11/07/2015
Bonsoir, ce monde-ci est une grande table, où les gens d'esprit font bonne chère . Les miettes sont pour les sots
... Les miettes sont plutôt des scories quand on voit les épisodes de téléréalité et leurs protagonistes qui dégoulinent de crétinisme . Ah ! être "Vu à la télé" !...
« A Joseph de Menoux
11è juillet 1760, au château de Tournay
pays de Gex par Genève
En vous remerciant du discours royal 1 et de vos quatre lignes .
Mettez-moi je vous prie aux pieds du roi ad multos annos .2
Envoyez surtout beaucoup d'exemplaires en Turquie ou chez les athées de la Chine, car en France je ne connais que des chrétiens . Il est vrai que parmi ces chrétiens, on se mange le blanc des yeux pour la grâce efficace et versatile, pour Pasquier Quenel, et Molina, pour des billets de confession . Priez le roi de Pologne d'écrire contre ces sottises qui sont le fléau de la société . Elles ne sont certainement bonnes ni pour ce monde-ci ni pour l'autre .
Berthier est un fou et un opiniâtre qui parle à tort et à travers de ce qu'il n'entend point . Pour le révérend père colonel 3 avouez qu'il vous a fait rire et moi aussi . Et vous qui parlez vous seriez le révérend père colonel dans l'occasion : et je suis sûr que vous vous en tireriez très bien, et que vous auriez très bon air à la tête de deux mille hommes .
Je suis très fâché que votre palais de Nancy soit si loin de mes châteaux, car je serais fort aise de vous voir . Nous avons l'un et l'autre d'excellent vin de Bourgogne, nous le boirons au lieu de disputer .
Une dévote en colère disait à sa voisine, je te casserai la tête avec ma marmite . Qu'as-tu dans ta marmite ? dit l'autre . Un bon chapon répondit la dévote . Eh bien mangeons-le ensemble, dit la bonne femme . Voilà comme on devrait en user . Vous êtes tous de grands fous, molinistes , jansénistes, encyclopédistes . Il n'y a que mon cher Menoux de sage , il est à son aise, bien logé, et boit de bon vin . J'en fais autant, mais étant plus libre que vous, je suis plus heureux . Il y a une tragédie 4 anglaise qui commence par ces mots, mets de l'argent dans ta poche et moque toi du reste 5. Cela n'est pas tragique, mais cela est fort sensé . Bonsoir, ce monde-ci est une grande table, où les gens d'esprit font bonne chère . Les miettes sont pour les sots , et certainement vous êtes homme d'esprit . Je voudrais que vous m'aimassiez, car je vous aime .
V. »
1 De Stanislas Leszczynski, L'incrédulité combattue par le simple bon sens, 1760, sous-titré dans la seconde édition « essai philosophique, par un roi » . V* en dit son sentiment dans la lettre du 28 août 1760 à d'Argental :
2 Pour de nombreuses années .
3V* a ajouté sur la minute, au-dessus de la ligne, de mon ami Candide, non reporté sur l'autographe .
4 V* avait d'abord écrit comédie .
5 Il semble y a voir là un souvenir d'Othello, de Shakespeare, acte I, sc. 3, v. 345 .
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Trouvez bon qu'on supprime une signature inutile . Il faut dérouter les curieux
... Tweetty bird !
« A Etienne-Noël Damilaville
11 juillet [1760]
La personne, monsieur, à qui vous avez écrit une lettre sans date et à qui vous avez eu la bonté d'envoyer les pièces ci-jointes a l'honneur de vous les renvoyer comme vous le lui avez expressément recommandé . Elle pense absolument comme vous sur toutes les affaires dont vous lui parlez, excepté sur les louanges que vous lui donnez ; la multitude des affaires du bureau 1, et une assez mauvaise santé ne permettent pas une lettre fort longue . On est très sensible à votre politesse . Trouvez bon qu'on supprime une signature inutile . Il faut dérouter les curieux . »
1 Cette expression d'un sens général recouvre les diverses activités de V* .
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e vi auguro ogni felicita
...
« A Cosimo Alessandro Collini secrétaire
de Son Altesse Électorale
à Shwessingen
près de Manheim
Au château de Tournay par Genève
11 juillet [1760]1
Caro Colini chi fa il libro e tenuto di far la dedicazione ?2 Sapete ben che in punto di dedicazioni la brevita è la prima virtu . Mandate me la, e vene daro il mio parere .3
Mais voici une meilleur affaire . Notre ministère doit de l'argent à la ville de Francfort-sur-Mein . M. le duc de Choiseul me protège beaucoup . Le roi est content de moi . Voici le moment de faire arrêt sur l'argent dû à Francfort et sur celui 4 qu'on nous a volé dans cette belle ville . Envoyez-moi un écrit conçu en ces termes :
« Je donne pouvoir à M. de Voltaire de répéter pour moi devant qui il appartiendra la somme de deux mille écus d'empire qui me furent volés 5 à Francfort-sur-Mein le 20 juin 1753 lorsque je fus arrêté par les soldats de la dite ville conjointement avec M. de Voltaire et Mme Denis contre le droit des gens, sur lequel vol 6 j'ai fait ci-devant toutes protestations nécessaires . Fait etc . »
Envoyez-moi cet écrit sur un petit carré de papier que je joindrai à ma requête . J'espère qu'enfin vos deux mille écus d'empire vous seront rendus . Cela vaudra dédicace e vi auguro ogni felicita 7.
V. »
1 Date complétée par Collini .
2 Collini note : « Je lui avais soumis une dédicace que je comptais mettre à la tête de mon Discours sur l'histoire d'Allemagne […] adressée à l’Électrice palatine, Élisabeth Auguste. » ; l'oeuvre devait paraître à Francfort-sur-le-main en 1761 .
3 Cher Collini, qui a fait le livre est tenu de faire la dédicace ! Sachez bien qu'en fait de dédicace, la brièveté est la première vertu . Envoyez-la moi, et je vous donnerai mon avis .
4 Sur celui est ajouté par V* au dessus de la ligne .
5 Collini a rayé volés, remplacé par pris ; c'est le texte des éditions .
6 V* a d'abord écrit quoi, rayé et remplacé par lequel vol .
7 Et je vous souhaite toute sorte de bonheur .
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10/07/2015
nous aurons la paix, et nous l'aurons en vainqueurs, et voilà comme il faut l'avoir
... En toute modestie, avec le plus grand réalisme et bon sens .
« A François de Chennevières
11 juillet [1760]
Depuis la victoire de Landshut, nous ne savons rien de nouveau . Encore deux ou trois petites affaires pareilles, et nous aurons la paix, et nous l'aurons en vainqueurs, et voilà comme il faut l'avoir . À l'égard des vaisseaux, je vous en souhaite . Mille amitiés je vous en prie à M. Sénac , et à messieurs ses enfants .
Il y a une Mme de Puiseux à Vincennes 1; ce n'est pas, comme vous le pensez bien , Mme la marquise de Puisieux, c'est une pauvre diablesse de bel esprit qui loge dans une maison de campagne du village de Vincennes ; si vous pouvez, mon cher correspondant, lui épargner le port du présent paquet vous ferez une bonne œuvre . Toutes les Délices les disent parce qu'elles les sentent . »
1 Cette Mme de Puisieux est celle pour qui Diderot avait éprouvé une « violente passion » ainsi qu'il l'avait écrit à V* le 11 juin 1749 .
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09/07/2015
Je suis un vieillard bien vert
... Même en hiver, oui madame !
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
11 juillet [1760]1
Mon divin ange, mettez Diderot de l'Académie . C'est leplus beau coup qu'on puisse faire dans la partie que la raison joue contre le fanatisme et la sottise . Je vous promets de venir donner ma voix . Je vous embrasserai et je repartirai pour ma douce retraite après avoir signalé mon zèle en faveur de la bonne cause . J'ai les passions vives . Je me meurs d'envie de vous revoir, et je ne peux trouver un plus beau prétexte que celui de venir donner ma voix à Socrate et des soufflets à Anitus .
Il me semble que Diddrot doit compter sur la pluralité des suffrages, et si après son élection les Anitus et les Melitus font quelques démarches contre lui auprès du roi, il sera très aisé à Socrate de détruire leurs batteries en désavouant ce qu'on lui impute et en protestant qu'il est aussi bon chrétien que moi .
M. le duc de Choiseul dit que vous ne l'aimez plus . Vous l'avez donc bien grondé . Imposez-lui pour la pénitence de faire entrer Diderot à l'Académie . Il faudrait qu'il daignât en être lui-même et introduire Diderot . Ce serait Périclès qui menerait Socrate .
Il me reste encore un Russe . Je vous l'envoie, mais pourquoi n'imprime-t-on pas à Paris ces choses honnêtes tandis qu'on imprime des fréronades et des pompignades ?2
Je fais des voeux pour qu'on écrase Luc et qu'on ait cent vaisseaux de ligne ? C'est encore là une de mes passions . Je suis un vieillard bien vert .
V.
Voulez-vous avoir la bonté de donner l'incluse à l'ambassadeur de Francfort ?3 Il est ambassadeur d'une fichue ville . Je le barrerai dans ses négociations, mais ce ne sera pas dans celle de faire recevoir Diderot chez les quarante . »
1 Date complétée par d'Argental
2 Voir lettre du 23 juin 1760 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/29/i...
3 Melchior Grimm ; il s'agit certainement de la lettre du même jour , 11 juillet à celui-ci :
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08/07/2015
Je viendrai en poste lui donner ma voix si cela est nécessaire
... Je dis bien "seulement si cela est nécessaire", car voter ne me tente pas plus que le saut à l'élastique qui est lui aussi un excellent moyen de vider ses poches et avoir la grosse tête.
« A Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay
9 juillet [1760]
Ma belle philosophe, les plaisanteries ne finiront point.
Le comédiens italiens voulaient jouer l’Écossaise . Les Français la revendiquent et voilà la Requête du traducteur à messieurs les Parisiens 1. Mais raillerie à part il faut que le prophète négociateur 2négocie l'admission de Diderot à l'Académie . Je crois le succès assuré . Quelle belle vengeance de Lefranc de Pompignan et de Joly de Fleury et de Palissot de Montenoy et de maître Aliboron dit Fréron ? J'ai besoin de savoir si le prophète a reçu mon paquet adressé au Palais-Royal .
N.B. qu'il faut absolument mettre Diderot de l'Académie . Je viendrai en poste lui donner ma voix si cela est nécessaire .
Je me mets à vos pieds , ma belle philosophe . »
1 Requète adressée à Messieurs les Parisiens, 1760 .
2 Melchior Grimm .
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07/07/2015
La chose ne me paraît pas difficile, et si elle l'est c'est une nouvelle raison pour l’entreprendre .
... Joli slogan pour une période électorale et qui est d'autant plus beau s'il est suivi d'effet .
« A Charles-Augustin Ferriol , comte d'Argental
9 juillet 1760
Mon divin ange, je crois que la plaisanterie ne finira pas 1. On dit qu'il la faut courte . Mais celle-ci 2m'arrêtera longtemps , à moins qu'elle ne nous ennuie .
Il me vient une idée que vous avez sans doute. Il faut en dépit des dévots mettre Diderot de l'Académie . Mettez-vous à la tête de la cabale . Nous aurons pour nous les philosophes . M. de Choiseul, Mme de Pompadour ne s'opposeront pas à son élection . Je me flatte même qu'ils nous aideront . Quelle réponse ce serait à l’infamie de Palissot . Entreprenez cette affaire et réussissez . Je serai au comble de la joie . La chose ne me paraît pas difficile, et si elle l'est c'est une nouvelle raison pour l’entreprendre .
N.B.- Dans l’Écossaise, page 25, quand le chevalier Montrose sort, et qu'avant de finir la scène 3è il demande à part à Fabrice, si mylord Falbridge est à Londres, et qu'il demande au maître du café si ce lord vient souvent dans la maison, le cafetier répond , il y vient quelquefois, il doit répondre , il y venait avant son voyage d'Espagne 3. Cette petite particularité est nécessaire 1° pour faire voir que Montrose ne vient pas sans raison se loger dans ce café là, 2° qu'il a besoin de Falbridge, 3° pour prévenir les esprits sur la mort de ce Falbridge, 4° pour fonder la demeure de Lindane près d'un café où ce L.. Falbridge vient quelquefois . C'est un rien, mais rien c'est beaucoup .
Mon cher ange, la détention de la chair fraiche du landgrave ne se confirme pas . Cependant je ne parierais pas contre .
Je vous écris fort à la hâte, mais j'ai bien plus de hâte de recevoir de vos nouvelles . Je n'ai pas un moment à moi car j'ai quelque chose en tête , et toujours pour rire . Par le sang bleu je ne croyais pas être si plaisant que je suis 4. »
1 Peut-être l’Écossaise ? Voir le début de la lettre du 6 juillet 1760 à d'Argental :
2 V* a d'abord écrit cela .
3 Cette variante a été adoptée par Beuchot dans son texte de l’Écossaise .
4 Le Misanthrope, acte I, sc. 7, Molière .
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