-la-plus-ridicule-est-de-s-aller-faire-esclave-qua-5611041.html
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29/04/2015
Je vais vous dire une dure vérité
... "J'ai eu une très belle carrière politique, je veux maintenant me pencher sur une carrière dans les médias" comme dit Roselyne Bachelot . Il faut reconnaitre qu'elle est plus douée pour ceci et le grand guignol que pour la bonne tenue d'un ministère , l'improvisation et les à-peu-près dont elle nous avait gratifié nous reviendront moins chers que sa glorieuse période vaccinale .
Ah Roselyne ! éclatez-vous bien , "penchez vous" jusqu'à y tomber dans la carrière médiatique et pendant que vous y serez ramassez un gadin * que vous pourrez jeter dans le jardin des "Républicains" incultes/jardin inculte des "Républicains".
* Gadin = caillou
Aussi indigeste que les 86 millions de vaccins anti-grippaux jetés au feu
« A Ami Camp
J'ai l'honneur , monsieur, de vous envoyer six chevilles pour boucher une partie des trous que je vous ai faits, c'est à vous à voir ce que vous en voulez faire, si vous pouvez les négocier à Lyon sans y rien perdre, si vous voulez les envoyer à M. Tronchin 1 en cas qu'il ait des paiements à faire , enfin, disposez-en comme vous le jugerez à propos . Je vous enverrai encore un petit adjutorium 2 au mois de mai ; et je vous ferai probablement de larges saignées au mois de juin . Je vous donne plus d'affaires qu’aucun barbouilleur de ma sorte .
Ne m'avez-vous pas dit, mon,sieur, que vous aviez la bonté de m'envoyer quatre tonneaux de vin de Beaujolais ? Je vais vous dire une dure vérité, c'est qu'il n'y a qu'un cri à Genève contre le vin de Beaujolais cette année, il n'est point moelleux, il n'est point couvert, il est vert, il n'est point potable ; le deviendra-t-il ? Vous connaissez-vous en vins ? Dites-moi ce que vous en pensez .
Faites, je vous en prie, mes tendres compliments à votre cher associé et soyez persuadé des sentiments avec lesquels je serai toute ma vie, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur .
Voltaire
28è avril 1760 aux Délices »
1 Jean-Robert Tronchin qui se trouve encore à Paris pour quelque temps .
2 Un « secours »
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28/04/2015
Les hommes sont des machines que la coutume pousse, comme le vent fait tourner les ailes d'un moulin.
... Et la coutume ne se contente plus d'être transmise oralement et par écrit, les médias télévisuels la renforcent sans trève . Redoutablement pernicieux ils sont , de la coutume obscure se défaire il faut , dit Maître Yoda .
Que la force soit avec nous , fuyons !
« A François Achard Joumard Tison, marquis d'Argence de Dirac 1
Aux Délices, 28 avril 1760.
Monsieur, si la chair n'était pas aussi infirme chez moi que l'esprit est prompt 2, quand il s'agit des sentiments d'estime que vous m'inspirez ; si j'avais un moment de santé, il aurait été employé depuis longtemps à vous remercier du souvenir dont vous m'honorez. Je ne me suis guère flatté que vous puissiez passer nos montagnes, et venir voir dans un petit coin du monde la philosophie libre et indépendante. Vous la porterez dans vos terres. Peu d'hommes savent vivre avec eux-mêmes, et jouir de leur liberté ; c'est un trésor dont ils sont tous embarrassés. Le paysan le vend pour quatre sous par jour, le lieutenant pour vingt, le capitaine pour un écu de six francs, le colonel pour avoir le droit de se ruiner. De cent personnes il y en a quatre-vingt- dix-neuf qui meurent sans avoir vécu pour eux. Les hommes sont des machines que la coutume pousse, comme le vent fait tourner les ailes d'un moulin. Ce Hume dont vous me parlez, monsieur, est un vrai philosophe ; il ne voit dans les choses que ce que la nature y a mis. Je doute qu'on ait osé traduire fidèlement les petites libertés qu'il prend avec les préjugés 3 de ce monde. Il n'est pas encore permis en France d'imprimer des vérités anglaises ; il en est de la philosophie de ce pays-là comme de l'attraction et de l'inoculation : il faut du temps pour les faire recevoir. Les 4 Anglais sont les premiers qui aient chassé les moines et les préjugés ; c'est dommage que nos maîtres d'école nous battent, et privent leurs écoliers de morue 5 ; nous sommes sur mer comme en philosophie des commençants. Pour moi, monsieur, je ne suis qu'une voix dans le désert 6. Je resterai tout le mois de mai dans ma petite cabane des Délices ; elle n'est éloignée de Genève que d'une portée de carabine ; il faut que le malade soit auprès du médecin. Mon Esculape-Tronchin est à Genève. Si, contre toute apparence, vous veniez dans ces quartiers 7, vous y verriez un Suisse qui vous recevrait avec toute la franchise et la pauvreté de son pays, mais avec les sentiments les plus respectueux.
V.»
2 « Spiritus quidem promptus est, caro vero infirma. » Evangile de Marc, XIV, 38.
3 Allusion à l'ouvrage publié par David Hume, sous le titre The Natural History of Religion, compris dans ses Four disesertations (1757) ; voir : http://en.wikipedia.org/wiki/Four_Dissertations
4 V* a d'abord écrit , puis rayé Ils .
5 Par la perte du Canada .
6 « Ego vox clamantis in deserto. » Evangile de Jean, 1, 23.
7 D'Argence alla philosopher aux Délices dans les mois de septembre et d'octobre suivants.
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