04/11/2010
après cela, il faut boucher les yeux, les oreilles et l'entendement d'une nation . Mais on n'y parviendra pas
Note rédigée le 6 août 2011 pour parution le 4 novembre 2010.
http://www.youtube.com/scherzoquartet#p/u/2/CwtfmWVtsyE
« A Jean Le Rond d'Alembert
4è novembre 1767
Mon cher philosophe, car il faut toujours vous appeler de ce nom respectable que la cour ne respecte guère, le philosophe M. de Chabanon aura donc le bonheur de vous embrasser ? Vous lèverez donc les épaules ensemble sur l'avilissement où l'on veut jeter les lettres, sur la conspiration contre la raison et contre la liberté, sur les sottises dont vous êtes environné, sur la barbarie où l'on va nous replonger si vous n'y mettez ordre .
Monsieur de Chabanon a un beau plan de tragédie 1 et a fait un premier acte qui annonce le succès des quatre autres . Mais pour qui travaille-t-il ? quels comédiens ? et quels spectateurs ? Le temps des beaux-arts est passé . Et la philosophie qui faisait l'honneur de ce siècle est persécutée . La Sorbonne est dans la boue, mais les gens de lettres sont sub gladio 2. L'approbateur de Bélisaire est toujours destitué 3. Rien ne marque plus le dessein formé d'empêcher la nation de penser . C'était tout ce qui lui restait . Battue par le prince de Brunsvik et par le margrave de Brandenbourg, par les Anglais et par le roi de Maroc, sans argent, sans commerce et sans crédit, si elle ne se met pas à penser que deviendra-t-elle ? Votre cour de parlement fait conduire en place de Grève un lieutenant général 4 avec bâillon en bouche,sans daigner alléguer le moindre délit . On coupe la main, la langue et la tête à un jeune gentilhomme 5 et on jette tout cela dans un grand feu, pour n'avoir pas salué des capucins et pour avoir chanté deux vieilles chansons . Et les gens coupables de ces assassinats judiciaires sont honorés . Vraiment, après cela, il faut boucher les yeux, les oreilles et l'entendement d'une nation . Mais on n'y parviendra pas . Les hommes s'éclaireront malgré les tigres et les singes . Vous ne voulez pas être martyr mais soyez confesseur . Vos paroles feront plus d' effet qu'un bûcher . Mon cher philosophe , criez toujours comme un diable .
Je vous aime autant que je hais ces monstres . »
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Laissez aux parisiens l'opéra-comique et les réquisitoires. La France est au comble de la gloire, il faut lui laisser ses lauriers
« A Etienne-Noël Damilaville
premier commis des bureaux du vingtième
Quai Saint-Bernard à Paris
4 novembre 1763
Mon cher frère, et mes chers frères ; vous avez bien raison de dire que les peuples du Nord l'emportent aujourd'hui sur ceux du Midi ; ils nous battent, et ils nous instruisent. M. d'Alembert se trouve dans une position qui me parait embarrassante. Le voilà entre l'impératrice de Russie et le roi de Prusse i, et je le défie de me dire qui a le plus d'esprit des deux. Jean-Jacques dans je ne sais quel de ses ouvrages ii, avait dit que la Russie redeviendrait bientôt esclave, malheureuse, et barbare. L'impératrice l'a su, elle me fait l'honneur de me mander que tant qu'elle vivra elle donnera très impoliment un démenti à Jean-Jacques iii. Ne trouvez-vous pas comme moi cet impoliment fort joli ? Sa lettre est charmante, je ne doute pas qu'ellle n'en écrive à M. d'Alembert de plus spirituelles encore, attendu qu'elle sait très bien se proportionner.
Gardez-vous bien, je vous en supplie, de solliciter Mlle Clairon pour faire jouer Olympie iv. C'est assez qu' on la joue dans toute l'Europe, et qu'on la traduise dans plusieurs langues. On vient de la représenter à Amsterdam et à La Haye avec un succès semblable à celui de Mérope. On va la jouer à Pétersbourg. Laissez aux parisiens l'opéra-comique et les réquisitoires. La France est au comble de la gloire, il faut lui laisser ses lauriers : le mandement du digne frère de Pompignan m'a paru un ouvrage digne du siècle v. On m'a montré pourtant une petite réponse d'un évêque son confrère vi, il me parait que ce confrère n'entre pas assez dans les détails, apparemment qu'il les a respectés, et que l'évêque du Puy s'étant retiré dans le sanctuaire, on n'a pas voulu l'y souffleter.
Mes chers frères
écr[asez] l'Inf[âme]. »
i D'Alembert s'est vu offrir le poste de président de l'Académie de Berlin et vient de revenir récemment ; Catherine II lui avait offert de devenir précepteur de son fils et avait proposé de faire imprimer l'Encyclopédie en Russie.
ii Dans Le Contrat social.
Chapître II, 8 : Du peuple. « L’empire de Russie voudra subjuguer l’Europe, et sera subjugué lui-même. Les Tartares, ses sujets ou ses voisins, deviendront ses maîtres et les nôtres, cette révolution me paraît infaillible. Tous les rois de l’Europe travaillent de concert à l’accélérer. »
iii Ce qu'elle écrit exactement dans sa lettre de septembre 1763.
Lettre 1 : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-34382830.html
iv Mme Denis s'en chargera . Dans le Registre de Répertoire et de Lecture de la Comédie française, le 12 décembre : « Une lettre de Mlle Clairon à Monsr Lekain nous apprend que Mme Denis lui fait part ... du désir intérieur qu'elle a pénétré en monsieur de Voltaire que la Comédie française se disposât à jouer Olympie » ; ce après quoi les Comédiens écrivirent à V* pour lui demander l'honneur d'avoir à jouer la tragédie.
v Le 8 octobre, D'Alembert parle de cette « grosse instruction pastorale contre (eux)tous » et qu'il sent insultante particulièrement pour lui ; cf. lettre du 15 décembre.Il s'agit de l'Instruction pastorale sur la prétendue philosophie des incrédules modernes, 1763 , de Georges Lefranc de Pompignan.
http://books.google.be/books?id=FtNPR0mHu8AC&printsec...
vi L'instruction pastorale de l'humble évêque d'Alétopolis à l'occasion de l'instruction pastorale de Jean-Georges, humble évêque du Puy, écrite par V*.
http://www.voltaire-integral.com/Html/25/02_Instruction.h...
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Je voudrais vous entendre dans ce beau jour où vous prononcerez sans le savoir votre éloge en faisant celui de votre prédécesseur
Fatigué fatigué : http://www.deezer.com/listen-3018672
La fièvre monte : http://www.deezer.com/listen-4651201
Que cette guerre est triste ! Guerre des hommes : http://www.deezer.com/listen-4651209
« A Claude-Philippe Fyot de La Marche [i]
A Ferney 4 novembre [1761]
Je sors de la fièvre, mon respectable et digne appui, mon maître dans le chemin de la vertu et des arts ; mais mon sang n'est allumé que par le plaisir que me fait votre lettre du 30 octobre. Je voudrais vous entendre dans ce beau jour où vous prononcerez sans le savoir votre éloge en faisant celui de votre prédécesseur.[ii]
Je vous remercie tendrement de la bonté que vous avez de permettre que vos graveurs travaillent pour Corneille. Quoi ! Votre amitié va même jusqu'à souffrir que j'aie l'honneur de vous envoyer le portrait d'un homme aussi médiocre que maigre ? Je l'enverrai par pure obéissance . J'y ferai travailler dès que je serai aux Délices.
C'est donc cette maudite guerre qui empêche Mme la marquise de Paulmy de venir vous voir ! Car son droit chemin serait par Berlin, et non par le mont Crapac [iii] ! Que cette guerre est triste ! Et que de maux de toute espèce elle cause!
Pour ma guerre avec le fétiche [iv] elle n'est que ridicule. Si je veux de monsieur votre frère [v] pour arbitre ? Oui sans doute ; en pouvez-vous douter ? Et s'il avait voulu de vous, quel autre arbitre eussé-je pu prendre ! Mais il a refusé le père et le fils ; acceptera-t-il le frère ? Il a osé dire à monsieur votre fils qui me l'a mandé, qu'il avait fait une vente réelle ; et moi je lui abandonne tout mon bien si sa vente n'est pas simulée. L'objet est ridicule [vi]: j'en conviens, mais le procédé est infâme ; et si cette lâcheté est prouvée en justice, comme elle le sera, quelque crédit qu'il ait dans l'antre de Gex, comment peut-il rester dans le parlement ?
Mon affaire ne doit pas contenir deux lignes. Si vous avez fait une vente réelle, je paie. Si vous m'avez trompé, faites vite une vraie vente : vendez votre charge. Voilà un plaisant premier président de Besançon ! Oui, Monsieur, je m'en rapporte à monsieur votre frère et je suis sur qu'il sera indigné comme l'est toute la province et tout Genève. Pour moi, je ne sens que vos bontés, et c'est avec le plus profond respect.
V. »
ii Il succède à Jean de Berbisey au parlement de Dijon .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Premiers_pr%C3%A9sidents_du_...
iii = Les Carpathes car elle doit aller en Pologne rejoindre son mari ambassadeur.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine-Ren%C3%A9_de_Voyer_d...
iv « le fétiche » = le président De Brosses qui écrivit : Du culte des dieux fétiches ou Parallèle de l'ancienne religion de l'Egypte avec la religion actuelle de Nigritie , 1760
http://books.google.fr/books?id=bsecIlNrohYC&printsec...
v Charles-Philippe Fyot de Neuilly, premier président du parlement de Dôle.
vi De fait il s'agit de « douze moules de bois » (dit Mme Denis) valant « douze écus » (dit De Brosses) livrés par Charlot Baudry à V*. V* refuse de payer s'il n'est pas prouvé que la vente du bois par De Brosses est antérieure à la signature du contrat d'acquisition de Tournay.
http://www.dailymotion.com/video/x58pah_generique-woody-w...
http://www.youtube.com/watch?v=bFdeuh6_1-I
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03/11/2010
il n'a pas hésité à calomnier son bienfaiteur, dans l'espérance que sa fausse éloquence ferait excuser son infâme procédé
Lettre écrite le 7 août 2011 pour parution le 3 novembre 2010 .
« A Etienne-Noël Damilaville
3 novembre 1766
Je reçois votre lettre du 27, mon cher et vertueux ami . Vous ne me mandez point ce que pense le public de la folie et de l'ingratitude de Jean-Jacques . Il semble qu'on ait trouvé de l'éloquence dans son extravagante lettre à M. Hume 1. Les gens de lettres ont donc aujourd'hui le goût bien faux et bien égaré . Ne savent-ils pas que la première loi est de confirmer son style à son sujet ? C'est le comble de l’impertinence d'affecter de grands mots quand il s'agit de petites choses . La lettre de Rousseau à M. Hume est aussi ridicule que le serait M. Chicaneau,2 s'il voulait s'expliquer comme Cinna, et comme Auguste . On voit évidemment que ce charlatan, en écrivant sa lettre, songe à la rendre publique ; l'art y paraît à chaque ligne ; il est clair que c'est un ouvrage médité et destiné au public . La rage d'écrire et d'imprimer l'a saisi au point qu'il a cru que le public enchanté de son style lui pardonnerait sa noirceur et qu'il n'a pas hésité à calomnier son bienfaiteur, dans l'espérance que sa fausse éloquence ferait excuser son infâme procédé .
L’enragé qu'il est m'a traité beaucoup plus mal encore que M. Hume ; il m'a accusé auprès de M. le prince de Conti et de Mme la duchesse de Luxembourg de l'avoir fait condamner à Genève, et de l’avoir fait chasser de Suisse . Il le dit en Angleterre à quiconque veut l'entendre ; et pourquoi le dit-il ? parce qu'il veut me rendre odieux . Et pourquoi veut-il me rendre odieux ? parce qu'il m'a outragé, parce qu'il m'écrivît il y a plusieurs années des lettres insolentes et absurdes, pour toute réponse à la bonté que j'avais eue de lui offrir une maison de campagne auprès de Genève .
C'est le plus méchant fou qui ait jamais existé, un singe qui mord ceux qui lui donnent à manger est plus raisonnable et plus humain que lui .
Comme je me trouve impliqué dans ses accusations contre M. Hume, j'ai été obligé d'écrire à cet estimable philosophe un détail succinct de mes bontés pour Jean-Jacques, et de la singulière ingratitude dont il m'a payé 3; je vous en enverrai une copie .
En attendant, je vous demande en grâce de faire voir à vos amis ce que je vous écris . M. d'Alembert s'est cru obligé de se justifier de l'accusation intentée contre lui par Jean-Jacques d'avoir voulu se moquer de lui 4. L'accusation que j'essuie depuis près de deux ans est un peu plus sérieuse . Je serais un barbare si j'avais en effet persécuté Rousseau, mais je serais un sot si je ne prenais pas cette occasion de le confondre, et de faire voir sans réplique qu'il est le plus méchant fou qui ait jamais déshonoré la littérature .
Ce qui m'afflige, c'est que je n'ai aucune nouvelle de Meyrin 5. Je me porte toujours fort mal . Je vous embrasse tendrement et douloureusement . »
1 Il s'agit de la lettre écrite par Rousseau le 10 juillet . Sur cette querelle Hume-Rousseau, voir lettre à d'Alembert du 15 octobre : page 100 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f105.image.r=.langFR
du 14 juillet à Damilaville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/06/26/c-est-une-chose-abominable-que-la-mort-des-hommes-et-que-les.html
2 Personnage des Plaideurs, de Racine : http://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Plaideurs
3 Il s'agit de la Lettre de M. de Voltaire à M. Hume, datée du 24 octobre et imprimée, à laquelle il va ajouter des notes ; http://www.voltaire-integral.com/Html/26/03_Hume.html
Voir lettre à Damilaville du 28 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/27/j-etais-fourre-dans-la-querelle-du-philosophe-bienfaisant-et.html
Le 17 novembre (ou décembre), V* propose au libraire Lacombe de « donner au public ma lettre à Hume avec des remarques historiques et critiques assez curieuses » qui paraitront sous le titre de Notes sur la Lettre de M. de Voltaire à M. Hume :
http://www.voltaire-integral.com/Html/26/04_Notes_Hume.html
Lettre à Lacombe : page 128 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800389/f133.image.r=.langFR
14:08 | Lien permanent | Commentaires (0)
nous sommes des philosophes très voluptueux, et sans cela nous serions bien indignes de vous
Chanson ? Avec un seveux sur la langue : Samson http://www.deezer.com/listen-680117
On y joint Dalila, la tondeuse la plus rapide du Moyen-Orient : http://www.deezer.com/listen-4259756
Hommage à La Popelinière : http://www.deezer.com/listen-1070711
M. et Mme de La Popelinière
« A Nicolas-Claude Thiriot
Ce 3 novembre [1735] à Cirey
Ami des arts, sage voluptueux,
Languissamment assis au milieu d'eux,
Juge éclairé, sans orgueil, sans envie,
Chez Pollion [i] vous passez votre vie,
Heureux par lui, si l'on peut être heureux.
Moi je le suis , mais c'est par Émilie.[ii]
Mon cœur s'épure au feu de son génie,
Ah croyez-moi, j'habite au haut des cieux,
J'y resterai, j'ose au moins le prétendre,
Mais si d'un ciel et si pur, et si doux,
Chez les humains il me fallait descendre
Ce ne serait que pour vivre avec vous.
Nous avons ici le marquis Algarotti [iii], jeune homme qui sait les langues et les mœurs de tous les pays, qui fait des vers comme l'Arioste, et qui sait son Loke et son Neuton. Il nous lit des dialogues qu'il a faits sur des parties intéressantes de la philosophie [iv]. Moi qui vous parle j'ai fait aussi mon petit cours de métaphysique car il faut bien se rendre compte à soi-même des choses de ce monde [v].
Nous lisons quelques chants de Jeanne La Pucelle, ou une tragédie de ma façon, ou un chapitre du Siècle de Louis XIV. De là nous revenons à Neuton et à Loke, non sans vin de champagne, et sans excellente chère , car nous sommes des philosophes très voluptueux, et sans cela nous serions bien indignes de vous et de votre aimable Pollion. Voilà un compte assez exact de ma vie . Voilà ce qui fait, mon cher Thiriot, que je ne suis point avec vous. Mais comptez que ma vie en est plus douce en sachant combien la vôtre est agréable. Mon bonheur fait bien des compliments au vôtre. Faites ma cour à ce charmant bienfaiteur.
Buvez ma santé tous les deux
Avec ce champagne mousseux
Qui brille ainsi que son génie.
Moi chez la sublime Émilie
Dans nos soupers délicieux
Je bois à vous en ambroisie.
Je lui ai tout au moins autant d'obligations que vous en avez avec M. de La Popelinière. Ce qu'elle a fait pour moi dans l'indigne persécution que j'ai essuyée [vi], et la manière dont elle m'a servi m'attacherait à son char pour jamais, si les lumières singulières de son esprit, et cette supériorité qu'elle a sur toutes les femmes ne m'avaient déjà enchainé. Vous savez si mon cœur connait l'amitié ; jugez quel attachement infini je dois avoir pour une personne dans qui je trouve de quoi oublier tout le monde, auprès de qui je m'éclaire tous les jours, à qui je dois tout. Mon respect et ma tendre amitié pour elle sont d'autant plus forts que le public l'a si indignement traitée [vii]. On n'a connu ni ses vertus ni son esprit supérieur. Le public était indigne d'elle.
Vous m'allez dire qu'en vivant dans le sein de l'amitié, et de la philosophie je devrais ne point sentir ces piqures d'épingle de l'abbé Desfontaines, et ces calomnies dont on m'a noirci. Non, mon ami. Du même fond de sensibilité que j'idolâtre le mérite et les bontés de Mme du Châtelet, je suis sensible à l'ingratitude, et je voudrais qu'un homme témoin de tant de vertus ne fût point calomnié. Arrangez tout pour le mieux avec l'abbé Prévost [viii]. Je lui aurai une véritable obligation. J'ai peur seulement que cette scène traduite de Shakespeare ne soit imprimée dans d'autres journaux [ix]. J'ai peur même que l'abbé Asselin ne l'ai donnée à l'abbé Desfontaines. Mais ne pourriez-vous pas parler ou faire parler à l'abbé Desfontaines même ? ne lui reste-t-il aucune pudeur ? Je vous avertis qu'on va imprimer le Jules César à Amsterdam. J'y enverrai le manuscrit correct . Après cela il faudra bien qu'il paraisse en France. On prépare en Hollande une nouvelle édition [x] de mes folies en prose et en vers. Voici encore de la besogne pour moi. Il faut que je passe le rabot sur bien des endroits, il faut assommer mon imagination par un travail pénible. Mais ce n'est qu'à ce prix qu'on peut faire quelque honneur à son pays. Labor improbus omnia vincit [xi]. Si ceux qui sont à la tête des spectacles aiment assez les beaux-arts pour protéger notre grand musicien Rameau, il faudra qu'il donne son Samson. Je lui ferai tous les vers qu'il voudra [xii]. Mais il aurait besoin d'un peu de protection. Que dites-vous d'un nommé Hardion [xiii] à qui on avait donné Samson à examiner, et qui a fait tout ce qu'il a pu pour empêcher qu'on ne le jouât ? Nous avons besoin d'un examinateur raisonnable, mais surtout que Rameau ne s'effarouche point des critiques. La tragédie de Samson doit être singulière, et dans un goût tout nouveau comme sa musique. Qu'il n'écoute point les censeurs. Savez-vous bien que M. de Richelieu a trouvé sa musique détestable ? Hélas ! M. de Richelieu l'a eu chez lui sans le connaitre. Adieu, écrivez-moi.
V. »
i= La Popelinière ; cf. lettre du 15 juillet 1735
http://search.babylon.com/imageres.php?iu=http://jp.ramea...
Voir: Mme de La Popelinière qui défendit Rameau : http://jp.rameau.free.fr/deshayes-bio.htm
ii Gabrielle-Émilie Le Tonnelier de Breteuil marquise du Châtelet, à Cirey.
http://www.enotes.com/literary-criticism/emilie-du-chatelet
http://iopscience.iop.org/0031-9120/31/4/023/pdf/pe6410.pdf
iii V* écrivit, comme souvent avec les noms propres , avec une orthographe erronée : Argalotti.
iv Il Neutonianismo per le dame, édité en 1737.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Francesco_Algarotti
http://bibliophilie.blogspot.com/2008/05/voltaire-la-phys...
v En 1738, V* publiera les Éléments de la philosophie de Newton.http://www.voltaire-integral.com/Html/22/29_Elements_Tabl...
vi Condamnation des Lettres philosophiques et poursuite de V* qui trouva refuge à Cirey en mai 1734. Lettres du 8 mai 1734 à Cideville, 22 juin à La Condamine, 1er novembre 1734 à la comtesse de La Neuville.
vii Le 3 juillet, suite aux « calomnies » dont la vie et les sentiments de Mme du Châtelet sont l'objet, V* écrivit l'Épître sur la calomnie. Maintenant il s'agit de « vers dont Mme du Châtelet a à se plaindre » (cf. lettre à Thiriot du 25 novembre) ; c'est l'Épître à Algarotti de V*, datée du 15 octobre, écrite le 7, que va faire imprimer Desfontaines dans ses Observations du 19 novembre, malgré que V* lui ait « fait sentir que ce qui est bon entre amis devient très dangereux entre les mains du public. »
http://www.monsieurdevoltaire.com/article-epitre-sur-la-c...
Epître à Algarotti : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-epitre-a-m-le-c...
viii L'abbé Prévost a écrit à Thiriot et il édite Le Pour et le Contre.
Le Pour et le Contre : http://www.voltaire-integral.com/Html/09/06PETIT.htm#LE%2...
ix Il envoie cette traduction à l'abbé Asselin le 4 janvier 1736 en disant que la dernière scène de sa Mort de César est « une traduction assez fidèle de la dernière du Jules César de Shakespeare. » Voir la lettre du 4 octobre 1735 à d'Olivet à propos de la représentation de la pièce donnée au collège d'Harcourt et son impression « pirate ».
Voir pages 432, 436, 440, : http://books.google.fr/books?id=3RJEAAAAYAAJ&pg=RA1-P...
x Édition Ledet, d'Amsterdam.
http://www.monsieurdevoltaire.com/article-memoire-6016652...
xi Un travail acharné vient à bout de tout.
xii
http://www.google.fr/imgres?imgurl=http://jp.rameau.free....
xiii Conservateur de la Bibliothèque royale Hardion, Jacques (1686-1766), membre de l’Académie française (1730), censeur royal.
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02/11/2010
Il faudrait que les ouvrages utiles n’appartinssent à personne
Note rédigée le 11 août 2011 pour parution le 2 novembre 2010 .
Folon, magnifique poète de l'image .
« A Etienne-Noël Damilaville
2è novembre 1764
Mon cher frère, comptez que je ne me suis pas alarmé mal à propos sur ce Portatif qu'on m'imputait, et qu'il a été nécessaire de prendre à la cour des précautions 1 qui ont coûté beaucoup à ma philosophie 2. Le mal vient de ce que des frères zélés m'ont nommé d'abord . Il faudrait que les ouvrages utiles n’appartinssent à personne . On doute encore de l'auteur de l'Imitation de Jésus-Christ . Qu'importe l'auteur d'un livre pourvu qu'il fasse du bien aux bonnes âmes ? Je ne sais pourquoi frère Protagoras 3 ne m'écrit point ; je n'en compte pas moins sur son zèle fraternel . Hélas ! si les philosophes s'entendaient, ils deviendraient tout doucement les précepteurs du genre humain .
Avez-vous entendu parler de la nouvelle édition du Testament du cardinal de Richelieu ?4 On croit m'avoir démontré que ce Testament est authentique ; mais je me sens de la pâte des hérésiarques 5, je n'ai jamais été plus ferme dans mon opinion, et vous entendrez bientôt parler de moi 6; cela vous amusera ; je m'en rapporterai entièrement à votre jugement . Mais surtout, mon cher frère, écr l'Inf. »
1 Voir lettres précédentes : à Damilaville : du 19 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/18/j...
à d'Alembert du 19 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/16/a-l-age-de-soixante-et-onze-ans-malade-et-presque-aveugle-je.html
aux d'Argental : du 3 octobre : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/10/03/alcibiade-faisait-couper-la-queue-a-son-chien-pour-empecher.html
On lui avait dit qu'on avait parlé du Dictionnaire philosophique comme d'un livre dangereux au roi, qui faisait faire une enquête, que l'abbé d'Estrées l'avait dénoncé au procureur général ; le résident Montpéroux avait signalé au duc de Praslin l'indignation des Genevois et la condamnation du livre à Genève .
2 V* a en particulier écrit une lettre de reniement à Mme d'Argental pour que son mari qui est à Fontainebleau en fasse usage à la cour ;
page 85 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f90.image.r=.langFR
Il a fait demander par d'Argental, l'intervention du duc de Praslin . Ayant appris que le roi consulterait sans doute le président Hénault, il a écrit à celui-ci le 20 octobre, alors que -à la grande indignation de Mme du Deffand-, il ne lui avait pas envoyé de condoléances à la mort de son ami d'Argenson ;
page 89 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f90.image.r=.langFR
Il a aussi fait appel à la solidarité des Académiciens en écrivant à Duclos le 20 octobre et aussi ce 2 novembre .
Page 90 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f95.highres
et page 94 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k80037z/f95.highres
4 Maximes d’État ou Testament politique d'Armand du Plessis, cardinal-duc de Richelieu , 1764, qui contient un essai de Foncemagne sur l'authenticité du document .
http://www.archive.org/stream/maximesdtatout01richuoft#page/n7/mode/2up
5Hérésiarque = Auteur d'une hérésie. Chef ou l'un des chefs d'une secte hérétique. Luther et Calvin sont des hérésiarques.
6 Il publie les Doutes nouveaux sur le testament attribué au cardinal de Richelieu, en date de 1765, mais réellement de 1764 .http://www.voltaire-integral.com/Html/25/16_Doutes_nouveaux.html
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il serait beaucoup plus utile et plus convenable de leur couper la main droite pour les empêcher d'écrire et de leur arracher la langue de peur qu'ils ne parlent
Note rédigée le 9 août 2011 pour parution le 2 novembre 2010
« Au chevalier Jacques de Rochefort d'Ally
2 novembre [1768]
L'enterré ressuscite un moment, Monsieur, pour vous dire que s'il avait une éternité, il vous aimerait pendant tout ce temps là . Il est comblé de vos bontés : il lui est encore arrivé deux gros fromages par votre munificence . S'il avait de la santé il trouverait son sort très préférable à celui du rat retiré du monde dans un fromage de Hollande 1. Mais quand on est vieux et malade, tout ce qu'on peut faire c'est de supporter la vie et de se cacher .
Je vous ai envoyé quatre volumes du Siècle de Louis XIV et de Louis XV ; mais en France les fromages arrivent beaucoup plus sûrement par le coche que les livres . Je crois qu'il faudra tout votre crédit pour que les commis à la douane des pensées vous délivrent le récit de la bataille de Fontenoy et la prise de Minorque . La société s'est si bien perfectionnée qu'on ne peut plus rien lire sans la permission de la chambre syndicale des libraires . On dit qu'un célèbre janséniste a proposé un édit par lequel il sera défendu à tous les philosophes de parler à moins que ce ne soit en présence de deux députés de la Sorbonne qui rendront compte au prima mensis 2 de tout ce qui aura été dit dans Paris dans le cours du mois .
Pour moi, je pense qu'il serait beaucoup plus utile et plus convenable de leur couper la main droite pour les empêcher d'écrire et de leur arracher la langue de peur qu'ils ne parlent . C'est une excellente précaution dont on s'est déjà servi, et qui a fait beaucoup d'honneur à notre nation . Ce petit préservatif a même été essayé avec succès dans Abbeville sur le petit fils d'un lieutenant-général 3. Mais ce ne sont là que des palliatifs . Mon avis serait qu'on fît une Saint Barthélémy de tous les philosophes, et qu'on égorgeât dans leur lit tous ceux qui auraient Locke, Montagne, Bayle, dans leur bibliothèque . Je voudrais même qu'on brûlât tous les livres excepté la Gazette ecclésiastique et le Journal chrétien .
Je resterai constamment dans ma solitude jusqu'à ce que je voie ces jours heureux où la pensée sera bannie du monde, et où les hommes seront parvenus au noble état des brutes . Cependant , Monsieur, tant que je penserai et que j'aurai du sentiment, soyez sûr que je vous serai tendrement attaché . Si on faisait une Saint Barthélémy de ceux qui ont des idées justes et nobles, vous seriez sûrement massacré un des premiers . En attendant, conservez-moi vos bontés . Je me mets aux pieds de madame de Rochefort . »
1 Allusion à la fable de La Fontaine : Le rat qui s'est retiré du monde : http://damienbe.chez.com/fables7.htm#r4
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