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24/05/2010

L’enfer est une fort bonne chose, mais il est bien évident que Moïse ne l’avait pas connu

 

 

 


« A Jean Le Rond d’Alembert

Aux Délices, 24 [mai 1757]

Voici, mon cher et illustre philosophe, l’article Mages de mon prêtre [Polier de Bottens ; cet article pour l‘Encyclopédie ne fut pas utilisé]. Ce premier pasteur de Lausanne pourrait bien être condamné par la Sorbonne. Il traite l’étoile des mages fort cavalièrement. Il me semble que son article est entièrement tiré des prolégomènes de dom Calmet, et que mon prêtre n’y ajoute guère qu’un ton goguenard. Vous en ferez l’usage qui vous plaira. Il y a  quelques articles dans le Dictionnaire qui ne valent pas celui de mon prêtre.

Je voudrais que votre typographe Briasson pensât un peu à moi. Permettez que je vous adresse ce petit billet pour lui. Je joins à tout cela une liste de tous les articles que mon prêtre prépare.

Je suis fâché de voir que le chevalier de Jaucourt, à l’article Enfer, [l’article est de E. Mallet ; Jaucourt a écrit Enfer (poétique)] prétend que l’enfer était un point de la doctrine de Moïse. Cela n’est pas vrai, de par tous les diables. Pourquoi mentir ? L’enfer est une fort bonne chose, mais il est bien évident que Moïse ne l’avait pas connu. C’est-ce monde ci qui est l’enfer. Prague en est actuellement la capitale. [depuis la bataille du 6 mai 1757, une partie de l’armée autrichienne est prise dans Prague où les vivres commencent à manquer] La Saxe en est le faubourg. [la Saxe envahie par Frédéric en août 1756] Les Délices seront le paradis quand vous y reviendrez.

Vous avez des articles de théologie et de métaphysique qui me font bien de la peine. Mais vous rachetez ces petites orthodoxies par tant de beautés et de choses utiles qu’en général le livre sera un service rendu au genre humain.

Mme Denis vous fait mille compliments. »

23/05/2010

J‘ai eu la hardiesse de me faire acteur dans ma soixante et quatorzième année … J‘en ai été malade …





« A Etienne-Noël Damilaville

23 mai 1767

Nous avons reçu, Monsieur, le beau discours de M. l’abbé Chauvelin [Discours d‘un des M.M. de grand ‘chambre au parlement, toutes les chambres assemblées. Du mercredi 29 avril 1767 ; il traitait de l‘expulsion des jésuites d‘Espagne]. Je l’ai communiqué à M. de Voltaire qui en a pensé comme vous. Il est un peu malade actuellement. C’est apparemment de la fatigue qu’il a eue de faire jouer chez lui Les Scythes et d’y représenter lui-même un vieillard. Je n’ai jamais vu de meilleurs acteurs [à de Belley le 21 mai : « J‘ai eu la hardiesse de me faire acteur dans ma soixante et quatorzième année … J‘en ai été malade … M. de Chabanon et M. de La Harpe récitent des vers aussi bien qu‘ils en font ; et Mme de La harpe a un talent dont je n‘ai encore  vu le modèle que dans Mlle Clairon. »]. Tous les rôles ont été parfaitement exécutés, et la pièce a fait verser bien des larmes. Vous n’aurez jamais de pareils acteurs à la comédie de Paris.

Je sais peu de nouvelles de littérature. J’ai ouï parler seulement d’un livre de feu M. Boulanger, [L’Antiquité dévoilée par ses usages (1766) de Nicolas-Antoine Boulanger, édité par d’Holbach, après la mort de l’auteur] et d’un autre de milord Bolingbroke [Examen important de milord Bolingbroke, Ecrit sur la fin de 1736 qui parut d’abord dans le Recueil nécessaire, et qui est de V*] dont on vient de donner en Hollande une édition magnifique. On parle aussi d’un petit livre espagnol dont l’auteur s’appelle, je crois, Zapata. [Encore V* auteur vrai de : Les Questions de Zapata, traduites par le sieur Tamponet, docteur de Sorbonne, à Leipzik (Genève) 1766 (1767) ; Zapata est sensé être « professeur en théologie dans l’université de Salamanque »] On en a fait une nouvelle traduction à Amsterdam.

On calomnie l’impératrice de Russie quand on dit qu’elle ne favorise les dissidents de Pologne que pour se mettre en possession de quelques provinces de cette république. Elle a juré qu’elle ne voulait pas un pouce de terre, et que tout ce qu’elle fait n’est que pour avoir la gloire d’établir la tolérance.

Le roi de Prusse a soumis à l’arbitrage de Berne toutes ses prétentions contre les Neuchâtelois. [À Neuchâtel, Frédéric a remplacé le régime de la régie par la mise à ferme des recettes. Il s’agit sans doute du conflit qui avait éclaté au moment du renouvellement des fermes en 1766 et qui dura plusieurs années.] Pour nos affaires de Genève, elles sont toujours dans le même état ; mais le pays de Gex est celui qui en souffre davantage. [cf. lettres 2 janvier à d’Argental, 9 janvier à Choiseul, 10 février à Beauteville, 4 mai à d’Argental] On dit que M. de Voltaire allait passer tout ce temps orageux auprès de Lyon ; mais je ne le crois pas. Il est dans sa soixante-quatorzième année et trop infirme pour se transporter.

J’ai l’honneur d’être, monsieur, bien sincèrement, avec toute ma famille, votre très humble et très obéissant serviteur.

Boursier. »

22/05/2010

gardez-vous de prêter votre argent à certaines personnes qui assurément ne vous le rendraient pas.

 

 

 


« A Joseph Vasselier

A Ferney 22è mai 1773

Mon cher ami, vous devez recevoir aujourd’hui une petite brochure pour vous amuser,[Lettre sur la prétendue comète, du 17 mai 1773 ; le 20 mai, à d’Alembert :  « A propos de folies, on m’a mandé que la moitié de Paris croyait fermement que , ouï le rapport de M. de Lalande, une comète passerait aujourd’hui 20è de mai au bord de notre globule et le mettrait en miettes … Il me semble que Messieurs de Paris jugent de toutes choses comme de la prétendue comète que M. de Lalande n’a point annoncée. »] et je crois que Rosset peut l’imprimer.[éditeur à Lyon]

Voici une petite boîte qu’on viendra prendre chez vous.[des montres]

Je ne me console point de ne vous avoir pas vu aux fêtes de Pâques. Je ne crois pas même que je puisse venir pour l’affaire que vous savez [la rencontre prévue avec Richelieu ? ]. Mais si Mme Lobreau voulait s’entendre avec moi,[pour la représentation des Lois de Minos au théâtre de Lyon dont Mme Destouches-Lobreau est directrice] je pourrais bien faire le voyage malgré l’âge, les chagrins et les maladies. Je vous prie de donner une brochure sur la comète à M. de Bordes.

Bonjour, mon cher ami, portez-vous bien, et gardez-vous de prêter votre argent à certaines personnes qui assurément ne vous le rendraient pas. »

21/05/2010

quand on veut corriger un vers vous savez que souvent il en faut réformer une douzaine

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
Et à
Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d’Argental

21 mai 1764 aux Délices

Que le nom d’anges vous convient bien ! Et que vous êtes un couple adorable ! Que les libraires sont Welches et qu’il y a encore de Welches dans le monde ! Tout ira bien, mes divins anges grâce à vos bontés. Vous avez raison dans votre lettre du 14 mai d’un bout à l’autre. Je conçois bien qu’il y a quelques Welches affligés, mais il faut aussi vous dire qu’il y avait une page qui raccommodait tout, que cette page ayant été envoyée à l’imprimerie un jour trop tard n’a point été imprimée [à Damilaville, le 7 mai , il disait  avoir fait un carton pour le Discours aux Welches et qu’on (= Cramer) « n’a pas daigné l’imprimer » ; à Cramer, le 18 avril, il fait le reproche que « ses ouvriers » n’ont jamais corrigé une page (page 108)] ; que cet inconvénient m’est arrivé très souvent, et que c’est ce qui redoublait ma colère de Ragotin [personnage du Roman comique de Scarron ] contre les libraires [« tracasserie«  avec Cramer ; cf . lettre du 5 mai].

J’ai eu une longue conversation avec Mlle Catherine Vadé,[suite de la fiction familiale des Vadé, prétendus auteurs des Contes] qui s’est avisée de faire imprimer les fadaises de sa famille. Elle a trouvé dans ses papiers ce petit chiffon [le Supplément du Discours aux Welches ] que je vous présente pour consoler les Welches.

J’ai eu l’honneur aussi de parler aux roués.[corrections au Triumvirat] Il est très vrai qu’il ne faut pas dire si souvent à Auguste qu’il est un poltron, mais quand on veut corriger un vers vous savez que souvent il en faut réformer une douzaine. Voyez si vous êtes content de ce petit changement. En voilà quelques uns depuis la dernière édition ; vous pourriez pour vous épargner la peine de coudre tous ces lambeaux me renvoyer la pièce et je mettrais tout en ordre.

Je corrige tant que je peux avant la représentation afin de n’avoir plus rien à corriger après.


A l’égard des coupures et de ces extraits de tragédie, et de ces sentiments étranglés, tronqués, mutilés que le public, lassé de tout, semble exiger aujourd’hui, ce goût me parait welche. C’est ainsi que dans Mérope on a mutilé au 5ème acte la scène du récit en le faisant faire par un homme ce qui est doublement welche. Il fallait laisser la chose comme elle était il fallait que Mlle Dubois fît le récit qui ne convient qu’à une femme, et qui est ridicule dans la bouche d’un homme. Ces irrégularités serraient le cœur du pauvre Antoine Vadé [le prétendu auteur du Discours et Supplément du Discours aux Welches].

Serez-vous assez adorables pour dire à M. le premier président de Dijon combien nous lui sommes redevables, maman [=Mme Denis] et moi, combien nous lui sommes attachés ? Le ciel se déclare en notre faveur, car M. le Bault qui préside actuellement le parlement de Bourgogne est celui qui nous fournit de bon vin et il n’en fournit point aux curés.[allusion à l’affaire des dîmes que le curé de Ferney veut faire juger par le parlement de Dijon]

Nota. - Ce n’est point un ex-jésuite qui a fait les Roués, [ce que V* avait prévu de dire ; cf. lettre du 1er août 1763] c’est un jeune novice qui demanda son congé dès qu’il sût la banqueroute du père Lavalette et qu’il apprit que nosseigneurs du parlement avaient un malin vouloir contre saint Ignace de Loyola [cf. lettres des 31 mai, 2 novembre 1761, 19 mai, 28 novembre 1762 et 12 février, 23 mars 1763. Banqueroute du père Lavalette à la Martinique en 1760, procès perdu par les Jésuites ; arrêt du 6 août 1761 interdisant aux jésuites d‘enseigner, dissolution de la Compagnie prononcée par certains parlements de province, puis par celui de Paris en août 1762 ; la Compagnie est nationalement dissoute en novembre 1764]. Le public sans doute  protègera ce pauvre diable, mais le bon de l’affaire, c’est qu’elle amusera mes anges ; je crois déjà les voir rire sous cape à la première représentation.

Je ne pourrai me dispenser de mettre incessamment M. de Chauvelin de la confidence. Comme c’est une affaire d’Etat, il sera fidèle. S’il était à Paris il serait un de vos meilleurs conjurés, mais vous n’avez besoin de personne. Je viens de relire la pièce, elle n’est pas fort     attendrissante. Les Welches ne sont pas romains ; cependant il y a je ne sais quel intérêt d’horreur et de tragique qui peut occuper pendant cinq actes.

Je mets le tout sous votre protection. Respect et tendresse.
V.»




20/05/2010

Mais ne faut-il pas que l’amour du bien public marche le premier ?





« A Frédéric, prince héritier de Prusse

A Cirey, le 20 mai [1738]

Monseigneur,

Vos jours de poste sont comme les jours de Titus ; vous pleureriez si vos lettres n’étaient pas des bienfaits. Vos deux dernières, du 31 mars et 19 avril, dont Votre Altesse royale m’honore, sont de nouveaux liens qui m’attachent à elle ; et il faut bien que chacune de mes réponses soit un nouveau serment de fidélité que mon âme, votre sujette, fait à votre âme, sa souveraine.

La première chose dont je me sens forcé de parler, est la manière dont vous pensez sur Machiavel.[le 31 mars Frédéric a écrit : « Votre histoire du Siècle de Louis m’enchante. Je voudrais seulement que vous n’eussiez point rangé Machiavel, qui était un malhonnête homme, au rang des autres grands hommes de son temps… » V* sera chargé de publier l ‘Anti-Machiavel de Frédéric.] Comment ne seriez-vous point ému de cette colère  vertueuse où vous êtes presque contre moi, de ce que j’ai loué le style d’un méchant homme ? C’était aux Borgia, père et fils, et à tous ces petits princes qui avaient besoin de crimes pour s’élever, à étudier cette politique infernale ; il est d’un prince tel que vous de la détester. Cet art qu’on doit mettre à côté de celui des Locuste [empoisonneuse du temps de Claude et de Néron] et des Brinvilliers, a pu donner à quelques tyrans une puissance passagère, comme le poison peut provoquer un héritage ; mais il n’a jamais fait ni de grands hommes, ni des hommes heureux : cela est bien certain. A quoi peut-on donc parvenir par cette politique affreuse ? Au malheur des autres et au sien même. Voilà les vérités qui sont le catéchisme de votre belle âme.

Je suis si pénétré de ces sentiment, qui sont vos idées innées,[cf. les théories cartésiennes] et dont le bonheur des hommes doit être le fruit, que j’oubliais presque de rendre grâce à Votre Altesse Royale de la bonté qu’elle a de s’intéresser à mes maux particuliers. Mais ne faut-il pas que l’amour du bien public marche le premier ? Vous joignez donc, Monseigneur, à tant de bienfaits, celui de daigner consulter pour moi des médecins. Je ne sais qu’une seule chose, aussi singulière que cette bonté, c’est que les médecins vous ont dit vrai. Il y a longtemps que je suis persuadé que ma maladie, s’il est permis de comparer le mal avec le bien, est, tout comme mon attachement à votre personne, une affaire pour la vie.

Les consolations que je goûte dans ma délicieuse retraite et dans l’honneur de vos lettres sont assez fortes pour me faire supporter des douleurs encore plus grandes. Je souffre très patiemment ; et quoique les douleurs soient quelquefois longues et aiguës, je suis très éloigné de me croire malheureux. Ce n’est pas que je sois stoïcien, au contraire, c’est parce que je suis très épicurien, parce que je crois la douleur un mal et le plaisir un bien, et que tout bien compté et bien pesé, je trouve infiniment plus de douceurs que d’amertumes dans cette vie.

Dans ce petit chapitre de morale je volerai sur vos pas, si Votre Altesse Royale le permet, dans l’abîme de la métaphysique. Un esprit aussi juste que le vôtre ne pouvait assurément regarder la question de la liberté comme une chose démontrée. Ce goût que vous avez pour l’ordre et l’enchaînement des idées vous a représenté  fortement Dieu comme maître unique et infini de tout ; et cette idée, quand elle est regardée seule, sans aucun retour sur nous -mêmes, semble être un principe fondamental d’où découle une fatalité inévitable dans toutes les opérations de la nature. Mais aussi une autre manière de raisonner semble encore donner à Dieu plus de puissance, et en faire un être, si j’ose le dire, plus digne dans nos adorations : c’est de lui attribuer le pouvoir de faire des êtres libres. La première méthode semble en faire le Dieu des machines, et la seconde le Dieu des êtres pensants. Or ces deux méthodes ont chacune leur force et leur faiblesse. Vous les pesez dans la balance du sage ; et malgré le terrible poids que les Leibnitz et les Wolf mettent dans cette balance, vous prenez encore ce mot de Montaigne : que sais-je ? pour votre devise.

Je vois plus que jamais, par le mémoire sur le czarovitz, [en janvier, V* a demandé pour sa future Histoire de la Russie sous Pierre le Grand des renseignements sur la vie de « l’impératrice Marthe appelée depuis Catherine », sur les mœurs et genre de mort du tsarévitch] que Votre Altesse Royale daigne m’envoyer, que l’histoire a son pyrrhonisme aussi bien que la métaphysique. J’ai eu soin dans celle de Louis XIV, de ne pas percer plus qu’il ne faut dans l’intérieur du cabinet. Je regarde les grands évènements de ce règne comme de beaux phénomènes dont je rends compte, sans remonter au premier principe. La cause première n’est guère faite pour le physicien, et les premiers ressorts des intrigues ne sont guère faits pour l’historien. Peindre les mœurs des hommes, faire l’histoire de l’esprit humain dans ce beau siècle, et surtout l’histoire des arts, voilà mon seul objet. Je suis bien sûr de dire la vérité quand je parlerai de Descartes, de Corneille, du Poussin, de Girardon, de tant d’établissements utiles aux hommes ; je serais sûr de mentir si je voulais rendre compte des conversations de Louis XIV et de Mme de Maintenon.

Si vous daignez m’encourager dans cette carrière, je m’y enfoncerai plus avant que jamais ; mais en attendant je donnerai le reste de cette année à la physique, et surtout la physique expérimentale. J’apprends, par toutes les nouvelles publiques, qu’on débite mes Eléments de Newton, mais je ne les ai point encore vus ; il est plaisant que l’auteur et que la personne à qui ils sont dédiés [Mme du Châtelet] soient les seuls qui n’aient point l’ouvrage. Les libraires de Hollande se sont précipités, sans me consulter, sans attendre les changements que je préparais ;[cf. lettre à Thiriot du 20 juin 1737 et Pitot du 1er mai 1738] ils ne m’ont ni envoyé le livre, ni averti qu’ils le débitaient. C’est ce qui fait que je ne peux avoir moi-même l’honneur de l’adresser à Votre Altesse Royale ; mais on en fait une nouvelle édition plus correcte [Prault, à Paris, prétendue de Londres avec « permission tacite »] que j’aurai l’honneur de lui envoyer.

Il me semble, Monseigneur, que ce petit commercium embrasse tous les arts. J’ai eu l’honneur de vous parler de morale, de métaphysique, d’histoire, de physique ; je serais bien ingrat si j’oubliais les vers. Et comment oublier les derniers que Votre Altesse Royale vient de m’envoyer ? Il est bien étrange que vous puissiez écrire avec tant de facilité dans une langue étrangère. Des vers français sont très difficiles à faire en France, et vous composez à Remusberg [Rheinsberg] comme si Chaulieu, Chapelle, Gresset, avaient l’honneur de souper avec Votre Altesse Royale. »
[lettre incomplète]

19/05/2010

Je ne sais s’il entend les arts et métiers et s’il a le temps d’ entendre le monde

 

 

 


« A Charles-Augustin Ferriol, comte d’Argental
conseiller d’honneur du parlement
rue de la Sourdière à Paris

Aux Délices 19 mai [1758]

Mon cher et respectable ami, je bénis actuellement les Anglais qui ont brûlé votre maison [à l’île d‘Aix ; il demande à être indemnisé]. Puissiez-vous  être payé et eux être confondus.

Pardon de vous importuner de l’Encyclopédie. Vous aimeriez mieux une tragédie, mais il faut que je m’adresse à vous pour ne pas perdre mon temps. J’ai fait des recherches assez pénibles pour rendre les articles Histoire et Idolâtrie intéressants et instructifs. Je travaille à tous les autres. Mon temps m’est très précieux. Ce serait me faire perdre une chose irréparable, m’outrager sensiblement et donner beau jeu aux  ennemis de l’Encyclopédie d’avoir avec moi un mauvais procédé tandis que je tue à faire valoir cet ouvrage, et à procurer des travailleurs.[comme le pasteur Bertrand a qui il demandait le 9 mai : « Vous pouvez donner aisément une cinquantaine d’articles d’histoire naturelle et surtout l’article « tremblement de terre ». »] Je vous demande en grâce d’exiger de Diderot une réponse catégorique et prompte.[le 8 mai, aux d’Argental : « Avez-vous vu Diderot ? Veut-il accepter les articles qu’on m’avait confiés ? »] Je ne sais s’il entend les arts et métiers et s’il a le temps d’ entendre le monde. Mon cher ange, vous qui entendez si bien l’amitié, vous pardonnerez mes importunités.

V. »

18/05/2010

nous devons tout à vos bontés en prose, en vers, en doubles croches

 

 

 


« A Jean-Baptiste-Nicolas de Lisle
capitaine de dragons, etc.

18è mai 1774

Vous assistez, Monsieur, à une pièce plus intriguée que toutes celles de Thomas Corneille. Personne ne rend  mieux compte que vous de ces pièces de théâtre. Voilà déjà une actrice [Mme du Barry, favorite de feu Louis XV] qui disparait au troisième acte, contre toutes les règles de la tragédie. Il est probable que les plus grands et les meilleurs acteurs reparaîtront bientôt. [Choiseul] Rien n’est plus juste ni plus souhaité du parterre et des loges. Quoique je sois très éloigné, je m’intéresse vivement à ce coup de théâtre.

Nous attendons du Gluck [le 13 mai, V* écrivait à de Lisle : « Vous avez la bonté de proposer des airs de Gluck pour l’éducation de la petite fille du grand Corneille (la fille de Mme Dupuits, qui était en réalité une petite cousine de Corneille)… La curiosité nous emporte jusqu‘à chercher du Gluck, et si cela est aussi bon que l‘ouverture du Déserteur, nous croirons entendre d‘excellente musique. »]; nous devons tout  à vos bontés en prose, en vers, en doubles croches. Si j’ai un moment de santé, je paierai à madame du Deffand le quartier courant. [lettre du 6 juin à Mme du Deffand : « Je vous dois un quartier, … il faut que je me hâte de vous le payer… »]

Je vous remercie du fond de mon cœur.

Le vieux malade V. »