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13/08/2015

Il faut que vous me fassiez un plaisir essentiel ; je veux finir ma vie par le supplice que demandait Arlequin ; il voulait mourir de rire

... Malheureusement, ami Voltaire tu ne seras pas exaucé !

 

Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 13/8/2015

 

 

« A Jean La Rond d'Alembert

À Ferney , 13 d'auguste [1760]

Vous êtes assurément, mon divin Protagoras, un des plus salés philosophes que je connaisse ; vous devriez bien honorer de quelques pincées de votre sel cette troupe de polissons hypocrites, qui veut tantôt être sérieuse et tantôt plaisante, et qui n'est jamais que ridicule . Si on ne peut avoir l'aréopage de son côté, il faut avoir les rieurs, et il me parait qu'ils sont pour nous .
Sans doute , il faut se réunir avec Duclos, et même avec Mairan, quoiqu'il se soit plaint autrefois amèrement d'être contrefait par vous en perfection ; il faut qu'on puisse couvrir tous les philosophes d'un manteau ; marchez, je vous en conjure, en bataillon serré . Je suis enivré de l'idée de mettre Diderot à l'Académie ; ou je me trompe, ou vous avez une belle ouverture . L'Académie travaille à son dictionnaire, et y fait passer tous les termes des arts . On dira au roi qu'on ne peut achever ce dictionnaire sans Diderot ; cela pourra exciter une petite guerre civile ; et à votre avis, la guerre civile n'est-elle pas fort amusante ? Après avoir fait entrer Diderot, je prétends qu'on fasse entrer l'abbé Mords-les . Il ne se passait pas de jour de poste que je n'écrivisse pour cet abbé, que je n'ai pas l'honneur de connaitre ; mais j'aime passionnément mes frères en Belzébuth . Je crois , entre nous, que M. d'Argental a fait déterminer le temps de sa captivité en Babylone, et qu'il a beaucoup plus servi que Jean-Jacques à délivrer notre frère .

J'ai lu mon Commercium epistolicum 1 que Charles Palissot a fait imprimer . Je ne sais pas si un bon chrétien comme lui, qui se respecte et qui observe toutes les bienséances, est en droit d'imprimer les lettres qu'on lui écrit . Il a poussé la délicatesse jusqu'à altérer le texte en plusieurs endroits ; mais il en reste encore assez pour que le public ait quelques reproches à lui faire sur sa conduite et sur ses œuvres . Il me semble qu'il s'est fait son procès lui-même : le pis de la chose, c'est qu'il croit sa pièce bonne, parce qu'elle n'est pas absolument mal écrite ; il ne sait pas encore qu'il faut être ou plaisant ou intéressant .

On m'a parlé d'une lettre au vieux Stentor-Astruc 2, qu'on dit qui fait crever de rire ; j'espère que le fidèle Thieriot me l'enverra . Adieu, mon grand et charmant philosophe ; quoique j'aie dit à Palissot que vous m'écrivez quelquefois des lettres de Lacédémonien 3, je voudrais que vous fussiez avec moi le plus diffus de tous les hommes .

Il faut que vous me fassiez un plaisir essentiel ; je veux finir ma vie par le supplice que demandait Arlequin 4; il voulait mourir de rire . Engagez l'ami Thieriot ou le prêtre de Baal, Mord-les, à me donner les éclaircissements suivants que je demande.
Quelques anecdotes vraies sur Gauchat et Chaumeix, quels sont leurs ouvrages, le nom de leurs libraires ; le catalogue des œuvres de l'évêque du Puy Pompignan, en recommandant à l'ami Thieriot de m'envoyer la Réconciliation de la pitié et de l'esprit 5, le nom de la m[ère] nommée par l'archevêque 6 pour directrice de l’hôpital, le nom du magistrat qui a le plus protégé en dernier lieu les convulsionnaires, le nom du révérend père jésuite du collège Louis le Grand, qui passe pour aimer le plus tendrement la jeunesse . J'attends ces utiles mémoires pour mettre au net une Dunciade ; cela m'amuse plus que Pierre le Grand . J'aime mieux les ridicules que les héros . Le Conte du Tonneau 7 a fait plus de mal à l’Église romaine que Henri VIII.

Luc périra . C'est bien dommage que Luc ait voulu faire le roi ; il ne devait faire que le philosophe .8

Je viens de lire le passage d'un jacobin ; le voici : « Le prêtre qui célèbre fait beaucoup plus que Dieu n'a fait ; car celui-ci travailla pendant sept jours à faire des ouvrages de boue ; l'autre engendre Dieu même, la cause des causes ,etc. » Ce passage est de frère Alain de La Roche, in Tractu de dignitate sacerdotum 9. L'abbé Mords-les devrait bien déférer ce jacobin à nos seigneurs de la classe du parlement . »

 

1 Ces mots désignent un commerce épistolaire, mais V* a remplacé l'adjectif attendu, epistolaris, ou à la rigueur epistolarius, par epistolicus, cration plaisante obtenue par contamination entre les précédents et apostolique, apostolique . Il s'agit des lettres échangées avec Palissot .

2 Cette lettre à Astruc, l'un des anciens « sept sages » de Mme de Tencin, n'est pas connue . S'il s'agit d'une œuvre de V*, aurait-elle un rapport avec le « Kouranskoy » de la lettre du 6 juillet 1760 à d'Argental ?  : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/12/05/il-faut-qu-ils-sachent-que-je-suis-heureux-et-qu-ils-crevent-5732403.html

4 La plaisanterie était traditionnelle ; on la trouve notamment dans Arlequin empereur de la lune, de Remy et Chaillot, d'après Arlequin Grapignan, de Fatouville , 1684 .

5 La Dévotion réconciliée avec l'esprit, de Pompignan ; voir lettre du 17 septembre 1759 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/10/quand-on-se-trouve-en-etat-de-faire-du-bien-a-une-demi-lieue-de-pays-cela-e.html

6 Voir la Lettre de M. l'archevêque de Lyon [Antoine de Malvin de Montazet] primat de France, à M. l'archevêque de Paris, 1760 . Cette brochure traite de l'affaire des religieuses hospitalières du faubourg Saint-Martin-d’Hères, dont on reparlera  .

7The Tale of a Tub, de Swift .

8 Ces deux phrases ont été ajoutée par Renouard, LXII, 127 .

9 Alanus de Rupe est un dominicain du XVè siècle, cofondateur de la confrérie du Rosaire . Ce Traité de la dignité des prêtres dont parle V* n'est pas connu .

12/08/2015

je vais tâcher de trouver quelque calviniste moins barbare 

... Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 12/8/2015

 

 

« Au marquis Francesco Albergati Capacelli

senatore

à Bologna

12è auguste 1760 aux Délices

C'est pour vous dire, monsieur, que le même marchand de Genève qui se chargea de vous faire passer le Bolingbroke , et le Shaffsbury, ne veut plus se charger de rien pour des papistes ; il prétend qu'on a fait mille difficultés en Italie à ces paquets ; il avait depuis plus de huit jours entre ses mains la tragédie que je vous ai si longtemps promise, et qui ne valait pas la peine d'être si longtemps attendue . Il me l'a renvoyée fort durement en franc marchand genevois ; je vais tâcher de trouver quelque calviniste moins barbare : si, de votre côté, monsieur, vous avez quelque correspondance sur laquelle vous puissiez vous faire adresser sûrement le paquet, je suis à vos ordres .

Cette petite pièce de L’Écossaise a dans Paris un prodigieux succès ; le traducteur de M. Hume y a fait quelques légères additions qui ont beaucoup contribué à cette réussite . Jouissez, monsieur, dans votre belle campagne de vos loisirs et de vos travaux, et comptez que je vous suis aussi attaché que si j'étais un de vos convives ; je porte envie à M. Algarotti avec qui probablement vous soupez ; pardonnez à un vieux malade de n'avoir pas l'honneur de vous écrire de sa main .

Mille tendres respects .

Le Suisse V. »

11/08/2015

un dictionnaire sans citations est un squelette

... C'est là qu'est l'os !

 

Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 11/8/2015

 

 

« A Charles Pinot Duclos

11 auguste 1760

Je sais depuis longtemps que vous avez autant de noblesse dans le cœur que de justesse dans l'esprit . Vous m'en donnez aujourd'hui de nouvelles preuves . Je ne doute pas que vous ne veniez à bout d’introduire M. Diderot dans l'Académie française, si vous entreprenez cette affaire délicate . Je vois que vous la croyez nécessaire aux lettres et à la philosophie dans les circonstances présentes . Pour peu que M. Diderot vous seconde par quelques démarches sages et mesurées auprès de ceux qui pourraient lui nuire, vous réussirez auprès des personnes qui peuvent le servir . Vous êtes à portée, je crois, d'en parler à Mme de Pompadour, et quand une fois elle aura fait agréer au roi l'admission de M. Diderot, j'ose croire que personne ne sera assez hardi pour s'y opposer . Nous ne sommes plus au temps des théatins évêques de Mirepoix 1 . Il vous sera d'ailleurs aisé de voir sur combien de voix vous pouvez compter à l'Académie . Vous aurez l'honneur d'avoir fait cesser la persécution, d'avoir vengé la littérature et d'avoir assuré le repos d'un des plus estimables hommes du monde , qui sans doute est votre ami . M. d'Alembert me parait disposé à faire tout ce que vous jugerez à propos pour le succès de cette entreprise . Je prends la liberté de vous exhorter tous deux à vous aimer de tout votre cœur . Le temps est venu où tous les philosophes doivent être frères, sans quoi les fanatiques et les fripons les mangeront tous les uns après les autres .

Je suis entièrement à vos ordres pour le dictionnaire de l'Académie 2: je vous remercie de l'honneur que vous voulez bien me faire . J'en serais peut-être bien indigne, car je suis un pauvre grammairien , mais je ferai de mon mieux pour mettre quelques pierres à l'édifice . Votre plan me parait aussi bon que je trouve l'ancien plan sur lequel on a travaillé mauvais . On réduisait les dictionnaire aux termes de la conversation et la plupart des arts étaient négligés . Il me semble aussi qu'on s’était fait une loi de ne point citer, mais un dictionnaire sans citations est un squelette .

Je suis un peu surpris de vous voir dans le secret de notre petite province de Gex, dont j'ai fait ma patrie, mais je ne le suis pas du service que vous voulez bien me rendre . J'en suis pénétré . Je crains fort de ne pouvoir obtenir de messieurs du domaine ce que j'aurais pu avoir aisément d'un prince du sang 3, comme engagiste 4 . Mais j'ai toujours pensé qu'il faut tenter toute affaire dont le succès peut faire beaucoup de plaisir, et dont le refus vous laisse dans l'état où vous êtes . J'aurai l'honneur de vous rendre compte de l'état des choses dès que M. le comte de La Marche aura conclu avec Sa Majesté, et je vous avoue que j'aimerais mieux vous avoir l'obligation du succès qu'à tout autre . Cependant l'affaire de Diderot me tient encore plus à cœur que le pays de Gex . J'aime fort ce petit coin du monde, c'est comme le paradis terrestre, un jardin entouré des montagnes 5 ; mais j'aime encore mieux l'honneur de la littérature . Je vous demande pardon de ne pas vous écrire de ma main, je suis un peu malingre .

Encore un mot, je vous prie, malgré mon peu de forces, il me vient dans la tête que le travail de votre dictionnaire devient la raison la plus plausible et la plus forte pour recevoir M. Diderot . Ne pourriez-vous pas représenter ou faire représenter combien un tel homme vous devient nécessaire pour la perfection d'un ouvrage nécessaire ? ne pourriez-vous pas, après avoir établi sourdement cette batterie, vous assembler sept ou huit élus et faire une députation au roi pour lui demander M. Diderot comme le plus capable de concourir à votre entreprise ? M. le duc de Nivernais ne vous seconderait-il pas dans ce projet ? ne pourrait-il pas même se charger de porter avec vous la parole?Les dévots diront que Diderot a fait un ouvrage de métaphysique qu'ils n'entendent point : il n'a qu'a répondre qu'il ne l'a pas fait et qu'il est bon catholique ; il est si aisé d'être catholique !

Adieu, monsieur, comptez sur ma reconnaissance et mon attachement inviolable . Vous prendrez peut-être mes idées pour des rêves de malade . Rectifiez-les, vous qui vous portez bien . »

1 Boyer, de l'ordre des théatins était devenu évêque de Mirepoix .

2 La quatrième édition du Dictionnaire de l'Académie française était en préparation (elle parut en 1762) ; on aura l'occasion de voir la part qu'y prit V*.

3 Le comte de La Marche .

4 « Celui ou celle qui détient une portion du domaine royal, aliénées sous condition de la faculté de rachat »(selon le Dictionnaire général)

5 Tout comme l'Eldorado de Candide .

quand on a la guerre avec les Anglais, il faut donner la moitié de son bien pour défendre l'autre

... Et ça se vérifie encore pour le retrait des GB (Gueules de Bois) de l'Europe : le  Brexit ! Il reste 50 jours pour trouver un accord avec le Parlement européen, faute de quoi on va se retrouver avec un noeud gordien : qui tranchera ?

 

Mise en ligne le 16/11/2020 pour le 11/8/2015

 

 

« A François de Chennevières

11è août 1760 aux Délices

Mon cher correspondant, il me parait que le roi s'est expliqué, cum brevitate imperatoria 1; je n'entends rien à toutes ces remontrances des parlements, je sais seulement que quand on a la guerre avec les Anglais, il faut donner la moitié de son bien pour défendre l'autre ; je ne crois point que Breslau soit encore pris 2; mais je suis sûr que le roi de Prusse est très serré de tous côtés . On parle d'un échec que nous avons eu dans la Hesse ; on commence à nier notre défaite vers Pondichéry . Le temps éclaircira tout ; il n’affaiblira jamais mon attachement pour vous . Je recommande les deux incluses à vos bontés . »

1 Avec un laconisme impérial .

2 Laudon avait attaqué Breslau du 30 juillet au 2 août 1760, mais la ville se défendit bien, et faute de renforts, le général autrichien fut obligé de lever le siège .

en faisant bâtir actuellement une église ; je sais bien que cette bonne œuvre me ruine dans ce monde-ci, mais Dieu me le rendra dans l'autre ; je voudrais pouvoir un jour y entendre une messe avec vous ...

... Qui croirait qu'on verrait un jour des catho manifester devant leurs églises pour exiger qu'on les laisse participer à des messes comme avant la confinement ( oui, fin 2020 on vit confiné pour éviter la propagation du virus covid19, mortel ) ?

"Rendez-nous la messe" demandent les catholiques qui manifestent à Saint-Maur-des-Fossés (Val de Marne)

Et comme toujours la comtesse est folle de la messe !

Et le virus soluble dans l'eau bénite !

 

Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 11/8/2015

 

 

« A Octavie Belot

11è août [1760]

M. Helvétius et M. La Popelinière, madame, sont à mes yeux des hommes respectables, car ils sont philosophes, et ils font tout le bien qu'ils peuvent . Ils ne présentent point de mémoires au roi, pour lui dire qu'ils ont une belle bibliothèque, et qu'ils ont eu autrefois des conversations amicales avec le feu chancelier d'Aguesseau ; il n'en est pas de même de M. Lefranc de Pompignan ; il écrit au roi, il n'est point philosophe, et il fait tout le mal qu'il peut .

J'ai vu enfin les lettres de M. Palissot de Montenoy ; je ne sais pas si la religion et la morale enseignent à faire imprimer les lettres d'un homme sans son consentement ; il a un peu altéré la pureté du texte ; mais il ne faut pas y regarder de si près, tous ces rogatons me viennent fort tard, et je n'ai lu aucune fréronade .

Je remercie M. Darget de son souvenir, et je vous prie, madame, de vouloir bien lui dire que je lui suis toujours très tendrement dévoué, je ne sais point quel est l'auteur du poème sur la peinture, dont vous me parlez 1, ni quelle est son aventure ; je ne connais de sœur du pot 2, que celle de mon village . Au reste, je ne réponds à toutes les calomnies dont on accable les philosophes, et à toutes les accusations ridicules d'irréligion, qu'en faisant bâtir actuellement une église ; je sais bien que cette bonne œuvre me ruine dans ce monde-ci, mais Dieu me le rendra dans l'autre ; je voudrais pouvoir un jour y entendre une messe avec vous ...

V. »

1 V* aurait-il oublié que cet auteur est Watelet , voir lettre du 25 avril 1760 à Watelet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/04/25/je-n-ai-vu-nulle-part-une-telle-situation-5610226.html

Ils me verront enterré dans le chœur avec une auréole sur la tête . Ils seront bien attrapés

... Pas de choeur, mais la crypte du Panthéon pour le plus ancien habitant des Aux Grands Hommes etc. Toujours debout, dominant "ce fou de Jean-Jacques" .

Visite du Panthéon de Paris, à la gloire des grands personnages de France

Mise en ligne le 16/11/2020 pour le 11/8/2015

 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

11 august [1760] fi – que août est barbare !

A peine eus-je écrit à l'ancien ami pour avoir des nouvelles, que Dieu m'exauça, et je reçus sa lettre du 30 juillet dans laquelle il me parlait de la libération de l'abbé Mords-les, et de L’Écossaise et de Catherine Vadé, et d'Alétof etc. M. d'Argental est celui qui a le plus contribué à nous rendre notre Mords-les . J'ai écrit tous les jours de poste . J'ai toujours été la mouche du coche, mais je bourdonne de si loin qu'à peine m'entend-on .

Oui, j'ai mon Moïse complet 1. Il a fait le pentateuque comme vous et moi, mais qu'importe ! Ce livre est cent fois plus amusant qu'Homère , et je le relis sans cesse avec un ébahissement nouveau .

Vous auriez bien dû cependant m'envoyer l'édition de mon commerce épistolaire avec le divin Palissot . Je veux voir si le texte est pur .

Il se montre donc, ce cher Palissot ? il exulte en public ? il ne sait donc pas que sa pièce des Philosophes est de frigidis 2?

Mon ancien ami, il y a trois mois que je crève de rire en me levant et en me couchant . C'est d'ailleurs un drôle de corps que notre ami Protagoras ; il est têtu comme une mule , il est tout plein d'esprit, il a toutes sortes d'esprit, il est gai, il est charmant . Il n'ira point en Brandenbourg de par tous les diables, car Luc est aux abois . Sa tentative sur Dresde n'est qu'un coup désespéré . Quomodo cecidisti de coelo Lucifer qui mane oriebaris 3! Ô Luc, l'aurais-tu cru que je serais cent fois plus heureux que toi !

Mon ancien ami, il faut que nous nous revoyons avant d'aller trouver Virgile et l'abbé Pellegrin dans l'autre monde . Qu'est-ce que vous faites chez le médecin Baron ? Venez aux Délices, elles sont plus riantes que la rue Culture-Sainte-Catherine .

V. 

Souvenez-vous que je me ruine à bâtir une église . Je veux qu'Abraham Chaumeix et ses consorts en sèchent de douleur . Ils me verront enterré dans le chœur avec une auréole sur la tête . Ils seront bien attrapés . Interim vivamus 4.

Je viens de recevoir mes lettres à Palissot avec les réponses, au lieu des lettres de Palissot avec mes réponses . Ce Palissot est un peu infidèle 5

1 Mose's legation, ouvrage de Warburton .

2 À la glace .

3 Comment es-tu tombé du ciel , Lucifer, toi qui ce matin te levais ? : Isaïe, XIV, 12 .

4 En attendant vivons .

5 Palissot a omis quelques passages qui selon lui, étaient trop flatteurs pour lui .

10/08/2015

Je vous conjure de ne point tomber dans l'inconvénient où nous avons déjà été, de publier des fautes dans la vaine idée que les lecteurs les pardonneront . On ne pardonne rien

... Mea culpa ou pas mea culpa, pas d'absolution ? Vous êtes durs !

Je vais dire deux navets et trois parterres en pénitence , et on reprend tout à zéro faute .

 

Mis en ligne le 15/11/2020 pour le 10/8/2015

 

 

« A Gabriel Cramer

[vers le 10 août 1760]

Il est impossible , mon cher Gabriel, que vous ayez pu en si peu de temps faire tous les cartons, les sécher, les mettre à leur place, faire les ballots et les envoyer à la dogana 1. Je vous conjure de ne point tomber dans l'inconvénient où nous avons déjà été, de publier des fautes dans la vaine idée que les lecteurs les pardonneront . On ne pardonne rien . Envoyez le ballot en Angleterre, mais par Dieu avec les cartons .

Le duc de Deux-Ponts 2 est un peu cause de la brûlure de Dresde . Que dites-vous d'un gros pifre de roi 3 qui laisse brûler sa capitale et qui va à la chasse en Pologne !

et les Russes qui n'avancent point !

et Daun qui s'est laisser tromper . Cependant Dresde n'est pas pris . Luc a perdu beaucoup de Borusses 4 . »

1 Douane .

2 Christian IV, duc de Zweibrücken ; voir Waddington, IV, 43 .

3 Frédéric Auguste II (Auguste III) duc de Saxe et roi de Pologne, dont la capitale héréditaire était Dresde .

4 Des Prussiens .