19/01/2012
Je suis enchanté d'avoir reçu des marques de votre souvenir; je ne les dois qu'à vos terreurs; mais je ne les en chéris pas moins
Un couple de pandas est arrivé ces jours derniers en France, et plus économiquement, j'ai , moi, mon petit panda joli à croquer .
http://www.youtube.com/watch?v=_4IRMYuE1hI
« DE M. DARGET
A Vincennes, le 1er juin 1755 i
Si vous êtes persuadé de mon amitié, monsieur, autant que vous devez l'être par les témoignages que j'ai été assez heureux de vous en donner à Potsdam et à Berlin, si vous pensez de ma probité un peu mieux que La Beaumelle ne vous en fait parler dans une de ses réponsesii, vous n'avez pas dû être inquiet de la lecture que j'ai faite de votre Pucelle à Vincennes. L'assemblée était composée de gens qui vous admirent et qui ont le droit de vous admirer; M. le chevalier de Croismareiii y présidait; Mme de Meyzieu iv en était; M. l'abbé Chauvelin devait y être; et l'on pourrait dire que l'auditoire était prévenu, si ce mot-là pouvait être employé quand il est question de vos ouvrages.
La copie que j'ai lue est une copie exacte, mais mal écrite, et qui avait été apportée d'Allemagne, où elle existe de votre aveu, pour être mise au net à Paris par une belle main. J'ai empêché cette opération, dont je connais le danger. Je me souviens que Tinoisv vous déroba une copie, en en faisant une sous vos yeux pour le roi de Prusse, et je me rappelle avec plaisir que je fus cause que cette copie furtive ne fut pas portée en Hollande. J'ai saisi avec le même zèle pour vous, monsieur, l'occasion, quoique ignorée, de vous servir de nouveau en empêchant que cet ouvrage, étant mis au net ici, ne pût être encore copié furtivement. N'en ayez donc aucune inquiétude, et soyez bien assuré que les intérêts de votre tranquillité et de votre amour-propre ne seront pas compromis, quand je serai assez heureux pour y pouvoir quelque chose.
Il n'y a que le premier chant de ce poème qui soit connu ici; et encore y a-t-il très-peu de gens qui l'aient ; je n'ai pas entendu dire que les autres eussent été vus. Le très-petit comité où j'en ai lu quinze chants complets en a admiré l'imagination, la poésie, les images; mais on a trouvé quelques endroits que vous retoucherez sans doute, qui peut-être sont déjà corrigés, et qui ne sont pas du ton de décence et d'agrément que l'on retrouve si généralement dans tous vos ouvrages. Tout le monde s'est accordé à dire que celui-ci ne devrait pas être imprimé, ni même trop universellement répandu pendant la vie de son auteur, et que ce serait vous rendre un très mauvais office que de le donner au public. Pardonnez donc, sans vous en alarmer, mon ancien ami, les fragments qui peuvent courir, leur peu de correction sera toujours la preuve qu'ils ne viendront pas de vous; mais que l'amour de la paternité et l'envie de produire cet enfant, affranchi de tous les défauts qu'on pouvait lui prêter, ne vous engage jamais à le mettre dans le monde , c'est un conseil que mon amitié ose vous donner avec la liberté que vous lui avez accordée autrefois.
Je souhaite bien sincèrement que vous jouissiez longtemps du beau lieu que vous habitez, il ne tient qu'à vous, mon bon ami, de le rendre le délice des autres ; puisse-t-il toujours en être un pour vous, personne ne le désire plus que moi. Je suis enchanté d'avoir reçu des marques de votre souvenir; je ne les dois qu'à vos terreurs; mais je ne les en chéris pas moins. Je vis ici avec vos admirateurs, et vous admireriez et chanteriez vous-même cet établissement si vous pouviez le voir de près ; cela est-il sans espérance? M. le chevalier de Croismare, qui y commande en chef, me charge de vous faire ses compliments; il assure Mme Denis de ses respects, je m'acquitte du même devoir, et je vous prie d'être persuadé que je serai toute ma vie, avec un attachement bien tendre et des sentiments que j'ai conservés malgré bien des circonstances, et qu'il ne tiendra qu'à vous d'entretenir, etc. »
i Réponse à la lettre de V* du 23 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/01/17/toutes-les-sottises-qui-doivent-faire-rougir-le-lecteur-et-i.html
ii La Beaumelle, à la page 129 de sa Lettre sur mes démêlés avec M. de Voltaire, imprimée à la suite de la Réponse au Supplément du Siècle de Louis XIV, 1754, in-12, fait dire à Voltaire que N. (c'est de Darget qu'il s'agit) est un homme sans honneur et sans foi. (Beuchot) .
Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k717922/f129.image.r=bpt6k717922.langFR
iii Jacques-René de Croismare : page 62 http://books.google.fr/books?id=xss5AAAAcAAJ&pg=PA62&lpg=PA62&dq=le+chevalier+de+Croismare&source=bl&ots=Eo9NDvgDJN&sig=4WfU3YClzNv1X6_-MtXknmb_bZk&hl=fr&sa=X&ei=0hgYT9vZC8rz-gbauZnNCg&sqi=2&ved=0CD0Q6AEwBQ#v=onepage&q=le%20chevalier%20de%20Croismare&f=false
iv 3 Mme Paris de Meyzieu, nièce de Jean Pâris-Montmartel et de Joseph Pâris-Duverney. http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_P%C3%A2ris_de_Meyzieu
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_P%C3%A2ris_Duverney
et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_P%C3%A2ris_de_Monmartel
v Voir page 347 : http://books.google.fr/books?id=WyQtAAAAYAAJ&pg=PA347&lpg=PA347&dq=Tinois+voltaire&source=bl&ots=dda5t4xKbS&sig=gjVWX7EcdgSjfW5vNWqHUkBOqB4&hl=fr&sa=X&ei=CiAYT7bREsWd-wbKx427Cg&ved=0CCMQ6AEwAQ#v=onepage&q=Tinois%20voltaire&f=false
et page 128, ce qu'en dit Colini : http://books.google.fr/books?id=xCHh2NnlkC0C&pg=PA339...
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17/01/2012
toutes les sottises qui doivent faire rougir le lecteur et indigner l'auteur
http://www.deezer.com/music/track/250290
Quelques fruits pour un épineux problème ...
« A M. Claude-Etienne DARGET
Aux Délices, 23 mai 1755 i
Je connais votre probité, mon ancien camarade en Vandalie ii, et je n'ai jamais douté de votre amitié; j'apprends qu'on a lu devant vous, à Vincennes, tout le poème de la Pucelle; mais, par les fragments qui courent, je vois que tout est aussi défiguré que mon Histoire prétendue universelle. On a rempli les lacunes de toutes les sottises qui doivent faire rougir le lecteur et indigner l'auteur. Je m'adresse hardiment à vous pour prévenir, s'il est possible, les mauvais effets de cette abominable rapsodie qu'on ne manquerait pas de m'imputer. Il est dur que mon repos et ma vieillesse soient troublés par tant de calomnies. Vous êtes à portée de me donner dans cette affaire des lumières et des conseils. Si ceux qui ont un manuscrit si défectueux voulaient avoir le véritable, ils ne feraient peut-être pas un mauvais marché. Il n'y a point de parti que je ne prenne, ni de dépense que je ne fasse très-volontiers, pour supprimer ce qu'on fait courir sous mon nom avec tant d'injustice. J'ose m'adresser à vous avec confiance, parce qu'il s'agit de faire une bonne action.
L'adresse de votre ancien et très-humble et obéissant serviteur est A Voltaire, gentilhomme ordinaire du roi, aux Délices, près de Genève. C'est une maison, en effet, délicieuse, sur le lac et sur le Rhône. Ce sont des jardins charmants; mais une pucelle porte le trouble partout. »
ii Il fut lecteur et secrétaire particulier de Frédéric II, depuis 1747, après avoir été au service du marquis de Valori, ambassadeur de France à Berlin . Il deviendra intendant de l’École militaire à Paris . Voir paragraphe IV : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/20/text/ et http://ub-dok.uni-trier.de/argens/pic/pers/Darget.php
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Ma pauvre Pucelle devient une p. infâme, à qui on fait dire des grossièretés insupportables
Pourquoi Carmina Burana me trotte-t-il dans la tête ? Autant vous en faire profiter ! Puisque je suis fan de cette oeuvre ... même si c'est dans une autre version que ma préférée, qui est presque inaudible sur une de ces vieilles cassettes audio du siècle dernier .
http://www.youtube.com/watch?v=QEllLECo4OM
En voici les paroles :
http://maddingue.free.fr/carmina-burana/cb-by-Orff.fr.html

Et simultanément, Klaus Nomi refait surface -je l'associe à l'oeuvre précédente, je ne sais plus si c'est à juste titre -, et je m'offre un bon moment en compagnie de ce phénomène .
http://www.deezer.com/music/track/11056598
« A M. Henri Lambert d'Herbigny , marquis DE THIBOUVILLE.
Aux Délices, 21 mai [1755]
Ce n'est pas dégoût, c'est désespoir et impuissance. Comment voulez-vous que je polisse mes magots de la Chine quand on m'écorche, moi, quand on me déchire, quand cette maudite Pucelle passe toute défigurée de maison en maison, que quiconque se mêle de rimailler remplit les lacunes à sa fantaisie, qu'on y insère des morceaux tout entiers qui sont la honte de la poésie et de l'humanité ? Ma pauvre Pucelle devient une p. infâme, à qui on fait dire des grossièretés insupportables. On y mêle encore de la satire; on glisse, pour la commodité de la rime, des vers scandaleux contre les personnes i à qui je suis le plus attaché. Cette persécution d'une espèce si nouvelle, que j'essuie dans ma retraite, m'accable d'une douleur contre laquelle je n'ai point de ressource. Je m'attends chaque jour à voir cet indigne ouvrage imprimé. On m'égorge, on m'accuse de m'égorger moi-même. Cet avorton d'Histoire universelle, tronqué et plein d'erreurs à chaque page, ne m'a-t-il pas été imputé? et ne suis-je pas à la fois la victime du larcin et de la calomnie? Je m'étais retiré dans une solitude profonde, et j'y travaillais en paix à réparer tant d'injustices et d'impostures. J'aurais pu, en conservant la liberté d'esprit que donne la retraite, travailler à l'ouvrage ii que vous aimez, et auquel vousvoulez bien donner quelque attention, mais cette liberté d'esprit est détruite par toutes les nouvelles affligeantes que je reçois. Je ne me sens pas le courage de travailler à une tragédie quand je succombe moi-même très-tragiquement. Il faudrait, mon cher Catilina, me donner la sérénité de votre âme et celle de M. d'Argental, pour me remettre à l'ouvrage. Soit que je sois en état d'achever mes Chinois et mes Tartares, soit que je sois forcé de les abandonner, je vous supplie de remercier pour moi M. Richelet iii de ses offres obligeantes.
Plus je suis sensible son attention, plus je le prie de ne pas manquer de donner au public l'EROE CINESE, di Metastasio iv. La circonstance sera favorable au débit de son ouvrage, et ce ne sera pas ce qui fera tort au mien. Je n'ai de commun avec Metastasio que le titre. On ne se douterait pas que la scène soit, chez lui, à la Chine: elle peut être où l'on veut; c'est une intrigue d'opéra ordinaire. Point de mœurs étrangères, point de caractères semblables aux miens; un tout autre sujet et un tout autre pinceau.
Son ouvrage peut valoir infiniment mieux que le mien, mais il n'y a aucun rapport. J'ai encore à vous prier, aimable ami, de dire à M. Sonning combien je le remercie d'avoir favorisé de ses grâces mon parterre et mon potager. Je lui épargne une lettre inutile; mes remerciements ne peuvent mieux être présentés que par vous. »
i Thibouville était nommé dans un vers scabreux qui est dans les variantes .http://fr.wikipedia.org/wiki/Henri-Lambert_de_Thibouville
iii Richelet, ancien conseiller au Châtelet, a fait imprimer les Tragédies-opéra de l'abbé Metastasio, traduites en français, 1751-56, douze volumes petit in-12.
iv Voir : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5784275j/f93.image.r=EROE+CINESE,+di+Metastasio.langFR
V* défend l'originalité de son sujet dans L'Orphelin de la Chine.
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16/01/2012
alors le lecteur voit toutes les sottises de l'auteur, et le libraire ne s'en trouve pas mieux
Par bise noire, sur le pays de Gex et le Genevois
« A MM. CRAMER 1
Samedi au soir, 15 mai 1755 (nisi fallor)2.
Retenu dans ma petite retraite de Monrion par le vent de bise, je vous dirai, frères très-chers, que j'ai relu le Siècle de Louis XIV. J'aurais encore quelques particularités intéressantes à y ajouter, et je pense que vous feriez bien de suspendre l'impression jusqu'à mon retour aux Délices. Il vaut bien mieux différer que de faire des cartons. A propos de cartons, je ne doute pas que vous n'ayez recommandé expressément qu'on coupât à l'imprimerie les pages des Œuvres mélées auxquelles des cartons sont substitués. Cela est d'une importance extrême. Il arrive tous les jours que des relieurs relient ensemble la page qui devrait être supprimée et le carton qui devrait être seul employé; alors le lecteur voit toutes les sottises de l'auteur, et le libraire ne s'en trouve pas mieux.
Mille tendres compliments à toute la famille. Je pars enfin demain pour Berne, n'ayant plus le vent contraire. On dit que la flotte anglaise a aussi bon vent 3. Vous devez à présent en avoir des nouvelles. Valete, fratres. »
1 Philibert et Gabriel Cramer, frères, imprimeurs des Oeuvres de V*, à Genève. http://www.cavi.univ-paris3.fr/phalese/desslate/dico0314.htm
2 Si je ne me trompe .
3 Déjà avant le début de la Guerre de Sept Ans, il y des accrochages et hostilités entre France et Angleterre sur le continent américain .http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_la_Conqu%C3%AAte
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j'ai les doigts enflés, l'esprit aminci, et je ne peux plus écrire
Cette main est connue des visiteurs attentifs du château de Volti
« A M. THIERIOT.
Aux Délices, le 9 mai [1755]
Je maudis bien mes ouvriers, mon cher et ancien ami, puisqu'ils vous empêchent de suivre ce beau projet si consolant que vous aviez de venir recueillir mes derniers ouvrages et mes dernières volontés.
Je plante et je bâtis, sans espérer de voir croître mes arbres, ni de voir ma cabane finie. Je construis à présent un petit appartement pour Mme de Fontaine, qui ne sera prêt que l'année qui vient. C'est une de mes plus grandes peines de ne pouvoir la loger cette année; mais vous, qui pouvez vous passer d'un cabinet de toilette et d'une femme de chambre, vous pourriez encore, si le cœur vous en disait, venir habiter un petit grenier meublé de toile peinte, appartement digne d'un philosophe, et que votre amitié embellirait. Nous ne sommes pas loin de Genève; vous verriez M. de Montpéroux le résident,i que vous connaissez , vous auriez assez de livres pour vous amuser, une très-belle campagne pour vous promener; nous irions ensemble à Monrion, nous nous arrêterions en chemin à Prangins, vous verriez un très beau et très-singulier pays; et, s'il venait faute de votre ancien ami, vous vous chargeriez de son héritage littéraire, et vous lui composeriez une honnête épitaphe, mais je ne compte point sur cette consolation. Paris a bien des charmes, le chemin est bien long, et vous n'êtes pas probablement désœuvré.
Vous m'avez parlé de cet ancien poème, fait il y a vingt-cinq ans ii, dont il court des lambeaux très-informes et très-falsifiés , c'est ma destinée d'être défiguré en vers et en prose, et d'essuyer de cruelles infidélités. J'aurais voulu pouvoir réparer au moins le tort qu'on m'a fait par cette infâme falsification de cette Histoire prétendue universelle; c'était là un beau projet d'ouvrage, et je vous avoue que je serais bien fâché de mourir sans l'avoir achevé, mais encore plus sans vous avoir vu.
Mme la duchesse d'Aiguillon iii m'a commandé quatre vers pour M. de Montesquieu iv, comme on commande des petits pâtés; mais mon four n'est point chaud, et je suis plutôt sujet d'épitaphes que faiseur d'épitaphes. D'ailleurs, notre langue, avec ses maudits verbes auxiliaires, est fort peu propre au style lapidaire.
Enfin l'Esprit des Lois en vaudra-t-il mieux avec quatre mauvais vers à la tête? Il faut que je sois bien baissé, puisque l'envie de plaire à Mme d'Aiguillon n'a pu encore m'inspirer.
Adieu, mon ancien ami. Si Mme la comtesse de Sandwich v daigne se souvenir de moi, I pray you to present her with my most humble respect. Vous voyez que je dicte jusqu'à de l'anglais; j'ai les doigts enflés, l'esprit aminci, et je ne peux plus écrire. »
i Le baron de Montpéroux, comme l'appelle l'Almanach royal de 1761 à 1765, fut résident de France de 1750 jusqu'au début de septembre 1765 . http://books.google.fr/books?id=sqUGAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q=r%C3%A9sident&f=false
Voir : http://www.droz.org/en/livre/?GCOI=26001100180080&fa=author&Person_ID=843
Pierre.-Michel Hennin fut son successeur, à Genève. http://books.google.fr/books?id=cy8HAAAAQAAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
Le 21 décembre1765, à l'arrivée de Hennin, V* écrira à d'Argental : « … il soutiendra la dignité de résident de France mieux que ne le faisait ce pauvre petit Montpéroux. »
ii La Pucelle . http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-avertissement-82684665.html
iii « la sœur du pot des philosophes » comme la surnomme V* dans une lettre du 27 février à Thieriot . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Charlotte_de_Crussol_de_Florensac_d%27Aiguillonoirhttp://fr.wikipedia.org/wiki/Anne-Charlotte_de_Crussol_de_Florensac_d%27Aiguillon
iv Mort le 10 février 1755 : http://www.france-pittoresque.com/spip.php?article2477
v Voir lettre à Thieriot du 23 janvier 1755 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/25/u...
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13/01/2012
Laissons attendre le démon de la poésie et le démon du public, et prenons bien le temps de l'un et de l'autre
Petit matin blême, tôt ! trop tôt !!
« A M. LE COMTE D'ARGENTAL.
Aux Délices, 4 mai [1755]
Chœur des anges, prenez patience; je suis entre les mains des médecins et des ouvriers, et le peu de moments libres que mes maux et les arrangements de ma cabane me laissent, sont nécessairement consacrés à cet Essai sur l'Histoire générale, qui est devenu pour moi un devoir indispensable et accablant, depuis le tort qu'on m'a fait d'imprimer une esquisse si informe d'un tableau qui sera peut-être un jour digne de la galerie de mes anges. Laissez-moi quelque temps à mes remèdes, à mes jardins, et à mon Histoire.
Dès que je me sentirai une petite étincelle de génie, je me remettrai à mes magots de la Chine. Il ne faut fatiguer ni son imagination, ni le public. Laissons attendre le démon de la poésie et le démon du public, et prenons bien le temps de l'un et de l'autre. Je veux chasser toute idée de la tragédie, pour y revenir avec des yeux tout frais et un esprit tout neuf. On ne peut jamais bien corriger son ouvrage qu'après l'avoir oublié. Quand je m'y mettrai, je vous parlerai alors de toutes vos critiques, auxquelles je me soumettrai autant que j'en aurai la force. Ce n'est pas assez de vouloir se corriger, il faut le pouvoir. Permettez-moi cependant, mon cher et respectable ami, de vous demander si M. de Ximenès était chez vous quand on lut ces quatre actes. Nous sommes bien plus embarrassés, Mme Denis et moi, de ce que nous mande M. de Ximenès que de Gengis-kan et d'Idamé. Si ce n'est pas chez vous qu'il a lu la pièce, c'est donc Lekain qui la lui a confiée; mais comment Lekain aurait-il pu lui faire cette confidence, puisque la pièce était dans un paquet à votre adresse, très-bien cacheté? Si, par quelque accident que je ne prévois pas, M. de Ximenès avait eu, sans votre aveu, communication de cet ouvrage, il serait évident qu'on lui aurait aussi confié les quatre chants i que je vous ai envoyés. Tirez-moi, je vous prie, de cet embarras.
Je ne sais, mon cher ange, à quoi appliquer ce que vous me dites à propos de ces quatre derniers chants. Il n'y a, ce me semble, aucune personnalité, si ce n'est celle de l'âne ii. Je sais que, malheureusement, il se glissa dans les chants précédents quelques plaisanteries qui offenseraient les intéressés. Je les ai bien soigneusement supprimées; mais puis-je empêcher qu'elles ne soient, depuis longtemps, entre les mains de Mlle du Thil?iii C'est là le plus cruel de mes chagrins, c'est ce qui m'a déterminé à m'ensevelir dans la retraite où je suis. Je prévois que, tôt ou tard, l'infidélité qu'on m'a faite deviendra publique, et alors il vaudra mieux mourir dans ma solitude qu'à Paris. Je n'ai pu imaginer d'autre remède au malheur qui me menace que de faire proposer à Mlle du Thil le sacrifice de l'exemplaire imparfait qu'elle possède, et de lui en donner un plus correct et plus complet, mais comment et par qui lui faire cette proposition? Peut-être M. de La Motte, qui a pris ma maison iv et qui est le plus officieux des hommes, voudrait bien se charger de cette négociation, mais voilà de ces choses qui exigent qu'on soit à Paris. Ma tendre amitié pour vous l'exige bien davantage, et cependant je reste au bord de mon lac, et je ne me console que par les bontés de mes anges. Mon cœur en est pénétré. »
ii Voir :http://www.monsieurdevoltaire.com/article-la-pucelle-d-orleans-chant-vingtieme-86569397.html
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12/01/2012
L'éternel malade, le solitaire, le planteur de choux et le barbouilleur de papier, qui croit être philosophe
Cailloux, choux, ...
« A M. LE MARÉCHAL DUC DE RICHELIEU.
Aux Délices, 1er mai [1755]
L'éternel malade, le solitaire, le planteur de choux et le barbouilleur de papier, qui croit être philosophe au pied des Alpes, a tardé bien indignement, monseigneur le maréchal, à vous remercier de vos bontés pour Lekain i; mais demandez à Mme Denis si j'ai été en état d'écrire. J'ai bien peur de n'être plus en état d'avoir la consolation de vous faire ma cour. J'aurai pourtant l'honneur de vous envoyer ma petite drôlerie ii; c'est le fruit des intervalles que mes maux me laissaient autrefois; ils ne m'en laissent plus aujourd'hui, et j'aurai plus de peine à corriger ce misérable ouvrage que je n'en ai eu à le faire. J'ai grande envie de ne le donner que dans votre année iii. Cette idée me fait naître l'espérance de vivre encore jusque-là. Il faut avoir un but dans la vie, et mon but est de faire quelque chose qui vous plaise, et qui soit bien reçu sous vos auspices. Vous voilà, Dieu merci, en bonne santé, monseigneur; et les affaires, et les devoirs de la cour, et les plaisirs qui étaient en arrière par votre maudit érysipèle, vous occupent à présent que vous avez la peau nette et fraîche.
Je n'ose, dans la multitude de vos occupations, vous fatiguer d'une ancienne requête que je vous avais faite avant votre cruelle maladie, c'était de daigner me mander si certaines personnes iv approuvaient que je me fusse retiré auprès du fameux médecin Tronchin, et à portée des eaux d'Aix. Ce Tronchin-là a tellement établi sa réputation qu'on vient le consulter de Lyon et de Dijon, et je crois qu'on y viendra bientôt de Paris. On inocule, ce mois-ci, trente jeunes gens à Genève v. Cette méthode a ici le même cours et le même succès qu'en Angleterre. Le tour des Français vient bien tard, mais il viendra. Heureusement la nature a servi M. le duc de Fronsac aussi bien que s'il avait été inoculé.
Il me semble que ma lettre est bien médicale mais pardonnez à un malade qui parle à un convalescent. Si je pouvais faire jamais une petite course dans votre royaume de Cathai, vous et le soleil de Languedoc, mes deux divinités bienfaisantes, vous me rendriez ma gaieté, et je ne vous écrirais plus de si sottes lettres. Mais que pouvez-vous attendre du mont Jura, et d'un homme abandonné à des jardiniers savoyards et à des maçons suisses? Mme Denis est toujours, comme moi, pénétrée pour vous de l'attachement le plus tendre. Elle l'exprimerait bien mieux que moi elle a encore tout son esprit, les Alpes ne l'ont point gâtée.
Conservez vos bontés, monseigneur, à ces deux Allobroges qui vivent à la source du Rhône vi, et qui ne regrettent que les climats où ce fleuve coule sous votre commandement vii. Le Rhône n'est beau qu'en Languedoc. Je vous aimerai toujours avec bien du respect, mais avec bien de la vivacité, et je serai à vos ordres si je vis. »
i Voir lettre du 14 avril 1755 à Lekain : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/01/10/vous-avez-la-permission-de-vous-faire-admirer-a-lyon-tant-qu.html
iii Richelieu ne dut être d'année, ou de service , qu'en 1757, comme premier gentilhomme de la chambre chargé des spectacles ; mais l'Orphelin fut joué le 20 août 1755.
v Inoculation de la petite vérole ou variole ( maladie fréquemment mortelle), ancêtre de la vaccination .V* en est un ardent promoteur, lui qui faillit mourir de cette infection .
vi Plus exactement, au début du cours français du Rhône dont la source est au Valais en Suisse .http://fr.wikipedia.org/wiki/Rh%C3%B4ne
vii Richelieu est gouverneur de Guyenne et séjourna Montpellier .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Louis_Fran%C3%A7ois_Armand_de_Vignerot_du_Plessis,_duc_de_Richelieu
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