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12/08/2017

Quid illi facere ? / Que faire à cela ?

... Purger ! Donner le clystère ! Saigner !

Métaphoriquement parlant, il me semble que c'est le traitement nécessaire, in-dis-pen-sa-ble à notre administration qui , --pour n'en citer qu'une--, telle celle chargée des dossiers de retraite accumule des retards invraisemblables et met les retraités dans des situations misérables . Messieurs/mesdames les ronds-de-cuir sortez-vous les doigts ...etc.

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http://www.dessinateurdepresse.com/illustrations-illustra...

 

 

« A Théodore Tronchin

professeur

[septembre 1762]

Secreto .

Fils d'Apollon, la petite-nièce d'Apollon Mlle Corneille fut autrefois nouée 1. Son esprit se dénoue aujourd'hui et son corps se dénoua le premier . Il y a du temps . Elles sent quelquefois des restes de cette ancienne conformation . Faiblesse et douleur dans la hanche, douleurs rhumatisantes et vagues du côté de la hanche affligée . En un mot elle boite et souffre . Quid illi facere  2?

Mes compliments à M. Tronchin le procureur général, je vous en prie .

Nous vous embrassons tous .

V. »

1Le mot désigne familièrement un état rachitique .

2 Que faire à cela ? C'est un souvenir de la cérémonie du Malade imaginaire, où la réponse à cette question est toujours : purger, donner un clystère, saigner .

Il échappe toujours quelque chose à la révision

... Et ce ne sont pas les candidats à quelque examen que ce soit qui diront le contraire, ni mon garagiste quand je dois refaire un passage chez lui après le contrôle technique , pas plus que moi qui, en relisant parfois quelques notes mises en ligne , trouve quelque co(q)uille et la corrige à retardement .

Scusi !

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« A Gabriel Cramer

[septembre 1762]

Il échappe toujours quelque chose à la révision, et je suis trop occupé pour mettre à ce travail le temps convenable . Comment se peut-il faire que quelque gredin de proposant ou de prédicant ne se fasse pas correcteur d'imprimerie pour avoir de quoi payer ses repasseuses ?

Comment ferez-vous pour le caractère des préfaces ? et De gladio 1? et Héraclius ? »

11/08/2017

Tâchez de votre côté d'éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez.

... Il semble parfois que notre XXIè siècle soit bien en retard sur les priorités que Voltaire prônait , alors ...

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... pourquoi est-il besoin de le rappeler ?

 

 

« A Jean Le Rond d'Alembert

Au château de Ferney, par Genève,

15 de septembre [1762] 1

Mon très aimable et très grand philosophe, je suis emmitouflé. Je vise à être sourd et aveugle. Si je n'étais qu'aveugle, je reviendrais voir Mme du Deffand [i]; mais étant sourd il n'y a pas moyen.

Je vous prie de dire à l'Académie que je la régalerai incessamment de l'Héraclius de Calderon, qui pourra réjouir autant que César de Shakespeare [ii]. Soyez très persuadé que j'ai traduit Gille Shakespeare selon l'esprit et selon la lettre [iii]. L'ambition qui paie ses dettes est tout aussi familier en anglais qu'en français [iv], et le dimitte nobis debita nostra n'en est pas plus noble pour être dans le Pater.

On a bien de la peine avec les Calas ; on n'a été instruit que petit à petit, et ce n'est qu'avec des difficultés extrêmes qu'on a fait venir les enfants à Genève, l'un après l'autre, et la mère à Paris. Les mémoires ont été faits successivement, à mesure qu'on a été instruit. Ces mémoires ne sont faits que pour préparer les esprits, pour acquérir des protecteurs, et pour avoir le plaisir de rendre un parlement et des pénitents blancs [v] exécrables et ridicules.

Comment peut-on imaginer que j'aie persécuté Jean-Jacques ? voilà une étrange idée ; cela est absurde. Je me suis moqué de son Émile, qui est assurément un plat personnage ; son livre m'a ennuyé ; mais il y a cinquante pages que je veux faire relier en maroquin [vi]; en vérité , ai-je le nez tourné à la persécution ? croit-on que j'aie un grand crédit auprès des prêtres de Berne ?[vii] Je vous assure que la prêtraille de Genève aurait fait retomber sur moi, si elle avait pu, la petite correction qu'on a faite à Jean-Jacques, et j'aurais pu dire : jam proximus ardet Eucalegon [viii], si je n'avais pas des terres en France, avec un peu de protection [ix]. Quelques cuistres de calvinistes ont été fort ébahis et fort scandalisés que l'illustre république me permît d'avoir une maison dans son territoire, dans le temps qu'on brûle et qu'on décrète de prise de corps Jean-Jacques le citoyen [x], mais comme je suis fort insolent, j'en impose un peu, et cela contient les sots. Il y a d'ailleurs plus de Jean Meslier et de Sermon des cinquante dans l'enceinte de nos montagnes qu'il n'y en a à Paris. Ma mission va bien, et la moisson est assez abondante [xi]. Tâchez de votre côté d'éclairer la jeunesse autant que vous le pourrez.

J'ai envoyé à frère Damilaville un long détail d'une bêtise imprimée dans les journaux d'Angleterre ; c'est une lettre qu'on prétend que je vous ai écrite [xii]; vous auriez un bien plat correspondant, si je vous avais en effet écrit dans ce style.

Le factum de l'archevêque de Paris contre Jean-Jacques [xiii] me parait plus plat que l'éducation d'Émile ; mais il n'approche pas du réquisitoire d'Omer. Quand un homme public est bête, il faut l'être comme Omer, ou ne point s'en mêler. Je suis très sûr qu'on a proposé Berthier pour la place de maître Editue [xiv]. Il faut avouer qu'il y a certaines familles où l'on élève fort bien les enfants ; mais, Dieu merci, nous n'avons eu qu'une fausse alarme.

Je vous parle rarement de Luc [xv], parce que je ne pense plus à lui ; cependant, s'il était capable de vivre tranquille et en philosophe, et de mettre à écraser l'Infâme la centième partie de ce qu'il lui en a coûté pour faire égorger du monde, je sens que je pourrais lui pardonner.

Vous avez vu , sans doute, la belle lettre que Jean-Jacques a écrite à son pasteur, pour être reçu à la sainte table : je l'ai envoyée à frère Damilavile [xvi]. Vous voyez bien que ce pauvre homme est fou : pour peu qu'il eût eu un reste de sens commun, il serait venu au château de Tournay que je lui offrais, c'est une terre entièrement libre. Il y eût bravé également et les prêtres ariens et l'imbécile Omer et tous les fanatiques ; mais son orgueil ne lui a pas permis d'accepter les bienfaits d'un homme qu'il avait outragé.

Criez partout, je vous en prie, pour les Calas et contre le fanatisme, car c'est l'Infâme qui a fait leur malheur. Vous devriez bien venir un jour à Ferney avec quelque bon cacouac [xvii]. Je voudrais vous embrasser avant de mourir, cela me ferait grand plaisir. »

1 D'Alembert a écrit le 8 septembre 1762 : « L'Académie […] vous remerci[e] de la traduction que vous lui avez envoyée du Jules César de Shakespeare ; […] elle s'en rapporte à vous pour la fidélité de la traduction, n'ayant pas eu d'ailleurs l'original sous les yeux . Elle est étonnée qu'une nation qui n'est pas barbare puisse applaudir à des rhapsodies si grossières ; et rien ne lui paraît plus propre, comme vous l'avez très bien pensé , à assurer la gloire de Corneille . […] j'ai peine à croire qu'en certains endroits l'original soit aussi mauvais qu'il le paraît dans cette traduction . […] vous faites dire à l'un des acteurs, mes braves gentilshommes ; il y a apparence que l'anglais porte gentlemen, ou peut être worthy gentlemen, expression qui ne renferme pas l'idée de familiarité qui est attachée dans notre langue à celle-ci, mes braves gentilshommes ; vous savez d'ailleurs mieux que moi que gentleman en anglais ne signifie pas ce que nous entendons par gentilhomme . Vous faites dire à un des conjurés , après l’assassinat de César, l'ambition vient de payer ses dettes . Cela est ridicule en français, et je ne doute point que cela soit fidèlement traduit, mais cette façon de parler est-elle ridicule en anglais ? […] il est très important que dans votre traduction vous ayez conservé le caractère de l'original dans chaque phrase […] . Le mémoire de Donat Calas, et celui d’Élisabeth Canning, me sont parvenus par M. Jannel ; l'un et l'autre sont à merveille ; je crois pourtant qu'il aurait encore mieux valu les refondre ensemble, et n'en faire qu'un seul écrit […] . qu'est-ce qu'un Éloge de Crébillon, ou plutôt une satire sous le nom d'éloge, qu'on vous attribue ? Quoique je pense absolument comme l'auteur de cette brochure sur le mérite de Crébillon, je suis fâché qu'on ait choisi le moment de sa mort pour jeter des pierres sur son cadavre […] . Les mais de Rousseau […] répandent ici que vous le persécutez, que vous l'avez fait chasser de Berne, et que vous travaillez à le faire chasser de Neuchâtel ; je suis persuadé qu'il n'en est rien […] . Souvenez vous d'ailleurs que si Rousseau est persécuté, c'est pour avoir jeté des pierres, et d’assez bonnes pierres, à cette infâme que vous voudriez voir écrasée, et qui fait le refrain de toutes vos lettres […] . l'archevêque vient de faire contre lui un grand diable de mandement, qui donnera envie de lire sa profession de foi à ceux qui ne la connaissaient pas […] . que dites-vous de la révolution de Russie, et de votre ancien disciple, dont vous vous obstinez à ne me point parler ? Vous avez toujours cru qu'il périrait ; il s'en tirera pourtant, si je ne me trompe, grâce à son activité , et à son courage . Je me flatte qu'après la paix, qu'on nous fait espérer bientôt, il redeviendra notre ami […] . »

i Aveugle elle-même.

ii V* a inclus ces traductions dans ses Commentaires sur Corneille pour comparer les Héraclius de Calderon et de Corneille, et aussi le César avec Cinna ; cf. lettres du 4 juin à Cappacelli et 17 juin à d'Alembert.

iii Le 8 septembre, de d'Alembert : « j'ai peine à croire qu'en certains endroits l'original soit aussi mauvais qu'il le parait dans cette traduction. »

iv D'Alembert avait posé la question .

vLe parlement de Toulouse, et les pénitents blancs, qui, selon V* ont inspiré la sentence.

vi Lettre à Damilaville le 14 juin : les « pages contre le christianisme, des plus hardies qu'on ait jamais écrites » = la Profession de foi du vicaire savoyard .

vii D'Alembert lui avait écrit : « Les amis de Rousseau ... répandent ici que vous le persécutez, que vous l'avez fait chasser de Berne, et que vous travaillez à le faire chassez de Neuchâtel... »

viii Déjà tout près brûle Ucalegon .

ix Celle de Choiseul et de Mme de Pompadour.

xAprès la condamnation le 19 juin de l'Emile, du Contrat social et de JJ Rousseau lui-même, Charles Pictet écrivait à Duvillars le 22 juin : « Ce tribunal flétrit par un jugement infamant un citoyen de la république qui a jusqu'à présent bien mérité d'elle ... pendant que le même tribunal permet qu'on imprime avec l'approbation publique les ouvrages d'un homme qui insulte à Genève et à la religion qu'on y professe ...; et en faveur de qui le conseil fait-il cette distinction ? en faveur d'un étranger auquel on a accordé une retraite dans le temps où toute l'Europe la lui refusait ... »

xi Charles Pictet l'accusait le 22 juin d' « infecte(r) tout ce qui l'environne du poison de ses sentiments erronés » et d'avoir « fait à Genève plus de déistes que Calvin n'y a fait de protestants » . Pictet avait été condamné le 23 juillet pour avoir critiqué la sentence du Petit Conseil.

xii La lettre du 29 mars 1762 à d'Alembert (au sujet d'un compte-rendu fait par le Journal encyclopédique , d'un « impertinent petit libelle », et surtout au sujet de l'affaire Calas) avait parue, lourdement falsifiée dans le St James chronicle du 17 juillet. Le 29 août, V* à Damilaville : « Vous ne vous souvenez peut-être pas d'une lettre qui est, je crois la première que je vous écrivis sur cette affaire, et qui était adressée à M. d'Alembert. Je vous l'envoyais afin que tous les frères fussent instruits de cet horrible exemple de fanatisme. Je ne sais quel exécrable polisson ... y a ajouté tout ce qu'on peut dire ... de plus punissable contre le gouvernement. L'auteur a poussé la sottise jusqu'à dire du mal du roi... Il se trouve encore que le Journal encyclopédique, qui est le seul journal que j'aime, est attaqué violemment dans ce bel écrit qu'on m'attribue ... quand vous verrez M. d'Alembert, je vous prie de l'instruire de tout cela. »

xiii Mandement de mgr l'archevêque de Paris portant condamnation d'un livre qui a pour titre :Émile ou l'éducation , 1762, daté du 20 août.

xiv A savoir, comme sous-précepteur du dauphin. D'Alembert ne le croyait pas ; mais le père Berthier fut effectivement nommé à ce poste ; l'expression est inspirée du Pantagruel de Rabelais.

xv D'Alembert lui avait demandé ce qu'il disait de son « ancien disciple dont (il) s'obstin(ait) à ne (lui) point parler ».

xvi Lettre de Rousseau du 24 août adressée à Frédéric-Guillaume de Montmolin, ministre à Motiers et que V* envoya à Damilaville le 9 septembre .

xvii Cf. lettre à d'Alembert du 8 janvier 1758 sur les « cacouacs » nom moqueur pour désigner les philosophes.

 

10/08/2017

Soyez tranquille

... Donald Trump ne change pas . Il reste fidèle à son programme (si on ose parler de programme ) , les vilains petits Nord-Coréens de Kim Jung Un seront châtiés s'ils touchent à un cheveu de l'oncle Sam , na ! Comment tant de gugusses ont pu faire confiance à ce vulgaire présentateur de télé-réalité qu'il a été et qu'il reste au fond ? La réponse est dans la question, le show et le dollar sont maîtres .

Soyez tranquilles braves gens, dormez bien, il est minuit et nous veillons !

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« A Philippe Debrus

[vers le 14 septembre 1762] 1

Je pense mon cher malade, comme M. Mariette . Soyez tranquille et que Mme Calas le soit aussi . Songez à votre santé . Dès que je pourrai sortir je viendrai chez vous . Il faut que M. Cathala envoie plusieurs exemplaires de l'histoire Canning-Calas par la voie dont M. Fournier est convenu avec lui . »

1 L'édition Lettres inédites, 1863, place la lettre entre le 17 octobre et le 25 décembre 172 . Les allusions nous renvoient plutôt à une date proche de celle de la lettre à Mme Calas : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/08/08/elle-n-a-plus-rien-a-faire-on-fera-tout-pour-elle-5969810.html

09/08/2017

Elle n'a plus rien à faire ; on fera tout pour elle

... Pénélope Fillon ? certes non, car n'ayant jamais rien fait, son activité salariée a toujours été aussi réelle que le dahu .

Alors, peut-être Brigitte Macron dont on doit clarifier la fonction de "première dame" ? Voir : http://www.20minutes.fr/politique/2114483-20170807-premie...

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A revoir après les vacances

 

 

« A Anne-Rose Calas

Au château de Ferney par Genève 14è septembre 1762

Monsieur de Voltaire a reçu la lettre de madame Calas ; il ne peut se donner la satisfaction de lui écrire lui-même étant un peu malade . Il s'attendait bien à la réception que M. le duc de La Vallière ferait à madame Calas . Il a fait tout ce qu'il avait promis, et fera encore au-delà .

Madame Calas peut compter que ses meilleurs protecteurs seront toujours M. le duc de La Vallière, et M. le premier président de Nicolaï . M. d'Argental rend des services encore plus essentiels, et ne cessera de les rendre ; c'est à lui que madame Calas aura la principale obligation du gain de son procès .

Nous n'avons pas moins d'obligation à M. Crommelin .

Madame Calas est priée de nous faire savoir les noms du rapporteur et des juges . M. d'Argental et les autres correspondants n'ont point encore envoyé cette liste, mais ils n'en agissent pas avec moins de zèle .

On exhorte madame Calas à être très tranquille, et à se reposer sur l'activité de ceux qui la servent . Elle n'a plus rien à faire ; on fera tout pour elle . Les mémoires préparatoires qu'on a imprimés, sont traduits actuellement en allemand , en anglais 1 et en hollandais . Le public a prononcé en faveur de l'innocence, le conseil la vengera . On lui fait les plus sincères compliments .

Wagnière

secrétaire de M. de Voltaire

gentilhomme ordinaire de la chambre

du roi , comte de Tournay . »

1 Sur ces versions anglaises, voir Evans, n° 111-112 .

08/08/2017

Ne faudrait-il pas, quand les juges seront nommés, les faire solliciter fort et longtemps, soir et matin, par leurs amis, leurs parents, leurs confesseurs, leurs maîtresses ?

... La justice étant réputée aveugle, est-elle rendue par des juges sourds ? Serait-elle meilleure si les juges étaient sensibles aux sollicitations sus-nommées, et particulièrement celles des confesseurs et maîtresses ?

Selon que vous serez puissant ou misérable ...etc. , air connu .

  Citation de Coluche - Proverbes Populaires

Parfois la réalité dépasse l'affliction !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

14è septembre 1762, au château de Ferney par Genève 1

Je reçois la lettre de mes divins anges du 7è septembre, avec les plus tendres remerciements. Madame Scaliger a donc aussi une fluxion : je la plains bien, non pas à cause de ma triste expérience, mais par extrême sensibilité . Cependant il y a fluxion et fluxion ; j’en connais qui rendent sourd et borgne vers les soixante-neuf ans, et qui glacent ce génie que vous prétendez qui me reste. Je ne suis pas trop actuellement en état de raboter des vers . J’attends quelques petits moments favorables pour obéir à tout ce que mes anges m’ordonnent : mais si, malheureusement, mon imbécillité 2 présente se prolongeait, ne pourrait-on pas toujours jouer Mariamne à Fontainebleau, en attendant que le sens commun de la poésie me fût revenu ?

La barque à Tronchin est extrêmement jolie ; elle semble convenir très fort à celui qui sauve les gens de la barque à Caron.

J’ai écrit à l’électeur palatin , pour lui demander en grâce qu’il empêche, par son autorité électorale que Cassandre ne soit livré au bras séculier, et imprimé ; il m’a déjà promis d’avoir cette attention, et je me flatte qu’il tiendra sa parole.

Il a fait, en dernier lieu, exécuter Tancrède d’une façon qui ne laisse pas soupçonner qu’on viole la terrible unité de lieu. On voit la maison d’Argire, un temple, l’hôtel des chevaliers, et deux rues : voilà le goût antique dans toute sa régularité 3.

Je relis la lettre de mes anges. Je soupçonne qu’il y a quelque malentendu dans la copie de Mariamne que j’ai envoyée ; et, dès que j’aurai la tête moins emmitouflée, je reverrai ce procès avec attention.

Celui des Calas me paraît en bon train, grâce à votre protection. La pauvre veuve est une petite huguenote imbécile, mais elle n'en est pas moins infortunée et moins innocente, et l'arrêt de Toulouse n'en est pas moins abominable 4. Je ne connais ni le nom du rapporteur ni celui des juges, tant la veuve a pris soin de me bien informer (Je les sais à présent 5.). J’attendrai patiemment le mémoire de Mariette ; mais je vous avoue que j’attends avec impatience celui d’Elie.

Ne faudrait-il pas, quand les juges seront nommés, les faire solliciter fort et longtemps, soir et matin, par leurs amis, leurs parents, leurs confesseurs, leurs maîtresses ? Ceci est la cause du bon sens contre l’absurdité, et de l’humanité contre la barbarie fanatique. Il sera bien doux de gagner ce procès contre les pénitents blancs. Est-il possible qu’il y ait encore de pareils masques en France ?

Avant que d’achever de dicter cette rapsodie, je fais une réflexion que je soumets à mes anges . C'est que si M. de Chennevières prend sur lui d'écrire à M. l’Électeur palatin, cela ne pourrait-il pas indisposer Son Altesse ? Trouvera-t-Elle bon que je paraisse douter de sa parole, et que je lui fasse écrire par les bureaux de Versailles ? Cette démarche ma paraît bien peu convenable 6.

Mes anges, il y a longtemps que j’ai envie de vous écrire sur le philosophe qui veut épouser 7. Voici l’état des choses. Quand l’extrême protection, et la grande considération qu’on me prodiguait, força ma modestie à quitter la France, j’avais des rentes viagères et de l’argent comptant. Je me suis défait de ce dernier embarras, en assurant à madame Denis environ seize mille livres de rentes ; j’en ai donné trois à madame de Fontaine ; j’en ai assuré quinze cents livres ou environ à mademoiselle Corneille . Le reste a été englouti en maisons, châteaux, meubles, et théâtre. Je ne sais pas encore ce qui reviendra à mademoiselle Corneille de l’édition de Pierre, mais je crois que cela lui formera un fonds d’environ quarante mille livres. Je lui donnerai une petite rente pour ma souscription. Il ne faut pas se flatter que je puisse davantage. Ne comptons même l’édition de Corneille que pour trente mille livres, afin de ne pas porter nos espérances trop haut, et de n’être pas obligé de décompter.

Si le philosophe est vraiment philosophe, et veut demeurer avec nous jusqu’à ce que son père lui cède son château, il jouira d’une assez bonne maison . Mais qu’il ne croie pas épouser une philosophe formée. Nous commençons à écrire un peu, nous lisons avec quelque peine, nous apprenons aisément des vers par cœur, et nous ne les récitons pas mal . La santé est très faible . On a été nouée très longtemps, on craint même que la conformation ne soit pas favorable au mariage 8 . Le caractère est doux, gai, caressant . Le mot de bonne enfant semble avoir été fait pour elle. J’ai rendu un compte fidèle du spirituel et du temporel, du physique et du moral, et je m’en tiens là, en m'en remettant à la Providence.

Voilà les juges nommés pour la révision du procès des Calas. On est instruit du nom des juges ; on espère que nos anges protecteurs les feront bien solliciter, et on se flatte que la cause elle-même les sollicite.

M'est-il permis d'insérer ici ce petit billet pour l'abbé Mignot ?9

Mille tendres respects.

V. »

1 On a l'original autographe à partir de Cette démarche … ; l'édition de Kehl , suivant la copie Beaumarchais avec passages biffés, comporte de nombreuses lacunes .Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1762-partie-25-123225377.html

2 Au sens étymologique : faiblesse physique et mentale .

3 Le 7 septembre 1762, Collini fait à V* la relation de la représentation : « On a joué avant-hier dimanche Tancrède pour la première fois sur le théâtre de Schwetzingen . Le spectacle a été magnifique […] Je doute fort qu'on ait eu à Paris une décoration telle que celle du troisième acte […] Il y avait plus de 50 personnes sur le théâtre à la scène 6è du 3è acte […] La pièce a été assez bien jouée ; mais ces vers du rôle d'Aménaïde marqués d'un astérisque que vous avez averti devoir être récités avec le ton d'une froideur contrainte, ont été récités ici avec le ton du désespoir […] On se prépare à jouer Cassandre ; mais ce ne sera que dans quinze jours , ou trois semaines . Jouera-t-on cette pièce à Paris ? Je désire toujours que vous veniez ici vous-même pour diriger cette pièce . »

4 Passage manquant à partir de La pauvre veuve dans toutes les éditions .

5 Ces mots entre parenthèse sont une addition de V* en marge .

6 Paragraphe manquant dans les éditions .

8 Phrase omise dans les éditions .

9 Ibid .

Je vois , monsieur, par le bilan que vous avez la bonté de m'envoyer que je suis plus riche que je ne croyais

... Eh oui !  Beau constat !

Je viens, comme bien de mes compatriotes prendre connaissance de la part d'impôts qui m'est dévolue . Alleluiah ! No comment .

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Allons ! J'ai encore un peu de temps pour buller .

 

 

« A Ami Camp

A Ferney 12 septembre 1762

Je vois , monsieur, par le bilan que vous avez la bonté de m'envoyer que je suis plus riche que je ne croyais . Je peux donc laisser 180 000 livres entre vos mains, et à l'égard des 44 700 livres qui restent je vous supplierai de me les renvoyer en or partie par partie à votre commodité . Si vous pouvez me faire avoir à présent 300 louis d'or je vous serai très obligé, et ainsi de suite selon que votre loisir et vos affaires le permettront . S'il y a quelques déboursés à faire vous les prendrez sur cette somme de 44 700 livres .

Quoique le sieur Frank bijoutier m'ait flatté que je recevrais son ballot la semaine passée , il n'est pourtant pas arrivé . Mais j'ai reçu le petit bateau d'argent pour le professeur Tronchin, et il en est actuellement en possession .

Il faut maintenant, monsieur, que j'aie recours à vos bontés pour l'agriculture . Je voudrais six cents livres de bonne graine de frumental 1. Si vous avez quelque ami qui soit connaisseur, je vous prie de l'engager à me choisir la meilleure et de me l'envoyer à Meyrin par les rouliers . J'en ai déjà fait un essai qui m'a très bien réussi . Mme Denis gouverne le théâtre, et moi je plante et je sème . On répète actuellement une pièce nouvelle . Il faut dans ce monde faire un peu de tout .

Je vous réitère , mon cher monsieur, tous les sentiments qui m'attachent à vous pour la vie .

V. »