27/11/2014
Je n'ai changé, monsieur, ni de domicile ni de sentiment pour vous
... Voilà ce que j'écrirais volontiers, en cas de besoin, à mon percepteur .
Symbole des gens du voyage
« A Alexis-Jean Le Bret 1
Aux Délices le 17 novembre 1759
Je n'ai changé, monsieur, ni de domicile ni de sentiment pour vous , j'ai parlé de vos intentions à MM. Cramer qui se feront un plaisir et un honneur de faire tout ce que vous désirez etc . »
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26/11/2014
Il serait bien odieux que pour seule récompense du bien que j'ai fait, et d'un bien dont il n'y a point d'exemple, je ne recueillisse que des plaintes et des difficultés
...Et oui, détestable ersatz de président, Sarkozy tu oserais/oses te présenter en victime ; passe ton chemin et va escroquer qui le veut bien, mais fiche la paix à la France .
« A Jean-Charles Girod 1
[vers le 15 novembre 1759]
Vous auriez bien dû, monsieur, me parler et m'instruire avant de m'exposer à des discussions avec M. De Brosses .
1° Je vous donne avis que j'en suis avec lui en marché de la vente totale de la terre, marché que j'aurais fait d'abord si j'avais pu prévenir les bontés du roi 2. Ainsi je composerai une terre de Ferney et de Tournay, dans laquelle les domaines intermédiaires seront incorporés .
2° Vous avez dû voir les bonifications immenses que j'ai faites à la terre de Tournay . Ce que j’ai entrepris dans la lisière de la forêt est peut-être la meilleure amélioration . Car , excepté la petite avance du bois qui intercepte les prés, le reste de cette lisière est très clairsemé ; il n'y a presque que des pins ; ils ôtent le soleil à un grand champ qui n'a jamais rien produit . Je couvre ce champ de la terre des fossés que je tire dans la forêt ; je l'augmente du terrain qu'occupaient ces pins , et j'en fais une pièce d’un excellent rapport .
Quant à cette petite langue de bois qui intercepte les prairies, je sais que le projet a toujours été de la couper pour bonifier et agrandir ces prés . J'ai fait en conséquence creuser un profond fossé pour sécher ces bas prés qui, avec le temps et par la négligence des fermiers, sont devenus des marais ; en un mot, j'ai fait des dépenses immenses, uniquement pour le bien de la terre .
J'y ai mis en réparations plus de quinze mille livres en six mois, sans compter les frais de l'exploitation . Il serait bien odieux que pour seule récompense du bien que j'ai fait, et d'un bien dont il n'y a point d'exemple, je ne recueillisse que des plaintes et des difficultés .
J'attends , pour terminer toutes ces tracasseries indignes de M. De Brosses et de moi, une procuration de sa part pour la vente absolue de Tournay que je possède à vie . Ce sera probablement à vous qu'il adressera cette procuration .
Mais en attendant, monsieur, je vous prie de me laisser jouir en paix d'une terre qui m'appartient . Je vous prie d'envoyer ma lettre à M. De Brosses .
Votre très humble et très obéissant serviteur .
V. »
1 Notaire à Gex ; http://gw.geneanet.org/beno1?lang=fr;p=jean+charles;n=girod
et voir : http://www.e-enlightenment.com/location/europe/france/rh%C3%B4ne-alpes/ain%28department%29/gex/
2A savoir l'exonération de toutes charges fiscales pour Ferney .
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25/11/2014
Je suis tout prêt sans doute , mon cher monsieur, à tirer la commune de Fernex ou Ferney, du bourbier
... Disent chacun à leur tour les candidats à la mairie de Ferney, depuis des décennies, et aussi à la communauté de communes du Pays de Gex . Bien évidemment , chaque fois, ce qui cloche est dû au prédécesseur n'a pas été à la hauteur, mais on va voir ce qu'on va voir, nom de Zeus !
« A Louis-Gaspard Fabry maire
et subdélégué de Gex
à Gex
[vers le 15 novembre 1759]
Je suis tout prêt sans doute , mon cher monsieur, à tirer la commune de Fernex ou Ferney, du bourbier où le chicaneur Budée de Montréal 1 l'avait plongée, et quoiqu’il ne me reste que très peu d’argent, attendu qu'on me pille de tous côtés, cependant je paierai volontiers pour ces malheureux 2.
J'ai passé l'acte dans cette vue, mais suivant le bon plaisir de monsieur l'intendant . Il faut donc qu'il réforme son bon plaisir , il faut donc qu'ayant ordonné que tout le village se cotise, il ordonne à présent que les communiers empruntent . Je laisse à vos bons soins, à votre prudence et à vos bontés l'arrangement de cette petite affaire . Tout ce que vous déterminerez sera bien fait . Vous êtes accoutumé à débrouiller des choses plus difficiles, et vous mettez partout de la facilité et de la justice . Quand vous voudrez me communiquer vos idées et vos ordres sur le très inculte et très misérable pays de Gex, je tâcherai de marcher à votre suite . J'ai l'honneur d'être avec tous les sentiments d'estime et de confiance qu'on vous doit monsieur
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire »
2 Voir lettre du 6 novembre 1759 à Fabry : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/16/s-ils-supportent-les-frais-de-la-communaute-il-est-juste-qu-5491075.html
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un principe aussi vrai que triste : c'est qu'il n'y a rien à gagner pour nous, d'aucune façon, dans ce gouffre où tout l'argent de la France a été englouti
... Mais dans le même temps, je me dois de souligner que l'entreprise de démolition/démotivation d'Eric Zemmour m'agace au plus haut point ; s'il parle de "suicide" que ne donne-t-il l'exemple en s'empoisonnant avec sa plume !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d''ARGENTAL.
A vous seul. [vers le 15 novembre 1759] 1
Mon divin ange, vous êtes un ange de paix. Permettez que je vous parle votre langue, après avoir parlé celle de notre tripot des Délices. Vous êtes né, de toutes façons, pour mon bonheur, dans mes plaisirs, dans mes affaires. Je vous dois tout ; vous êtes en tout temps constitué mon ange gardien ; écoutez donc ma dévote prière.
1° Je voudrais savoir, en général, si M. le duc de Choiseul est content de moi ; et vous pouvez aisément vous en enquérir un mardi. Tout ce que je peux vous dire, c'est que j'ai grande envie de lui plaire, et comme son obligé, et comme citoyen.
2° S'il entrait avec vous dans quelque détail, comme il y est entré avec M. de Chauvelin, ne pourriez-vous pas lui dire, quelque autre mardi, la substance des choses ci-dessous?
V. est dans une correspondance suivie avec Luc; mais, quelque ulcéré qu'il puisse être et qu'il doive être contre Luc, puisqu'il est capable d'avoir étouffé son ressentiment au point de soutenir ce commerce, il l'étouffera bien mieux quand il s'agira de servir. Il est bien avec l'électeur palatin, avec le duc de Wurtemberg, avec la maison de Gotha, ayant eu des affaires d'intérêt avec ces trois maisons, qui sont contentes de lui, et qui lui écrivent avec confiance. Il a été le confident du prince de Hesse l'apostat 2. Il a des amis en Angleterre. Toutes ces liaisons le mettent en droit de voyager partout, sans causer le moindre soupçon, et de rendre service sans conséquence.
Il a été envoyé secrètement, en 1743, auprès de Luc. Il eut le bonheur de déterrer que Luc alors se joindrait à la France; il le promit; le traité fut conclu depuis, et signé par M. le cardinal de Tencin. Il pourrait rendre aujourd'hui quelque service non moins nécessaire 3.
Mon cher ange, il faut la paix à présent, ou des victoires complètes sur mer et sur terre. Ces victoires complètes ne sont pas certaines, et la paix vaut mieux qu'une guerre si ruineuse. On ne se dissimule pas sans doute l'état funeste où est la France état pire pour les finances et pour le commerce qu'il ne l'était à la paix d'Utrecht. Quelquefois, quand on veut, sans compromettre la dignité de la couronne, parvenir à un but désiré, on se sert d'un capucin, d'un abbé Gautier 4, ou même d'un homme obscur comme moi, comme on envoie un piqueur détourner un cerf, avant qu'on aille au rendez-vous de chasse. Je ne dis pas que j'ose me proposer, que je me fasse de fête, que je prévienne les vues du ministère, que je me croie même digne de les exécuter; je dis seulement que vous pourriez hasarder ces idées, et les échauffer dans le cœur de M. le duc de Choiseul. Je lui répondrais sur ma tête qu'il ne serait jamais compromis ; que je ne ferais jamais un pas ni en deçà ni en delà de ce qu'il me prescrirait. Je pense qu'il ne lui convient pas absolument de demander la paix, mais qu'il lui convient fort d'en faire naître le désir à plus d'une puissance, ou plutôt de faire mettre ces puissances à portée de marquer des intentions sur lesquelles on puisse ensuite se conduire avec honneur.
Il part sans doute d'un principe aussi vrai que triste : c'est qu'il n'y a rien à gagner pour nous, d'aucune façon, dans ce gouffre où tout l'argent de la France a été englouti. J'ai pris la liberté de lui prédire la prise de Québec et celle de Pondichéry ; l'une est arrivée, et je tremble pour l'autre 5. Il y a des citoyens de Genève qui ont des correspondances par tout l'univers habitable. Il y a autour de moi des gens de toute nation, des ministres anglais, des Allemands, des Autrichiens, des Prussiens, et jusqu'à d'anciens ministres russes. On voit les choses d'un œil plus éclairé qu'on ne les voit à Paris; on croit que, si la descente projetée dans une des provinces anglaises s'effectue 6, il ne reviendra pas un seul Français. Le passé, le présent, et l'avenir, font frémir. Je sais que le ministère a du courage, et qu'il a, cette année, des ressources ; mais ces ressources sont peut-être les dernières, et on touche au temps de vérifier ce qui a été dit, qu'il y avait une puissance qui donnerait la paix, et que cette puissance était la misère.
J'ai peur qu'on ne soit résolu encore à faire des tentatives ruineuses, après lesquelles il faudra demander humblement une paix désavantageuse, qu'on pourrait faire aujourd'hui utile, sans être déshonorante.
Enfin, mon cher ange, vous êtes accoutumé à corriger mes plans ; si celui-ci ne vous plaît pas, jetez-le au feu, et je vous enverrai simplement la Chevalerie.
Vous pouvez au moins savoir si M. le duc de Choiseul est content de moi. Ce n'est pas que je doive craindre qu'il en soit mécontent, mais il est doux d'apprendre de votre bouche à quel point il agrée ma reconnaissance. Comptez d'ailleurs que je ne suis pas empressé, et que je me trouve très-bien comme je suis, à votre absence près. Adieu ; je baise le bout de vos ailes. »
1 Le mois et l'année figurent sur le manuscrit, de la main de d'Argental . Cette lettre est donc entre celle du 5 novembre 1759 ( http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/13/que-de-chateaux-en-espagne-nous-avons-batis-il-est-vrai-que-ce-n-est-pas-ac.html ) et celle du 24 novembre (voir page 241 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6514333b/f253.texte.r=mon%20divin%20ange )
D'autre part le 15 novembre 1759 Jean-François Sellon écrit de Paris au Magnifique Conseil de Genève : « M. le duc de Choiseul en me parlant de M. de Voltaire m'a prié de témoigner au M.C. Qu'il verrait avec plaisir qu'il jouît à Genève de la considération que peut lui valoir sa recommandation . Dans la conversation j'ai pu comprendre par l »'ouvrage auquel il travaille pour une cour étrangère que l'on est dans le cas d'obliger peut avoir [ ?] quelque part à cette démarche [...] » ; on peut lire dans le s registres, la minute rayée par la suite : « Sur lequel article de la dite lettre étant délibéré, l'avis a été de charger nob[le] Tronchin cons[ei]l[er] de dire audit au sieur de Voltaire que M. le duc de Choiseul l'a recommandé à messeigneurs lesquels auront toute l'attention qu'ils doivent à une pareille recommandation . »
2 Frédéric, prince de Hesse, avait été élevé dans le calvinisme; mais vers 1754 il s'était fait catholique. Il devint landgrave de Hesse à la fin de janvier 1760. Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fr%C3%A9d%C3%A9ric_II_de_Hesse-Cassel
3 La visite de V* à Frédéric II remonte à juillet 1743 ; voir les lettres à Amelot de Chaillou, au comte d'Argenson et les réflexions à Frédéric avec les réponses de celui-ci en septembre 1743 . Voir : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/06/05/594-147-383-270-102-938-219-382-894-333-519-830-26-juillet.html
; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/08/temp-717cac406880ccd0737676d5f49b2cd1.html
4 L'abbé Gauthier était venu apporter à Paris en janvier 1711 les propositions de paix de l'Angleterre . Voir page 692 : http://books.google.fr/books?id=evVxwLf2_xoC&pg=PA692&lpg=PA692&dq=abb%C3%A9+Gauthier+janvier+1711+angleterre&source=bl&ots=dl2ijk2xZU&sig=YbTUny64IQi-WSBIjmKvDCbBHYc&hl=fr&sa=X&ei=DdJzVLafG4XAOY2YgIAC&ved=0CCMQ6AEwAA#v=onepage&q&f=false
5 Les Anglais prirent Pondichéry le 16 janvier 1761.
6 Voir lettre du 9 novembre 1759 à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/19/on-ferait-mieux-de-penser-a-une-paix-utile-plutot-que-de-rec-5493154.html
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24/11/2014
comme le prix varie toutes les semaines, il vaudrait mieux que nous fixassions un prix moyen
... Qu'en disent les fournisseurs des grandes enseignes commerciales quand on leur propose/impose des prix moyens ridicules et outrageants ?
« A François Guillet, baron de Monthoux
chez M. Mirabaud 1 qui voudra
bien lui faire rendre la lettre
Je vous supplie monsieur de ne pas oublier les papiers stipulés dans le contrat .
J'aoute à cette opportunité celle de vous demander de l'avoine et du blé . À l'égard de l'avoine je compte que le marché de Genève sera notre règle . Mais comme le prix varie toutes les semaines, il vaudrait mieux que nous fixassions un prix moyen. Il en sera de même du blé . J'attends là-dessus vos ordres , le tout sans cérémonie . Elles sont bien inutiles surtout quand il s'agit de blé et d'avoine .
Mille respects .
V.
15 novembre [1759] »
1Le banquier Jean Mirabaud
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23/11/2014
la meilleure manière de finir ces altercations qu'il suscitera sans cesse est un contrat qui ne lui laisse plus aucun prétexte de s'ingérer dans mes possessions
... Voici ce qu'in petto a dû se dire Juppé lors du passage de Sarkozy à Bordeaux, où visiblement le Nicolas buvait du petit lait (lui qui dit ne pas aimer boire de vin ) en se conduisant comme un saltimbanque ; qu'il profite bien de ces simili succès auprès de gogos flattés et flatteurs .
« A Charles de BROSSES , baron de Montfalcon
Aux Délices, 14 novembre [1759]
Votre lettre, monsieur, a croisé la mienne . Elle fortifie les raisons que j'ai de me plaindre des mauvais procédés de Girod 1, qui ne m'a communiqué aucun papier concernant les droits d'une terre qui m'appartient pendant ma vie, pleinement et sans restriction.
Je suis persuadé que les délations 2 de cet homme ne vous séduiront pas, et que vous ne voudrez jamais avoir à vous reprocher d'avoir mis dans la balance le tort imaginaire de quelques écus avec le bien réel de vingt mille francs que je procure à la terre, après l'avoir achetée si chèrement.
Je continue très-certainement à faire le bien de la terre en agrandissant les prés aux dépens de quelques arbres : il faut que Girod soit bien ignorant pour ne pas savoir qu'un char de fourrage vaut trente-six livres au moins, et souvent deux louis d'or aux portes de Genève. Feu M. le bailli de Brosses avait toujours projeté ce que je fais.
Mais, monsieur, pour trancher toutes ces mauvaises difficultés qu'un homme aussi intéressé et aussi chicaneur que Girod me fera toujours, faites-moi une vente absolue de la terre que vous m'avez vendue à vie. Voyez ce que vous en voulez en deux payements.
La vente ridiculement intitulée par Girod bail à vie, comme si j'étais votre fermier ad vitam, est d'ailleurs une impropriété qu'il faut corriger ; et la meilleure manière de finir ces altercations qu'il suscitera sans cesse est un contrat qui ne lui laisse plus aucun prétexte de s'ingérer dans mes possessions. Je présume que ce parti vous agréera. J'attends vos ordres, et ce dernier marché sera aussitôt conclu que l'autre. Il sera doux alors de n'avoir à vous parler que de belles-lettres.
Votre très-humble obéissant serviteur.
V. »
1 Voir lettre du 25 octobre 1759 à Balleidier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/10/et-partant-demande-reparation-de-la-part-du-dit.html
2 Ces « délations » ont motivé une lettre du président citée en note dans la lettre du 9 novembre 1759 à de Brosses : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/11/18/ma-fortune-qui-me-met-au-dessus-des-petits-interets-me-perme-5492496.html
La lettre de ce jour croise une réponse de De Brosses à celle du 9 novembre 1759 : « De M. le président de BROSSES
Novembre 1759.
Vous avez vu, monsieur, par ma lettre qui a croisé celle que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, que je suis très-éloigné de penser à avoir aucune difficulté avec vous. Si vous l'aviez imaginé, vous auriez rendu peu de justice à mes sentiments à votre égard. C'est au contraire afin qu'il n'en puisse naître à l'avenir ( non entre nous, ce qui n'arrivera jamais), mais entre d'autres, que je crois qu'il est à propos pour tous deux de faire ce qui est ordinaire et d'usage en pareil cas, c'est-à-dire de dresser un état en forme et un procès-verbal de reconnaissance de l'état dans lequel était la forêt lorsque vous êtes entré en jouissance. J'ai mandé qu'on y procédât de concert et d'un commun accord avec vous; que l'on vous communiquât d'avance tout ce qu'il y aurait à faire, et que l'on prît votre jour, parce que sans doute vous ferez trouver quelqu'un de votre part à la rédaction de cette reconnaissance, qui est une pièce commune entre nous, tout de même que le traité que nous avons fait.
Quant à ce que vous me marquez que vous ne tirerez que 2000 livres de rente de Tournay, je puis à cela vous répondre en un mot qu'il n'a tenu qu'à vous d'en tirer 3200 livres; c'était, lors de notre traité, le prix du bail actuel, dont il y avait encore plusieurs années à écouler. Je vous ai remis en main ce bail avec la soumission du fermier de le continuer à 3300 livres. Vous avez exigé de moi la résolution du bail ; et il m'a fallu donner pour cela 900 livres au fermier, que je n'étais nullement curieux de lui donner. Que si le sieur Chouet s'est ruiné dans cette ferme, comme vous me l'écrivez, rien n'est plus adroit de sa part, car assurément on ne pouvait, au vu et su de tout le monde, être plus parfaitement ruiné qu'il l'était quand il est revenu de Livourne et qu'il a pris cette ferme. Il y a vécu plusieurs années. Il m'a bien payé : ce ne peut être que sur le produit de la ferme, puisqu'il n'avait rien d'ailleurs. Ce n'est pas que je n'aie été très-content de me défaire d'un homme tout à fait déraisonnable et toujours ivre, je le suis encore bien davantage de voir à Tournay une personne telle que vous. Et si, par l'événement de la décadence publique, j'ai fait un pas de clerc en troquant la jouissance de mon fond contre 35000 livres qui s'en vont dissous per deliquium, ce n'est pas votre faute. Ne me demandez, ni presque à aucun Français, comment va ma fortune, mais seulement comment vont mes infortunes. Je ne suis plus en peine que de savoir comment fera désormais notre ministère, après avoir tout pris sans rien avoir.
Voici bientôt le temps propre à planter les vignes. Quand je partis pour Paris, M. Le Bault, votre ami et le mien, qui est dans un très-bon climat, voulut bien se charger de vous envoyer de ma part la quantité de plants que j'ai promis de vous fournir. Comme il est exact, je pense qu'il ne l'aura pas oublié. Je vais cependant lui en écrire. Mais si vous ne les avez pas reçus, pour plus d'expédition, ayez la bonté de lui en écrire aussi un mot en droiture.
Envoyez-moi, si vous voulez, les noms des gens en qui vous avez confiance pour garder la chasse : mon frère leur fera expédier des commissions. Ce seront des gardes que vous aurez sous votre main, à vos ordres, et que vous ferez révoquer à votre volonté si vous n'en êtes pas content.
J'ai l'honneur d'être, avec le plus inviolable attachement, monsieur, etc. »
Et dans le même temps de Brosses écrit à Girod : « De M. le président de BROSSES ,
à M. GIROD
capitaine en châtelain royal du pays de GEX.
Novembre 1759.
J'ai écrit à M. de Voltaire, sur l'article des bois, une lettre très-polie, mais forte et précise, par laquelle je lui fais voir qu'afin de prévenir les difficultés qui ne manqueraient pas de naître à l'avenir sur l'état primitif des lieux, s'ils étaient une fois dénaturés, il y a nécessité pour lui et pour moi de dresser dès aujourd'hui une reconnaissance en forme de l'état où était la forêt quand elle lui a été remise.
J'ai reçu de lui une lettre qu'il m'écrivait de son propre mouvement et qui a croisé la mienne. Il faut qu'il ait pris l'alarme sur la visite que vous avez été faire : car il s'étend beaucoup sur ce qu'on veut lui susciter des affaires et sur l'excellente culture qu'il ordonne, ayant, dit-il, dans les six premiers mois de sa jouissance, mis plus de 15000 livres en réparations, tant dans la maison qu'à faire ôter des pierres des terres labourables. Je crois qu'il y aurait beaucoup à décompter sur une si grosse somme, et qu'à peine peut-être y trouverait-on le dixième en utilités réelles.
Au reste il convient que son théâtre ne me sert à rien, et qu'il fait arracher les arbres de la forêt. Ainsi sa lettre ne change rien à une précaution toujours usitée en pareil cas, et nécessaire pour tous deux.
Vous comprenez combien il est essentiel que tout ceci soit fait en règle et qu'on n'y perde point de temps, par les raisons que vous m'avez dites vous-même.
Je désire que ceci se puisse faire d'accord et de bonne grâce avec M. de V. : il faudra lui demander son temps et son jour. Mon intention n'est point du tout de l'inquiéter; il est fort le maître de faire ce qui lui plaira.
Mais comme il va souvent fort vite, il est juste que les choses ne puissent être dégradées sans retour.
Par parenthèse, dites-moi, je vous prie, s'il a payé à Charlot les moules de bois qu'il me donna la commission, lorsque j'étais là-bas, de lui faire fournir par ce pauvre diable, qui certainement ne peut ni ne doit en être le payeur. Au reste, je crois que vous avez fini le compte avec Charlot pour la vente de bois qui lui a été faite de mon temps. »
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22/11/2014
Ma grosse et paresseuse nièce vous fait ses compliments
...
Rien à ajouter , f(l)emme .
« A François de Chennevières 1
Aux Délices , 13 novembre [1759 ?]
Mon cher correspondant, je vous supplie de faire mettre à la poste ces deux paquets que je vous adresse pour épargner les frais . Comment vous portez-vous? M. le duc de Choiseul est-il à Versailles ? avez-vous gagné quelques batailles depuis votre dernière lettre ? Ma grosse et paresseuse nièce vous fait ses compliments . Je vous embrasse .
V. »
1 Dont c'est le 315è anniversaire ce jour 22 novembre 2014 ; voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_de_Chennevi%C3%A8res
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