Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/11/2010

C'est un bon alibi qu'une tragédie. On dit : « Voyez ce pauvre vieillard ! Peut-il faire à la fois cinq actes, et cela, et cela encore ?

alibi.jpg

 http://www.deezer.com/listen-847723

http://www.deezer.com/listen-847714

 http://www.deezer.com/listen-847717

http://www.deezer.com/listen-847715

http://www.deezer.com/listen-7020231 : mi sono innamorato di te , Volti qui utilisait l'italien dans ses lettres enflammées pour Marie-Louise allait bien au-delà de cette simple et naïve expression d'amour ... Il était encore loin de l'appeler "Maman Denis" !!

 

A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

20 novembre 1766

 

Divins anges, vous vous y attendiez bien, voici des corrections que je vous supplie de faire porter sur le manuscrit i.

 

Maman Denis, et un des acteurs de notre petit théâtre de Ferney, fou du tripot, et difficile ii, disent qu'il n'y a plus rien à faire, que tout dépendra du jeu des comédiens, qu'ils doivent jouer Les Scythes comme ils ont joué Le Philosophe sans le savoir iii, et que Les Scythes doivent faire le plus grand effet, si les acteurs ne jouent ni froidement ni à contresens.

 

Maman Denis et mon vieux comédien de Ferney assurent qu'il n'y a pas un seul rôle dans la pièce qui ne puisse faire valoir son homme. Le contraste qui anime la pièce d'un bout à l'autre doit servir la déclamation, et prête beaucoup au jeu muet, aux attitudes théâtrales, à toutes les expressions d'un tableau vivant. Voyez, mes anges, ce que vous en pensez . C'est vous qui êtes les juges souverains.

 

Je tiens qu'il faut donner cette pièce sur le champ, et en voici la raison. Il n'y a point d'ouvrage nouveau sur des matières très délicates qu'on ne m'impute. Les livres de cette espèce pleuvent de tous côtés. Je serai infailliblement la victime de la calomnie si je ne prouve l'alibi. C'est un bon alibi qu'une tragédie. On dit : « Voyez ce pauvre vieillard ! Peut-il faire à la fois cinq actes, et cela, et cela encore ? » Les honnêtes gens alors crient à l'imposture.

 

Je vous supplie, ô anges bienfaiteurs, de montrer la lettre ci-jointe à M. le duc de Praslin ou lui en dire la substance. Il sera très utile qu'il ordonne à un de ses secrétaires ou premiers commis d'encourager fortement M. du Clairon à découvrir quel est le polisson qui a envoyé de Paris aux empoisonneurs de Hollande son venin contre toute la cour, contre les ministres, et contre le roi même, et qui fait passer sa drogue sous mon nom iv.

 

Comme j'en étais là, je reçois votre lettre du 13. Je pense absolument comme M. le duc de Praslin , qu'il ne faut pas imprimer les lettres de Jean-Jacques tirées du dépôt v, avec l'authenticité d'une permission du ministère. Mais il faudra bien les imprimer et rectifier les dates, si Jean-Jacques ose nier son écriture, ce qu'il fera sans doute en se prévalant de la méprise sur ces dates, on peut avoir eu ces lettre originales des héritiers de M. du Theil vi . Elles ne sont point censées devoir être dans le dépôt des Affaires étrangères, parce qu'elles ne regardent point les affaires d'État, et que ce n'est qu'une discussion entre un maître et un valet menacé de coups de bâton.

 

La lettre sous mon nom au docteur Pansophe est probablement de l'abbé Coyer vi. Si je l'avais écrite, je serais bien loin de la désavouer, elle est digne des Provinciales.

 

Mais prenez garde que je mentirais si ayant eu le bonheur d'écrire cette lettre charmante à Jean-Jacques je disais à M. Hume que je n'ai pas écrit à Jean-Jacques depuis 7 ans.

 

Cela est très vrai. Je ne mens point, ma lettre à M. Hume ne contient que des faits incontestables, et des faits qu'il m'était important d'éclaircir. Ce malheureux m'avait calomnié, et il a fallu me justifier vii.

 

Voici la destination que je fais selon vos ordres des rôles de l'académie royale du Théâtre-Français.

 

Ô anges, je n'ai jamais tant été au bout de vos ailes.

 

V.

 

N.B.- Il y a pourtant dans la Lettre au docteur Pansophe, des longueurs et des répétitions, elle est certainement de l'abbé Coyer.

 

N.B.- Voulez-vous mettre mon gros neveu l'abbé Mignot du secret ? »

 

abbé mignot neveu volt portrait.jpg

 

iIl a envoyé le manuscrit des Scythes la veille.

http://www.voltaire-integral.com/Html/06/04SCYTHE.htm

 

ii V* y jouait le rôle de Sozame, vieillard exilé dans les montagnes.

 

iii Pièce de Sedaine créée le 2 décembre 1765 à la Comédie Française.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Philosophe_sans_le_savoir

http://www.archive.org/stream/lephilosophesan01sedagoog#p...

 

 

 

iv Ce sont les Lettres de M. de Voltaire à ses amis du Parnasse,recueil de lettres « altérées » et accompagnées de « notes encore plus outrageantes » ; cf. lettre aux d'Argental du 6 octobre ; la lettre jointe était destinée à du Clairon.

http://books.google.fr/books?id=ZDEVAAAAQAAJ&printsec...

 

 

v Lettres adressées par Rousseau à du Theil quand il était à Venise en 1744 auprès de Montaigu ; cf. lettre du 7 novembre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/11/07/a...

Elles furent publiées dans les Notes sur la lettre de M. de Voltaire à M. Hume en novembre 1766.

http://www.voltaire-integral.com/Html/26/04_Notes_Hume.html

http://www.editions-coda.fr/pid87-EXPOSE-SUCCINT-DE-LA-CO...

 

 

vi On l'attribue actuellement à V* qui demandera par ailleurs à Bordes de s'en reconnaitre l'auteur ; cf. lettre du 15 décembre.

 

vii Cf. lettre du 28 octobre à Damilaville.

http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/27/j...

 

19/11/2010

mais vous ne disiez pas que vous aviez gobelotté au cabaret

Gobelottons , gobelottons !!

http://www.youtube.com/watch?v=UaFclY4FEI4

http://www.guitarsolos.com/videos-les-inconnus-le-bistro-...

http://www.dailymotion.com/video/xcqxz5_roumanoff-radio-b...

 

bistrot.jpg

 

 

« A Nicolas-Claude Thiriot

Chez M. Baron, médecin, rue Couture Sainte-Catherine à Paris.

 

19è novembre 1760

 

Mon cher et ancien ami, vos dernières lettres sont charmantes, mais vous ne disiez pas que vous aviez gobelotté au cabaret avec M. Damilaville ; il me parait digne de boire et de penser avec vous ; embrassez pour moi l'abbé Mords-les ; c'est un grand malheur que deux ou trois lignes échappées à sa juste indignation aient arrêté sa plume i; il était en beau train : je ne connais personne qui fût plus capable de rendre service à la raison.

 

Quoi ! Vous ne saviez pas qu'il y a dans l'histoire de l'Académie des sciences un mémoire de M. Le Rond jeune homme de 14 ans qui promettait beaucoup ii? M. Le Rond a bien tenu parole, mais soit Le Rond, soit d'Alembert, dites-lui bien qu'il est l'espoir de notre petit troupeau, et celui dont Israël attend le plus ; il est hardi, mais il n'est point téméraire, il est né pour faire trembler les hypocrites, sans leur donner prise sur lui ; qu'il marche dans la voie du Seigneur, et qu'il ne craigne rien.

 

J'attends avec impatience les réflexions de Pantophile Diderot sur Tancrède, tout est dans la sphère d'activité de son génie ; il passe des hauteurs de la métaphysique au métier d'un tisserand, et de là il va au théâtre ; quel dommage qu'un génie tel que le sien ait de si sottes entraves, et qu'une troupe de coqs d'Inde soit venue à bout d'enchaîner un aigle iii!

 

J'ai l'orgueil d'espérer que ses idées se rencontreront avec les miennes, et que ma pièce est comme il la désire, car elle est fort différente de celle qui a plu aux comédiens de charpenter sur le théâtre (je crois vous l'avoir déjà dit).

 

Frère Jean des Entommeures Menoux m'épouvanterait à table, mais je ne le crains point ailleurs, et ni lui ni personne ne m'empêchera de dire la vérité iv; le Roi est content de l'Histoire de Pierre le Grand ; Mme de Pompadour pense de même, M. le duc de Choiseul, en digne ministre des Affaires étrangères en fait plus de cas que de celle de Charles XII, c'est là le cas de dire Principibus placuisse viris non ultima laus est v,et j'y ajoute Jesuitis placuisse viris non maxima laus est vi.

 

Ne manquez pas , s'il vous plait, de m'envoyer presto, presto le mémoire raisonné du roi du Portugal contre les révérends pères vii, et comptez que cela figurera dans La Capilotade viii. Voici une petite lettre de change pour un exemplaire de mes sottises : je vous prie de les envoyer chercher chez Robin mouton ix, de les faire relier proprement et promptement, et de donner pour ce qu'elles valent à Platon Diderot.

 

On me mande que la Corneille en question x descend de Thomas, et non de Pierre ; en ce cas, elle aurait moins de droit aux empressements du public ; j'avais imaginé de la donner pour compagne à Mme Denis, nous aurions joué ensemble Le Cid et Cinna, et nous aurions pourvu à son éducation, comme à sa subsistance ; mandez-moi ce que vous aurez appris d'elle, et je verrai comme je l'ai mandé à M. Le Brun xi ce qu'un pauvre soldat peut faire pour la fille de son général.

 

Portez-vous bien, mon cher ami. J'entre dans ma soixante et septième année, et j'ai encore assez de feu dans les intervalles de mes souffrances que je supporte assez gaiement. Vivons, et philosophons. Je vous embrasse ex tot[o cor]de. »


i L'abbé Morellet auteur de la Vision qui a scandalisé les bonnes âmes car il se moquait de Mme de Robecq, mourante, qui accordait ses faveurs à la comédie antiphilosophique Les Philosophes de Palissot.

http://www.restode.cfwb.be/francais/_ARTS/AppPeda/Encyclo...

Pages 102-103 ; page 507 : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rh...

 

ii En fait d'Alembert n'a pas écrit d'ouvrage scientifique avant l'age de 22 ans . L'Histoire de l'Académie des sciences, 1741, fait mention d'un mémoire relatif au calcul intégral donné en 1739 par M. Le Rond d'Alembert (né en 1717).

Pour les amateurs des mathématiques : http://serge.mehl.free.fr/anx/diff_dd.html#Patdiff

 

iii Allusion à la suspension de l'Encyclopédie et à la pièce de Palissot Les Philosophes.

 

iv V* a su par Saint-Lambert que le roi Stanislas, a qui le père Menoux est attaché « n'était point trop content qu'il préférât le législateur Pierre au grand soldat Charles » et avait « fait réponse qu'il ne pouvait s'empêcher en conscience de préférer celui qui bâtit des villes à celui qui les détruit, et que ce n'est pas sa faute si Sa majesté polonaise elle même a fait plus de bien à la Lorraine par sa bienbfaisance que Charles XII n'a fait de mal à la Suède par son opiniatreté. »

 

v Avoir plu aux premiers d'entre les hommes n'est pas la dernière des gloires.

 

vi Avoir plu aux jésuites n'est pas la plus grande des gloires.

 

vii Lettre de S. M. très fidèle le roi de Portugal à Pierre Gonzalvez Cordeiro Pereira ... pour faire exécuter ses ordres touchant les jésuites du Portugal, 1759 ; ou le Manifeste du roi de Portugal contenant les erreurs impies et séditieuses que les religieux de la Compagnie de Jésus ont enseignées aux criminels qui ont été punis, 1759.

 

viii La Capilotade : « chant détaché d'un poème épique de la composition de Jérôme carré » sera publiée dans les Contes de Guillaume Vadé en 1764, puis incorporé à La Pucelle : chant XVIII :

http://www.voltaire-integral.com/Html/09/v_puc18.html

 

ix Libraire du Palais Royal ; cf . Lettre du 10 juin 1760 à d'Alembert.

 

x Marie-Françoise Corneille qui sera reçue à Ferney et que V* mariera en 1761 ; née le 22 avril 1742 ; en fait la descendance était plus indirecte .

Page 639 : http://books.google.fr/books?id=ZG8_AAAAcAAJ&pg=PA639...

 

xi Ponce-Denis Ecouchard Le Brun : le « secrétaire de M. le prince de Conti ... qui ... a encorneillé (V*). Il lui a adressé une ode au nom de Pierre » ; cf. lettre aux d'Argental du 26 novembre.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Ponce-Denis_%C3%89couchard-L...

http://en.wikipedia.org/wiki/Ponce_Denis_%C3%89couchard_L...

Ode à M. de Voltaire en faveur de Mlle Corneille : page 64 Ode XXIV ;

et voir aussi pages xxii, xlvi, xxiii, li : http://books.google.fr/books?id=Kz00AAAAMAAJ&printsec...

 

le_valentin_cabaret.jpg

Cabarets : http://segolene.ampelogos.com/news/cabarets-et-guinguettes

18/11/2010

un auteur est peu propre à corriger les feuilles de son propre ouvrage. Il lit toujours comme il a écrit, et non comme il est imprimé.

Tout à fait en accord avec l'esprit voltairien !

http://www.deezer.com/listen-6649189

http://www.deezer.com/listen-6649180

http://www.deezer.com/listen-365242

http://www.deezer.com/listen-564704

 

 

walther.jpg

« A Georg Conrad Walther i

 

[à Potsdam ce 18 novembre 1752]

 

J'ai oublié, mon cher Walther, de vous prier dans ma dernière lettre d'envoyer sur le champ un exemplaire de l'édition en sept volumes avec un exemplaire de la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV à M. Roques, conseiller ecclésiastique du landgrave de Hesse Hombourg, à Fridericsdorf dans le pays de Hesse Hombourg par Francfort-sur-le-Mein. Il connait le libraire qui contrefait votre édition du Siècle à la faveur de quelques notes que La Beaumelle y ajoute ii et il peut vous servir. Il travaille au journal de Francfort. Il connait tous les tours de ce La Beaumelle qui a été obligé de quitter successivement Copenhague, Berlin, Leipzik et Gotha et qui ne vit à présent à Francfort que du produit de sa plume.

 

Je vous donne tous les éclaircissements que je peux, et vous recommande toujours de vous hâter. Quand vous ne m'enverriez à présent qu'un seul exemplaire relié pour le roi de Prusse, vous me feriez un plaisir sensible. Les autres manuscrits ne pourront être prêts que dans le mois de janvier. Adieu, je vous embrasse.

 

V.

 

Mandez-moi le nom de l'imprimeur du journal de Francfort, c'est celui qui contrefait votre édition.

Je viens de faire relire l'édition en sept volumes par un correcteur habile. On y a trouvé deux cent quatre fautes de plus que celles que j'y avais remarquées : un auteur est peu propre à corriger les feuilles de son propre ouvrage. Il lit toujours comme il a écrit, et non comme il est imprimé. Je vous félicite d'avoir un correcteur habile à présent. C'est un meuble indispensable. Les fautes innombrables dont cette édition en sept volumes fourmille sont pour la plupart si ridicules, et altèrent le sens si étrangement qu'il est impossible qu'elle ne soit décriée. Ne manquez pas au moins d'en envoyer des exemplaires à ceux des auteurs des journaux qui pourraient la décrier et vous faire tort.

 

Croyez-moi, vendez-la vite et à bon marché, il n'y a là rien à gagner. Je vous plains beaucoup mais aussi pourquoi ne m'avoir pas envoyé les feuilles à corriger ? Je les aurais fait revoir par M. de Francheville, père de mon secrétaire, et encore par son fils.

 

Francheville le père a fait un poème sur les vers à soie. Je ne sais si on cultive les mûriers chez vous, si on aime en Allemagne les vers à soie et les vers. Francheville voudrait avoir une douzaine d'écus de son poème, et des exemplaires reliés pour en faire des présents.

 

Réponse sur tous ces articles.

 

Envoyez-moi, je vous prie, par le chariot de poste les Lettres iii de Maupertuis. Je vous serai très obligé. Joignez aussi, je vous prie, la Physique de Mushembroek. Je vous rendrai bientôt tous vos livres.

 

Je ne sais si vous avez fait mettre quelque avertissement dans les gazettes.

En cas que vous ne l'ayez pas fait, en voici un qu'il est très important que vous fassiez insérer :

 

...avertit qu'il débite avec privilège la nouvelle édition du Siècle de Louis XIV, la seule que l'auteur reconnaisse. Les fautes sans nombre des premières éditions y sont exactement corrigées. L'ouvrage augmenté d'un tiers contient des anecdotes tirées des manuscrits du marquis de Torcy, deux écrits dont l'original est de la main de Louis XIV, et beaucoup d'articles curieux sur les arts, les lettres, l'État et l'Église.

 

Il faut absolument envoyer cela à Cologne, à Utrecht, à Amsterdam, et me mander à quels gazetiers et à quels journalistes vous enverrez de ma part un exemplaire. Informez vous de leurs noms. Il faut prendre toutes les précautions possibles pour que l'édition de Francfort ne fasse pas tomber la vôtre. Je travaille de mon côté, mais surtout je vous recommande M. Roques. »

 

i http://c18.net/vo/vo_textes_siecle.php?div1=45

Voir pages 300-303 : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rd...

ii Nouvelle édition augmentée d'un très grand nombre de remarques par M. de B***, 1753.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72769s.image.f4...

Le texte était celui de l'ancienne édition, celle de Berlin. V* rejettera la responsabilité sur Maupertuis qu'il accusera de s'être servi de La Beaumelle, de l'avoir excité contre lui en disant qu'il avait « averti ( le roi) à souper de la manière dont La Beaumelle avait parlé de sa cour ... dans son livre intitulé Le qu'en dira-t-on » ;

Laurent Angliviel de La Beaumelle : http://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Angliviel_de_La_Beau...

http://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/index.php?id=...

cf. lettres à Roques du 3 février et du 4 avril 1753 notemment.

http://www.voltaire-integral.com/Html/15/03ROQUES.html

 

iii Vingt trois lettres parues en septembre -octobre 1752 à Dresde.

http://www.flipkart.com/lettres-de-mr-maupertuis-pierre-b...

 

A l'égard des adoucissements sur la prêtraille, c'est là véritablement la chose impossible qui est au- dessus des talents du diable

 

Note rédigée le 2 août 2011 pour parution le 18 novembre 2010 .

http://www.deezer.com/listen-10239903

diable-rd-01.jpg

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

 

18 novembre 1768

 

Mes anges avaient très grande raison de s'endormir comme au sermon aux deux premières scènes du Vè acte des Guèbres ; le diable qui affligeait alors le petit possédé 1 était un diable très soporatif, un diable froid, un diable à la mode . Ces scènes n'étaient que des jérémiades où l'on ne faisait que répéter ce qui s'était passé et ce que le spectateur savait déjà . Il faut toujours dans une tragédie que l'on craigne, qu'on espère à chaque scène ; il faut quelque petit incident nouveau qui augmente ce trouble ; on doit faire naitre à chaque moment dans l'âme du lecteur une curiosité inquiète . Le possédé était si rempli de l’idée de la dernière scène, quand il brocha cette besogne, qu'il allait à bride abattue dans le commencement de l'acte, pour arriver à ce dénouement qui était son unique objet .

 

A peine eut-il lu la lettre céleste des anges qu'il refit sur-le-champ les trois premières scènes qu’il vous envoie . Il ne s'en est pas tenu là, il a fait au IVè acte des changements pareils ; il polit tout l'ouvrage . Ce n'est plus le seul Arzemon qui tue le prêtre, c'est toute la troupe honnête qui le perce de coups . Il n'y a pas une seule de vos critiques à laquelle votre exorcisé ne se soit rendu avec autant d'empressement que de reconnaissance . Le diable de La chose impossible 2 n'était pas plus docile .

 

A l'égard des adoucissements sur la prêtraille, c'est là véritablement la chose impossible qui est au- dessus des talents du diable . La pièce n’est fondée que sur l'horreur que la prêtraille inspire, mais c'est une prêtraille païenne . Mahomet a bien passé, pourquoi Les Guèbres ne passeraient-ils pas? si on craint les allusions, il y en avait cent fois plus dans le Tartuffe .

 

Trouveriez-vous à propos que Marin montrât la pièce au chancelier 3, ou plutôt que quelqu'un de ses amis la lui confiât comme un ouvrage posthume de feu La Touche, auteur de l'Iphigénie en Tauride ? Un homme fraichement sorti du Parlement ne s’effrayera pas de l'humiliation des prêtres . Il m' a écrit une lettre charmante sur Le Siècle de Louis XIV .

 

A l'égard des acteurs, j'oserais presque dire que la pièce n'en a pas besoin . C'est une tragédie qu'il faut plutôt parler que déclamer . Les situations y feraient tout, les comédiens peu de chose ; et le sujet est si piquant , si intéressant, si neuf, si conforme à l'esprit philosophique du temps, que la pièce aurait peut-être le succès du Siège de Calais 4, et du Catilina de Crébillon 5, quoique ces deux pièces soient inimitables .

 

Il y a plus encore, c'est que cette tragédie pourrait faire du bien à la nation . Elle contribuerait peut-être à éteindre les flammes où le chevalier de La Barre a péri, à la honte éternelle de ce siècle infâme .

 

Si on ne peut jouer Les Guèbres, il se trouvera un éditeur qui la fera imprimer avec une préface sage dans laquelle on ira au-devant de toutes les allusions malignes . Un jour viendra que les Welches seront assez sages pour jouer Les Guèbres . C'est dans cette douce espérance que je me mets à l'ombre de vos ailes avec toute la tendresse imaginable .

 

Est-ce Villars qu'on appelle aujourd'hui Praslin ? ou est-ce Praslin auprès de Chalons ?

 

Croyez-vous que Moustapha l'imbécile déclare la guerre à ma Catau Sémiramis ?6 Ne pensez-vous pas que le pape aide sous main les Corses ?7 Si vous ne faites pas rentrer l'infant dans Castro 8, je vous coupe une aile .

 

Et du blé, en aurez-vous ? Je vous avertis que j'ai été obligé de semer trois fois le même champ . L’Évangile ne sait ce qu'il dit quand il prétend que le blé doit pourrir pour germer 9; les pluies avaient pourri mes semences, et malgré l’Évangile, je n'aurais pas eu un épi . Je suis un rude laboureur .

 

V. »


4 Tragédie de du Belloy, créée le 13 février 1765, réimprimée en 1769  : http://books.google.com/books?id=rJdDAAAAcAAJ&printse...

Voir aussi la critique : http://www.jstor.org/pss/40519848

5 V* en a voulu à Mme de Pompadour d'avoir soutenu cette pièce .

6 A savoir le sultan de Turquie et Catherine II de Russie .

7 Les Corses en révolte, guidés par Paoli ; voir lettre du 26 octobre à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/26/ma-bonne-sante-et-ma-mort-sont-egalement-fausses.html#more

8 L'infant de Parme, dont d'Argental est l'envoyé à Paris, est en conflit avec le pape ; voir lettre à Richelieu du 13 juin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/05/il-ne-reste-dans-la-memoire-des-hommes-que-les-evenements-qu.html

En représailles de l'excommunication prononcée par le pape contre le duc et ses conseillers en janvier , on avait aussi menacé de reprendre Castro et Ronciglione (Précis du Siècle de Louis XV)

9 Évangile de Jean .

 

 

17/11/2010

Vous m'avez fait grand plaisir de m'emprunter un peu d'argent

 

voltaire_latour.jpg

 

 

 

« A Bonaventure Moussinot

Cloître Saint-Merri à Paris.

 

Ce 17 [novembre 1736]

 

J'ai envoyé à Troyes, mon cher abbé, j'ai payé les frais d'un procès que je n'avais pas fait, et j'ai eu mon ballot de livres.

 

J'ai eu aussi celui où était mon portrait i. Je voudrais qu'il fût un peu plus empâté et plus vif de couleurs. Pourriez-vous en faire exécuter quelque copie un peu plus animée ?

 

On dit qu'il y a un homme à Paris qui fait les portraits en bague d'une manière parfaite. J'ai vu un portrait de Louis XV de sa façon très ressemblant. Vous trouverez impertinent que la même main peigne le roi et moi chétif, mais on le veut, et j'obéis. Ayez donc la bonté de déterrer cet homme. Envoyez de ma part savoir où il demeure à M. le chevalier de Villefort, chez Mgr le comte de Clermont pds ii.

 

Mais pourquoi Chevalier ne pourrait-il pas travailler sous mes yeux iii? On dit du bien de lui, et il n'a pas encore assez de réputation pour être indocile.

 

Si Boucher voulait venir travailler à Cirey, nous lui ferions faire cinq tableaux de La Henriade. Ensuite quinze aunes de courre iv en tapisserie couteraient environ sept mille francs, et 1500 ou 2000 livres tournois pour le peintre ; le tout ne reviendrait peut-être pas à 10 000 livres tournois, mais nous en raisonnerons plus à fond.

 

En attendant, j'accepte le marché que vous me proposez de la succession de La Verchère. Je m'en rapporte à vous. Mais où mettrez-vous les effets ? Ecrivez-moi sur cela vos idées, et suivez les .

 

Vous m'avez fait grand plaisir de m'emprunter un peu d'argent, tous ce que j'ai est à votre service. Si ce chevalier de Mouhy vient vous voir, dites-lui que je suis prêt à lui faire tous les plaisirs qui dépendront de moi. Mais ne lui donnez point des espérances trop positives, et ne vous engagez pas v.

 

Envoyez-moi, je vous prie, par le coche deux belles et très grandes boucles de soulier à diamants, des boucles de jarretières à diamants, deux des grandes ou quatre des petites estampes de mon petit visage.

 

Je vous demande en grâce de renvoyer à M. Berger son billet avec une petite excuse de ne l'avoir point fait plus tôt. Il demeure à l'hôtel Soissons.

 

Je vous embrasse tendrement, mon cher abbé. »

 

i V* a commandé le 12 avril à Quentin La Tour une copie du portrait exécuté vraisemblablement en avril 1735.

ii PDS = prince du sang.

iii Pour travailler aux tapisseries inspirées par La Henriade, selon une lettre du 10.

henri IV et d estrées.jpg

iv C'est-à-dire : de chasse à courre.

v Fin novembre, V* écrira à Moussinot de prêter 300 livres tournois à Mouhy, de lui en promettre 300 autres et lui demander d'envoyer «  les petites nouvelles à Cirey, deux fois par semaine, avec promesse de paiement... »

16/11/2010

cet Arioste est mon homme , ou plutôt un dieu

 

Note rédigée le 3 août 2011 pour mise en ligne le 16 novembre 2010.

http://www.deezer.com/listen-2712822   Gotan project, dont je suis fan .

 

arioste.jpg

 

 

« A Sébastien-Roch-Nicolas Chamfort

 

19è novembre 1774, à Ferney

 

Monsieur,

 

Quand M. de La Harpe m'envoya son bel Éloge de La Fontaine 1 qui n'a point eu de prix, je lui mandai qu'il fallait que celui qui l'a emporté fût le discours le plus parfait qu'on eût vu dans toutes les académies de ce monde 2. Votre ouvrage 3 m'a prouvé que je ne me suis pas trompé . Je bénis Dieu dans ma décrépitude de voir qu'il y ait aujourd'hui des genres dans lesquels on est bien au dessus du grand siècle de Louis XIV . Ces genres ne sont pas en grand nombre, et c'est ce qui redouble l'obligation que je vous ai . Je vous remercie du fond de mon cœur usé, de tous les plaisirs nouveaux que votre ouvrage m'a donnés . Tout ce que je peux vous dire, c'est que La Fontaine n'aurait jamais pu parler d’Ésope et de Phèdre aussi bien que vous parlez de lui .

 

A propos, Monsieur, vous me reprochez, mais avec votre politesse et vos grâces ordinaires, d'avoir dit autrefois qu'il n’était pas assez peintre . Il me souvient en effet d'avoir dit autrefois 4 qu'il n'était pas un peintre aussi fécond, aussi varié, aussi animé que l'Arioste, et c'était à propos de Joconde . J'avoue mon hérésie au plus aimable prêtre de notre église .

 

Vous me faites sentir plus que jamais combien La Fontaine est charmant dans ses bonnes fables ; je dis dans les bonnes, car ses mauvaises sont bien mauvaises . Mais que l'Arioste est supérieur à lui et à tout ce qui m'a jamais charmé ! par la fécondité de son génie inventif , par la profusion de ses images, par la profonde connaissance du cœur humain, sans faire jamais le docteur, par ces railleries si naturelles dont il assaisonne les choses les plus terribles ! J'y trouve toute la grande poésie d'Homère avec plus de variété ; toute l'imagination des Mille et Une Nuits ; la sensibilité de Tibulle, les plaisanteries de Plaute, toujours le merveilleux et le simple . Les exordes de tous ses chants sont d'une morale si vraie et si enjouée ! N'êtes-vous pas étonné qu'il ait pu faire un poème de plus de quarante mille vers dans lequel il n'y a pas un morceau ennuyeux, et pas une ligne qui pêche contre la langue, pas un tour forcé, pas un mot impropre ? Et encore ce poème est tout en stances .

 

Je vous avoue que cet Arioste est mon homme , ou plutôt un dieu, comme disent messieurs de Florence, il divin Ariosto . Pardonnez-moi ma folie. La Fontaine est un charmant enfant que j'aime de tout mon cœur . Mais laissez-moi en extase devant messer Ludovico, qui d'ailleurs a fait des épitres comparables à celles d'Horace . Multae sunt mansiones in domo patris mei 5. Vous occupez une de ces places . Continuez, Monsieur, réhabilitez notre siècle, je le quitte sans regret . Ayez surtout grand soin de votre santé . Je sais ce que c'est que d'avoir été quatre-vingt et un ans malade .

 

Agréez, Monsieur, l'estime sincère, et les respects du vieux bonhomme .

 

V.

 

 

Je suis toujours très fâché de mourir sans vous avoir vu . »


1 Éloge de La Fontaine, qui a concouru pour le prix de l'académie de Marseille en 1774 ; http://www.gedhs.ulg.ac.be/recherches/espritdesjournaux/pdf/750106.pdf

Mais c'est Chamfort qui a eu le prix .http://www.shanaweb.net/les-fabulistes/chamfort/notes-de-chamfort.html

2 Le 2 octobre, V* a écrit à La Harpe : « Il faut donc que l’ouvrage de M. Chamfort soit un chef-d’œuvre, et que ce soit Phidias qui l'ait emporté sur Praxitèle »

3 Éloge de La Fontaine, ouvrage qui a remporté le prix , au jugement de l'Académie de Marseille : http://www.archive.org/stream/logedelafontai00chamuoft#page/n5/mode/2up

4 Dans le Discours aux Welches : chercher « le Joconde » : http://www.voltaire-integral.com/Html/25/12_Welches.html

5 Évangile de Jean ; il y a de nombreuses demeures dans la maison de mon père .

 

 

 

 

nécessité indispensable d'avoir justice d'un libelle qui flétrirait ma réputation s'il était impuni

 

Note rédigée le 4 juillet 2011 pour partion le 16 novembre 2010 .

 

 

 

« A Claude-Henri Feydeau de Marville 1

 

Monsieur,

 

Je crois que ce n'est point l'usage qu'on vende publiquement des libelles diffamatoires aux spectacles quand même ces libelles seraient signés du nom d'un avocat 2. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir bien faire ordonner que ce scandale qui révolte tous les honnêtes gens, cesse à l'Opéra et à la Comédie . On y vend sur le théâtre le mémoire du nommé Travenol .

 

Ma famille , Monsieur, m'a obligé de faire poursuivre ce Travenol en justice, et il est bon d'ailleurs que les auteurs de ces infamies qui inondent le public sachent que les lois ont décerné des peines contre eux 3. Vous avez eu la bonté, Monsieur, de me promettre que quand je requerrais judiciairement communication des pièces déposées chez le commissaire La Vergée au sujet de cette affaire, vous voudriez bien permettre que l'on m'aidât de ces originaux ou des copies authentiques . Je vous supplie, Monsieur, de trouver bien que je fasse à présent usage de vos bontés . Je ne veux point faire cette démarche sans auparavant vous en avoir demandé la permission . Je vous supplie, Monsieur, de considérer que la nouvelle charge dont le Roi vient de m'honorer 4, et qui m'approche quelquefois de la personne de Sa Majesté, me met dans la nécessité indispensable d'avoir justice d'un libelle qui flétrirait ma réputation s'il était impuni . J'attends de vous, Monsieur, la grâce que je vous demande, et la continuation de vos bontés .

 

J'ai l'honneur d'être avec la reconnaissance et l'attachement le plus inviolable,

Monsieur,

votre très humble et très obéissant serviteur ,

 

Voltaire 

 

A Paris, rue Traversière, mercredi 16 novembre [1746]

 

Je vous supplie de me donner vos ordres par écrit, Monsieur, ou de me faire dire quand je pourrai avoir l'honneur de vous parler .»


1 Sur cette affaire, voir lettres du 17 mai : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/13/homme-qui-fait-des-nouvelles-a-la-main-qui-preche-qui-produi.html

et 3 juillet : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/07/03/je-m-en-remets-a-votre-justice-et-a-votre-misericorde.html

Des perquisitions ont confirmé que les libelles de Roy et autres auteurs éataient difffusées par le musicien Louis Travenol . Comme il avait pris la fuite et qu'on n'avait trouvé que son vieux père, celui-ci avait été emprisonné quelques jours en juin .

http://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-1979-05-0276-042

 

2 Le Mémoire signifié pour Louis Travenol, de l'Académie royale de musique, contre le sieur Arouet de Voltaire, de l'Académie française, de l'avocat Jean-Antoine Rigoley de Juvigny .

3 Maurepas répondit à Marville, le 19, qui lui avait transmis une lettre, que « ce n'est pas en effet la place du débit d'un mémoire. »

4 Gentilhomme ordinaire de la chambre du roi .