02/07/2015
si les communes lui font tort c'est à elles seules qu'il doit s'en prendre
...
« A Pierre Pictet
[vers 1760]1
Mon cher voisin, voici une pièce qui je crois répond à tout . Vous connaissez mon attachement respectueux pour tout ce qui porte votre nom, et particulièrement 2 pour M. le colonel Pictet qui m'a toujours honoré de ses bontés . S'il m'avait instruit plus tôt, j'aurais exécuté plus tôt ses volontés . Vous voyez bien qu'il ne doit pas s'en prendre à moi , et que si les communes lui font tort c'est à elles seules qu'il doit s'en prendre . Au reste il n'y aura jamais d'occasion où je ne lui donne toutes les preuves possibles de mon dévouement . Recevez mes tendres respects . Nous avons à dîner toute votre aimable famille , mais je ne pourrai boire à votre santé, attendu que je ne peux manger ni boire .
V. »
1 La lettre a été écrite dans un moment où V* est encore dans les meilleurs termes avec Charles Pictet, ce qui infirme l'hypothèsede Havens, lequel la met en rapport avec les évènements du début 1762 .
2 V* a d'abord commencé à écrire surt(out).
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faire sentir à l'insolent curé de Versoy qu'il ne lui appartient pas de vous empêcher de rendre des visites à une fille
... Est-il encore des curés ainsi faits ? Oui, hélas .
Est-il des filles qui rendent visite au(x) garçon(s) ? Oui, heureusement, peut-être .
« A Louis-Amable Deprez de Crassier
Vous m'avez promis, monsieur, vos bons offices dans l'occasion . Je vous en demande un avec instance . C'est de faire sentir à l'insolent curé de Versoy qu'il ne lui appartient pas de vous empêcher de rendre des visites à une fille . Ces drôle-là se mettent à faire la police . Il faut leur apprendre à ne se mêler que de dire la messe . Je vous demande cette grâce instamment .
Votre très humble obéissant serviteur
V.
Aux Délices [vers 1760] 1»
1 On trouve des éditions datant cette lettre de 1764 ?, changé en 1761, probablement par une confusion entre les curé de Moëns et de Versoy .
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il est à présumer que cette bêtise insolente n'a fait nul bruit mais il est bon de voir si demain on n'en parlera pas
... C'est ce à quoi aurait dû/devrait réfléchir Marine Le Pen un peu plus souvent !
« « A Gabriel Cramer
[vers 1760 ] 1
Je crois que mon cher Gabriel devrait passer aujourd'hui chez Duvillard 2 pour voir si la gazette de demain ne parle pas des frères Cramer, et supprimer l'article . La dernière n'en dit mot . Cependant il y a un article du 6 Paris . L'impertinence est du 3 . donc il est à présumer que cette bêtise insolente n'a fait nul bruit mais il est bon de voir si demain on n'en parlera pas .
Je pense qu'il faut célérité pour ce que vous savez, et serez bien en cour . Quid nunc 3? »
1 Le manuscrit olographe a appartenu à Flaubert ; la date proposée est approximative ; sur la troisième page, V* a écrit « bravo cela coûtera. »
2 Emmanuel Duvillard avait obtenu le 24 juin 1752 la permission d'imprimer une Feuille d'avis ; il possédait déjà l'autorisation de vendre la Gazette de Hollande . Les premiers exemplaires conservés de la Feuille d'avis ne remontant qu'à 1774, il est impossible de savoir à que numéro se réfère V*.
3 Et quoi maintenant ?
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Il est un peu fâcheux pour la nature humaine, j'en conviens avec vous, que l'or fasse tout, et le mérite presque rien ; que les vrais travailleurs derrière la scène, aient à peine une subsistance honnête ,
... Rien de nouveau sous le soleil vert !
« A Jean-François de Bastide
[vers 1760 ?] 1
Je n'imagine pas, monsieur le spectateur du monde 2, que vous projetiez de remplir vos feuilles du monde physique . Socrate, Epictète et Marc Aurèle laissaient graviter toutes les sphères les unes sur les autres, pour ne s'occuper qu'à régler les mœurs . Est-ce donc le monde moral que vous prenez pour objet de vos spéculations ? Mais que lui voulez-vous à ce monde moral, que les précepteurs ds nations ont déjà tant sermonné avec tant d'utilité ?
Il est un peu fâcheux pour la nature humaine, j'en conviens avec vous, que l'or fasse tout, et le mérite presque rien ; que les vrais travailleurs derrière la scène, aient à peine une subsistance honnête , tandis que des personnages en titre fleurissent sur le théâtre ; que les sots soient aux nues, et les génies dans la fange ; qu'un père déshérite six enfants vertueux, pour combler de bien un premier-né qui souvent le déshonore ; qu'un malheureux qui fait naufrage, ou qui périt de quelque autre façon dans une terre étrangère, laisse au fisc de cet État la fortune de ses héritiers .
On a quelque peine à voir, je l'avoue encore, ceux qui labourent dans la disette, ceux qui ne produisent rien dans le luxe ; de grands propriétaires qui s'approprient jusqu'à l'oiseau qui vole, et au poisson qui nage ; des vassaux tremblants qui n'osent délivrer leurs moissons du sanglier qui les dévore ; les fanatiques qui voudraient brûler tous ceux qui ne prient pas Dieu comme eux ; des violences dans le pouvoir, qui enfantent d'autres violences dans le peuple ; le droit du plus fort faisant la loi, non seulement de peuple à peuple, mais encore de citoyen à citoyen .
Cette scène du monde, presque de tous les temps et de tous les lieux, vous voudriez la changer ! Voilà vote folie , à vous autres moralistes . Montez en chaire avec Bourdaloue , ou prenez la plume avec La Bruyère ; temps perdu ; le monde ira toujours comme il va . Un gouvernement qui pourrait pourvoir à tout, en ferait plus en un an que tout l'ordre des frères prêcheurs n'en a fait depuis son institution . Lycurgue, en fort peu de temps, éleva les Spartiates au-dessus de l’humanité . Les ressorts de sagesse que Confucius imagina, il y a plus de deux mille ans, ont encore leur effet en Chine .
Mais comme ni vous ni moi ne sommes faits pour gouverner, si vous avez de si grandes démangeaisons de réforme, réformez nos vertus, dont les excès pourraient à la fin préjudicier à la prospérité de l’État . Cette réforme est plus facile que celle des vices . La liste des vertus outrées serait longue, j'en indiquerai quelques unes, vous devinerez aisément les autres .
On s'aperçoit en parcourant nos campagnes que les enfants de la terre ne mangent que fort en-dessous du besoin : on a peine à concevoir cette passion immodérée pour l'abstinence . On croit même qu'ils se sont mis dans la tête qu'ils seront plus sains en faisant jeûner les bestiaux .
Qu'arrive-t-il ? Les hommes et les animaux languissent, leurs générations sont faibles, les travaux se suspendant, et le culture en souffre .
La patience est encore une vertu que les campagnes outrent peut-être : si les exacteurs des tributs s’en tenaient à la volonté du prince, patienter serait un devoir ; mais questionnez ces bonnes gens qui nous donnent du pain, ils vous diront que la façon de lever les impôts est cent fois plus onéreuse que le tribut même . La patience les ruine, et les propriétaires avec eux .
La chaire évangélique a cent fois reproché aux grands et aux rois leur dureté envers les indigents . Cette capitale s’est corrigée à toute outrance : les antichambres regorgent de serviteurs mieux nourris, mieux vêtus que les seigneurs des paroisses d'où ils sortent . Cet excès de charité ôte des soldats à la patrie, et des cultivateurs aux terres .
Il ne faut pas, monsieur le spectateur du monde , que le projet de réformer nos vertus vous scandalise . Les fondateurs des ordres religieux se sont réformés les uns les autres .
Une autre raison qui doit vous encourager, c'est qu'il est peut-être plus facile de discerner les excès du bien que de prononcer sur la nature du mal . Croyez-moi, monsieur le spectateur, je ne saurais trop vous le dire, attachez-vous à réformer vos vertus, les hommes tiennent trop à leurs vices . »
1 La copie Beaumarchais date la lettre de 1758 ; Kehl, de la fin de la même année ; les éditions modernes de novembre 1760 ; en l'absence d'évidence on a adopté une date intermédiaire .
2 Bastide avait publié huit volumes du i. 1758-1760, que suivirent deux volumes du Monde comme il est , 1760 et deux volumes du Monde, 1761
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Mes poules seront logées avant que l'histoire soit écrite
... Mais ne croyez pas pour autant que j'entretienne des cocottes ou poules de luxe !
« A Gabriel Cramer
1760 ?
Je ne crois pas que je puisse trouver un nouveau dialogue pour le présent .
J'arrange les volumes suivants .
Je travaille à l'histoire mais je n'ai ni Sisto quinto de frate Tempesti 1 ni l'histoire de la conquête de la Chine que monsieur Cramer m'avait promise depuis trois mois, et las guerras de Granada 2 me seront peu utiles pour le dernier siècle .
Un peu de briques pour bâtir est nécessaire . Mes poules seront logées avant que l'histoire soit écrite . »
1 Casimiro Tempesti, Storia della vita e geste di Sisto quinto, 1754 .
2 Ginés Perez de Hira, Historia de las guerras civiles de Granada, nueva impr., Amberes, 1714 .
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J'ai un beau cheval entier à vendre
... Pour faire des hamburgers Findus ?
« A François Guillet, baron de Monthoux
Mon cher monsieur, je n'ai point de fourrage ? pouvez-vous m'en faire avoir ? et à combien ? J'ai un beau cheval entier à vendre . Pouvez-vous vous en accommoder ? Il est monté par le porteur de ce billet . Je me recommande à vos bontés sans cérémonies, prêt à vous servir en tout ce que vous m'ordonnerez .
V.
Mardi [1760 ?] aux Délices. »
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Le service est ingrat dans ce pays-là, les mœurs en général aussi dures que le climat , la jalousie contre les étrangers, extrême, le despotisme au comble, la société nulle
... Ah que jamais on puisse dire cela de notre France !
« A Nicolas-Claude Thieriot
Je commence, mon cher ami par ce qui est le plus intéressant . La personne dont je respecte le nom et le mérite, se préparerait probablement de cruels repentirs si elle prenait le parti dont vous parlez . Le service est ingrat dans ce pays-là, les mœurs en général aussi dures que le climat , la jalousie contre les étrangers, extrême, le despotisme au comble, la société nulle ; le maréchal Keit n'y put tenir, et aima encore mieux la Prusse . C'est tout dire . L'impératrice est aimable, mais sa santé est fort équivoque ; elle est menacée d'un mal qui ne pardonne guère 1, et à sa mort il peut y avoir des révolutions . En général une telle transplantation ne peut convenir qu'à un soldat de fortune, jeune , robuste et sans ressource, mais elle est bien peu faite pour un homme d'un si grand nom, encore moins pour une jeune dame élevée en France . Le nom de M[ontmorency] 2 ne doit briller que dans nos armées . Il vaut mieux attendre tout du temps en France que d'aller chercher l'ennui et le malheur 3 sous le pôle . Tel est mon avis, puisqu'on me le demande . On peut d'ailleurs consulter sur cela M. Aléthof, jeune Russe qui parle français comme vous et dont on m'a montré un petit ouvrage 4que vous verrez dans peu .
Je vous ai renvoyé Le Pauvre Diable de Vadé que vous m'aviez confié, questa coyoneria m'a fort réjoui . M. Bouret a peur de son ombre . Il pouvait très bien sans rien risquer m'envoyer La Vision . M. le duc de Choiseul qui d'ailleurs abandonne Palissot à l’indignation publique sait très bien que je condamne plus que personne le trait indécent et odieux contre Mme la princesse de Robecq . Il est absurde de mêler les dames dans des querelles d'auteurs . Voilà des philosophes bien maladroits . Il faut se moquer des Fréron , des Chaumeix, des Lefranc et respecter les dames, surtout les Montmorency 5.
Les jésuites ci-devant empoisonneurs des âmes, et aujourd'hui des corps sont une plaisanterie si bien saisie de tout le monde qu'elle se trouve dans les notes de l'ouvrage intitulé Le Russe à Paris composé par M. Aléthof 6. Les beaux esprits se rencontrent . Ce poème vaut mieux à mon avis que celui que je vous renvoie, et dont pourtant je vous remercie, mais celui du Russe est cent fois plus varié, plus intéressant, plus général, plus utile .
La lettre à Palissot ne peut être confiée qu'avec le consentement de M. d'Argental par les mains de qui elle a passé . Je n'ai eu que par hasard le mémoire de Pompignan . Tout le monde me demandait ce que j'en pensais, et personne ne me le faisait tenir .
Vous auriez bien dû me dire sous quelle enveloppe il fallait vous écrire, car souvent M. Bouret et autres sont à la campagne et les lettres sont retardées . Je vous prie instamment de me dire ce qu'on fait de l'imprudent et excusable abbé Morellet, de ce pauvre Robin mouton, d'un autre typographe, des jésuites vendeurs d’orviétan, des crucifiés et des billets de loterie . Le nouvel emprunt avec deux tiers en coupons et le tiers en argent se remplit-il ? Vous n'êtes pas homme à être instruit de ce dernier article .
Comment vont vos petites affaires ? comment vous trouvez-vous de votre nouveau gite ? où logerez-vous dans trois mois ? Vale et ama anticum amicum.
V.
30 juin [1760 aux Délices] 7»
1 Élisabeth avait souffert d’évanouissements en septembre 1757 et depuis était malade, elle mourra le 5 janvier 1762 .
2 V* donne ici l’initiale du nom et plus loin le nom entier ; c'est le comte de Montmorency . On le retrouve dans la lettre du 7 juillet à Thiriot :
3 Et le malheur est ajouté au dessus de la ligne .
4 Voir lettre du 30 juin 1760 à Mme d'Epinay : blog 30/6/2010
5 Mme de Robecq était une Montmorency à la fois par sa naissance et par son mariage .
6 Voir lettre du 23 juin 1760 à Chenevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2015/06/29/i...
et du 2 juillet à la comtesse de Lutzelbourg :
7 Date complétée par Thieriot . L'édition de Kehl omet la phrase Vous auriez bien dû... retardées .
Courrier (cette mise en ligne) antidaté , comme ont pu le constater les lecteurs fidèles
17:15 | Lien permanent | Commentaires (0)

