Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

18/11/2014

jam cinis ater erat [ce n'était dejà plus que de la cendre noire]. Hélas ! avons-nous dit, c'est l’image de nos plaisirs !

...DSCF0702 cendre noire.JPG

 Nos plaisirs ne sont heureusement pas pas tous consumables , il en est, comme la fréquentation de Voltaire, la rencontre de Mam'zelle Wagnière, qui allument une flamme claire, inextinguible, sans fumée ni goût de cendre . 

DSCF0410 plaisir flamme.JPG

 

« A Bernard-Louis Chauvelin

Le 6 novembre [1759]

Vraiment c'est une justice de Dieu que mes chevaux aient égaré vos très aimables Excellences . Ils vous auraient menés par le droit chemin, s'ils vous avaient conduits dans nos chaumières ; mais ils sont comme moi : ils haïssent le chemin des cours et surtout n'aiment point à nous priver de votre présence . Voici le jour des contretemps . Il y avait un petit papier dans la lettre dont vous m'honorez ; j'ouvre la lettre avec Mme Denis et vous jugez bien que ce n’était pas sans précipitation : le petit papier vole dans le feu . Je me suis en vain brûlé le doigt index ; jam cinis ater erat 1. Hélas ! avons-nous dit, c'est l’image de nos plaisirs ! Voilà comme ce qu'il y a de plus aimable au monde nous a échappé .

Allez, couple charmant, trop prompt à disparaître

De nos simples hameaux par vous seuls embellis ;

Nous savons que les fleurs vont naître

Sur les glaces du mont Cenis .

Nous connaissons le dieu chargé de vous conduire ;

S'il vous a bien traités, vous l'imitez aussi .

Vous vous faites un jeu de savoir tout séduire,

Jusqu'à l'évêque d'Annecy .

C'est un dévot que ce prélat 2. Il vous dira qu'il faut suivre sa vocation, et il sentira bien que la vôtre est de plaire .

Comme les portes de la ville de Jean Calvin sont fermées à l'heure que je reçois le paquet de votre Excellence, elle ne l'aura que demain lundi . Apparemment que le libraire de Genève, rempli de conscience, vous a donné, pour votre argent, les livres en question pour suppléer aux œuvres du chevalier de Mouhy 3. Je doute que les grâces de madame l'ambassadrice s'accommodent de l'outrecuidance de Rabelais ; cependant il y a là de très bonnes vérités .

Si, dans le billet brûlé, il y avait quelqu'un de vos ordres, il vous en coutera encore deux ou trois mots pour réparer mon malheur .

Mérope-Aménaïde-Denis est enchantée de vous deux . Nous faisons comme on fera à Turin, nous en parlons sans cesse ; c'est une consolation que nous ne nous épargnerons pas .

Quand la cour de France voudra subjuguer quelque nation, allez-y tous deux ; passez-y seulement trois jours et l'affaire est faite . Vous avez rendu Genève toute française .

Couple adorable, recevez mes regrets, mon respect, mon attachement .

La marmotte des Alpes »

1 Ce n'était déjà plus que de la cendre noire ; Virgile, l'Enéide, IV,633 .

2 Sur les démêles de V* avec l'évêque d'Annecy, Mgr Biord, voir la lettre du 16 décembre 1758 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/12/28/des-les-premiers-temps-de-l-eglise-les-saints-peres-se-sont-5257676.html

3 Dans sa lettre du 24 mars 1759 à Dupont, V* attribue Candide au chevalier de Mouhy ; il désigne donc par cette expression ses propres œuvres , voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/05/08/j-ai-trois-terres-et-trois-proces-au-conseil-tout-cela-m-amu-5365216.html

 

 

 

 

17/11/2014

nous autres Français nous avons assez mal employé notre argent jusqu'aujourd'hui . Les murmures sont grands à Paris, les espérances assez médiocres, nous ne sommes pas brillants, mais quand serons-nous raisonnables ?

... Il en est qui parlent de "l'éternel féminin", serait-ce cela qui génère l'éternel "français" ?

Je suis plutôt tenté de croire à la constance dans l'irrationnel de nos raisonnements qui conduisent à "comment couler une entreprise en faisant une grève ", "comment mécontenter le maximum de citoyens avec le minimum de lois fiscales ", etc.

Pas "brillants" dit Voltaire ? je confirme . Un mandat présidentiel durant un lustre, sera-ce suffisant pour nous éclairer ?

 lustre xviii.jpg

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

6 novembre [1759]

Madame, permettez-moi d'écrire à Votre Altesse Sérénissime sur ce petit papier . Quelque plaisir que j'aie à lui présenter les hommages les plus bavards, je crains qu'un gros paquet passant par Francfort ne donne des tentations aux curieux . Il est vrai que leur curiosité serait attrapée mais il ne faut pas induire les gens en tentation .

Je prends donc madame, la liberté de faire passer par vos belles et respectables mains des choses 1 qui sûrement n'en valent pas la peine mais elles pourront acquérir quelque prix quand Votre Altesse Sérénissime aura daigné les transmettre sous son enveloppe . Elle daigne jouer le rôle de confidente d'un côté et de protectrice de l'autre . Elle aura probablement la bonté de me faire tenir la réponse . Il se passe des choses bien cruelles dans ce monde . Il y en a aussi de plaisantes .

Tout ce que je peux dire avec sûreté à Votre Altesse Sérénissime c'est que nous autres Français nous avons assez mal employé notre argent jusqu'aujourd'hui . Les murmures sont grands à Paris, les espérances assez médiocres, nous ne sommes pas brillants, mais quand serons-nous raisonnables ? Pour moi je ne suis qu'un pauvre Suisse , mais le plus respectueusement attaché à Votre Altesse Sérénissime .

V. »

1 Lettre à Frédéric II , contenant des propositions de paix, dont copie fut envoyée à Choiseul le même jour ; voir lettre du 6 novembre 1759 à Choiseul-Stainville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/15/nous-verrons-la-reponse-5490729.html

 

 

 

 

16/11/2014

Au préalable, il demandera permission à monsieur le subdélégué

...

subdélégué.jpg

 

 

 

 

« A Guillaume Corboz 1

à Ferney

Barnabé doit faire amener jeudi matin à Gex une cinquantaine de coupes de blé . On lui a donné douze sacs aux Délices . On doit lui en avoir fourni encore de Tournay ou de Ferney . Corboz ira recevoir le tout et le fera porter dans les greniers de Ferney . Il en donnera pour Tournay à mesure qu'il en manquera .

Au préalable, il demandera permission à monsieur le subdélégué, auquel il présentera mes très humbles obéissances .

Voltaire

Aux Délices 6è novembre 1759 »

1 Économe de Voltaire .

 

 

s'ils supportent les frais de la communauté, il est juste qu'ils jouissent des droits de la commune

... Ce qui sera difficile sinon impossible à faire comprendre à Marine ( oui, celle du Bleu )   et à bon nombre de bas de plafond . Tout le monde n'est pas doué de  l'intelligence de Voltaire .

 communiers.jpg

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry

Ceux qui se disent les seuls communiers 1 de Ferney ont voulu emprunter à leur seigneur de quoi payer les frais exorbitants que leur a faits le curé de Moëns ; ils avaient fait présenter une requête à monsieur l'intendant pour qu'il leur permit d'emprunter et d'engager les fonds de leur commune ; monsieur l'intendant a ordonné que toute la paroisse serait imposée au marc la livre 2 de la taille .

Comme ces communiers ne savent pas lire, ils ont cru, et ont fait croire qu'ils avaient la permission d'emprunter .

En conséquence ils ont passé un acte avec le seigneur qui leur a promis de leur prêter sans intérêt, suivant la permission de monsieur l'intendant ; mais comme cette permission n'existe pas, l'acte est nul . Il convient donc que tous les paroissiens soient taxés comme monsieur l'intendant l'a ordonné ; mais s'ils supportent les frais de la communauté, il est juste qu'ils jouissent des droits de la commune que jusqu'à présent quatre ou cinq personnes se sont arrogées .

Monsieur le subdélégué est supplié de donner ses ordres sur cette affaire ; le seigneur s'y conformera .

Je prends cette occasion pour le prier de vouloir aussi m'instruire, si dans les bois nommés forêts, de ce pays-ci les pins sont regardés sur le même pied que les chênes ; et si lorsqu'on a stipulé dans un bouquet de bois appelé forêt le nombre de pieds d'arbres, on n’entend pas les chênes seulement ?

Je supplie de vouloir bien marginer ce mémoire que je ne peux cacheter n'ayant ni cachet ni cire .

J'ai l'honneur d'être son très humble et très obéissant serviteur .

Voltaire

A Ferney 6 novembre 1759 »

1 Terme d'ancienne législation désignait les membres de la communauté d'une ville, de la commune .

2 A l'origine le marc valait la moitié de la livre de Paris ; mais à l'époque classique l’expression au marc la livre signifie simplement « suivant la proportion donnée ».

 

 

15/11/2014

nous verrons la réponse

...

- A Sarkozy qui veut se faire mousser une fois de plus, en envisageant l'abrogation de la loi sur le mariage pour tous

- A Poutine qui joue les vierges effarouchées parce qu'on n'aime pas sa conduite de semeur de soukh

- Aux manifestants qui braillent contre l'austérité, nécessaire pourtant

- Du G20 au virus Ebola

- De Bouteflika qui n'a plus guère de lueur de vie bien qu'ayant bénéficié de soins dans une clinique du nom d'une Lumière du XVIIIè, d'Alembert

- Des enfants du bon Dieu Jésus de Nazareth et de Marie-Madeleine lorsqu'on les prend pour des canards sauvages

- De Philae qui se gèle les pattes en blablatant avec Rosetta et ces fichus humains curieux de savoir d'où leur vient la vie 

Oui, je sens venir des réponses chaotiques

tchoury philae.jpg

 

- Etc...

 

 

« A Etienne-François de Choiseul-Stainville, duc de Choiseul

[6 novembre 1759]1

[Se plaint que Choiseul ne lui écrit pas assez souvent et lui envoie une copie de sa lettre à Frédéric II du même jour]

1 Cette lettre n'est connue que par la mention qu'en fait Choiseul à la fin de sa réponse à V* en date du 12 novembre 1759 . Elle accompagnait la copie d'une lettre de V* à Frédéric relative aux perspectives de paix (voir la lettre du 6 novembre 1759 ) . Voici ce qu'écrit Choiseul en réponse : « Ma lettre était finie quand je reçois la vôtre du 6 ; vous avez raison de me gronder ; ce n'est pourtant pas ma faute et je vous assure que je voudrais passer ma vie à vous écrire et à recevoir de vos lettres . Je n'adopte pas, ou du moins ne dois pas le dire, toute votre lettre à Luc ; il n'y a pas de mal que vous l'ayez envoyée ; nous verrons la réponse, mais je vous assure qu'elle sera fière surtout si, comme je n'en doute pas, il étrille MM. les Autrichiens avant la fin de la campagne. »

 

14/11/2014

j'attends quelque chose de mieux que vos ordres

...

yes sir.jpg

Un peu d'explications ne serait pas superflu ! dit la Russie à la France qui n'a pas (pas encore) livré le Mistral payé en son temps ; selon quelques bruits de couloir (rhodanien, vu le contexte ) on aurait essayé de leur refiler le bistrot de Plus Belle la Vie, ça n'a pas marché, pas assez de vodka dans le pastis . 

 

 

 

 

« Au marquis Francisco Albergati Capacelli

Au château de Tournay par Genève

6 novembre [1759] 1

Monsieur, une indisposition me prive de l'honneur de vous écrire de ma main . Mes marchés avec vous ne sont pas si bons que je m'en flattais, puisque ce n'est pas vous qui daignerez traduire la tragédie que vous m'avez demandée 2; vous l'auriez sûrement embellie ; nous l’avons jouée trois fois sur mon petit théâtre de Tournay , nous avons fait pleurer tous les Allobroges et tous les Suisses du pays 3; mais nous savons bien que ce n'est pas une raison pour plaire à des Italiens ; ce qui pourrait me donner quelque espérance c'est que nous avons tiré des larmes des plus beaux yeux qui soient à présent dans les Alpes, ces yeux sont ceux de madame l'ambassadrice de France à Turin ; elle a passé quelques jours chez moi avec monsieur l’ambassadeur et tous deux m'ont rassuré contre la crainte où j'étais de vous envoyer un ouvrage fait en si peu de temps . Ce ne sera qu'avec une extrême défiance de moi-même que je prendrai cette liberté . Mon théâtre se prosterne très humblement devant le vôtre ; nous savons ce que nous devons à nos maîtres . J'ai reçu La Mort de César de M. Agostini 4, j'admire toujours la fécondité et la flexibilité de votre langue, dans laquelle on peut tout traduire heureusement . Il n'en est pas ainsi de la nôtre, votre langue est la fille aînée de la latine . Au reste , j'attends vos ordres, monsieur, pour savoir comment je vous adresserai le paquet ; j'attends quelque chose de mieux que vos ordres, c'est l'ouvrage que vous avez bien voulu me promettre 5. J'ai l'honneur d'être à vous avec tous les sentiments que je vous dois

monsieur

votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire

gentilhomme ordinaire de la

chambre du roi

Si M. Algarotti est à Bologne, voulez-vous bien me permettre que je lui fasse mes compliments .

J'ai vu, monsieur, dans vos post-scriptum comment il faut s'y prendre pour l’envoi et j'en profiterai . »

1 Les précédentes éditions s'arrêtent à la signature .

2 Voir la lettre du 24 septembre 1759 à Capacelli : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/11/ma-jo-voglio-fare-un-buon-baratto-e-guadagnare-un-poco-in-qu-5465988.html

Dans sa lettre du 10 septembre 1759, Capacelli demandait à V* une tragédie inédite pour la faire représenter à Bologne .

3 Dans son numéro du 27 novembre 1759, le Public advertiser de Londres fit paraître la relation suivante : « Genève, 6 novembre . Deux jours après que l’on eût reçu ici la nouvelle de la prise de Québec, M. de Voltaire donna une grande réception dans sa maison de campagne . Le soir , la compagnie se rendit dans une magnifique galerie au bout de laquelle était dressé un élégant théâtre et une pièce nouvelle appelée Le Patriot [sic] insulaire fut représentée dans laquelle ce célèbre poète employa tout son génie et toute sa fougue pour la cause de la liberté . M. de Voltaire lui-même apparut dans le rôle principal, et tira des larmes à tous les spectateurs . Chaque scène était illustrée par divers emblèmes de la liberté, et au-dessus du théâtre il y avait l'inscription suivante en latin et en anglais : / Libertati quieti / Music sacrum / SP of the F. / La ligne en anglais signifie « en dépit des Français » [spite of the French] [traduction des deux premières lignes : consacré à la liberté/ à la paix, aux Muses ] . Après la représentation les fenêtres de la galerie s'ouvrirent d'un coup et montrèrent une cour spacieuse splendidement illuminée et ornée de trophées indiens . Au milieu de la cour un magnifique feu d’artifice fut tiré au son d'une musique martiale ; l'étoile de saint Georges vomissait d'innombrables fusées , et, en dessous, des girandoles donnaient une représentation vivante de la cataracte du Niagara . »

Or la pièce jouée n'était-elle pas Tancrède ?

5 Les deux lettres conservées d''Albergati à V*, 22 novembre 1759 et 8 septembre 1759 ne promettent expressément aucun ouvrage ; V* pense sans doute à la traduction de Sémiramis qui a été composée par Dominique Fabri en vue des représentations organisées à Bologne par Albergati .

 

 

J'y vais mettre ordre et rentrer sous les lois de l'académie de lésine

...mettre ordre.jpg

 

« A Jean-Robert Tronchin

Vos Délices, mon cher ami, ont été assez magnifiques ces jours-ci . Sans doute monsieur votre frère vous rend compte de nos plaisirs . M. de Chauvelin ne sera pas probablement secrétaire d’État 1 mais il sera toujours un homme d'un très grand crédit et ce qui le vaut mieux un homme très aimable . Sa femme est charmante . Je crois qu'ils ne sont pas mécontents de la réception que nous leur avons faite . Je vous avoue que je rougis de mes plaisirs et de mes dépenses . J'y vais mettre ordre et rentrer sous les lois de l'académie de lésine . On ne peut mieux prendre son temps . Le discrédit, l'humiliation, sont au comble . Chaque jour annonce un nouveau malheur . Tant de pertes, tant de maux saisissent si pleinement les cœurs qu'à peine parle-t-on du vaisseau chargé de jésuites, et des révérends-pères qu'on va pendre .

Je vous prie, mon cher correspondant, de faire mettre l'incluse à la poste . Mille compliments à vous et à monsieur Camp . L'oncle et la nièce sont à vous pour jamais .

V. 

5 novembre [1759]»

1 François-Claude de Chauvelin, frère de l'intendant des finances et de l'abbé. Il était ambassadeur auprès du roi de Sardaigne depuis le mois de mars 1753, et il avait épousé, en avril 1758, Agnès-Thérèse Mazade d'Argeville, fille d'un conseiller au parlement. Il fut plus tard maître de la garde-robe du roi Louis XV, sous les yeux duquel il mourut en novembre 1773. Le Dictionnaire de la noblesse donne au marquis de Chauvelin les prénoms de Bernard-Louis. Le marquis de Chauvelin, ancien député, mort en 1832, est son fils. (Clogenson.)