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Rechercher : Tâchez de vous procurer cet écrit; il n'est pas orthodoxe, mais il est très bien raisonné

Nous serons plus heureux vous et moi dans notre sphère que des ministres exilés, peut-être même que des ministres en pla

...Non pas "peu-être", mais surement ! N'est-ce pas Mam'zelle Wagnière ?

 

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« A Nicolas-Claude THIERIOT.

Chez madame la comtesse de Montmorency

rue Vivienne

à Paris

24 décembre [1758] aux Délices

Vous vous trompez mon ancien ami, j'ai quatre pattes au lieu de deux . Un pied à Lausanne dans une très belle maison pour l'hiver, un pied aux Délices près de Genève où la bonne compagnie vient me voir, voilà pour les pieds de devant . Ceux de derrière sont à Ferney et dans la comté de Tournay que j'ai achetée par bail emphytéotique du président de Brosses .

M. Crommelin se trompe beaucoup davantage sur tous les points . La terre de Ferney est aussi bonne qu'elle a été négligée . J'y bâtis un assez beau château . J'ai chez moi la pierre et le bois, le marbre me vient par le lac de Genève . Je me suis fait dans le plus joli pays de la terre trois domaines qui se touchent . J'ai arrondi tout d'un coup la terre de Ferney par des acquisitions utiles . Le tout monte à la valeur de plus de dix mille livres de rente , et m'en épargne plus de vingt puisque ces trois terres défrayent presque une maison où j'ai plus de trente personnes et plus de douze chevaux à nourrir .

Nave ferar magna an parva, ferar unus et idem.1

Je vivrais très bien comme vous, mon ancien ami, avec cent écus par mois , mais Mme Denis, l'héroïne de l'amitié, et la victime de Francfort, mérite des palais, des cuisiniers, des équipages, grande chère et beau feu . Vous fites très sagement d'appuyer votre philosophie de deux cents écus de rente de plus .

Tractari mollior œtas , Imbecilla volet 2, et il vous faut Mundus victus, non déficiente crumena.3 Nous serons plus heureux vous et moi dans notre sphère que des ministres exilés, peut-être même que des ministres en place . Jouissez de votre doux loisir . Moi je jouirai de mes très douces occupations, de mes charrues à semoir, de mes taureaux, de mes vaches.

Hanc vitam in terris Saturnus agebat.4

Quel fracas pour le livre de M. Helvétius! Voilà bien du bruit pour une omelette5! quelle pitié! Quel mal peut faire un livre lu par quelques philosophes? J'aurais pu me plaindre de ce livre, et je sais à qui je dois certaine affectation de me mettre à côté de certaines gens 6. Mais je ne me plains que de la manière dont l'auteur traite l'amitié 7, la plus consolante de toutes les vertus. Envoyez-moi, je vous prie, cette abominable justification de la Saint-Bartliélemy 8; j'ai acheté un ours, je mettrai ce livre dans sa cage. Quoi! on persécute M. Helvétius, et on souffre des monstres !

Je ne connais point Jeanne, je ne sais ce que c'est; mais je me prépare à mettre en ordre les matériaux qu'on m'envoie de Russie, pour bâtir le monument de Pierre le Créateur, et j'aime encore mieux bâtir mon château. Je vous remercie tendrement des cartes de ce malheureux univers 9.

Tuus

V. »

1 Que l'esquif qui me porte soit grand ou petit, je ne serai toujours qu'un seul et même passager .Horace, Épîtres, II, 200 .

2 V* a transformé mollius en mollior ; un âge affaibli exigera un traitement plus doux. Horace , Satires, II, 85-86

3 Une vie de luxe avec une bourse pleine . Horace, Épîtres, I, iv, ii.

4 Voila le genre de vie que Saturne menait sur terre [l'âge d'or] . Virgile, Géorgiques, II, 538 .

6 Allusion à De l'Esprit, livre II, chap. xii, où Helvétius écrit « pour former les esprits des Corneille, des Racine, des Crébillons et des Voltaire. » ; voir page 272 : http://books.google.fr/books?id=DlRFAAAAYAAJ&pg=PA261&lpg=PA261&dq=De+l%27Esprit,+livre+II,+chap.+xii+helvetius&source=bl&ots=Ezskek_M0Q&sig=lwfDHcJg5TU4Ah--FGQnRPwQWPY&hl=fr&sa=X&ei=_sfOUpvHMqPF0QXN1IDgBg&ved=0CEEQ6AEwAw#v=onepage&q=voltaire&f=false

8 Jean Novi de Caveirac [qui figure parmi les voués à l'enfer, sur le tableau dit Triomphe de Voltaire, au château de Ferney-Voltaire] : Apologie de Louis XIV et de son conseil, sur la révocation de l’Édit de Nantes […] avec une dissertation sur la journée de la St Barthélémy , 1758 . V* a noté sur son exemplaire « ouvrage abominable […] par un abbé de Caveirac . Presque tous les faits sont déguisés, les raisonnements faux, le style déclamatoire, et les principes affreux . »

 

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09/01/2014 | Lien permanent

Il n'y a que moi à qui on puisse dire franchement la vérité

... En toute modestie !

 

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T'es moche !

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

[vers le 7 juin 1758]

Mon divin ange,ce paquet contient de plats articles pour ce dictionnaire encyclopédique . L'article Heureux a pourtant quelque chose d’intéressant, ne fût ce que par le sujet . Il n'appartient guère à un homme éloigné de vous de traiter cette matière .

Si vous avez la volonté de donner ces paperasses avec Histoire, on commence à présent le 8è volume et votre présent sera bien reçu . Diderot ne m'a point écrit 1 . C'est un homme dont il est plus aisé d'avoir un livre qu'une lettre . Il est vrai qu'il n'a pas trop de temps et qu'on peut lui pardonner . Ce n'est qu’à la campagne qu'on a du temps . Encore n'en ai-je guère .

Il est toujours bon , mon cher ange, de dire aux auteurs que leur pièce est bonne . Il n'y a que moi à qui on puisse dire franchement la vérité . D'ailleurs la pièce en question 2 est si intriguée, si chargée, que je n'y comprends plus rien . On dit que les places de parterre ont été mises au double, et que cela indispose le public contre l'auteur . Il n'y a que le temps qui décide du mérite des ouvrages . Il faut donc attendre .

Je rends mille grâces à votre aimable ami, au plus aimable des ambassadeurs 3. Je suis pénétré de reconnaissance pour vous et pour lui . Sa médiation sera d'autant mieux placée qu'elle sera seulement l'effet de la bonté de son cœur, qu’elle ne paraitra pas mendiée, qu'elle ne pourra embarrasser en rien la personne à qui cette médiation s'adressera, et que probablement elle sera bien reçues . Rien ne presse et on peut attendre très patiemment le mollia fandi tempora 4.

Ce qui me tient beaucoup plus au cœur c'est que vous veniez à Lyon, mon cher ange . Il faut absolument que Tronchin qui va partir, fasse cette négociation , et qu'il la fasse lui-même et qu'il y réussisse . Comptez qu'il entend ces affaires-là comme celles du change . Mon Dieu le joli coup que ce serait ! On est riche comme un puits 5. On radote . J'aurais le bonheur de vous voir . J'ai toujours peur de radoter moi-même en me livrant trop à mes idées . Mais pardonnez-moi la plus douce illusion du monde .

Mme de Fontaine vous apportera Fanime et La Femme qui a raison . Si ces misères vous amusent elles en amuseront bien d'autres .

Je me flatte que Mme d'Argental est en bonne santé . Je baise les ailes de tous les anges .

V.

Je fais mille compliments à M. de Sainte-Palaye 6. Je suis aussi honoré qu'enchanté de l'avoir pour confrère . »

1 V* recevra le 24 juin 1758 la lettre suivante «  De DIDEROT

14 juin 1758.

Si je veux de vos articles, monsieur et cher maître, est-ce qu'il peut y avoir de doute à cela? Est-ce qu'il ne faudrait pas faire le voyage de Genève et aller vous les demander à genoux, si on ne pouvait les obtenir qu'à ce prix? Choisissez, écrivez, envoyez, envoyez souvent. Je n'ai pu accepter vos offres plus tôt; mon arrangement avec les libraires est à peine conclu. Nous avons fait ensemble un beau traité, comme celui du diable et du paysan de La Fontaine, les feuilles sont pour moi, le grain est pour eux; mais au moins ces feuilles me seront assurées. Voilà ce que j'ai gagné à la désertion de mon collègue [d'Alembert]. Vous savez sans doute qu'il continuera de donner sa partie mathématique. Il n'a pas dépendu de moi qu'il ne fit mieux. Je croyais l'avoir ébranlé; mais il faut qu'il se promène. Il est tourmenté du désir de voir l'Italie. Qu'il aille donc en Italie je serai content de lui s'il revient heureux, etc. »

3 François-Claude-Bernard-Louis de Chauvelin : http://fr.wikipedia.org/wiki/Fran%C3%A7ois_Claude_Chauvelin

6 La Curne de Sainte-Palaye fameux érudit, auteur de savantes recherches sur le Moyen-Age français sera reçu à l'Académie française le 26 juin 1758 .

 

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26/08/2013 | Lien permanent

ordinairement si docile je me trouve d’une opiniâtreté qui me fait sentir combien je vieillis.





« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental

4 mai 1767

Vous êtes plus aimable que jamais, mon cher ange, et moi plus importun et plus insupportable que ne l’ai été. Moi qui suis ordinairement si docile je me trouve d’une opiniâtreté qui me fait sentir combien je vieillis. Ce monologue  [dans Les Scythes] que vous demandez, je l’ai entrepris de deux façons. Elles détruisent également tout le rôle d’Obéide. Ce monologue développe tout d’un coup ce qu’Obéide veut se cacher à elle-même dans tout le cours de la pièce. Tout ce qu’elle dira ensuite n’est plus qu’une froide répétition de son monologue ; il n’y a plus de gradations, plus de nuances, plus de pièce. Il est de plus si indécent qu’une jeune fille aime un homme marié que quand vous y aurez fait réflexion, vous jugerez ce parti impraticable.

Il y a plus encore, c’est que ce monologue est inutile. Tout monologue qui ne fournit pas de grands mouvements d’éloquence est froid. Je travaille tous les jours à ces pauvres Scythes malgré les éditions qu’on en fait partout.

Lacombe vient d’en faire une qu’il m’envoie, mais il n’y a pas la moitié des changements que j’ai faits, il ne pouvait pas encore les avoir reçus. Il n’a fait cette nouvelle édition que dans la juste espérance où il était que la pièce serait reprise après Pâques. C’est encore une raison de plus pour que je [ne] puisse exiger de lui qu’il donne cent écus à Lekain. J’aime beaucoup mieux les donner moi-même.

Il est bien vrai que tout dépend des acteurs. Il y a une différence immense entre bien jouer et jouer d’une manière touchante, entre se faire applaudir et faire verser des larmes. M. de Chabanon et M. de La Harpe viennent d’en arracher à toutes les femmes dans le rôle de Nemours et dans celui de Vendôme, et à moi aussi [dans Adélaïde du Guesclin sur le théâtre de V*].

Je doute fort qu’on puisse faire des recrues pour Paris. On a écarté et rebuté les bons acteurs qui se sont présentés. Je ne crois pas qu’il y en ait actuellement deux en province dignes d’être essayés à Paris. Je vous l’ai déjà dit, les troupes ne subsistent plus que de l’opéra-comique. Tout va au diable, mes anges, et moi aussi.

Ma transmigration de Babylone me tient fort au cœur [il a prévu d’acquérir une propriété près de Lyon ; il le dira à Richelieu le 25 avril] . Ce que vous me faites entrevoir redoublera mes efforts, mais j’ai bien peur que la situation présente de mes affaires ne me rende cette transmigration aussi difficile que mon monologue. Je me trouve à peu près dans le cas de ne pouvoir ni vivre dans le pays de Gex ni aller ailleurs. Figurez-vous que j’ai fondé une colonie à Ferney ; que j’y ai établi un marchand, un chirurgien ; que je leur bâtis des maisons ; que si je vais ailleurs, ma colonie tombe ; mais aussi, si je reste, je meurs de faim et de froid. On a dévasté tous les bois ; le pain vaut cinq sols la livre. Il n’y a ni police ni commerce. J’ai envoyé à M. le duc de Choiseul, conjointement avec le syndic de la noblesse, un mémoire très circonstancié. J’ai proposé que M. le duc de Choiseul renvoyât ce mémoire à M. le chevalier de Jaucourt qui commande dans notre petite  province. Il a oublié mon mémoire, ou s’en est moqué ; et il a tort car c’est le seul moyen de rendre à la vie un pays désolé qui ne sera plus en état de payer les impôts. On a voulu faire, malgré mon avis, un chemin qui conduisit de Lyon en Suisse en droiture [le 10 février, V* écrit à Pierre Buisson, chevalier de Beauteville, un des médiateurs chargé de mettre fin aux troubles de Genève : « … il faudrait un port au pays de Gex ; ouvrir une grande route avec la Franche-Comté ; commercer directement de Lyon avec la Suisse par Versoix ;… »] ; ce chemin s’est trouvé impraticable.

Je vous demande pardon de vous ennuyer de ces détails ; mais je vois qu’avec la meilleure volonté du monde on nous ruinera sans en retirer le moindre avantage. Je me suis dégoûté de la Guerre de Genève [Guerre civile de Genève]; je n’ai point mis au net le second chant, et je n’ai pas actuellement envie de rire.

J’écris une lettre au sculpteur qui s’est avisé de faire mon buste [Rosset ; cf. lettre du 11 avril à d‘Argental]. C’est un original capable de me faire attendre trois mois au moins ; et ce buste sera au rang de mes œuvres posthumes.

Il peut être encore un acteur à Genève dont on pourrait faire quelque chose. Il est malade ; quand il sera guéri, je le ferai venir. La Harpe le dégourdira. Pour moi, je suis tout engourdi. D’ordinaire la vieillesse est triste ; mais la vieillesse des gens de lettres est la plus sotte chose qu’il y ait au monde. J’ai pourtant un cœur de vingt ans pour toutes vos bontés ; je suis sensible comme un enfant ; je vous aime avec la plus vive tendresse.

V »

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04/05/2010 | Lien permanent

je ne veux point choquer d'honnêtes gens avec lesquels je vis en très bonne intelligence

 

Volti fait patte de velours, apparemment, ronronne, et affute ses griffes, discrètement .

patte de velours chats10NM1.gif

http://www.wat.tv/video/chat-mignon-reveil-3ezi9_2ey61_.h...

 


Comme il le dit haut et fort (publicité discrète et gratuite pour mon hébergeur ! ), "la paix est après la santé le plus grand des biens". Difficile de le contredire sur ce sujet .


 

 

« A Nicolas-Claude Thieriot

chez Madame la comtesse de Montmorency

rue Vivienne à Paris

 

Aux Délices 20 mai [1757]

 

Vous noterez, s'il vous plait, mon cher et ancien ami, et je vous confie tout doucement qu'il y a dans le pays que j'habite trois ou quatre personnes qui sont encore du seizième siècle . Elles ont été fâchées de voir dans le Mercure que tout le monde convenait vers le lac Léman que Calvin avait une âme atroce i. Ces gens-là disent qu'ils n'en conviennent point ii. Je crois qu'on pourrait pour satisfaire leur délicatesse leur permettre même de penser que l'âme de Calvin était douce . La mienne est tranquille et je ne veux point choquer d'honnêtes gens avec lesquels je vis en très bonne intelligence . Vous me feriez plaisir de me mander qu'on a imprimé cette lettre sur une copie infidèle comme sont toutes celles qu'on fait courir manuscrites, que dans celle que vous avez reçue de ma main il y a âme trop austère et non pas âme atroce . En effet pour autant qu'il peut m'en souvenir, c'était là ma véritable leçon . Cette petite attention de votre part ferait un très grand plaisir à des personnes que je dois ménager et je vous serais très obligé . La paix est après la santé le plus grand des biens.

 

Je ne sais quand le roi de Prusse la donnera à l'Allemagne . Ce sera quand il voudra, car s'il achève la campagne comme il l'a commencée il donnera des lois iii.

 

Ce serait une chose bien glorieuse pour la France si son armée réparait les pertes des Autrichiens iv. Il serait beau après avoir résisté deux cents ans à l'Autriche d'être son seul appui .

 

Avez-vous vu la pièce nouvelle v? parait-il quelque bon livre ? êtes-vous toujours casanier ? n'aurez-vous jamais le courage d'exécuter votre ancien projet de voir notre lac et vos anciens amis ?

 

V. »


i Le texte de la lettre envoyée à Thieriot le 26 mars, imprimée dans le Mercure de mai portait : « Ce n'est pas une petite preuve du progrès de la raison humaine qu'on ait imprimé à Genève ... » , voir Page 435 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80033k/f439.image.r=.langFR

Voir aussi ce que V* écrit à Vernes le 13 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/08/vous-n-etes-point-calvinistes-vous-etes-hommes.html

ii Le Vénérable Conseil de Genève se réunira le 21 mai et prie « le Grand Conseil de marquer à M. de Voltaire son improbation » . Datée du 30 mai à Genève, une lettre publique injurieuse à l'égard de V* parait dans le Journal helvétique de juin, écrite par Jacob Vernet, son ancien ami ; voir lettre du 6 septembre à Le Fort : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/06/quoique-je-ne-lise-jamais-les-journaux.html#more

iii Après avoir en 1756 envahi la Saxe, battu les Autrichiens à Lobositz, fait capituler Auguste III, en 1757, Frédéric II a déjà marché sur Prague et battu les Autrichiens sous les murs de la ville le 6 mai .

iv Le 1er mai, la France vient de signer le second traité d'alliance avec l'Autriche ; elle doit fournir plus de 100 000 hommes qui seront répartis en deux armées, l'une devant envahir le Hanovre et forcer les Anglais à faire la paix, l'autre reprendre la Saxe avec une des armées autrichiennes .

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13/05/2011 | Lien permanent

Cela redouble mon mépris pour les bourgeois qui font le gros dos parce qu'ils ont un office

NDLR : Cette note est sous forme provisoire à cette heure matinale ; un complément de  suivra dans la matinée ...

Inachevée, cette mise en ligne ... comme était dite cette symphonie que j'aime, de Schubert que je vous invite à écouter :

http://www.deezer.com/listen-1002668

Elle évoque pour moi des souvenirs d'un Teppaz installé dans le couloir de l'appartement, afin que toute la famille puisse entendre la musique . Belle musique ! Tonique et tendue, sombre avec éclats ...

 NDLR 2 : au moment du repas, en hors d'oeuvre, voici la note complète .

 

gros dos matmatou.gif

Gros minet, excuse-moi de te mettre dans la peau d'un bourgeois nanti ...

 http://www.youtube.com/watch?v=_BFOyn8K7pg  : Brel, mon ami, remets les pendules à l'heure !

 

 

« A Etienne-Noël Damilavile

et à

Nicolas-Claude Thieriot

 

18 février 1761

 

Je salue tendrement les frères, j'élève mon cœur à eux, et je prie Dieu pour le succès du Père de famille i.

 

J'envoie aux frères une petite cargaison, contenant un chant de La Pucelle et les Lettres sur La Nouvelle Héloïse, ou Aloïsia de Jean-Jacques auxquelles M. le marquis de Ximénès n'a fait aucune difficulté de mettre son nom, attendu qu'il ne craint pas plus Jean-Jacques que Jean-Jacques ne semble craindre ses lecteurs . La Nouvelle Héloïse et Daïra ii m'ont fait relire Zaïde iii. Qu'on fasse quelque nouvelle tragédie, je relirai Racine .

 

J'ai demandé à Monsieur Thieriot les recueils I, K, L, M, N iv. Il faut bien que j'aie tout l'alphabet . Je suis très fâché qu'il y ait une ville en France, nommée Paris, où il soit permis à un Fréron d'insulter l'héritière du nom de Corneille v; on ne m'écrit sur cela que des lanternes . Si Fréron en avait dit autant de la petite fille d'un laquais dont le père fût conseiller du parlement ou de la cour des aides, on mettrait Fréron au cachot . Il est digne de ceux qui laissaient mourir de faim la cousine de Cinna, de ne la pas venger . Cela redouble mon mépris pour les bourgeois qui font le gros dos parce qu'ils ont un office.

 

Je prie instamment Monsieur Thieriot de mettre au cabinet l'épître d'Abraham Chaumeix à Mlle Clairon vi; ce n'est pas qu'on craigne le petit singe à face de Thersite, au sourcil noir, et au cœur noir ; on a pour lui autant d'horreur que pour Fréron . C'est dommage qu'un aussi insolent et aussi absurde persécuteur ne soit puni que par des vers et par l'exécration publique ; il est bien heureux d'avoir affaire à des philosophes qui ne peuvent se venger que par le mépris . Je voudrais bien voir un de ces faquins, si fiers de leurs petites charges, voyager dans les pays étrangers : il ferait une plaisante figure à coté d'un homme de mérite . »

 

i Pièce de Diderot jouée le 18 février et qui n'eut que sept représentations .

http://books.google.be/books?id=yMw5AAAAcAAJ&printsec...

ii Roman de Alexandre-Joseph Le Riche de La Popelinière : Daïra, 1760 : http://books.google.be/books?id=kloGAAAAQAAJ&printsec...

http://www.memo.fr/Dossier.asp?ID=431

iii Roman de Mme de La Fayette , Zaïde présente quelques ressemblances avec la Zulime-Fanime et La Princesse de Babylone de V* ;

http://fr.wikipedia.org/wiki/Za%C3%AFde

http://fr.wikipedia.org/wiki/Madame_de_La_Fayette

Zaïde : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k575947/f2.image

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k58119m/f2.image...

iv Tomes du Recueil A. B. C..., 1745-1762 en 24 fascicules, de Louis Calabre Pérau et autres .

http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel-Louis_P%C3%A9rau

v Voir lettres du 15 janvier à Du Molard Bert et 2 février 1761 aux d'Argental :

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/17/t...

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/02/02/o...

vi Voir lettre du 2 février 1761 aux d'Argental, où V* explique pourquoi Thieriot doit garder l'Épitre dans son secrétaire(signée A*** C***) ; il concentre se forces contre Fréron . Pour le « singe » (= Omer Joly de Fleury) et le pseudonyme, voir même lettre .

 

 

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22/02/2011 | Lien permanent

Presque tout le monde cherche à tromper, depuis le prédicateur jusqu'au faiseur de madrigaux ...Il faut que le pape soit

 

Rédigé le 24 juin 2011 pour parution le 3 février 2011

 

 

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise du Deffand

 

3 février 1769

 

Voici le temps , Madame, où vous devez avoir pour moi plus de bontés que jamais . Vous savez que je suis aveugle comme vous dès qu'il y a de la neige sur la terre et j’ai par dessus vous les souffrances . Le meilleur des mondes possibles est étrangement fait . Il est vrai qu'en été je suis plus heureux que vous, et je vous en demande pardon, car cela n'est pas juste .

 

Serait-il bien vrai, Madame, que le marquis de Bélestat, qui est très estimé dans sa province, qui est riche, qui vient de faire un très grand mariage 1, eût osé lire à l'académie de Toulouse un ouvrage qu'il aurait fait faire par un autre, et qu'il se déshonorât de gaieté de cœur pour avoir de la réputation 2? Comment pourrait-on être à la fois si hardi, si lâche et si bête ? Il est vrai que la rage du bel esprit va bien loin et qu’il y a autant de friponnerie en ce genre qu'en fait de finance et de politique . Presque tout le monde cherche à tromper, depuis le prédicateur jusqu'au faiseur de madrigaux . Vous, madame, vous ns trompez personne ; vous avez de l'esprit malgré vous ; vous dites ce que vous pensez avec sincérité . Vous haïssez trop les philosophes ; mais vous avez plus d'imagination qu'eux . Tout cela fait que je vous pardonne votre crime contre la philosophie, et même votre tendresse pour le pincé La Bletterie 3.

 

Je songe toujours à vous amuser . J'ai découvert un manuscrit sur la canonisation que notre Saint-Père le pape a faite il y a deux ans d'un capucin nommé Cucufin 4. Le procès verbal de la canonisation est rapporté fidèlement dans ce manuscrit . On croit être au XIVè siècle . Il faut que le pape soit un grand imbécile de croire que tous les siècles se ressemblent, et qu'on puisse insulter aujourd'hui à la raison comme on faisait autrefois .

 

J'ai envoyé le manuscrit de La Canonisation de saint Cucufin à votre grand maman 5, avec prière expresse de vous en faire part . Je ne désespère pas que ce monument d'impertinence ne soit bientôt imprimé en Hollande, je vous l'enverrai dès que j'en aurai un exemplaire. Mais vous ne voulez jamais me dire si votre grand maman a ses ports francs et s'il faut lui adresser les paquets sous l'enveloppe de son mari .

 

Je vous prie instamment, Madame, de me mander des nouvelles de la santé du président 6; je l'aimerai jusqu'au dernier moment de ma vie . Est-ce que son âme voudrait partir avant son corps ? Quand je dis âme, c'est pour me conformer à l'usage, car nous ne sommes peut-être que des machines qui pensons avec la tête comme nous marchons avec les pieds . Nous ne marchons point quand nous avons la goutte, nous ne pensons point quand la moelle du cerveau est malade .

 

Vous souciez-vous , Madame, d'un petit ouvrage nouveau dans lequel on se moque avec discrétion de plusieurs systèmes de philosophie ? Cela est intitulé Les Singularités de la nature . Il n’y a d'un peu plaisant à mon gré qu'un chapitre sur un bateau de l'invention du maréchal de Saxe, et l'histoire d'une anglaise qui accouchait tous les huit jours d'un lapin 7. Les autres ridicules sont d'un ton plus sérieux . Vous êtes très naturelle, mais je soupçonne que vous n'aimez pas trop l'histoire naturelle . Cependant cette histoire là vaut bien celle de France, et l'on nous a souvent trompés sur l'une et sur l'autre . Quoi qu'il en soit, si vous voulez ce petit livre intitulé Les Singularités de la nature, j'en enverrai deux exemplaires à votre grand maman dès que vous me l'aurez ordonné .

 

Adieu, Madame,je suis à vos pieds . Je vous prie de dire à M. le président Hénault combien je m'intéresse à sa santé . »


1 Le roi était signataire au mariage de Bélestat avec Marie-Charlotte de Château-Renaud, mais en 1752 .

3 Dans une note de la traduction de Tacite de La Bletterie, V* se voyait attaqué, or Mme du Deffand défendait La Bletterie ; voir lettre du 26 décembre 1768 à Mme du Deffand, et du 13 janvier 1769 à d'Alembert .

4 Œuvre évidente de V* : La Canonisation de saint Cucufin ; voir dans la lettre du 21 décembre d'où lui est venue l'idée .

5 La duchesse de Choiseul .

6 On le disait retombé en enfance .

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03/02/2011 | Lien permanent

tant de mauvais Français ...qui par leurs satires continuelles aigrissent tellement les esprits déjà mal disposés

"Il fait trop chaud pour travailler ..." et comme chantaient les Parisiennes : http://www.youtube.com/watch?v=H8OzttrTLEY&NR=1

 

Complètement rétro, OK, mais du tonus et le cri du coeur !

 

Voyez plutot ce qui me tente :

 

plage cocotier.jpg

 

 

 

 

 

Et pourtant, comme le bon caravanier qui traverse le désert, la langue comme du carton, des mirages plein les yeux, nous amenons les visiteurs à bon port, à savoir la douce fraicheur du vestibule du Château de Volti (dit Voltaire ; venez-y nombreux, à Ferney-Voltaire 01210 France, près de Genève -CH- et de Gex -France-. Pub gratuite !!! )

 

Ah ! Volti, je reconnais bien ton esprit plein de   magnifique espoir : "opposer à tous ces mensonges la vérité représentée avec cette simplicité et cette force qui triomphent tôt ou tard devant l’imposture" ! . Dieu t'entende !...

 

 

 

« A René-Louis de Voyer de Paulmy, marquis d’Argenson

 

 

                            Permettez-vous, Monseigneur, que je fasse passer à M. Ch. [Chauvelin] vos sentiments généreux ? Ce sera une consolation pour lui, et un nouvel honneur pour vous. Gros de Boze [directeur du commerce des livres] a tort de ne vous avoir pas marqué de quoi il était question. Il devait pressentir qu’on lit à la hâte ces sortes de brochures et que le trait dont il était question pouvait vous échapper [Il s’agit des Lettres d’un pair de Grande Bretagne à Milord l’archevêque de Cantorbéri sur l’état présent des affaires de l’Europe… Londres , de Langlet-Dufresnoy. V* affirmera le 19 aout qu’il y est « dit tout net que M. Chauvelin eut 100 000 guinées des Anglais pour le traité de Séville » et que la responsabilité de l’impression est rejetée sur d’Argenson.]. C’est par parenthèse un petit piège que vous ont tendu ici ceux qui devaient supprimer ce misérable et calomnieux ouvrage. Au reste j’ai une voie sûre et toute naturelle pour vous faire connaitre à M. Ch. ce que vous pensez. Mais je ne veux point faire cette démarche sans votre permission. En voici une autre qui pourrait avoir votre approbation et votre protection.

 

 

                            J’ai envie de ne point jouir du bénéfice  d’historiographe sans le desservir. Voici une belle occasion. Les deux campagnes du roi méritent d’être chantées, mais encore plus d’être écrites [ l’Histoire de la guerre de 1741 qui deviendra le Précis du Siècle de Louis XV]. Il y a d’ailleurs en Hollande tant de mauvais Français qui inondent l’Allemagne d’écrits scandaleux, qui déguisent les faits avec tant d’impudence, qui par leurs satires continuelles aigrissent tellement les esprits déjà mal disposés, qu’il est nécessaire d’opposer à tous ces mensonges la vérité représentée avec cette simplicité et cette force qui triomphent tôt ou tard devant l’imposture. Mon idée ne serait pas que vous demandassiez pour moi la permission d’écrire les campagnes du roi ; peut-être sa modestie en serait alarmée et d'ailleurs je présume que cette permission est attachée à mon brevet. Mais j’imagine que si vous disiez au roi que les impostures qu’on débite en Hollande doivent être réfutées, que je travaille à écrire ses campagnes, et qu’en cela je remplis mon devoir, que mon ouvrage sera achevé sous vos yeux et sous votre protection, enfin si vous lui représentez ce que j’ai l’honneur de vous dire avec la persuasion que je vous connais, le roi m’en saura quelque gré, et je me procurerai une occupation qui me plaira, et qui vous amusera. Je remets le tout à votre bonté. Mes fêtes pour le roi sont faites [La Princesse de Navarre et Le Temple de la gloire], il ne tient qu’à vous d’employer mon loisir.

 

 

                            Je n’entends point parler de la Russie [par l’intermédiaire d’Alion, ambassadeur de France en Russie, V* fait parvenir ses œuvres à Catherine II et demande à être admis à l’Académie de Pétersbourg ; il a aussi demandé pour sa future Histoire de l’empire de Russie des « particularités intéressantes » de la vie de Pierre le Grand]. Oserai-je vous supplier de vouloir bien me recommander à M. d’Alion ?

Vous me protégez au midi, daignez aussi me protéger au nord, et puisse la paix habiter les quatre points cardinaux du monde et le milieu.

 

 

                            Mme du Châtelet vous fait mille compliments.

 

                            Voltaire

                            17 août 1745.

Et après quelques ouzos bien tassés essayez ceci : http://www.dailymotion.com/video/x2f4_comment-danser-le-s...

Comment, ce n'est pas Zorba le Grec ? 

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18/08/2009 | Lien permanent

les hommes sont fous du midi au nord

... Attentats du nord au sud, de l'est à l'ouest . Que faire ? Peut-on répondre à ces meurtriers par les armes seulement, je ne crois pas, et Voltaire, à juste titre, trouverait cette solution insuffisante comme sa détestation des guerres le prouve .

Est-il encore temps, sommes-nous capables de rétablir une paix durable ? Difficile à envisager quand on connait nos capacités de fabricants d'armes : "Diable, ma bonne dame, mon bon mossieur, il faut bien qu'elles servent, des milliers d'emploi en dépendent !"

Ô sainte hypocrisie en cette semaine dite Sainte ! Il va y avoir embouteillage dans les confessionnaux ,  et comme disait mon cher Brassens "mettez genoux à terre, priez et implorez, faites  semblant de croire et bientôt vous croirez !"

 chapie hebdo

 

 

 

« A Louise-Dorothée von Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha

21è mai 1762 aux Délices 1

Madame, j’ai été sur le point d’aller voir si l’on fait autant de sottises dans l’autre monde que dans celui-ci. Tronchin et la nature m’ont fait différer le voyage. Voilà ce qui m’a privé de l’honneur d’écrire à Votre Altesse Sérénissime. Je la suppose actuellement entourée d’officiers français qui lui font la cour, en attendant que des Prussiens viennent se présenter à son audience ; car il me paraît que toutes les nations font ce qu’elles peuvent pour venir vous faire leur révérence, et que vous n’avez pas toujours le choix. Les Russes pourront bien venir aussi à Gotha prendre des leçons de politesse.

Sérieusement, madame, j’aime mieux le temps où j’étais si paisible dans votre palais, et où il n’y avait dans vos États d’autres troupes que les vôtres. Votre Altesse Sérénissime permettra-t-elle que je prenne la liberté de lui adresser ma réponse à madame la comtesse de Bassewitz 2? Je ne sais où la prendre, et j’ignore à quelle armée appartient actuellement son château. Dieu veuille renvoyer bientôt à la culture de la terre tant de gens qui la désolent et qui l’ensanglantent, sans savoir pourquoi ! On dit que si nous avions la paix, j’aurais le bonheur de voir à Genève les princes vos fils. Ce serait pour moi la plus grande des consolations dans la douleur où je suis de sentir que je suis privé, probablement pour jamais, de la présence de leur adorable mère. Cette paix me paraît encore bien éloignée. Le feu a pris aux deux bouts de l’Europe. On bat le tambour depuis Gibraltar jusqu’à Archangel . Cela prouve que les hommes sont fous du midi au nord. Que votre auguste famille soit tranquille au milieu de tant d’orages , que la grande maîtresse des cœurs se souvienne du pauvre malade , que Votre Altesse Sérénissime reçoive avec sa bonté ordinaire mon profond respect, etc. »

1 Le même jour, Paul.-Henri. Mallet [voir : https://books.google.fr/books?id=EvQOAAAAQAAJ&pg=PA12&lpg=PA12&dq=p+h+mallet+1762&source=bl&ots=QzLfNqeoFc&sig=U96TgHrKVRkycQaS8YdD0DnYX3k&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwi0vsOsxJjTAhUBkxQKHXRyCh0Q6AEIHDAA#v=onepage&q=p%20h%20mallet%201762&f=false

] écrit au comte Bernstorff de Genève [Voir : https://books.google.fr/books?id=Kd9rTJ__hbgC&pg=PA93... ] : « Cette ville ou plutôt son voisinage a failli de perdre tout récemment M. de Voltaire, et quoique rétabli à peu près on juge que sa dernière maladie doit naturellement hâter sa fin . Nous ne le voyons presque plus ici et l'éloignement réciproque devient toujours plus grand et , je crois, plus juste de notre part . Mais il s'est mis à l'abri de tout par les marques qu'il s'est fait donner en deux ou trois occasions de la protection de M. le duc de Choiseul, protection si déclarée [q]uelle aurait dû en imposer à un État plus puissant que nous . »

2 Cette lettre de V* à la comtesse n'est pas connue .

 

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10/04/2017 | Lien permanent

les lettres font la plus grande consolation de la vieillesse, après celle qu’on reçoit de l’amitié. Je vous avouerai qu’

... Et considérant que les belles lettres comprennent la correspondance de Voltaire, je me permets de vous en faire profiter avec un plaisir toujours renouvelé .

 

 

«Au cardinal François-Joachim de Pierre de Bernis

Aux Délices 26 mai 1762 1

Je ne savais pas, Monseigneur, qu’ayant perdu madame votre nièce, vous aviez été encore sur le point de perdre sa sœur. Il y a deux mois que je n’éprouve, que je n’entends, et que je ne vois que des choses tristes, permettez-moi de compter vos douleurs parmi les miennes. Je vous avais marqué qu’un de mes chagrins était de ne pouvoir jouir de la consolation de m’entretenir avec Votre Éminence 2. Ce chagrin est d’autant plus fort que je n’ai aucune espérance de vous revoir . Il m’est impossible de me transplanter. Tout ce que me permet mon état de langueur est d’aller de Ferney aux Délices, et des Délices à Ferney, c’est-à-dire de faire deux lieues. Certainement vous ne viendrez pas à Genève ; aussi je n’ai que trop senti que je ne vous reverrais jamais. Je ne vous en serai pas moins tendrement attaché ; vos lettres charmantes, où se peint une très belle âme, et une âme vraiment philosophe, m’ont sensiblement touché. Je prendrai l’intérêt le plus vif à tout ce qui vous regarde jusqu’au dernier moment de ma vie. Je vous exhorte toujours à joindre à votre philosophie l’amour des lettres. Vous me paraissez faire trop peu de cas du génie aimable avec lequel vous êtes né. N’ayez jamais cette ingratitude. Vous joignez à ce génie un goût fin et cultivé qui est presque aussi rare que le génie même ; c’est une grande ressource pour tous les temps de la vie ; et je sens que les lettres font la plus grande consolation de la vieillesse, après celle qu’on reçoit de l’amitié. Je vous avouerai qu’elles sont chez moi une passion. Vous allez vous moquer de moi : mais je vous demande la permission de vous envoyer mon ouvrage de six jours, auquel vous m’aviez bien dit qu’il fallait travailler six mois.

J’ai grande envie que cette pièce soit ce que j’ai fait de moins mal, et je ne vois d’autre façon d’en venir à bout que de vous consulter. Vous n’avez vu que les matériaux ; vous verrez l’édifice : ce sera pour vous un amusement, et pour moi une instruction. Ayez la bonté de me faire savoir s’il faudra que j’envoie le paquet à Soissons. Je sais bien que les paquets passent par Paris ; mais une tragédie n’effarouchera pas votre ami Jannel 3.

Auriez-vous lu une réponse d’un jésuite de Lyon ou de Toulouse à l’abbé Chauvelin, intitulée Acceptation du défi  4? Il y a de la déclamation de collège, mais elle ne manque pas de raisons très fortes ; cette affaire est une des plus singulières de ce siècle singulier.

On n’est pas content de notre Dictionnaire  ; on le trouve sec, décharné, incomplet, en comparaison de ceux de Madrid et de Florence. Oserai-je vous prier de me dire si vous approuvez cette expression : donner de la croyance à quelque chose ? Le papier me manque pour vous dire à quel point j’aime et je respecte Votre Éminence.

V.

Puis-je vous dire que le roi m’a conservé la charge de gentilhomme ordinaire, et m’a fait payer d’une pension ? Je ne me croyais pas si bien en cour. »

1 Le dernier paragraphe a été écrit dans la marge du bas .

3 Intendant des postes .

 

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Voilà comme nous sommes faits, nous autres provinciaux ; nous pensons qu'avec une lettre de recommandation on réussit à

... Toujours vrai, hélas dans notre bureaucratique nation . Ah ! le piston qui fait marcher la machine ! pas encore près d'être grippé .

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« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.
26 mars 1760.
Ange toujours gardien, je n'ai qu'un moment ; il sera consacré aux actions de grâces, non pas pour le grand chambrier 1 non pas même pour le prince 2 du sang, mais pour vous seul. Il faut que vous sachiez encore que M. Budé de Boisy, qui m'a vendu la terre de Ferney, veut absolument que je vous sollicite encore auprès de M. de Courteilles pour je ne sais quel procès auquel je ne m'intéresse guère. Je lui ai donc donné une lettre pour vous, qu'on vous présentera sans doute 3. Voilà comme nous sommes faits, nous autres provinciaux ; nous pensons qu'avec une lettre de recommandation on réussit à tout à Paris. Je ne vous ai point écrit de lettre de recommandation pour nos Chevaliers; je m'en soucie pourtant un peu plus que du procès de M. de Boisy ; mais je ne suis point du tout empressé de me faire juger, quoi qu'au fond je croie ma cause bonne. Vous voulez un chant de la Pucelle : eh, mon Dieu ! mon cher ange, que ne parliez- vous? vous en aurez deux au lieu d'un. J'avais imaginé qu'un ministre 4 ne se mettait pas en peine de ces facéties ; mais, puisque vous en êtes curieux, vous serez servi : vers et prose, tout est à vous.
Au milieu de mes douces occupations, je suis fâché; on nous a pris Masulipatam,5 on nous prendra Pondichéry ; il y a un an que je le dis. Je plains infiniment M. le duc de Choiseul : on lui a donné notre pauvre vaisseau à conduire au milieu du plus violent orage. J'ai eu longtemps dans la tête que si Luc voulait céder quelque chose, vous pourriez, en ce cas, vous débarrasser avec bienséance du fardeau et des chaînes que l'Autriche vous fait porter ; mais je ne vois qu'un petit coin, et pour bien voir il faut embrasser tout l'édifice. J'ai une étrange idée ; je soupçonne que le roi de Portugal, que Luc appelait le chose 6 de Portugal, pourrait bien perdre son chose, son royaume ; que le roi d'Espagne pourrait bien, dans peu, tenter cette conquête 7; le temps est assez favorable ; les jésuites sont gens à lui promettre le paradis en sus, pour sa peine; ils ne s'endorment pas. Le chose de Portugal n'est pas aimé, son ministre 8 est détesté : belle occasion pour un roi d'Espagne, qui a de l'argent et des troupes, de faire rebâtir Lisbonne.
Je ne peux aimer Luc, car je le connais ; mais il vaut mieux que le chose du Portugal. Nous verrons comment il se tirera d'affaire cette année. Mais nous, que ferons-nous? Rien sur mer, et peut-être des sottises sur terre. Plaisante saison pour mettre un héros français sur le théâtre 9! M. le duc de La Vallière a donc fait l'Histoire chronologique de l'Opéra 10: c'est quelque chose ; il y a encore du génie en France.
Je vous adore. »

 

1 L'abbé d'Espagnac.

 

 

3 V* a déjà donné à Budé une lettre d'introduction pour d'Argental , voir lettre du 12 décembre 1757 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/02/19/l-emporter-sur-un-receveur-quand-ils-ont-la-justice-pour-eux.html

 

4 D'Argental était ministre plénipotentiaire du duc de Parme.

 

5 Masulipatam, dans la province de madras avait été pris d'assaut par Francis Forde en 1759 . les Français perdaient ainsi leur dernier point d'appui dans le Deccan . Voir : http://www.theodora.com/encyclopedia/f/francis_forde.html

et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Si%C3%A8ge_de_Masulipatam

 

 

7 Deux ans plus tard l'Espagne et le Portugal étaient en guerre, mais le Portugal résista victorieusement .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_hispano-portugaise_de_1762-1763

 

8 Séb.-Jos. Carvalho, plus connu sous le nom de marquis de Pombal et qui avait expulsé les jésuites . Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Sebasti%C3%A3o_Jos%C3%A9_de_Carvalho_e_Melo

 

9 Tancrède .

 

 

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25/03/2015 | Lien permanent

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