Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

15/05/2015

Qui mérite plus que vous d'être heureuse ?

... Chère Mam'zelle Wagnière !

 DSCF8368 brillante épanouie.png

 

 Brillante et épanouie, comme vous !

 

 

« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

Ma belle philosophe, la lettre du philosophe que vous m'avez envoyée 1 a fait grand plaisir au philosophe de Ferney . Je prends gaiement une petite aventure qu'il a prise sérieusement par bonté pour moi . Au reste il est bon que ces pauvres philosophes s'aident mutuellement, comme les premiers chrétiens priaient Dieu les uns pur les autres .

Quoi, vous perdez les yeux comme moi ! Cela n'est pas juste . Attendez au moins encore soixante ans pour que vos armes se rouillent .

J’obéis à vos ordres . Je vous souhaite des plaisirs sans privations .

Qui mérite plus que vous d'être heureuse ?

V.

18 mai [1760] »

1 Il s'agit d'une lettre de Diderot à V*, dont seul le début est connu : « La seule vengeance qu'on puisse prendre de l'absurde insolence [...] »

 

14/05/2015

fureurs de femme, fureurs mêlées de tendresse, rage contre les chevaliers, emportements contre son père

... Ce pourrait être, poétiquement/théâtralement parlant, le rapport des réactions de Marine Le Pen dans l'actualité récente ; Front National et Mouvement Bleu Marine nous offrent un spectacle de grand Guignol, comparable à celui de la guéguerre des cheffaiilons  de L'UMP . Dans les deux cas, les acteurs ne méritent que sifflets et jets de tomates et oeufs pourris .

 hargne.jpg

 Hargne chez nos politicards , sales gueules

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
Un Gasparini 1, mon divin ange, doit demander ou avoir demandé votre protection pour débuter, pour être reçu, ou pour être souffert à l'essai. Il est bon dans les rôles à manteau, dans certains rôles de père ; et je vous assure qu'il fit mourir de rire dans le rôle de M. Duru 2, quoi qu'en dise le grand Fréron mon ami.
Je reçois vingt lettres de connus, d'inconnus, qui tous s'adressent à moi pour que je sois le réparateur des torts, pour que je venge le public de l'infamie du théâtre. Je m'en garderai bien ; je n'ai que trop fait le don Quichotte. Que les intéressés pourvoient à leurs affaires.
Je vous accable de lettres, pardon ; mais, puisque m'y voilà, vous saurez que j'ai relu Tancrède; elle finissait languissamment.
Que dites-vous des fureurs d'Oreste ? déclamation, et puis c'est tout. Mais fureurs de femme, fureurs mêlées de tendresse, rage contre les chevaliers, emportements contre son père, larmes sur le corps de son amant, évanouissement, retour à la vie, transports, désespoir aux yeux de ceux qui ont fait ses malheurs : si cela n'est pas théâtral, si cela n'est pas déchirant, je suis un grand sot.
Patience ; la Chevalerie a quelque chose de bien neuf, en dépit de l'envie, et Mme Scaliger sera contente ; et je baise le bout de vos ailes plus que jamais. Ainsi fait Clairon-Denis.

 

V.

 

16 mai [1760] »

 

 

 

1 Gasparini débuta, à la Comédie française le 8 juin 1760, par le rôle d'Ésope dans Ésope à la Foire d'Edmé Boursault, . puis joua quelques autres rôles, mais ne fut point admis. On ne le connait pas plus .

 

 

 

 

 

13/05/2015

Vous ne quitterez point Paris madame, on ne s'arrache point ainsi aux lieux où l'on doit plaire , et où l'on est toujours bercé de quelque espérance

... Sauf , bien évidemment, si c'est pour vous faire admirer sur la Croisette de Cannes ! Mesdames, je suis sûr que vous allez faire le spectacle, vous êtes des professionnelles .

 Festival-de-Cannes-2015-moteur-mercredi ingrid bergman.jpg

 Ingrid Bergman, dont j'ai été amoureux, femme lumineuse , Maria dans Pour qui sonne le glas

 

« A Octavie Belot

Cloître Saint-Thomas du Louvre

à Paris

16 mai [1760]

Vos lettres sont charmantes, madame ; mais les sujets en sont bien tristes, vous semez des fleurs sur un fond noir . Ce que vous me mandez de l’opprobre 1 de ma patrie m'afflige sans me surprendre . Vous avez réparé cette honte en m’envoyant Rasselas 2 qui m'a paru d'une philosophie aimable, et très bien écrit . Vous ne quitterez point Paris madame, on ne s'arrache point ainsi aux lieux où l'on doit plaire , et où l'on est toujours bercé de quelque espérance . Les villes de province sont insipides et tracassières , la campagne n'est bonne que quand on a le bonheur de la cultiver, et c'est un gout qu'on ne se donne pas, car on ne se donne rien .

Vous étiez déterminée à la retraite, vous pourriez en trouver une pour cent écus par an à une demi-lieue de Genève . Il y a un petit jardin, la maison est meublée et mal meublée . L'hiver y serait dur . Croiriez-vous pourtant qu’un neveu de M. de Montmartel occupe à présent ce taudis pour être à portée de M. Tronchin 3 dont il croit avoir besoin quoiqu'il ait fait à cheval le voyage de Paris à Genève ?

Nous sommes cinq maîtres aux Délices, ma nièce ; Mlle de Bazincour, fille de votre âge jouant la comédie, faisant de petits vers, travaillant en tapisserie, et s’étant consacrée à la retraite ; un neveu ; un géomètre, qui fait des quadrans au soleil, et des vers ; et enfin moi chétif . La maison est pleine, et vous me faites bien souhaiter qu'elle fût plus grande . Je ferai l'impossible pour la mettre en état de vous recevoir si jamais vous donnez la préférence sur le Languedoc et la Bourgogne, à notre beau lac de Genève, à la plus belle vue de l'univers, à un pays libre et tranquille où la nature est riante et où la raison n’est point persécutée .

Soyez persuadée, madame, de la respectueuse estime du Suisse V. »

1 Les Philosophes , de Palissot .

2 [Samuel] Johnson , Histoire de Rasselas, prince d'Abyssinie […], traduite par mme B[elot], 1760 . V* ne conserva pas cet ouvrage dans sa bibliothèque . Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k101895x.r=.langEN

3 Théodore Tronchin, le médecin .

 

 

Le trésor royal sera un autre gouffre dont rien ne sortira

...

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

Hôtel de Lyon, rue de Grenelle-Saint -Honoré

à Paris

16 mai [1760]1

Je fais plus de trous que je n'en bouche, mon cher correspondant . Voici une petite cheville de 9000 livres . Ferney est un gouffre . Il engloutit tout, mais il mérite ce que je fais pour lui . Point de paix . Le trésor royal sera un autre gouffre dont rien ne sortira . Adieu annuités ; adieu loteries, ne songeons qu'aux champs et aux prés . Je vous embrasse du meilleur de mon cœur et je vous attends .

V. »

1Tronchin a complété la date sur le manuscrit et ajouté « 30 mai » . Cette lettre manque dans l'édition de Bestermann .

 

Avez-vous des que ?

...

 

 

 

« A Gabriel Cramer

[mai 1760]

Avez-vous des que 1?

Pourriez-vous, Caro Gabriele, m'en envoyer demi-douzaine ?

Quid novi ? »

1 L'une des pompignades monosyllabiques de V* qui fait suite aux Quand qui fut publiée en mai 1760 ; voir lettre du 25 mars 1760 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/03/27/la-lettre-a-laquelle-je-reponds-est-d-un-cuistre-de-ministre.html

 

 

12/05/2015

Quant aux rois d'Asie et aux itimadoulets qu'on adore , je crois qu'on fait beaucoup mieux de les éviter

... De même que tous les saints et prophêtes, gourous et marchands d'illusions qui en foule viennent bouffer les dernières bribes de raison des humains crédules, si tant est qu'ils en aient jamais eue !

 

 

conquérir le monde.gif

 But inavoué ou revendiqué bien haut de toutes religions et partis politiques via leurs représentants séculiers et réguliers

 

 

« A Charles-Jean-François Hénault

15 mai [1760]

Votre amusement lyrique 1

M'a paru du meilleur ton .

Si Linus fit la musique,

Les vers sont d'Anacréon .

L'Anacréon de la Grèce

Vaut-il celui de Paris ?

Il chanta la double ivresse

De Silène et de Cypris ;

Mais fit-il avec sagesse

L'histoire de son pays ?

Après les travaux austères,

Dans vos doux délassements,

Vous célébrez les chimères .

Elles sont de tous les temps ;

Elles nous sont nécessaires ;

Nous sommes de vieux enfants :

Nos erreurs sont nos lisières ,

Et les vanités légères

Nous bercent en cheveux blancs .

Quiconque a fait le dialogue entre le curé de Courdimanche et moi,2 son digne successeur, est assurément très aimable, et véritablement philosophe . Je ne connais rien de plus beau, de plus vrai que ce petit passage :

Le sentiment de l'immortalité 3 est un sentiment, et il n'y a rien de plus réel qu'un sentiment, car nous ne sommes que cela .

Je souscris à cet Évangile .

Quant aux rois d'Asie et aux itimadoulets 4 qu'on adore , je crois qu'on fait beaucoup mieux de les éviter et de mettre entre eux et le le fou ou le sage un fil long de cinq cent mille brasses .

Libertas quae sera temen respexit inerteme 5.

L'indépendance aux pieds du mont Caucase vaut lieux assurément que les chaines dorées de Babylone ; j'ai tâté de tout cela et, si j'avais à renaître, je prendrais de bonne heure le parti que j'ai pris sur la fin de ma vie .

Il est vrai que des circonstances uniques se sont réunies en ma faveur ; trouver des terres libres où on est le maître absolu, être à la fois dans trois souverainetés et ne dépendre d'aucune, c'est un bonheur singulier, auquel je n'osais pas prétendre .

Di melius fecere : bene est ; nihil amplius opto 6 .

Je crois que cela m'a prolongé la vie, car par toutes les règles ma figure légère devrait être il y a longtemps avec la masse du curé de Courdimanche .

Songez-vous bien, mon illustre et respectable confrère, que de tous ceux qui assistèrent à l’extrême-onction que je donnai au curé et à cette fête que vous embellîtes, il n'y a que vous et moi qui soyons en vie ?

Conservez-vous, je vous en conjure . Je vous promets de venir dans vingt ans célébrer avec vous l'anniversaire du curé : à condition que le souper se fera chez Mme du Deffand, dont l'amitié doit contribuer à vous faire aimer la vie et à la rendre très agréable .

Le roi de Prusse vient de donner une édition plus ample et plus correcte de ses poésies ; il en a ôté, comme il le dit, dans sa préface, tous les endroits scandaleux que les éditeurs infidèles y avaient glissés . Par exemple, au lieu de ces vers :

Allez, lâches chrétiens, que vos feux éternels,

il a mis :

Allez, pauvres chrétiens, 7 etc ?

Il faut avouer que cela est bien plus circonspect . Nous sommes en effet, nous autres, de très pauvres chrétiens , surtout ceux qui ont des annuités, et des billets de la quatrième loterie ; c'est bien cela qui est chimère, mais ce n'est pas chimère agréable . La plus douce réalité, monsieur, que je connaisse est l'honneur de votre souvenir ; comptez que je vous suis tendrement attaché ainsi qu'à Mme du Deffand . Mme Denis vous remercie bien d'avoir pensé à elle . Savez-vous qu'elle est devenue une actrice excellente : elle a ce que Mlle Clairon n'a point, le don des larmes, et joue avec la même vérité . Aussi nous nous en donnons ; le théâtre n'est pas grand mais il est rempli . N'approuvez-vous pas ces chimères ? Rien n'est plus vrai que les sentiments de l'estime infinie qu'elle partage avec moi pour tout ce que vous avez fait, pour votre personne, pour votre caractère . Vous régnez dans ce petit coin du monde comme dans la bonne compagnie de Paris .

 "

3 Lapsus pour « désir de l'immortalité » qu'avait écrit Hénault .

4 Ce titre désignerait, selon Raymond, Dictionnaire des termes appropriés aux arts et aux sciences, et des mots nouveaux que l'usage a consacrés, 1824, un grand personnage de Turquie , d’autres disent de Perse . Le radical de ce mot, itimad, est arabe .

5 La liberté, qui m'a enfin regardé d'un œil favorable, malgré mon insouciance ; Virgile, Bucoliques, I, 28 .

6 Les dieux ont mieux fait les choses ; c'est bien, je ne souhaite rien de plus ; Horace, Satires, II, vi, 4 .

 

11/05/2015

l'histoire ne doit être ni une satire, ni un panégyrique, ni une gazette.

... Qu'on se le dise, qu'on se le grave dans le crâne et dans les textes à l'heure où la réformite aigüe frappe une nouvelle fois l'Education nationale .

Le Siècle des Lumières passant au rang de connaissance "facultative" , entre autres, me fait bouillir .

Une consultation des enseignants est programmée, 800000 enseignants consultés et donc 800000 avis différents, sur lesquels planera l'avis de notre ministre Najat Vallaud Belkacem :    «L'enseignement de l'histoire doit bien être un récit qui raconte notre appartenance à la communauté nationale, pas seulement une succession de dates. Mais il faut veiller à ne pas instrumentaliser ce récit .», et moi je dis "écoutez Voltaire, ça ne peut que vous faire du bien !"

 Suite au prochain numéro !...

m sieur m sieur.jpg

 M'sieur ! M'sieur !

S'il-vous-plait ! ne restez pas dans le flou, éclairez-nous !

 

 

« A Ivan Ivanovitch SCHOUVALOV
Tournay, par Genève, 14 mai [1760]
Monsieur, j'ai reçu aujourd'hui, par les mains du jeune M. de Soltikof, les deux mémoires dont Votre Excellence a bien voulu le charger pour moi. Je me flatte que je recevrai autant d'instructions sur les affaires et sur la guerre que j'en reçois sur les moines et sur les religieuses.

Je présume, monsieur, que vous avez reçu à présent le volume qui va jusqu'à Pultava, et que vous ne laisserez point imparfait le bâtiment que vous avez élevé. Quoique j'aie suivi en tout, dans ce premier volume, les mémoires authentiques que j'ai entre les mains, cependant si je me suis trompé
en quelque chose, ou même si j'ai dit quelques vérités que le temps présent ne permette pas de mettre au jour, il sera aisé de substituer d'autres pages aux pages que vous croirez devoir être réformées. Cette histoire est votre ouvrage plutôt que le mien ; il ne doit paraître que sous vos auspices: ainsi tout doit être muni du sceau de votre approbation. Je suis bien persuadé que vous n'aurez point de vains scrupules ; votre esprit juste en est incapable. Vous savez mieux que moi ce que je vous ai toujours dit, que l'histoire ne doit être ni une satire, ni un panégyrique, ni une gazette. Il faut surtout que l'histoire puisse fouiller dans le cabinet, sans pourtant abuser de cette permission.
J'espère que la paix de l'Europe, qui ne peut nous être donnée que par vos armes victorieuses, sera l'époque de la publication de l'Histoire de Pierre le Grand. Ce sera une grande consolation pour moi de servir à réfuter les calomnies odieuses dont on a osé noircir depuis peu 1 ce héros de votre nation. Mais je suis bien vieux et bien infirme ; il faut que je me hâte et que 2 je ne meure point avec le regret de n'avoir point achevé ce que vous avez fait commencer.

Je n'ai aucune nouvelle des paquets par moi envoyés 3.Je suis toujours à vos ordres.
J'ai l'honneur d'être, avec les plus respectueux sentiments,

monsieur, 4

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur V. »

1 Ce mot manque dans les éditions précédentes .

2 Que manque dans les éditions .

3 Cette phrase manque dans les éditions .

4 La fin de lettre depuis monsieur manque dans les éditions .