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20/08/2016

Il faut être juste, mais il faut être poli, et dire la vérité avec douceur

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Ah ! qu'en termes galants ces choses-là sont dites !

 

 

 

«A Charles Pinot Duclos

A Ferney 14 septembre [1761] 

Je commence par remercier ceux qui ont eu la bonté de mettre en marge des notes sur mes notes. Je n’ai l’édition in-folio de 1664 1 que depuis huit jours.

J’ai commencé toutes mes observations sur l’édition très rare de 1738 2, dans laquelle Corneille inséra tous les passages imités des Latins et des Espagnols. Ces observations, écrites assez mal de ma main au bas des pages, ont été transcrites encore plus mal sur les cahiers envoyés à l’Académie.

Il n’est pas douteux que je ne suive dorénavant l’édition de 1664. Cette petite édition de 1738 ne contient que Médée, le Cid, Pompée, et le Menteur, avec la Suite du Menteur.  

A-t-on pu douter si j’imprimerais les sentiments de l’Académie sur Le Cid ? « Ella misma requirio al Rey que se le diesse por marido. 3»

Et vous dites qu’il n’y a pas là d’alternative ! Vous avez raison ; mais lisez ce qui suit : « Ella estava muy prendada de sus partes 4 »,voilà nos parties. « O le castigasse conforme a las leyes 5 » etc., et voilà votre alternative.

Comptez que je serai exact.

Je suis très aise d’avoir envoyé et soumis à l’examen mes observations, tout informes qu’elles sont : 1° parce que vos réflexions m’en feront faire de nouvelles ; 2° parce que le temps presse, et que si j’avais voulu limer, polir, achever avant d’avoir consulté, j’aurais attendu un an, et je n’aurais été sûr de rien . Mais en envoyant mes esquisses, et en en recevant les critiques de l’Académie, je vois la manière dont on pense, je m’y conforme, je marche d’un pas plus sûr .  

Il y avait dans mes petits papiers  labbé d’Aubignac, savant sans 6 génie, et La Motte, homme d’esprit sans érudition, ont voulu faire des tragédies en prose. Un jeune homme du métier, qui a copié cela, s’est diverti à ôter le génie à La Motte, et je ne m’en suis aperçu que quand on m’a renvoyé mon cahier .

Il y a souvent des notes trop dures . Je me suis laissé emporter à trop d’indignation contre les fadeurs de César et d'Antoine et de Cléopâtre dans Pompée 7, et contre le rôle de Félix dans Polyeucte. Il faut être juste, mais il faut être poli, et dire la vérité avec douceur .

N.B. Je suis à Ferney, à deux lieues de Genève. Les Cramer préparent tout pour l’édition, et je travaille autant que ma santé peut me le permettre.

Ils ne donneront leur programme que lorsqu’il commenceront à imprimer .

Ils n’imprimeront que quand les estampes seront assez avancées pour que rien ne languisse . J’ai peur qu’il n’y ait quatorze volumes in-8°, avec trente-trois estampes.

Deux louis, c’est trop peu ; mais les Cramer n’en prendront jamais davantage .

Le bénéfice ne peut venir que du roi, de la czarine, du duc de Parme, de nos princes, etc., comme je l’ai déjà mandé.

Si mes respectables et bons confrères veulent continuer à me marginer 8, tout ira bien.

Respects et remerciements.

V.»

1 Le Théâtre de Pierre Corneille, 1664, c'est l'édition définitive dans un format qui classe Corneille parmi les grands auteurs .

3 Elle même demande au roi qu'il le lui donne pour mari .

4 Elle était fort éprise de sa partie . Les trois mots qui suivent sont ajoutés dans la marge .

5 Ou qu'il le punisse conformément aux lois .

6 Sans ajouté au dessus de la ligne sur le manuscrit .

7 Dans Pompée est ajouté sous la ligne .

8 V* semble avoir inventé ce mot ; en tout cas il le défendit contre les critiques de l'abbé d'Olivet , voir la lettre à celui-ci du 27 novembre 1764 : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/08/correspondance-annee-1764-partie-38.html

 

19/08/2016

Nous lui souhaitons une longue jouissance de ces petits agréments

... Mais pour qui donc de nos jours peut-on faire de tels souhaits ?

Certes pas à nos grands élus et ministres qui sont, eux, sources inépuisables de désagréments .

 Jésus se révèle à une aimable Samaritaine (chap. XXIII).

Jésus se révèle à une aimable Samaritaine (chap. xxiii).

(page 97 : https://fr.wikisource.org/wiki/La_Vie_de_J%C3%A9sus_(Taxi...

et comme chacun sait, ou devrait savoir, la religion va tout gâcher .

 

 

« Marie-Louise Denis, Marie-Françoise Corneille et Voltaire

à

Everard Titon du Tillet

13 septembre [1761]1

Nous faisons nos compliments à l'Académie française et à celles des belles-lettres des honneurs et de la justice qu'elles ont rendus à monsieur Titon du Tillet . Nous lui souhaitons une longue jouissance de ces petits agréments . Nous lui présentons nos obéissances et à tout ce qui l'environne . 

Denis, Corneille,

[et plus bas ],Voltaire.»

1 Le manuscrit original de la main de V*, sauf les signatures de Mme Denis et Mlle Corneille est passé à la vente Bovet, 1887 (voir Lettres autographes composant la collection de M. Alfred Bovet, 1887 de Etienne Charaway : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6325943w.r=) et : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6325943w/f21.item.r=titon%20du%20tillet

 

18/08/2016

Voici deux souscriptions qu'on m'envoie, et que je remets à votre greffe

... Une réponse favorable à l'une n'exclut pas une réponse favorable à l'autre !

http://www.chateau-ferney-voltaire.fr/Actualites/Particip...

https://www.youtube.com/user/ptitsfilsdejeanine

Si j'ai eu le privilège de m'allonger sur le lit de mon maître Voltaire, emperruqué comme jamais je n'ai été depuis, ni auparavant, apporter mon écot ne sera que juste le paiement du B&B ferneysien, oups! de l'Auberge de l'Europe !

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Pour les Ptits Fils de Jeanine, c'est un souvenir d'une soirée géniale au Fort de Rousses où je les ai découverts et jamais oubliés ; ils ont une pêche extraordinaire et communicative avec un talent poétique certain ; s'ils passent près de chez vous, allez les voir et écouter, vous ne le regretterez pas .

 

 

ptitsfilsdejeanine.png

 

« A Gabriel Cramer

13è septembre [1761]

Mon cher Caro, Zamore 1 ne voulut point vous suivre quand vous partîtes de Ferney . Nous le gardâmes pour vous le rendre , et fugit, evasit, erupit,2 comme le petit Brillon 3; Brillon s'est sauvé . Nous nous flattons qu'il est retourné chez vous, en ce cas-là Zamore est un très joli enfant .

Voici deux souscriptions qu'on m'envoie, et que je remets à votre greffe .

Je vous embrasse du meilleur de mon cœur . »

2 Il s'est enfui, il a échappé , il s'est précipité dehors ; réminiscence de Cicéron, Catilinaires, II, 1,1 .

 

Si d'ailleurs vous croyez qu'il ait ressemblé à quelques médecins qui croient à la médecine, je vous trouve bon et bien honnête

... De même que si vous trouvez quelques politiciens qui croient à la vraie politique,au sens premier du terme, etc., etc., je vous prie de me les présenter .

Comment expliquer le foin que l'on fait à propos du burkini ? Si ces musulmanes, contraintes ou pas portent cette tenue, c'est sans aucun doute pour se faire remarquer , l'équivalent du fameux "vu à la télé" ! Libre à elles d'être ridicules au plus haut point , leur prophète et leur dieu ne doivent pas aimer les bronzées, je ne vois que ça comme explication . Censure des corps, censure la plus élémentaire, aussi détestable que celle des esprits .

Politiciens de tous bords, vous êtes bien sots de vous laisser embarquer à légiférer là dessus, tournez la p(l)age et pensez plutôt à ceux qui sont dans la mouise, en quête de travail .

 police pensée

 

 

 

« A Jean Lévesque de Burigny

Le 12 septembre [1761] à Ferney

J'ai reçu fort tard le Bénigne Bossuet 1 dont vous m'avez honoré . Je vous en fais mon très sincère remerciement le plus tôt que je peux . J'aime fort les pères de l’Église, et surtout celui-là, parce qu'il est bourguignon et que j'ai à présent l'honneur de l'être . De plus il est très éloquent . Ses oraisons funèbres sont de belles déclamations . Je suis seulement fâché qu'il ait tant loué le chancelier Le Tellier 2 qui était un si grand fripon . Son histoire particulière de trois ou quatre nations, qu'il appelle universelle 3, est d'un génie plein d’imagination . Il a fait ce qu'il a pu pour donner quelque éclat à ce malheureux petit peuple juif, le plus sot et le plus méprisable de tous les peuples .

Vous avouerez que ce père de l’Église a été un peu mauléoniste 4, et cela suffit . Si d'ailleurs vous croyez qu'il ait ressemblé à quelques médecins qui croient à la médecine, je vous trouve bon et bien honnête . Sa conduite avec M. de Fénelon n'est pas d'un homme aisé à vivre ; et il faut avoir le diable au corps pour tant crier contre l'aimable auteur du Télémaque qui s'imaginait qu'on pouvait aimer Dieu pour lui-même 5.

Au reste je fais plus de cas de Porphyre , et je vous remercie en particulier d'avoir traduit son livre contre les gourmands 6. J'espère qu'il me corrigera .

J'ai l'honneur d'être de tout mon cœur, monsieur etc. »

3 Le Discours sur l'histoire universelle de Bossuet ; voir : http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Bossuet/DHU_00.htm

4 C'est-à-dire qu'il aima Mlle de Mauléon (Catherine Gary ), ainsi que V* le dit dans Le Siècle de Louis XIV : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/siecle-de-louis-xiv-catalogue-ecrivains-partie-3-b.html

et voir : http://www.notionis.com/blog/le-celibat-de-bossuet/

5 V* développa ce point dans l'article « Amour de Dieu » du Dictionnaire philosophique : https://fr.wikisource.org/wiki/Dictionnaire_philosophique/Garnier_(1878)/Amour_de_Dieu

 

17/08/2016

Nous vous recevrons tous dans notre petit ermitage de Ferney

... Nous dit l'ami Voltaire, et j'ai hâte de répondre à cette invitation , en faisant des voeux pour que les travaux de restauration du château se terminent au plus vite et au mieux . Je sais que Mam'zelle Wagnière doit compter les heures qui nous séparent de la réouverture, et je ferai tout pour être à son côté ce jour là au printemps 2018 .

 Voir : https://www.facebook.com/ChateaudeVoltaire/

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Flou hivernal

 

 

« A Louis-Gaspard Fabry

A Ferney 12 septembre [1761]

Monsieur, vos attentions polies et obligeantes sont toujours les mêmes . Je me flatte que si vous allez à Genève avec monsieur l'intendant 1 vous ne m'oublierez pas sur votre route . Permettez que je vous adresse ces deux lettres, l'une pour lui, l'autre pour M. de Verny 2 . Nous vous recevrons tous dans notre petit ermitage de Ferney si vous n'avez point pris d’autres arrangements et vous nous ferez autant de plaisir que d'honneur . Agréez les assurances du sincère attachement que je vous ai voué pour ma vie . 

V.»

1 Dufour de Villeneuve, intendant de Bourgogne qui vint à Gex les 15 et 16 septembre 1761 ; voir : http://dijoon.free.fr/intendant.htm

2 Jacques-Philibert de Sauvage, seigneur de Verny ; voir : http://www.ville-geneve.ch/index.php?id=16358&id_detail=615

 

16/08/2016

, Ce qu’on nous dit dans notre enfance nous fait une impression durable, et j’étais destiné à ne rien oublier de ce qu’on disait

...Et je n'ai (presque) rien oublié .

Comme tout enfant j'ai été crédule sur tout .

En particulier pour le fait religieux attirant par son côté merveilleux, plus fort encore que le père Noël qui, lui, disparait quand on sait lire et que le catéchisme prend le relais .

Ah ! le pouvoir du prêtre représentant de Dieu et lui causant dans une langue inconnue du vulgum pecus qui se contente de la répéter comme un perroquet .

Oh ! les pénibles messes basses où l'on ne voit que le dos du curé qui bon an mal an doit exécuter plus de trois cents gestes rituels le temps d'un office ! La réforme de Vatican II a allégé le protocole catholique , cependant que l'âge de raison me venait sans intervention divine, et je me passe  fort bien d'elle, j'ai débranché la prise/l'emprise .

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« A Pierre-Joseph Thoulier d'Olivet

[vers le 10 septembre 1761] 1

Je vous jure, mon cher Cicéron, que le chanoine de Reims a très mal vu. Les princes du sang se sont mis en possession de venir prendre la première place sur les bancs du théâtre, quand il y avait des bancs, et il fallait bien qu’on se levât pour leur faire place ; mais assurément Corneille ne venait pas déranger tout un banc, et faire sortir la personne qui occupait la première place sur ce banc.

S’il arrivait tard, il était debout  s’il arrivait de bonne heure, il était assis ; il se peut faire qu’ayant paru à la représentation de quelqu’une de ses bonnes pièces, on se soit levé pour le regarder, qu’on lui ait battu des mains. Hélas ! à qui cela n’arrive-t-il pas ? Mais qu’il ait eu des distinctions réelles, qu’on lui ait rendu des honneurs marqués, que ces honneurs aient passé en usage pour lui, c’est ce qui n’est ni vrai, ni vraisemblable, ni même possible, attendu la tournure de nos esprits français. Croyez-moi, le pauvre homme était négligé comme tout grand homme doit l’être parmi nous. Il n’avait nulle considération, on se moquait de lui ; il allait à pied, il arrivait crotté de chez son libraire à la comédie ; on siffla ses douze dernières pièces ; à peine trouva-t-il des comédiens qui daignassent les jouer. Oubliez-vous que j’ai été élevé dans la cour du Palais par des personnes qui avaient vu longtemps Corneille ? Ce qu’on nous dit dans notre enfance nous fait une impression durable, et j’étais destiné à ne rien oublier de ce qu’on disait des pauvres poètes mes confrères, mon père avait bu avec Corneille . Il me disait que ce grand homme était le plus ennuyeux mortel qu’il eût jamais vu, et l’homme qui avait la conversation la plus basse. L’histoire du lutin est fort connue, et malheureusement son lutin l’a totalement abandonné dans plus de vingt pièces de théâtre ; cependant on veut des commentaires sur ces ouvrages qui ne devraient jamais avoir vu le jour . À la bonne heure on aura des commentaires ; je ne plains pas mes peines.

Tout ce que je demande à l’Académie, mon cher maître, c’est qu’elle daigne lire mes observations aux assemblées, quand elle n’aura point d’occupations plus pressantes. Je profiterai de ces critiques. Il est important qu’on sache que j’ai eu l’honneur de la consulter, et que j’ai souvent profité de ses avis. C’est là ce qui donnera à mon ouvrage un poids et une autorité qu’il n’aurait jamais si je ne m’en rapportais qu’à mes faibles lumières. Je n’aurais jamais entrepris un ouvrage si épineux, si je n’avais compté sur les instructions de mes confrères.

Venons à ma lettre du 20 août ; elle était pour vous seul ; je la dictai fort vite : mais si vous trouvez qu’elle puisse être de quelque utilité, et qu’elle soit capable de disposer les esprits en faveur de mon entreprise, je vous prie de la donner à frère Thieriot. J’ai peur qu’il n’y ait quelques fautes de langage. On pardonne les négligences, mais non pas les solécismes ; et il s’en glisse toujours quelques-uns quand on dicte rapidement. Je me mets entre vos mains à la suite de Pierre, et je recommande l’un et l’autre à vos bons offices, à vos lumières, et à vos bontés.

Adieu, mon cher maître ; votre vieillesse est bien respectable ; plût à Dieu que la mienne en approchât ! Vous écrivez comme à trente ans. Je sens combien je dois vous estimer et vous aimer.

V.

Le président de Ruffey, qui est chez moi, vous fait ses compliments. »

1 La date est fixée notamment par rapprochement avec la lettre du 14 septembre (voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-... ) au même qui fait référence elle aussi à la « lettre du 20 août » (http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/07/25/490b8d596f02afd3eb06f6b8d6215222-5829833.html)

 

Je suis trop heureux d'être à portée de faire un petit plaisir à un homme si respectable, et qui est mon ami depuis cinquante ans

... Euh ! enfin presque ... disons plutôt depuis quatre ans " dit Fanfoué à joli grand papa Alain Gayet, pépé de Julie , qui mérita tout à fait sa Légion d'honneur sans piston ce 14 juillet 2016 . Ce brave homme est Compagnon de la libération et on le met sur un pied d'égalité avec des acteurs, des politicards, Matthieu Ricard moine pas si détaché des breloques et honneurs y attachés , des hommes d'affaire et des opportunistes . De vraies pochettes-surprises que ces promotions de légionnaires .

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alain_Gayet

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« A Jean-Robert Tronchin

9 septembre [1761]

Je suis aussi honteux que reconnaissant de tous vos soins, mon cher correspondant . Je vous recommande M. le premier président de La Marche . Je suis trop heureux d'être à portée de faire un petit plaisir à un homme si respectable, et qui est mon ami depuis cinquante ans .

Je laisserai une fortune médiocre j'en conviens, mais Mme Denis en sera contente ; et tant que je vivrai vous contribuerez à notre bonheur . Ma tendre reconnaissance est égale à mon attachement .

V.

N.B. – Je n'ai plus d'argent . Voulez-vous avoir la bonté de m'envoyer la valeur de deux cents louis d'or ?

V. »