Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

11/01/2019

On a encore, en vieillissant, un grand plaisir qui n’est pas à négliger, c’est de compter les impertinents et les impertinentes qu’on a vus mourir, les ministres qu’on a vu renvoyer, et la foule de ridicules qui ont passé devant les yeux

... Et je peux vous garantir que le nombre n'est pas négligeable, gonflé qu'il est par les informations des médias , du net en particulier . Mais , bast, c'est un pauvre moyen de se réjouir, à réserver pour les soirs où l'on a du mal à  s'endormir et qu'on n'a pas assez de moutons sous la main .

Image associée

 Deux spécimens de ... ministres ?... impertinents ?... ridicules ? ou les trois à la fois (si, si, ! ça existe ) ?

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

6è janvier 1764 à Ferney

Je ne m’étonne plus, madame, que vous n’ayez pas reçu la Jeanne que je vous avais envoyée par la poste, sous le contre-seing d’un des administrateurs. Aucun livre ne peut entrer par la poste en France sans être saisi par des commis, qui se font, depuis quelque temps, une assez jolie bibliothèque, et qui deviendront en tous sens des gens de lettres. On n’ose pas même envoyer des livres à l’adresse des ministres. Enfin, madame, comptez que la poste est infiniment curieuse ; et, à moins que le président Hénault ne se serve du nom de la reine 1 pour vous faire avoir une Pucelle, je ne vois pas comment vous pourrez parvenir à en avoir des pays étrangers.

Je m’amusais à faire des contes de ma mère l’Oie, ne pouvant plus lire du tout. Je ne suis pas précisément comme vous, madame ; mais vous souvenez-vous des yeux de l’abbé de Chaulieu, les deux dernières années de sa vie ? figurez-vous un état mitoyen entre vous et lui ; c’est précisément ma situation.

Je pense avec vous, madame que quand on veut être aveugle, il faut l’être à Paris ; il est ridicule de l’être dans une campagne avec un des plus beaux aspects de l’Europe. On a besoin absolument, dans cet état, de la consolation de la société. Vous jouissez de cet avantage ; la meilleure compagnie se rend chez vous, et vous avez le plaisir de dire votre avis sur toutes les sottises qu’on fait qu’on imprime . Je sens bien que cette consolation est médiocre ; rarement le dernier âge de la vie est-il bien agréable . On a toujours espéré assez vainement de jouir de la vie ; et à la fin, tout ce qu’on peut faire c’est de la supporter. Soutenez ce fardeau, madame,  tant que vous pourrez ; il n’y a que les grandes souffrances qui le rendent intolérable . On a encore, en vieillissant, un grand plaisir qui n’est pas à négliger, c’est de compter les impertinents et les impertinentes qu’on a vus mourir, les ministres qu’on a vu renvoyer, et la foule de ridicules qui ont passé devant les yeux.

Si de cinquante ouvrages nouveaux qui paraissent tous les mois il y en a un de passable, on se le fait lire, et c’est encore un petit amusement. Tout cela n’est pas le ciel ouvert ; mais enfin on n’a pas mieux, et c’est un parti forcé.

Pour M. le président Hénault, c’est tout autre chose : il rajeunit, il court le monde, il est gai, et il sera gai jusqu’à quatre-vingts ans, tandis que Moncrif et moi nous sommes probablement fort sérieux. Dieu donne ses grâces comme il lui plaît . Avez-vous le plaisir de voir quelquefois M. d’Alembert ? Non seulement il a beaucoup d’esprit, mais il l’a très décidé, et c’est beaucoup ; car le monde est plein de gens d’esprit qui ne savent comment ils doivent penser.

Adieu, madame ; songez, je vous prie, que vous me devez quelque respect ; car si dans le royaume des aveugles les borgnes sont rois, je suis assurément plus que borgne ; mais que ce respect ne diminue rien de vos bontés. Il y a  longtemps que je suis privé du bonheur de vous voir et de vous entendre ; je mourrai probablement sans cette joie, tâchons, en attendant, de jouer avec la vie ; mais c’est ne jouer qu’à colin-maillard.

V. »

1 Hénault est surintendant de la maison de la reine .

je doute que cette requête, présentée par l’humanité à la puissance, obtienne l’effet qu’on s’est proposé : car je ne doute pas que les ennemis de la raison ne crient très haut contre cet ouvrage

... S'agirait-il du cahier de doléances, qui faute de donner des solutions applicables immédiatement, n'est pour l'instant qu'une bête à soucis pour les maires ?

 Image associée

Marianne peut être diablement plus sexy en bonnet phrygien qu'en gilet jaune

 

 

« A Charles Pinot Duclos

6 janvier 1764

Quelque répugnance que j’aie toujours eue, monsieur, à mettre mon nom à la tête de mes ouvrages, et quoique aucune de mes dédicaces n’ait été accompagnée de la formule ordinaire d’une lettre, quoique cette formule m’ait paru toujours très peu convenable, et que j’en sois l’ennemi déclaré, cependant, puisque l’Académie veut cette pauvre formule, inconnue à tous les anciens, puisqu’elle veut mon nom, elle sera obéie 1.

Je suppose que M. Cramer vous a envoyé sous enveloppe, à l’adresse de M. Jeannel, le livre 2 que vous demandez. Je sais que plusieurs personnes considérables, dont quelques-unes sont connues de vous, en ont été assez contentes. Mais je doute que cette requête, présentée par l’humanité à la puissance, obtienne l’effet qu’on s’est proposé : car je ne doute pas que les ennemis de la raison ne crient très haut contre cet ouvrage. L’auteur, quel qu’il soit, fera plus de cas de votre suffrage qu’il ne craindra leurs clameurs. Quel homme est plus en droit que vous, monsieur, d’opposer sa voix aux cris des fléaux du genre humain ? »

1 Cependant le nom de Voltaire n'apparut pas . Voir dédicace sur les Commentaires : https://books.google.fr/books?id=jRoRAQAAMAAJ&pg=PA50...

10/01/2019

La campagne est un port d’où l’on voit tous les orages

... Et le pape bénissant urbi et orbi réunit tout le monde sous la même eau bénite . Les tempêtes des villes envoient leurs vagues scélérates sur le reste du pays qui doit pourtant continuer à les nourrir . A ne pas oublier .

Résultat de recherche d'images pour "vagues scélérates orages"

 

 

 

 

« Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

6è janvier 1764 à Ferney

Non seulement j’ai craint de vous importuner, monseigneur, mais je n’ai pu vous importuner. Mes fluxions sur les yeux ont si fort augmenté, que je suis devenu un petit Tirésie, ou un petit Tobie. Le vieux de la montagne ne sera pas longtemps le vieux de la montagne . Mais, pour égayer la chose, je me suis mis à faire des contes et à les dicter . Il y en a un qu’on a imprimé à Paris 1 aussi mal que les Quatre Saisons. Je n’ai point osé l’envoyer à un prince de la Sainte Église romaine. Je l’aurais autrefois présenté à Babet, et je l’aurais priée d’y jeter quelques-unes de ses fleurs. Mais si Votre Éminence veut s’amuser d’un conte plus honnête, je lui en enverrai un 2 pour ses étrennes . Elle n’a qu’à dire. Je ne peux et ne dois vous parler que de belles-lettres ; ainsi je prendrai la liberté de vous demander si vous avez lu le discours de votre nouveau confrère 3 à l’Académie. Il m’a paru qu’il y avait de bien belles choses dans l’Éloge du duc de Sully 4, qui, après avoir rendu de grands services à la France, alla vivre à la campagne, et finit sa belle vie comme Scipion à Linterne. La campagne est un port d’où l’on voit tous les orages.

Suave mari magno turbantibus æquora ventis, 5etc.

On m’envoie de Paris une Lettre d’un honnête quakre à un frère du célèbre M. de Pompignan . Je ne sais si Votre Éminence l’a vue ; c’est une réponse très courte à un gros ouvrage ; mais tout cela est déjà oublié : et que n’oublie-t-on pas ? Toutes les pièces nouvelles sont déjà hors de la mémoire des hommes. Il n’en est pas de même de celles de Pierre Corneille ; l’édition est entièrement finie ; Votre Éminence aura incessamment ses exemplaires. Elle a vu, par quelques échantillons, dans quel esprit j’ai travaillé ; je n’ai voulu être ni panégyriste ni censeur , je n’ai songé qu’à être utile. C’est précisément en ne songeant qu’à cela qu’on s’attire quelquefois des reproches , mais je suis endurci . Mon cœur ne l’est certainement pas , il est plein de l’attachement le plus respectueux pour Votre Éminence.

Le vieux de la montagne . »

1 Ce qui plait aux dames .

2 Les Trois manières .

3 Marmontel .

5 Il est doux d'apercevoir sur la mer immense, quand les vents agitent les flots , etc ; Lucrèce, De natura rerum, II, 1 .

Comme il y a eu en dernier lieu de petites réformes au bureau des postes

... tel le prix des timbres, et les nouveaux services à la personne (terme consacré) que peuvent/doivent rendre nos facteurs/préposés, je pense que d'ici la fin de l'année, en fonction des déserts médicaux on pourrait bien leur demander aussi de nous ausculter . On n'arrête pas le progrès !

 Image associée

Avec ou sans sucre ?

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

6è janvier 1764

Comme il y a eu en dernier lieu de petites réformes au bureau des postes, je crains que mes anges n’aient pas reçu de gros paquets que je leur ai adressés sous l’enveloppe de M. de Courteilles, en mémoires.

Je leur ai adressé aussi des petits paquets ; et le dernier ne contenait, si je ne me trompe, qu’une lettre pour le neveu de Pierre. L’avant-dernier contenait ma réponse aux seigneurs de la troupe au sujet d’Olympie, et je demandais les ordres de mes anges. Je leur ai précédemment envoyé un conte à dormir debout et des Tolérance.

Lorsque mes anges auront un moment de loisir, je les supplierai de vouloir bien m’accuser la réception de mes guenilles.

On m’a écrit qu’on voulait voir Olympie à Versailles ; mais je ne le crois pas. D’ailleurs il faut une salle de spectacle fort vaste pour représenter cette pièce, et autant qu’il m’en souvient, il n’y avait à Versailles qu’un théâtre de polichinelle . Je souhaite à mes anges une brillante santé, que je n’ai point.

Respect et tendresse. »

 

les gens de l’autre monde, dont j’ai l’honneur d’être, ne sont pas des correspondants bien exacts

... Et j'en demande bien pardon à tous, avec une attention particulière à Mam'zelle Wagnière qui pourra confirmer .

Quant à l'autre monde, oserais-je vous présenter ci-dessous un possible futur colocataire qui a eu le bonheur de correspondre avec Voltaire : JAPDLMG pour les intimes .

 

 

« A Joseph-Augustin-Prosper de La Motte-Geffrard 1

A Ferney 5 janvier 1764

Je vous demande bien pardon, monsieur, de répondre si tard, mais les gens de l’autre monde, dont j’ai l’honneur d’être, ne sont pas des correspondants bien exacts. Je ne suis plus qu’une ombre ; non seulement j’ai perdu le peu qui me restait de santé, mais je suis presque entièrement privé de la vue . Je me flatte que dans un mois l’édition de Corneille, dont vous me faites l’honneur de me parler, sera publiée par MM. Cramer à Genève, et bientôt après par leurs correspondants à Paris et dans les provinces. Si vous avez souscrit, c’est à eux qu’il faudra s’adresser. Je ne me suis mêlé que d’éplucher des vers, ce qui est une besogne délicate et peu agréable . Je suis infiniment sensible aux bontés que vous me témoignez.

J’ai l’honneur d'être bien respectueusement, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

09/01/2019

à tous seigneurs tous honneurs, sans quoi point d'argent

... Ce n'est pas notre président de la République qui dira le contraire, habitué à subir les contraintes de l'étiquette face à des souverains et chefs d'Etats qui peuvent nous rapporter gros , quand on les brosse dans le sens du poil .

 Résultat de recherche d'images pour "à tous seigneurs tous honneurs"

Ce qu'au fond on aimerait réellement faire  .

 

 

« A Gabriel Cramer

à Genève

[vers le 4 janvier 1764] 1

Oui sans doute, il faut appeler monseigneur un ministre d’État de Leurs Sacrées Majestés Impériales – à tous seigneurs tous honneurs, sans quoi point d'argent . On enverra les exemplaires à M. Crauford, avec le ballot de M. Vaillant, et ces exemplaires seront payés .

Monsieur Cramer a-t-il eu la bonté d'envoyer à M. Jeannel une Tolérance pour M. Duclos, en avertissant d'un mot M. Jeannel , que c'est pour M. Duclos qu'il lui adresse ce paquet ?

Voici encore une petite difficulté . L'Académie veut que son épître dédicatoire soit de la façon que je vous l'envoie . Tous les corps ont leurs formalités, et la plupart ridicules . Il n'y a qu'à tirer autant de nouveaux exemplaires de ce feuillet que vous envoyez d'exemplaires de l'ouvrage à M. Duclos secrétaire perpétuel, ou à Mme Brunet . Le reste peut très bien subsister comme il est .

On m'a envoyé l’Éducation d'une fille imprimée à Paris, et j'en suis fâché . C'est avoir trop l'air de chercher pratique . Ces bagatelles perdent leurs fleurs quand elles sont prodiguées . Il ne se faut jamais jeter à la tête du public . Je supplie plus que jamais monsieur Gabriel, de mettre sous cent clefs Les Trois manières .

N. B. – MM. d'Alembert et Damilaville ont reçu des Tolérance . M. Gallatin s'est chargé pour M. d'Alembert d'un paquet qui contenait deux exemplaires , partant monsieur Gabriel est dispensé d leur en envoyer . »

1 L'édition Gagnebin place cette lettre à la fin de décembre 1763 . Le post scriptum montre que V* vient d'apprendre que d'Alembert a reçu les exemplaires du Traité sur la tolérance envoyés fin décembre (voir lettre du 31 décembre 1763 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/01/02/peut-etre-dans-ce-moment-ci-ou-les-finances-mettent-tous-les-esprits-en-fer.html ) . C’est d'autre part, le 6 janvier 1764 que V* envoie l'ouvrage à Duclos par l'intermédiaire de Jeannel . Le 11 février 1764 un journaliste rapporte que le Traité […] est « très rare et très recherché » ; voir Emmanuel Henri vicomte de Grouchy : Documents sur les XVIIIè siècle . Nouvelles à la main de la fin du règne de Louis XV, 1898 ; voir : https://data.bnf.fr/fr/12459455/emmanuel-henri_de_grouchy/

 

Quoi ! des fanatiques auraient été unis, et des philosophes ne le seraient pas !

... Une preuve s'il en fallait, la rapidité de remplissage de la cagnotte pour Christophe Dettinger,  plus rapide que la collecte du Téléthon .

https://www.parismatch.com/Actu/Societe/Gilets-jaunes-une...

Je demande alors, -- mais je peux me tromper--, qu'on lance une cagnotte pour tous ceux qui ont, de près ou de loin combattu les forces de l'ordre, et pour répartir le magot qui ne manquera pas d'être amassé tant les Français sont abrutis, je pense être en droit d'exiger des preuves de la part des casseurs : photos, films et bien entendu cartes d'identité à jour , afin que cet argent indûment récolté ne s'égare pas, et aille faire oeuvre utile  ce qui fâcherait cet énergumène de Mélenchon [sic].

Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de France .

J'enrage de voir autant d'imbécillité .

 

 

« A Jean-François Marmontel, de

l'Académie française

4è janvier 1764

Mon cher confrère, il y a un endroit de votre beau discours qui m’a bien fait rougir, tout le reste m’a paru très digne de vous, et la fin m’a attendri. Vous donnez un bel exemple aux gens de lettres en rendant les lettres respectables. Je ne désespère point de voir tous les vrais philosophes unis pour se défendre mutuellement, pour combattre le fanatisme, et pour rendre les persécuteurs exécrables au genre humain. Apprenez-leur, mon cher ami, à bien sentir leurs forces. Ils peuvent aisément diriger à la longue tous ceux qui sont nés avec un esprit juste. Ils répandent insensiblement la lumière, et le siècle sera bientôt étonné de se voir éclairé.

Quoi ! des fanatiques auraient été unis, et des philosophes ne le seraient pas ! Votre discours 1, aussi sage que noble, et qui fait entendre plus que vous n’en dites, me persuade que les principaux gens de lettres de Paris se regardent comme des frères. La raison est leur héritage : ils combattront sagement pour leur bien de famille. J’en connais qui ont un très grand zèle, et qui ont fait beaucoup de bien sans éclat.

Vous ne me dites rien sur M. le duc de Praslin et sur M. d’Argental . Croyez-moi, faites-moi l’amitié de m’écrire quelques mots que je puisse leur envoyer afin qu’ils puissent connaître vos sentiments, qui ne se sont jamais démentis.

Si j’avais l’honneur d’être le moins du monde en relation avec M. le prince Louis de Rohan 2, je prendrais la liberté de lui écrire pour le remercier des obligations que vous lui avez, c’est-à-dire que je lui ai. Je vous supplie de lui présenter ma respectueuse reconnaissance.

Que tout ceci soit entre nous ; les profanes ne sont point faits pour les secrets des adeptes. 

V.»

1 Marmontel fut reçu à l'Académie le 22 décembre 1763 .

2 Futur cardinal de Rohan qui sera impliqué dans l'affaire du collier de la reine .