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14/11/2014

Il vaut cent fois mieux , en quelque temps que ce soit avoir des terres que des billets du roi

... Belle sagesse en tout temps .

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« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour

à Genève

ou à Sécheron 1

Pourquoi n'avons-nous pas entendu parler du baron que nous aimons ? Comment se porte toute sa famille ? Il me semble que nous avons bien des choses à nous dire . Nous avons eu tous un beau pied de nez d'avoir confié notre argent aux loteries et aux annuités ; nous avons prêté notre bien à un prodigue imbécile qui se ruinait ; comptez que nos fiances sont dans un état pire qu'à la mort de Louis XIV . Il vaut cent fois mieux , en quelque temps que ce soit avoir des terres que des billets du roi . Si vous avez des nouvelles, je vous supplie d'en faire part à l'ermite des Délices .

5è novembre 1759 »

1 Ou à Sécheron a été ajouté par V* sur le manuscrit original .

 

13/11/2014

que de châteaux en Espagne nous avons bâtis! Il est vrai que ce n'est pas actuellement en France qu'on en fait d'agréables

... Aurait pu dire le secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert en déclarant: "On ne peut pas graver dans le marbre une situation qui dépend d'un contexte international que nous ne maîtrisons pas", ce qui laisse à penser que nous n'avons que des châteaux de sable .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
A Tournay, 5 novembre [1759] par Genève.
Divins anges, les députés de votre hiérarchie 1 vous auront peut être rendu compte de la descente qu'ils ont faite dans nos cabanes. Baucis et Philémon ont fait de leur mieux. Deux tragédies en deux jours ne sont pas une chose ordinaire dans les vallées du mont Jura. Mme de Chauvelin nous a payés comme les sirènes, en chantant d'une manière charmante, et en nous ensorcelant. J'ai retrouvé monsieur l'ambassadeur tout comme je l'avais laissé, il y a environ quatorze ans, ayant tous les moyens de plaire, sans avoir lu Moncrif 2, et expédiant dans ce département dix ou douze personnes à la fois. J'ai retrouvé ses grâces et ses mœurs faciles et indulgentes, que ni les Corses ni les Allobroges n'ont pu diminuer. Vous savez que, malgré cette envie et ce don de plaire à tout le monde, vous avez le fond de son cœur, dont il distribue l'écorce partout. Nous nous sommes trouvés tous réunis par le plaisir de vous aimer. Combien nous avons tous parlé de vous ! combien nous vous avons regrettés ! et que de châteaux en Espagne nous avons bâtis! Il est vrai que ce n'est pas actuellement en France qu'on en fait d'agréables. Les nouvelles foudroyantes qui nous ont atterrés coup sur coup ne paraissent pas rendre le séjour de Paris délicieux.
Divins anges, je ne me sens porté ni à revoir Paris ni à y envoyer mes enfants. Notre Chevalerie demande, ce me semble, à être jouée dans un autre temps que celui de l'humiliation et de la disette. Nous l'avons jouée trois fois sur mon théâtre de marionnettes, dans ma masure de Tournay ; deux fois devant les Allobroges et les Suisses, sans avoir la moindre peur. Mais, quand il a fallu paraître devant vos députés, nos jambes et nos voix ont tremblé. Nous avons pourtant repris nos esprits, et nous avons fait verser des larmes aux plus beaux et aux plus vilains visages du monde, aux vieilles et aux jeunes, aux gens durs, aux gens qui veulent être difficiles. Les deux députés célestes ont vu qu'en un mois de temps nous avions profité de tous les commentaires de Mme Scaliger. Je leur laisse le soin de vous mander tout ce qu'ils pensent de la pièce et des acteurs.
Vous serez sans doute surpris que la Chevalerie ne vous parvienne pas avec ma lettre ; mais il faut que vous conveniez que trois représentations doivent éclairer assez un auteur pour lui faire encore retoucher son tableau. Il a été d'abord esquissé avec fougue, il faut le finir avec réflexion. Passez, encore une fois, Vamir et Spartacus 3; passez. J'augure beaucoup du gladiateur, et je souhaite passionnément que Saurin réussisse. Mon cher ange, je crois que cet hiver doit être le temps de la prose, du moins pour moi. Saurin d'ailleurs a besoin d'un succès pour sa considération et pour sa fortune. Je vous avoue que, si j'ai aussi quelque petit succès à espérer, je le veux dans un temps moins déplorable que celui où nous sommes. Je veux que certaines personnes 4 aient l'âme un peu plus contente. Ce n'est pas à des cœurs ulcérés qu'il faut présenter des vers ; c'est aux âmes tranquilles, et douces et sensibles, à la fois, comme la vôtre.
Mérope-Amènaïde-Denis vous fait mille compliments, et moi, je vous adore plus que jamais.

V. »

1 Les Chauvelin . Voir lettre du 31 octobre 1759 à Jacob Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/10/il-nous-faut-des-gens-aimables-5486798.html

2 Allusion à l'ouvrage de Moncrif, intitulé Essais sur la nécessité et sur les moyens de plaire ; http://books.google.fr/books?id=ZLmz3XtsqbwC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

V* y fait allusion dans Jeannot et Colin ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-30401420.html

3Sur ces pièces, voir la lettre du 24 octobre 1759 à d'Argental :http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/24/on-paye-cher-les-malheurs-de-nos-generaux.html

Dans la phrase qui suit, Passez est ajouté au-dessus de la ligne ; dut-il même payer mes sentiments d'ingratitude, omis dans la copie de l'édition de Kehl manque dans les éditions suivantes .

4 La Pompadour, entre autres.

 

le plaisir ne laisse pas de fatiguer. Je vais me coucher à dix heures du matin

... Il est toujours 10h quelque part sur notre globe .

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« A Jacques-Abram-Elie Clavel de BRENLES 1

assesseur baillival, etc.

à Lausanne
4è novembre 1759 aux Délices .
Mon cher ami, le plaisir ne laisse pas de fatiguer. Je vais me coucher à dix heures du matin, cela est, comme vous dites, d'un jeune homme de vingt-cinq ans. Permettez que je ne réponde pas de ma main, parce qu'elle est encore toute tremblante de la joie que j'ai eue de voir jouer Mérope par Mme Denis, comme elle l'a été par Mlle Dumesnil dans son bon temps 2. Il ne manquait que vous à nos fêtes; j'espère que cet hiver nous viendrons vous enlever, vous et madame votre femme. Vous me direz peut-être qu'il n'est pas fort honnête d'avoir tant de plaisir, dans le temps que les affaires de notre patrie vont si mal ; mais c'est par esprit de patriotisme que nous adoucissons nos malheurs. Je vous dois sans doute des remerciements de m'avoir envoyé le porteur de votre lettre ; s'il ressemble à son frère, j'aurai encore plus de remerciements à vous faire.
Mme Denis vous fait mille compliments. Je n'en peux plus ; bonsoir à dix heures du matin.
Je vous embrasse tendrement.

V. »

 

12/11/2014

Il y a bien longtemps que nous n'avons bu ensemble

... Il faut que frère Jouyet soit un terrible personnage, etc.

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Je bois à votre santé chère Mam'zelle Wagnière

 

 

« A Gabriel Cramer

 

[octobre-novembre 1759]

 

Il y a bien longtemps que nous n'avons bu ensemble . Il faut que frère Berthier soit un terrible personnage, puisqu'il n'est bruit que de lui à Paris, malgré la misère . Bonsoir . Je suis bien malade .

 

V. »

 

Point de billets, on leur retiendra des places

...

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« A Horace Vasserot de Vincy

Vendredi il y a anticonsistoire au château de Tournay, et probablement encore samedi . Si M. de Vincy, M. et Mme de Sacconay 1 daignent assister à cette œuvre de Satan 2, ils y trouveront la plus jolie ambassadrice qu'ait le roi très chrétien . Toute leur compagnie sera reçue avec plaisir, respect et reconnaissance . Point de billets, on leur retiendra des places pour quatre heures .

Mille respects .

V.

mardi [31 octobre 1759] 3»

1 Marc-Frédéric de Sacconay, seigneur de Bursinel, et son épouse née Rose-Marie de Wurstemberger .Voir : http://lumieres.unil.ch/projets/4/

2 Représentation de Tancrède .

3 Manuscrit olographe (château de Vincy, canton de Vaud, Suisse) avec note de Vasserot : « Des Délices – Voltaire / Du 31è octobre 1759 » ; cependant le manuscrit portait jeudi, corrigé ultérieurement en mardi .

 

 

 

11/11/2014

Les trois derniers arrêts du conseil montrent la corde, ou si on l'aime mieux le cul

... De qui ? de quoi ?

 Le roi est nu ?

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« A Jean-Robert Tronchin

Aux Délices 31 octobre [1759]

Les trois derniers arrêts du conseil montrent la corde, ou si on l'aime mieux, le cul . On dit Québec pris, M. de Montcalm tué . Je suis honteux d'être heureux parmi tant de désastres . Mon cher correspondant je vous demande un gros baril d’huile, non pas pour verser sur nos plaies qui sont incurables peut-être, mais pour manger des truites et des salades, car , quoique j'aie beaucoup d’huile de noix de mon cru, les truites aiment encore mieux l'huile de Provence . Je crois que vous avez été content de M. de Chauvelin . J’espère que vous le serez davantage quand il sera ministre des affaires étrangères . La paix et Dieu vous garde, disait don Japhet 1.

Je vous embrasse .

V. »

1 Il s'agit plutôt semble-t-il d'une allusion au bouffon de Charles V qu'au personnage créé par Scarron dans Dom Japhet d'Arménie : http://www.theatre-classique.fr/pages/programmes/edition.php?t=../documents/SCARRON_DOMJAPHETDARMENIE.xml

 

10/11/2014

Il nous faut des gens aimables

... Et soyons-le d'abord bien entendu .

Foin des gens détestables !

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« A Jacob Tronchin 1

Mercredi [31 octobre 1759] au soir

Monsieur Jacob Tronchin veut-il nous faire l'honneur de venir dîner demain avec une ambassadrice de dix-huit ans ?2 Nous ne saurions trop avoir de Tronchin, et je veux montrer à nos Françaises que nous ne sommes point si allobroges . Il nous faut des gens aimables, il faut que vous veniez . Le consistoire et le docteur le permettront, et nous vous pardonnerons de nous avoir longtemps négligés propter metum judaeorum 3.

Mille respects .

V. »

2 Chauvelin avait épousé le jeudi 5 avril 1759 Agnès-Thérèse Mazade d'Argeville dont la date de naissance exacte n'est pas connue mais dont les parents se sont mariés le 9 mars 1758 ce qui confirme sensiblement le renseignement donné par V* . Voir : http://gw.geneanet.org/garric?lang=fr&p=agnes+therese&n=mazade+d+argeville