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26/10/2014

N'auriez-vous point du nectar cette année en Beaujolais,...,rien de médiocre, en un mot, du beaujolais qu'on puisse donner hardiment pour du bourgogne ?

... Les vendanges, au dire des reportages, sont bonnes , reste une part importante, de ce raisin faire du bon vin . Du beaujolais qu'on puisse faire passer pour du bourgogne, cela ne m'est arrivé qu'une fois dans ma vie, récolte 1976, qui de beaujolais nouveau a donné cinq ans plus tard un vin plus que bon . Actuellement je laisse ma part de beaujolais nouveau aux nouveaux riches étrangers sans remord, le prix du bourgogne sans le goût du bourgogne, merci, sans moi !

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« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

J'ai oublié, mon cher monsieur, dans mes importunités de vous supplier de nous faire parvenir deux jolis petits bords de chapeau d'or pour nos fêtes à Tournay . Il faut se réjouir en temps de calamité, cela fait voir qu'on n'est point découragé ; je m'imagine qu'on en use ainsi à Lyon et à Paris . Il n'est rien venu pour moi dans cette belle flotte arrivée à Cadix, je me flatte que vous êtes dans un cas plus heureux . Nous faisons aujourd'hui la vendange dans vos vignes . Vous savez que le vin de nos cantons n'est pas du nectar . N'auriez-vous point du nectar cette année en Beaujolais, de bon nectar, bien couvert, bien savoureux, bien fort en sève, de bonne garde, rien de médiocre, en un mot, du beaujolais qu'on puisse donner hardiment pour du bourgogne ? Vous vous y connaissez . Vous ne le haïssez pas . Trois tonneaux feraient mon affaire . J'ai déjà eu des fruits des arbres que j'ai plantés aux Délices , il y a moins de trois ans . Tout prospère chez nous . On commence la muraille de Chine, on fait de nouvelles chambres dans les dépendances . Tournay de son côté est devenu un château très agréable ; Ferney est bâti ; on dit même qu'il est fort beau, mais rien n'approchera du jardin des Délices quand notre terrasse sera finie, ne viendrez-vous pas voir notre petit royaume l'année qui vient ? Vous y verrez le plus heureux des hommes qui vous est le plus attaché .

V.

6 octobre [1759] »

 

25/10/2014

La vie est bien courte, et tout ouvrage est bien long

... Et un quinquennat plus que court, mais ce n'est pas une raison pour ne rien entreprendre .

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« A Ivan Ivanovitch SCHOUVALOW
Au château de Tournay par Genève 6 octobre 1759
Monsieur, je vous avais déjà fait compliment sur l'heureux succès de vos armes, lorsque j'ai reçu la lettre dont Votre Excellence m'a honoré 1, avec la relation de la bataille, que M. de Soltikof a bien voulu me communiquer. Vos bontés augmentent tous les jours l'intérêt que je prends à la gloire de l'impératrice et à l'empire de Russie. Le terme d'honneur doit être bien certainement à la mode chez vous, quoi qu'en dise un certain homme 2 qui a mis son honneur à faire bien du mal, et à en dire beaucoup de votre auguste impératrice. Ce n'est pas d'aujourd'hui que j'ai pris part à la gloire de votre nation ; tous les événements ont justifié ma manière de penser. Je vois, avec la plus sensible joie, que la digne fille de Pierre le Grand perfectionne tout ce que son père a commencé. Le bruit a couru dans nos Alpes que sa santé avait été dérangée ; j'en ai ressenti de bien vives alarmes. Nous faisons mille vœux, dans mes retraites, pour la durée et la prospérité de son règne.
Le premier tome de l'Histoire de Pierre le Grand 3 serait déjà parvenu à Votre Excellence si les personnes que j'emploie étaient aussi diligentes que je l'ai été. La vie est bien courte, et tout ouvrage est bien long. Je consacrerai ce qui me reste de vie à travailler au second volume, aussitôt que j'aurai les matériaux nécessaires 4. Il n'y a point d'occupation qui me soit plus précieuse, et, si je suis assez heureux pour seconder vos nobles intentions, je n'aurai jamais si bien employé mon temps. Mais je regretterai toujours de n'avoir pu voir la ville que Pierre le Grand a fondée, et vous, monsieur, qui faites fleurir les arts et les vertus dans le plus grand empire de la terre.
Je serai toute ma vie, avec l'attachement le plus respectueux
et le plus sincère,

monsieur

de Votre Excellence

le très humble et très obéissant serviteur

Voltaire. »

1Du 27 août 1759 .

2Frédéric II . Voir ce que rapportait Schouvalov le 14 août 1759, lettre du 18 septembre 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/10/ce-qui-n-est-qu-un-eloge-ne-sert-souvent-qu-a-faire-valoir-l-5465527.html

3 Commencé à imprimer dès 1759, il ne sera publié qu'en 1760 .

4 V* se plaignait déjà dans ses précédentes lettres ( 11 septembre 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/07/en-disant-la-verite-on-peut-toujours-la-presenter-sous-un-jo-5463148.html

et 18 septembre 1759 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/10/10/ce-qui-n-est-qu-un-eloge-ne-sert-souvent-qu-a-faire-valoir-l-5465527.html ) de ne rien recevoir de Schouvalov . Celui-ci répondra le 27 octobre 1759 : « Je vois avec bien du regret […] la confirmation de ce que l'on m'avait déjà mandé de Königsberg que l'estafette chargée d'un paquet pour vous a été perdue […] Je viens de tirer une copie de tous ces matériaux et des réponses aux questions que vous proposez . »

 

Nous avons besoin de succès pour parvenir à une paix nécessaire

... Pas uniquement le succès des armes, bien évidemment , la destruction d'un adversaire/ennemi n'étant pas la garantie d'une paix tant soit peu durable . Tout comme un train peut en cacher un autre, un malfaisant à détruire peut en cacher un autre aussi mauvais, sinon pire , les exemples des années récentes en pays arabes ne manquent pas de le démontrer , hélas .

 

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« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg.
6 octobre [1759].
Quand on a mal aux yeux, madame, on n'écrit pas toujours de sa main ; si je deviens aveugle, je serai bien fâché. Ce n'était pas la peine de me placer dans le plus bel aspect de l'univers.
Eh bien! madame, êtes-vous comprise dans tous les impôts? vos fiefs d'Alsace sont-ils sujets à cette grêle ? n'ai-je pas bien fait de choisir des terres libres, exemptes de ces tristes influences ?
Avez-vous auprès de vous monsieur votre fils ? N'a-t-on pas au moins confirmé sa pension, qu'il a si bien méritée par sa valeur et par sa conduite dans cette malheureuse bataille 1 ? L'armée n'a-t-elle pas repris un peu de vigueur? Nous avons besoin de succès pour parvenir à une paix nécessaire. Je suis toujours étonné que le roi de Prusse se soutienne ; mais vous m'avouerez qu'il est dans un état pire que le nôtre. Chassé de Dresde et de la moitié au moins de ses États, entouré d'ennemis, battu par les Russes, et ne pouvant remplir son coffre-fort épuisé, il faudra probablement qu'il vienne faire des vers avec moi aux Délices, ou qu'il se retire en Angleterre, à moins que, par un nouveau miracle, il ne s'avise de battre toutes les armées qui l'environnent ; mais il paraît qu'on veut le miner, et non le combattre. En ce cas, le renard sera pris ; mais nous payons tous les frais de cette grande chasse. Je ne sais aucune nouvelle de Paris ni de Versailles, je ne connais presque plus personne dans ce pays-là. J'oublie, et je suis oublié. Le mot d'oubli, madame, n'est pas fait pour vous. Je vous serai attaché jusqu'au dernier moment de ma vie. La Silhouette, qui rogne les pensions, en a pris pour lui une assez forte 2. Bravo.

V. »

1 Celle de Minden, du 1er août précédent. Voir lettre du 14 août 1759 à la comtesse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/09/11/cela-ne-peut-ni-se-comprendre-ni-etre-assez-deplore-une-faut-5445195.html

2 Il s'était fait donner une pension viagère de 60 000 francs, dont 20,000 réversibles sur la tête de sa femme. La marquise du Deffand venait d'écrire à V* le 1er octobre 1759 : «[...]  pour rassurer le public on lui démontre combien on est content des talents du C.G. . On vient de lui donner soixante mille livres de rentes viagères dont il y en a vingt sur la tête de sa femme . »

Le féminin de l'article devant Silhouette, atteste, si la lecture du manuscrit est bonne, que le mot commence à s'employer figurément pour désigner les figures dont Silhouette avait orné son château et qui devaient porter son nom .

 

P.S. - Pour vous, Mam'zelle Wagnière, Voltaire a écrit ce que je pense profondément : "Le mot d'oubli, madame, n'est pas fait pour vous. Je vous serai attaché jusqu'au dernier moment de ma vie."

24/10/2014

un damné ne peut avoir la place d'un élu

... Encore moins s'il est condamné !

Thévenoud, Balkany, Sarkozy and C° reprenez le chemin du vulgum pecus, on ne veut plus de vous chez le peuple élu .

 

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 Belle tête d'élu indélicat ! où cela va-t-il (mal) finir ?...

 

« A Sébastien DUPONT,
avocat., etc.

à Colmar
M. le prince de Beaufremont, mon cher ami, a été un peu plus occupé de cette campagne des Hanovriens et des Hessois que des Goll 1; cependant il n'a point négligé leurs affaires; il a écrit à M. le maréchal de Belle-Isle, lequel a recommandé tous les Goll à M. l'intendant d'Alsace. J'ai eu l'insolence, moi qui vous parle, d'écrire aussi pour m'informer du résultat ; mais ce résultat n'est pas jusqu'à présent trop favorable à MM. Goll. On dit qu'un Goll ne peut succéder à un catholique, et qu'un damné ne peut avoir la place d'un élu. Pour peu que cette affaire devienne matière de foi, ni vous ni moi n'y aurons grand crédit. Mon avis est qu'on attende un peu, et qu'on s'en remette à la Providence ; je tiens que voici un très-mauvais temps pour se ruiner en procès ; un troisième vingtième 2 doit rendre les hommes sages. J'en parle en homme désintéressé, car toutes mes terres sont libres et ne payent rien. Je ne veux pourtant pas dire avec Lucrèce :
Suave mari magno, etc. 3

Quoique je sois au port, je plains fort ceux qui sont dans le bateau. Je cultive de plus beaux jardins que ceux de Candide ; mais j'ai bien peur que vous ne soyez de mauvaise humeur comme Martin. Mille compliments à madame votre femme ; ne m'oubliez pas, je vous prie, auprès de M. et de Mme de Klinglin.

V.

6 octobre. [1759] »

 1 Voir lettre du 29 avril 1759 à Dupont au sujet de ce procès : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/06/12/j-espere-que-tout-ira-comme-je-le-voulais-ces-petits-succes-5389499.html

2 Du fait de la guerre, l'impôt du vingtième a été porté à deux, puis trois vingtièmes .

3 Qu'il est doux de voir sur la haute mer … ; Lucrèce, De natura rerum ; c'est l'image du sage dégagé des frayeurs de la mort qui est peinte dans ce début fameux du second livre .

 

 

23/10/2014

En vous remerciant des saucières et du chocolat avant que les impôts arrivent

... Je dis "saucières" et non pas sorcières, -(je n'ai pas l'accent antillais)-, bien que le rapprochement soit possible dès qu'on parle d'impôts qui ont ce caractère satanique de faire mal .

 

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Consolons-nous , il me reste deux bras, deux bras-du chocolat !

 

 

 

« A Jean-Robert Tronchin

à Lyon

Mais, mon cher monsieur, 12000 livres sans perte, c'est douze mille livres sec, 12000 livres de France à Turin, qui vaudront à Turin ce qu'elles voudront, et s'il y a frais et perte de change, tant pis pour monsieur l'emprunteur 1. Il les paiera . Mais je ne suis tenu qu'à donner 12000 livres . Voila l'affaire éclaircie . En vous remerciant des saucières et du chocolat avant que les impôts arrivent .

Les Anglais nous ruinent . Je me console dans mon grenier plein de blé, d'orge, de pois, de fèves . M. l'ambassadeur de Chauvelin et madame vont à nos Délices vers le 20, ils passent par Lyon, ils vous verront . M. de Chauvelin ira probablement chez vous . Si saucières et chocolat pouvaient arriver avant l'ambassadeur vous mettriez à l'aise votre fermier des Délices qui fera de son mieux pour les recevoir . Quand la muraille de la Chine sera finie je ferai tirer le canon .

Mille amitiés .

V. 

3 octobre [1759]»

 

 

On ne sait plus que penser, madame, ni à quoi aboutiraient les victoires

... De la droite, de la gauche, du capitalisme, du centre, de l'OM, des virus, de mon ex, des terroristes, de Sarko, des Israëliens, des moustiques-tigres, de la vodka sur le pétrole, ...

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« A Charlotte-Sophie von Altenburg, comtesse Bentinck

née comtesse d'Oldembourg

à Vienne

Autriche 1

3 octobre [1759]

On ne sait plus que penser, madame, ni à quoi aboutiraient les victoires . Mais ce n'est point à moi à raisonner des affaires publiques . Je ne suis occupé que des vôtres et j'ai toujours le même zèle contre votre chicaneur . On lui a joué quelques tours qui ne sont pas indifférents et dont monsieur l'avocat du triangle 2 serait extrêmement content . Tout ce que j’entends de ce brave monsieur du triangle me transporte d'admiration .

Quand vous serez rassasiée des cours, quand vous voudrez vous faire philosophe, ne prenez plus la Suisse pour votre retraite, ne dépensez plus des sommes immenses pour être mal à Montriond . Souvenez-vous qu'il y a des terres libres, indépendantes à une lieue des Délices sur la frontière de France, des terres où vous seriez souveraine comme à Kniphause . Peut-être un jour viendrez-vous y vivre, mais je mourrai en vous attendant .

Voyez-vous quelquefois notre ambassadeur ?3 N'en êtes-vous pas bien contente ?

Vous devez l'être plus que de nos opérations de guerre .

L'oncle et la nièce sont à vos pieds .

V. »

1 Manuscrit avec mention « fco Nuremberg »

 

22/10/2014

la tranquillité du vieux philosophe qui ne veut point boire de ciguë

... Bien qu'ayant avalé force couleuvres !

Du bon vin est bien préférable à mon goût pour assurer un tranquille état de bien-être .

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« A ma belle philosophe Louise-Florence-Pétronille de Tardieu d'Esclavelles d'Epinay

 

[vers le 1er octobre 1759]

 

Comment se porte ma belle philosophe ? Depuis huit jours on parle beaucoup à Paris de certaines choses 1. Je compte sur votre amitié et sur celle de M. G. 2 et je recommande à vos bontés la tranquillité du vieux philosophe qui ne veut point boire de ciguë. »

 

1 Sans doute la Relation … de la mort du jésuite Berthier . Voir : http://www.baillement.com/lettres/voltaire.html

 

2 Melchior Grimm, compagnon de Mme d'Epinay .