06/10/2014
il est supplié de vouloir bien conserver environ ladite somme pour être incessamment employée au palais de Ferney, à la forteresse de Tournay, à la muraille des Délices, en chevaux, théâtre, décorations, filles, etc.
... Les "filles" ne sont pas ici premières, mais elles ont au moins le mérite d'être citées par ce canaillou de Voltaire .
« A Jean-Louis Labat , baron de Grandcour
par Payerne
à Grandcour
à vue d'oiseau sauf erreurs
1° Doit ledit sieur baron tenir compte à François de V. de 90 000 livres tournois |
90 000 £ |
2° Des intérêts payés à mon dit sieur baron payés pour toute l'année |
_5 400 £ |
Total |
95 400 £ |
Sur quoi il faut déduire environ |
24 000 £ |
remboursés en divers paiements depuis la mi-mars jusqu'à la mi-juin |
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Desquelles 24 000 livres les intérêts doivent être payés jusqu'au jour où ils ont été remboursés |
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Lesquels intérêts montent à environ |
__ 500 £ |
Il ne reste donc des 95 400 livres à recevoir de capital que la somme de |
66 000 £ |
M. de Labat ne doit donc plus que les intérêts de ces 66 000 livres lesquels font |
_3 960 £ |
Auxquels en ajoutant les 500 livres d'intérêt des sommes déjà remboursées monte le tout à |
70 460 £ |
l'autre part |
70 460 £ |
sauf , quelques petites erreurs imperceptibles . |
|
Bien entendu que François de V. remettra à mon dit baron ses lettres de change à deux usances de 14 900 livres .
François de V . propose humblement ce petit grimoire à déchiffrer au très savant et très judicieux baron qui le prendra en considération, en approuvera le fond, en raffinera les détails, y mettra toute la justesse de son esprit et toute la profondeur de son arithmétique . François de V. présente ses respects à madame la baronne , à la nymphe appétissante 1, et a grande envie d'embrasser son cher baron quand il aura fait les vendanges de sa baronnie .
7 septembre 1759.
N.B.- Qu'il est supplié de vouloir bien conserver environ ladite somme pour être incessamment employée au palais de Ferney, à la forteresse de Tournay, à la muraille des Délices, en chevaux, théâtre, décorations, filles, etc. »
1 Jeanne-Louise, fille du baron ; voir lettre du 4 septembre 1759 à Labat : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/04/vite-beaucoup-d-argent-mon-cher-baron-5461140.html
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05/10/2014
la sangsue commise par les fermes générales exige le centième de cette bonne action . De quel droit ? sangsue !
... Sangsue mille fois ! ô fisc français qui t'accapare sans trève une part des héritages des particuliers .
Ô la belle république qui fait subsister des droits féodaux !
Hyènes ! Chacals ! Vautours ! vous dépouillez les morts .
Si quelqu'un peut me dire une seule bonne raison pour ce brigandage, je veux bien l'entendre .
« A Jacques-Bernard Chauvelin
A Tournay 7 septembre 1759
non plainte,
non requête,
non procès,
mais très humble consultation,1
toujours centième denier .
Un peu d’attention, sil-vous-plait, monsieur.2
Par contrat passé le 20 august, V... a bien voulu donner 3125 livres comptant, pour tirer son vassal Betens de prison et le dit Betens abandonne son rural au pays de Gex , jusqu'à ce que V. soit remboursé sur les fruits de ce rural , et le tout sans intérêt . Ainsi spécifié au contrat . Or la sangsue commise par les fermes générales exige le centième de cette bonne action .
De quel droit ? sangsue ! Est-ce ici une aliénation ? Un bail à vie ? Est-ce une aliénation de fonds ? Est-ce un bail de plus de neuf ans ?
Le fonds dont je deviens régisseur vaut environ 700 livres par an . Comptez, vous trouverez qu'en quatre ans et demi tout est fini . Pourquoi fourrez-vous votre nez dans un plaisir que je fais à mon vassal de Tournay ? pourquoi prenez vous votre part d'un argent prêté par pure charité ? Si vous m'échauffez les oreilles je me plaindrai à M. de Chauvelin .
Vous m'avez extorqué là 50 livres avec la petite oie 3. Sachez que je les retiendrai ( car M. de Chauvelin le jugera ainsi ) sur le centième de l'acquisition à vie de Tournay . Je ne veux pas importuner le roi pour avoir un brevet d'exemption . Je suis satisfait de ses bontés . L’État a besoin d'argent . Oui vous aurez votre centième d'acquisition à vie, en protestant que c'est au rusé président Des Brosses à le payer, non à moi . Patience . Mais pour les 50 livres extorquées, vous les rendrez s'il-vous-plait ; ou il n'y a point de justice sur la terre .
Vous êtes chicaneur et vorace, vous dégoûtez de faire du bien .
Si M. de Chauvelin met no en marge de ma pancarte, je me tais ; mais il mettra si .
Le laboureur V. présente ses respects à monsieur le protecteur des édits, et à monsieur l'abbé son frère examinateur des édits .
Il le supplie de permettre que cette lettre pour monsieur l'ambassadeur soit mise dans son paquet .
Du théâtre de Tournay, pays de Gex, pays charmant,
mais où la terre ne rapporte que trois pour un,
pays où j'entretiens les haras du roi à mes dépens
et où je n'ai point d'avoine, ainsi tout va . »
1Ces mots sont écrits dans la marge en face des trois premières lignes .
2 Ces mots sont écrits en marge en face du début du corps de la lettre .
3Avec la petite oie a été ajouté en marge ; cette expression désigne originairement les abattis de l'oie et est employée par figure pour désigner l'accessoire d'une chose ou d'une affaire, ici , les frais annexes .
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Le temps étant fort cher
... Faites votre prix, mon temps est compté, d'où sa valeur . Les enchères sont ouvertes ...
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental
[vers le 5 septembre 1759] 1
Le temps étant fort cher , mon cœur tout plein, ma tête épuisée, Pierre le Grand m'occupant du matin au soir, le nouveau semoir à cinq tuyaux demandant ma présence, cinquante maçons me ruinant, l'abbé d'Espagnac me chicanant, trois ou quatre petits procès me lutinant, et mes yeux n'en pouvant plus, je dicte avec humilité le présent mémoire, et je supplie le comité des anges de le lire avec bonté, attention et sans prévention .
1° Pour M. l'abbé d'Espagnac , je n'en parlerai pas pour avoir plus tôt fait . Je me borne à remercier tendrement les dignes ministres qui veulent bien traiter avec lui ; je le soupçonne d'être difficile en affaires, et si les édits du traducteur de Pope 2 sont entre ses mains, je crois que la critique sera épineuse .
2° Je prie tous les anges de députer M. de Chauvelin l'ambassadeur,3 et de lui faire prendre absolument la route de Genève, qui est plus courte que celle de Lyon . Un homme accoutumé à passer les Alpes passera bien le mont Jura . Son chemin sera plus court de 25 lieues en prenant la route de Dijon, St Claude et Annecy ; nous lui promettons de lui jouer une tragédie et une comédie dans la masure appelée château de Tournay, sur un théâtre de Polichinelle, mais dont les décorations sont très jolies . Il me verra faire le vieillard d'après nature ; nous le logerons au Délices ; il peut être sûr d'être très étroitement logé, mais gaiement et dans la plus jolie vue du monde ; on logera son secrétaire et son valet de chambre encore plus mal, mais on lui fera manger des truites . Il verra s'il veut les graves syndics de Genève, les ministres sociniens, et trouvera encore le secret de leur plaire selon son usage .
3° Il trouvera des cœurs sensibles à toutes ses bontés, pénétrés d'estime et de reconnaissance ; on discutera avec lui son mémoire sicilien 4, qui est plein de sagacité et de vues fines et étendues .
4° Madame Scaliger saura qu'il n'y a aucune de ses critiques , excepté celle du billet adultère, que nous n'ayons approuvées . Nous en reconnûmes la justice il y a plus de six semaines, nous fûmes même beaucoup plus difficiles qu'elle, et nous pouvons assurer que nous avons poussé la sévérité aussi loin que si nous avions jugé la pièce d'un autre .
5° Il faut considérer que la pièce ayant été faite en moins d'un mois, on avait voulu essayer seulement s'il en pouvait résulter quelque intérêt ; c'est la première chose dont il faut s'assurer, après quoi le reste se fait aisément . Le fond de la pièce est une femme vertueuse et passionnée, convaincue d'un crime qu'elle n'a pas commis, sauvée du supplice par son amant qui la croit criminelle, méprisée par celui qui l'a sauvée, et pour qui elle avait tout fait, plus désespérée de se voir soupçonnée par son amant qu'elle n'a été affligée d'être conduite au supplice, enfin son amant mourant dans ses bras, et ne reconnaissant la fidélité de sa maîtresse qu'après avoir reçu le coup de la mort, qu'il a cherchée, ne pouvant survivre au crime d'une femme qu’il adorait .
L'intérêt qui doit naître de ce sujet était affaibli par deux défauts dont le premier a été très bien censuré dans l'écrit de Mme Scaliger . Ce défaut consistait dans l'invraisemblance, dans le peu de fondement de l'accusation portée contre Aménaïde, dans l'oubli des accessoires nécessaires pour rendre Aménaïde coupable à tous les yeux, surtout à ceux de Tancrède . La correction de ce défaut ne dépendait que de quelques éclaircissements préliminaires, de quelques détails , de quelques arrangements historiques . C'est un travail auquel on ne s’est pas voulu livrer dans la chaleur de la composition . J'ai traité cette pièce comme la maison que je fais bâtir à Ferney ; je fais d'abord élever les quatre faces , pour voir si l'architecture me plaira, et ensuite je fais les voutes des caves et les égouts ; chacun a sa méthode . Les anges verront par la première édition qu'on leur enverra, que non seulement la partie historique qu'ils désiraient est traitée à fond, mais qu'elle répand encore dans la pièce autant d'intérêt que de lumière, et on espère que madame Scaliger sera contente .
6° Le second défaut consistait dans des longueurs, dans des redites, qui détruisaient l'intérêt au quatrième et cinquième acte . M. de Chauvelin a fait sur ce vice essentiel un mémoire plein de profondeur et de génie . On voit bien d'ailleurs que ce mémoire est d'un ministre public car il propose que Norador 5 soit instruit par ses espions de la condamnation d'Aménaïde, et qu'il envoie sur-le-champ un agent pour déclarer qu'il va mettre tout à feu et à sang, si on touche à cette belle créature . Je prendrai la liberté, quand j'aurai l'honneur de le voir de lui représenter mes petites difficultés sur cette ambassade ; je lui dirai qu'il est bien difficile que Norador soit instruit de ce qui se passe dans la ville lorsqu'on se prépare à lui donner bataille, lorsque les portes sont fermées, les chemins gardés, et si bien gardés qu'on vient de prendre le messager d'Aménaïde, qui les connaissait si bien . Je lui dirai encore que si Norador prenait dans ces circonstances un si violent intérêt à Aménaïde, elle ne pourrait plus guère se justifier aux yeux de Tancrède . Car qui assurera Tancrède que le billet sans adresse qui fait le corps du délit, n'était pas pour Norador ? L'ambassade même de ce Turc ne dit-elle pas clairement que le billet était pour lui ? Il n'y a que le père qui puisse certifier à Tancrède l'innocence de sa fille . Mais comment ce père pourra-t-il lui-même en être convaincu, si sa fille garde longtemps le silence comme on le veut dans ce mémoire ? Ce silence même ne serait-il pas une terrible preuve contre elle ? N'est-il pas absolument nécessaire qu'Aménaïde en voyant Tancrède , au 3è acte, se déclarer son chevalier, avoue à son père dans les transports de sa joie que c’est à lui qu'elle a écrit, et qu'elle n'ose le nommer devant ses persécuteurs, de peur de l'exposer à leur vengeance ? Cela n'est-il pas bien plus vraisemblable, bien plus passionné, bien plus théâtral ?
7° On dit dans le mémoire qu'il n'est pas naturel que Tancrède, dans le 4è acte, coure au combat, sans s'éclaircir avec Aménaïde, qu'elle doit lui dire, Arrêtez, vous croyez avoir combattu pour une perfide qui écrivait à un Turc, et c'est à un bon chrétien, c'est à vous que j'écrivais . Je répondrai à cela, qu'il y a des chevaliers sur la scène, que ces chevaliers sont les ennemis de Tancrède, qu'ils trouveraient Aménaïde aussi coupable de lui avoir écrit contre la loi, que d'avoir écrit à Norador . J'ajouterai que dans la pièce telle qu'elle est, Tancrède n’est point connu , qu'il était en effet très ridicule qu'on le reconnût au commencement du 4è acte, que c'était la principale source de la langueur qui énervait les deux derniers, qu'il y avait encore là une confidente, grande diseuse de choses inutiles, et que tout ce qui est inutile refroidit tout ce qui est nécessaire . J'aurai d'ailleurs beaucoup de remerciements à faire, et quelques objections à proposer, mais j'apprends dans ce moment des nouvelles de mes vaches et de mes semailles, qui sont autrement importantes que les amours de Tancrède et d' Aménaïde . Les sangsues du pays de Gex veulent encor me faire payer un centième denier, parce que j'ai prêté mille écus à un pauvre diable pour le tirer de prison ; je vais faire un beau mémoire pour M. de Chauvelin l'intendant 6 qui me fera encore plus d'objections que monsieur son frère .
Le résultat de tout ceci, c’est que monsieur l’ambassadeur ne peut pas se dispenser de venir voir la pièce aux Délices . Je la fais copier actuellement et je l'enverrai bientôt au chœur des anges de qui je baise le bout des ailes avec toute humilité, pénétré de reconnaissance pour eux tous, et au désespoir d'être heureux loin d’eux . Mais tout le monde me dit que je fais très bien de rester dans mon royaume de Catai et que je suis plus sage que Socrate . Je le crois bien .
N.B.- Que le 3è est tout en action, le 4è en sentiment, le 5è sentiment et action ; vous verrez ! »
1 Le manuscrit est intitulé « Mémoire pour les anges ».
2 Silhouette .
3 Chauvelin et sa femme , en route pour l'Italie passèrent quelques jours avec V* à la fin d'octobre 1759 : voir lettre du 5 novembre 1759 à Mme de Fontaine : 6/11/2010
4 Sur Tancrède dont l'action se passe en Sicile .
5 V* remplaça ce nom par Solamir .
6 Jacques-Bernard Chauvelin :http://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr;p=jacques+bernard;n=chauvelin
16:09 | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2014
J’expie autant que je peux par les plaisirs les barbaries dont j'attends des nouvelles
... Sinon je deviendrais dingue-méchant-con !
« A Jean-Robert Tronchin
à Lyon
4 septembre [1759]
Si vous n'avez pas fait usage mon cher correspondant des deux lettres de change de notre baron Labat, je vous prie de me les renvoyer .
Je crois que je recevrai aujourd'hui les fleurs pour le théâtre , et les pompons pour la cavalerie . J’expie autant que je peux par les plaisirs les barbaries dont j'attends des nouvelles . Je crains que le roi de Prusse n'ait donné une nouvelle bataille et qu'il ne l'ait perdue avec la tête ; après quoi les Autrichiens viendront nous demander compte du foin que nous avons mangé en Allemagne, le tout selon les lois du meilleur des mondes possibles .
Votre très humble serviteur
V. »
15:32 | Lien permanent | Commentaires (0)
Que vous faites bien madame de vous délivrer de tous ces banquiers ! Les Olenslagers et tous les gens de son espèce auront à la fin tout l'argent de l'Europe
... Olenslagers et autres banquiers, essayez d'échapper à leurs griffes est tâche difficile sinon impossible, crise ou pas crise ils s'en sortiront plus gras que jamais, de toute éternité .
« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha
Aux Délices 4 septembre [1759
Madame, je reçois la lettre dont Votre Altesse Sérénissime m'honore par les mains de l'avocat qu'elle a envoyé dans nos montagnes . Que vous faites bien madame de vous délivrer de tous ces banquiers ! Les Olenslagers et tous les gens de son espèce auront à la fin tout l'argent de l'Europe . Je n'ai nulle nouvelle du marchand baron, il est en pleine Suisse dans sa terre qu'il a gagnée à vendre paisiblement de la mousseline, tandis que tant de terres de ceux qui ne vendent que leur sang sont ravagées . Il sera sans doute fort aise lui-même du parti que Votre Altesse Sérénissime a pris . Je n'ai point vu encore celui qu'elle a envoyé . J'étais dans un de mes ermitages quand il me cherchait dans l'autre . Je l'attends aujourd'hui à dîner mais la poste partira avant qu'il arrive . C'est ce qui me détermine à écrire par le courrier qui d'ailleurs ira plus vite que lui .
J’eus l'honneur madame de vous écrire avant hier 1 et je pris la liberté de mettre dans le paquet une lettre qui peut n'être pas tout à fait inutile à la personne 2 qui la recevra . Vous vous intéressez à elle et je ne devrais pas m'y intéresser . Mais les affaires de ce monde tournent quelquefois d'une manière ridicule . Il est sans doute bien extraordinaire que je sois à portée de servir cette personne . Elle est très capable de n'en rien croire, car avec de très grandes qualités on a quelquefois des caprices . Je n'ose en dire davantage . Plût à Dieu, madame, que je puisse venir me mettre à vos pieds pendant quelques jours . Je me flatte que les yeux de la grande maîtresse des cœurs sont meilleurs que les miens . Ils vous voient tous les jours . Les miens sont punis d'avoir quitté votre cour .
Recevez, madame, les profonds respects de l'ermite V. avec votre indulgence ordinaire . »
1 Ou plutôt trois jours avant, lettre du 1er septembre 1759 :
2 Frédéric II, voir note de la lettre du 1er septembre 1759 à la duchesse, ci-dessus .
15:23 | Lien permanent | Commentaires (0)
Vite, beaucoup d'argent mon cher baron
... Et tant pis si vous ne n'êtes pas baron, même le dernier des prolétaires peut participer à l'effort, à Bercy on s'impatiente !
« A Jean-Louis Labat, baron de Grandcour
au château de Grandcour
route de Berne
4 septembre [1759]1
Vous ne m'avertissez pas, mon cher baron, que vous êtes remboursé . Mme la duchesse de Saxe me le mande . Je vous avoue que je suis enchanté de cette nouvelle plus que de celles des gazettes . J'étais sans ressource avec mon frontispice, mes colonnes et mes architraves . Vite, beaucoup d'argent mon cher baron . Moyennant ce divin remboursement, je n'ai plus besoin de vos 14900 livres en lettres de change . Je les fais revenir sous votre bon plaisir. Vos intérêts vous sont payés jusqu'au bout de l'année . Cela est très honnête . C'est un procédé très noble, et mon baron n'en aura jamais d'autres avec moi . Le rembourseur est ici . Je l'attends à dîner . J'ignore s'il a passé à Grandcour, et à qui il a donné l'argent . Je vous écris avant de le voir parce que la poste part .
Mille respects à madame et à mon appétissante 2. »
1 Manuscrit olographe sur lequel Labat a noté : « Voltaire le 4è septembre 1759 . R[épondu] 9 d[udi]t que je ne saurais reprendre les lettres sur Paris en ayant fait les fonds » . Le rembourseur est l'avocat envoyé par la duchesse de Saxe-Gotha .
2 La fille de Labat, Jeanne-Louise, qu'on a vue à propos de la lettre du 17 juillet 1758 à Labat : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/09/18/vous-vous-ferez-des-amis-nouveaux-et-c-est-un-agrement-de-pl.html
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03/10/2014
Il est rare que les libraires soient fort empressés quand il s'agit d'un procédé honnête ; tout homme a plus ou moins les vices de sa profession
... L'éditeur du livre de Valérie Trierweiler confirme ce jugement voltairien , sans contredit .
« A Élie Bertrand
premier pasteur de l’Église française
à Berne
4 septembre 1759
Je vais écrire, mon cher philosophe, pour qu'on vous rende vos articles de l’Histoire naturelle . Il est rare que les libraires soient fort empressés quand il s'agit d'un procédé honnête ; tout homme a plus ou moins les vices de sa profession ; La Mettrie 1, dont vous me parlez, n'avait point ceux de la sienne, car en vérité il n'était point du tout médecin ; il cherchait seulement à être athée ; c'était un fou, et sa profession était d'être fou ; mais ceux qui vous ont dit qu'il était mort repentant sont de la profession des menteurs ; j'ai été témoin du contraire ; pour Maupertuis vous pouvez compter que pour être mort entre deux capucins, il n'en croyait pas davantage à saint François ; il n'était pas moins extravagant que La Mettrie, il est mort de la rage de sentir qu'il n'avait pas dans l'Europe toute la considération qu'il ambitionnait ; le pays de Saint Malo 2 est sujet à produire des cervelles ardentes dans le goût de celles des Anglais . Ma folie à moi est d'être laboureur et architecte, de semer au semoir des terres ingrates, et de me ruiner à bâtir un petit palais dans un désert . Au reste, mon cher ami, il ne faut penser ni comme La Mettrie ni comme Maupertuis, mais comme Socrate, Platon, Cicéron, Epictète, Marc Aurèle ; les barbares raisonneurs qui sont venus depuis sont la honte du genre humain, et leurs sottises font mal au cœur .
Heureux qui est le maître chez soi, et qui pense librement . Vale .
V. »
2 A Saint Malo sont nés Jacques Cartier, Duguay-Trouin, Surcouf, La Mettrie et Chateaubriand .
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