02/09/2015
souvent ce qui plait en France, ne plait qu'à des Français
... Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 2/9/2015
« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov, à Paris
1er septembre 1760
Monsieur, le cousin de M. Aléthof est presque aussi malade que M. Aléthof l'était pour avoir lu le discours de M. Lefranc ; mais il espère qu'il n'en mourra pas comme ce pauvre Aléthof ; le thé de l'empereur de la Chine fortifiera son estomac ; il ne s'attendait pas à recevoir une marque si touchante de vos bontés ; il aura l'honneur de vous envoyer incessamment un exemplaire de l'histoire de l'empereur, qui a fait , pour le moins, autant de bien à son pays, que les Yao, les Yu et les Fo-hi en ont fait au leur . Un Russe à Paris tel que vous, monsieur, est fait pour donner une grande idée de la nation que Pierre le Grand a formée, vous êtes, entre nous , un de ses meilleurs ouvrages . On dit qu'on va jouer à Paris un chevalier errant , nommé Tancrède . Je voudrais bien que vous fussiez à Paris, quand on donnera cette farce, et que vous voulussiez avoir la bonté de m'en dire votre avis, souvent ce qui plait en France, ne plait qu'à des Français, mais ce qui obtient votre suffrage doit obtenir celui de l'Europe ; si je n'étais pas malade, je vous en dirais bien davantage ; il faut que je m'en tienne à vous assurer, monsieur, de mon très sincère et tendre respect . »
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01/09/2015
vous ne pouvez pas souffrir cette familiarité plate ..., cette façon misérable de réciter des vers comme on lit la gazette . J'aimerais je crois encore mieux, l'ampoulé que je n'aime point
... Paroles d'auteur, metteur en scène, acteur qui sait de quoi il s'agit .
Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 1/9/2015
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental, Envoyé
de Parme etc.
Rue de la Sourdière
à Paris
1er septembre 1760
La charité étant une vertu angélique, un pauvre malade compte sur celle de ses divins anges ; vous croyez bien que ce n'est pas par mauvaise volonté que je n'ai pas fait à Tancrède et à sa chère Aménaïde tout ce que je voudrais leur faire ; mes anges n'imaginent pas quel est le fardeau d'un homme très faible, et un peu vieux qui a quatre campagnes à gouverner à la fois, qui s'avise de faire bâtir un château et une église, qui ne peut suffire à une correspondance forcée, qui pour l'achever de peindre se trouve assez embarrassé avec l'empire de toutes les Russies . Il est fort doux d'être occupé, mais il est dur d'être surchargé, le corps en souffre . Tancrède aussi ; j'implore la clémence de Mme Scaliger ; je n'en peux plus . Des vers et moi, ne peuvent se rencontrer ensemble d'ici à plus de trois mois ; n’exigez rien de moi, mes divins anges, car je ne ferais que des sottises ; il me reste à peine assez de tête pour vous dire que s'il y a dans Tancrède la simplicité , la noblesse, l'intérêt, la nouveauté que vous y trouvez, cette pièce pourra être aussi bien reçue que L’Écossaise . Mlle Clairon pleure et fait pleurer, dites-vous ; que demandez-vous de plus ? Il se trouvera quelques raisonneurs qui après avoir pleuré , diront à souper, que le courrier qui portait la lettre d'Aménaïde au camp des Maures devrait avoir parlé avant de mourir ; d'autres répondront qu'il devait se taire ; on demandera s'il y a assez de raisons pour condamner Aménaïde ; les gens de bonne volonté diront qu'il n'y en a que trop, que son courrier allait au camp des Maures, que Solamir avait osé la demander en mariage dans Syracuse, que Solamir l'avait aimée à Constantinople ; il est encore très naturel et même indispensable que Tancrède la croie coupable, puisque son père même avoue à Tancrède, qu'il n'est que trop sûr du crime de sa fille ; toute l'intrigue est donc de la plus grande vraisemblance, et ce serait une chose bien inutile et bien déplacée, de faire parler un postillon qui ne doit point parler . Il me semble que quand on a pour soi la vraisemblance et l'intérêt, on peut risquer de jouer à ce jeu dangereux de cinq actes contre quinze cents personnes . Permettez moi de vous dire , mon cher ange, qu'il faut que Lekain mette beaucoup de passion dans son rôle ; cette passion doit être noble je l'avoue, mais il faut que le désespoir perce toujours à travers de cette noblesse .
Je souhaite que Brisard joue le bonhomme comme j'ai eu l'honneur de le jouer ; croyez que ma nièce et moi, nous faisons pleurer les gens quand nous voulons .
Que vous me faites plaisir de me dire que vous ne pouvez pas souffrir cette familiarité plate que le bonhomme Sarrazin prenait quelquefois pour le naturel, cette façon misérable de réciter des vers comme on lit la gazette . J'aimerais je crois encore mieux, l'ampoulé que je n'aime point .
Au reste, vous savez bien que vous êtes le maître absolu de vos bienfaits, ainsi que de la pièce et de l'auteur . Je vous ai envoyé par le dernier ordinaire, mon édifiante lettre au roi Stanislas ; je chercherai ces dialogues 1 que vous voulez voir ; j'en ferai faire une copie ; tout est à vos ordres, comme de raison ; permettez-moi de vous remercier encore d'avoir vengé le public en donnant L’Écossaise ; vous avez décrédité ce malheureux Fréron dans Paris et dans les provinces , et il était nécessaire qu'il fût décrédité . Donnez la bataille de Tancrède quand il vous plaira, vous êtes un excellent général ; si M. Daun avait conduit ses troupes, comme vous conduisez les vôtres, le roi de Prusse ne lui aurait pas dérobé tant de marches . Adieu mon divin ange, en voilà beaucoup pour un malingre qui n'en peut plus, mais qui adore ses anges .
V. »
1 Dialogues chrétiens ou préservatif contre l'Encyclopédie, 1760, de Voltaire . Voir : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9613536t.texteImage
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Je me meurs de lassitude, de vers, de prose, d'église, de grange, de maçons, de laboureurs etc, etc.
... Rien d'autobiographique me concernant .
Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 1/9/2015
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental et à Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
[août-septembre 1760]
[…] Je me meurs de lassitude, de vers, de prose, d'église, de grange, de maçons, de laboureurs etc, etc.
Mes anges, priez Dieu pour moi . »
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30/08/2015
Je ne crois pas monsieur, qu'il y ait dans le monde un plus mauvais correspondant que moi
... A ma grande confusion, Mam'zelle Wagnière peut en témoigner , je suis son Thieriot . Par ailleurs, ne me cherchez pas sur un quelconque réseau dit social , je n'ai pas de temps à perdre .
Mis enligne le 17/11/2020 pour le 30/8/2015
« A [Pierre-Jean Grosley ?] 1
29è auguste 1760
Je ne crois pas monsieur, qu'il y ait dans le monde un plus mauvais correspondant que moi ; je ne vous ai point encore accusé la réception du paquet que vous m'avez envoyé par M. Bouret ; mais comment voulez-vous que je fasse tenir ce paquet à Berlin ; je n'écris dans ce pays-là que quand le roi de Prusse m’en donne l'occasion , je crois vous l'avoir déjà mandé ; je mets alors les gros paquets dans le sien, et il a la bonté de payer le port ; mais il faut lui épargner les petites dépenses, attendu que son trésor est un peu écorné ; je ne lui écris point depuis l'ouverture de la campagne . Celle de Fréron, à ce qu'on me mande, n'a pas été heureuse à Paris, et qu'un certain Jérôme Carré l'a battu à plate couture 2. Si Fréron a un fils, je ne lui conseille pas d'acheter la charge de son père ; je ne sais à qui vous donnerez la place de l'abbé Trublet ; quoique vous vouliez la rendre héréditaire, elle a tout l'air de tomber aux parties casuelles . Votre idée de rendre les gens ridicules de père en fils est fort plaisante ; je la transmettrai à Formey quand je pourrai ; car je crois qu'il a des enfants ; pour moi je suis fort aise de n'en point avoir .
Votre très humble et obéissant serviteur
V. »
1 Sur l'identité du destinataire, voir lettre du 1er mars 1760 à Formey : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/03/04/ajoutez-y-quelques-centaines-de-mille-pauvres-diables-de-mon-5571336.html
2 Par une anacoluthe assez extraordinaire, cette proposition complétive est complément de on me mande .
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29/08/2015
la punition est douce , s'il est coupable de toutes les choses dont on l'accuse
... Je vous laisse choisir votre victime .
Mis en ligne le 17/11/2020 pour le 29/8/2015
« A Etienne-Noël Damilaville
29 d'auguste 1760
Je réponds, monsieur, à votre lettre du 12 . Je vois avec plaisir l'intérêt que vous prenez à l'honneur des belles-lettres . Plus la place que vous occupez semblait devoir vous interdire le goût de la littérature, plus vous y avez de mérite . La publication de l'Histoire de Russie sous Pierre le Grand est une nouvelle prématurée . Vous me feriez plaisir, monsieur, de me dire quel est ce M. Do... dont vous n'achevez pas le nom : les Suisses comme moi ne sont pas au fait de l'histoire de Paris et n'entendent pas à demi-mot . Je n'ai point encore vu l'imprimé qui a pour titre Requête de Jérôme Carré aux Parisiens . Vous me feriez plaisir de me l'envoyer ; on dit qu'il est différent de celui qui courait en manuscrit . On m'a mandé qu'on jouait L’Écossaise à Lyon, à Bordeaux et à Marseille avec le même succès qu'à Paris . Je ne sais pas pourquoi le sieur Fréron s'est obstiné à se reconnaître dans le Frélon de M. Hume . Il est certain que ce n'est pas la faute de Jérôme Carré, qui n'est qu'un simple traducteur, et qui est l'innocence même . Il ignorait absolument qu'on eût jamais parlé d'envoyer le sieur Fréron aux galères . C'est le sieur Fréron lui-même qui a appris cette anecdote au public : il doit savoir ce qui en est .
En attendant il est exécuté sur tous les théâtres de France ; la punition est douce , s'il est coupable de toutes les choses dont on l'accuse . On m'a envoyé des mémoires sur sa vie 1, dont il y a, dit-on, plusieurs copies dans Paris . Il paraît par ces mémoires que cet homme appartient plus au Châtelet qu'au Parnasse . Au reste je ne l'ai jamais vu ; je n'ai lu que deux ou trois de ses misérables feuilles qu'on oublie à mesure qu'on les lit .
Je m'occupe bien plus agréablement de vos lettres et des sentiments que vous me témoignez que des sottises de ce gredin . Comptez, monsieur, sur la vive sensibilité de votre etc. »
1 Voir lettre du 20 août 1760 à Thieriot : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2020/11/16/continuez-a-combattre-en-faveur-du-bon-gout-et-du-sens-commu-6277712.html
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28/08/2015
mon vieux corps, mon vieux tronc a porté quelques fruits cette année, les uns doux, les autres amers, mais ma sève est passée . Je n'ai plus ni fruits ni feuilles
... C'est le temps de la taille (et des dernières mensualités de la gabelle ! ); reviendra le printemps et feuilles (bien placées ) et fleurs .
A propos de taille, ma tignasse de confiné prend des proportions hagridesques .
Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 28/8/2015
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
auguste 28è 1760 1
Mon cher ange, vous ne m'instruisez pas dans mes limbes de ce que vous faites dans votre ciel, pas un petit mot sur L’Écossaise, sur mon ami Fréron, sur mon cher Pompignan qu'on dit être chez M. d'Argenson aux Ormes avec le président Hénault qui va lui vendre sa charge de surintendant bel esprit de la reine, et qui pour pot de vin trouve son discours et son mémoire excellents .
Il faut que je vous dise que frère Menoux , jésuite, m'a envoyé une mauvaise déclamation de sa façon intitulée L’incrédulité combattue par le simple bon sens . Il a mis cet ouvrage sous le nom du roi Stanislas pour lui donner du crédit , il me l'a adressé de la part de ce monarque, et voici la réponse que j'ai faite au monarque . Voyez si elle est sage, respectueuse et adroite . Vous pourriez peut-être en amuser M. le duc de Choiseul en qualité de Lorrain .
On me mande, mon divin ange,que vous allez faire jouer ce Tancrède qui est déjà presque aussi connu que L’Écossaise . On vient de me faire apercevoir qu'il manque une rime à ce Tancrède . Plût à Dieu que ce fût la seule chose qui lui manquât . C'est au troisième acte dans le rôle d'Orbassan :
Quel est ton nom, ton rang ? ce simple bouclier
Semble nous annoncer peu de marque de gloire.
Il manque la rime à bouclier , et la voici :
Je veux bien avec toi descendre à me commettre
Et daigner te punir d'oser me défier.
Quel est ton nom, ton rang, ce simple bouclier
Semble nous annoncer peu de marque de gloire .
Mon cher ange, mon vieux corps, mon vieux tronc a porté quelques fruits cette année, les uns doux, les autres amers, mais ma sève est passée . Je n'ai plus ni fruits ni feuilles . Il faut obéir à la nature, et ne la pas gourmander . Les sots et les fanatiques auront bon temps cet automne et l'hiver prochain . Mais gare le printemps .
Est-il vrai que Gaussin se retire, qu'elle fait comme moi, qu'elle va en Berry être dame de château et que de plus elle est mariée ?2 Je suis bien aise qu'il y ait des châteaux pour les talents pourvu que ce ne soient pas les châteaux de Vincennes et de la Bastille .
Une lettre venue de Prague annonce changement de fortune, et défaite entière de Laudon 3. Il faut toujours en fait de nouvelles attendre le sacrement de la confirmation . Mais si la chose est vraie, je pense comme vous, la paix, la paix . Oui, mais voudra-t-on bien nous la donner ?
En attendant amusez-vous avec Tancrède, mais qu'il ne soit pas sifflé ! On joue L’Écossaise dans toutes les provinces . Il serait triste de déchoir et de faire ce petit plaisir à Fréron et à Pompignan . Savez-vous bien mon cher ange, que Tancrède est une affaire capitale ?
Mille tendres respects aux anges .
V. »
1 Le passage concernant les corrections de Tancrède (On vient de me faire apercevoir … Mon cher ange) est biffé sur la copie du manuscrit et omis dans les éditions .
2 Elle avait épousé en mai 1759 Marie-François Taolaïgo, danseur de l'Opéra qui possédait une propriété dans le Berry à Labzenay ; mais elle ne se retira qu'en 1763 et mourut en 1767 .
3 Frédéric II lui avait infligé une sérieuse défaite près de Liegnitz le 15 août 1760 .
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27/08/2015
Ce n'est pas un bon moyen de faire connaître un ouvrage que d'en dire du mal
... Peut-être de ton temps ami Voltaire ; on voit bien que tu ne connais pas les réseaux sociaux, extraordinaire entreprise de démolition, qui encense des conneries monumentales et débine des propos sensés . It's a mess !
Mis en ligne le 16/11/2020 pour le 27/8/2015
« A Pierre Rousseau
à Bouillon
par Sedan
27è août 1760 1
La personne à qui monsieur Rousseau a écrit touchant le petit ouvrage de Mlle Vadé, servira monsieur Rousseau dans toutes les occasions ; mais cette personne ne lui a point envoyé cette petite pièce dont elle était en possession, dans l'intention de porter le moindre préjudice à Mlle Vadé ; il paraît au contraire que cette demoiselle devait s'attendre à quelques remerciements, attendu qu'elle a pris vivement le parti du Journal encyclopédique contre L’Année littéraire, ou anti-littérature .
Ce n'est pas un bon moyen de faire connaître un ouvrage que d'en dire du mal ; et le petit ouvrage envoyé était très connu, et on en a déjà fait trois éditions . Le mieux eût été de ne jamais prévenir le jugement du public, de ne le point choquer, et de ne point sacrifier son jugement et son intérêt à la crainte qu'on peut avoir de quelques misérables qui n'ont aucun crédit .
Si monsieur Rousseau est mécontent de l’endroit où il a transporté son île flottante de Délos 2, on lui offre un château ou une maison isolée , à l'abri de tous les flots ; il y trouvera toutes sortes de secours, et de l'indépendance . Il pourra y transporter sa manufacture, et il ferait encore mieux de se servir de la manufacture d'un négociant accrédité, dans le voisinage, qui est tout prêt . Il pourrait tirer de très grands avantages de ce parti, et n'aurait jamais rien à craindre ; il faudrait seulement qu'il vint sous un autre nom, qu'il n'en parlât à personne, et que la marque de sa marchandise ne portât le nom d'aucune ville ; il se ferait adresser les paquets de ses correspondants à Lyon . »
1 L'édition Moland ajoute la dernière phrase d'après une copie communiquée par Ferdinand Brunetière .
2 Le Journal encyclopédique fut publié successivement à Liège, Bruxelles, et en dernier lieu à Bouillon .
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