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25/06/2019

Je vous prie de me dire si les sœurs de la charité ont fini à Dijon leur poursuite

...

 

« A Joseph-Marie Balleidier

Aux Délices, 23 mai 1764 1

Je vous prie de me dire si les sœurs de la charité ont fini à Dijon leur poursuite contre Bétems de Moens et si on subhastera le bois qu’il a au milieu des bois de Ferney […] Je vous prie très instamment de faire les diligences les plus promptes [...]

1 Le manuscrit ne se trouvant plus dans les papiers Balleidier, il est impossible de dire si les deux fragments cités ici par Vézinet représentent le texte complet de la lettre : c'est peu probable .

24/06/2019

le courage, la résignation aux lois de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir noble de se sentir d’une autre nature que les sots, l’exercice de la faculté de penser, sont des consolations véritables

... Programme intéressant, isn't it ?

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

Aux Délices , 22è mai 1764 1

Vous me faites une peine extrême, madame ; car vos tristes idées ne sont pas seulement du raisonner 2, c’est de la sensation. Je conviens avec vous que le néant est, généralement parlant, beaucoup mieux que la vie ; le néant a du bon ; consolons-nous, nous en tâterons. Il est bien clair 3, que nous serons, après notre mort, ce que nous étions avant de naître ; mais, pour les deux ou trois minutes de notre existence, qu’en ferons-nous ? Nous sommes , à ce qu’on prétend 4(1), de petites roues de la grande machine, de petits animaux à deux pieds et à deux mains comme les singes, moins agiles qu’eux, aussi comiques, et ayant une mesure d’idées plus grande. Nous obéissons tous au mouvement général imprimé par le maître de la nature (2) ; nous ne nous donnons rien, nous recevons tout ; nous ne sommes pas plus les maîtres de nos idées que de la circulation du sang dans nos veines. Chaque être, chaque manière d’être tient nécessairement à la loi générale. Il est ridicule (3) et impossible que l’homme se donnât quelque chose (4), quand la foule des astres ne se donne rien , et que nous fussions libres (dans le sens théologien) quand (5) l’univers est esclave !

Voilà une belle chienne (6) de condition, direz-vous. Je souffre, je me débats contre mon existence que je maudis et que j’aime ; je hais la vie et la mort ; qui me consolera, qui me soutiendra ?  La nature entière est impuissante à me soulager.

Voici (7) , madame, ce que j’imaginerais pour remède. Il n’a dépendu ni de vous ni de moi de perdre les yeux (8), d’être privés de nos amis, d’être dans la situation où nous sommes. Toutes vos privations, tous vos sentiments, toutes vos idées sont des choses absolument nécessaires. Vous ne pouviez vous empêcher de m’écrire la très philosophique et très triste lettre que j’ai reçue de vous ; et moi je vous écris nécessairement que le courage, la résignation aux lois de la nature, le profond mépris pour toutes les superstitions, le plaisir noble de se sentir d’une autre nature que les sots, l’exercice de la faculté de penser, sont des consolations véritables.

Cette idée, que j’étais destiné à vous représenter, rappelle nécessairement dans vous votre philosophie. Je deviens un instrument qui en affermit un autre, par lequel je serai affermi à mon tour. Heureuses les machines qui peuvent s’aider mutuellement !

Votre machine est une des meilleures de ce monde. N’est-il pas vrai que, s’il vous fallait choisir entre la lumière et la pensée, vous ne balanceriez pas, et que vous préféreriez les yeux de l’âme à ceux du corps ? J’ai toujours désiré que vous dictassiez la manière dont vous voyez les choses, et que vous m’en fissiez part ; car vous voyez très bien et vous peignez de même.

 Dites moi, je vous prie , madame, votre critique de ma critique sur un endroit des Horace, cela vous amusera et m'éclairera . C'est une consolation de mettre son esprit sur la papier ; confiez-moi tout ce qui vous passe par la tête .(9)

J’écris rarement, parce que je suis agriculteur. Vous ne vous doutez pas de ce métier-là, c’est pourtant celui de nos premiers pères. J’ai toujours été accablé d’occupations assez frivoles qui m'engloutissaient tous mes moments (10); mais les plus agréables sont ceux où je reçois de vos nouvelles, et où je peux vous dire combien votre âme plaît à la mienne et à quel point je vous regrette. Ma santé devient tous les jours plus mauvaise, tout le monde n’est pas comme Fontenelle. Allons, madame, courage, traînons notre lien jusqu’au bout.

Soyez bien persuadée du véritable intérêt que mon cœur prend à vous et de mon très tendre respect.

V. (11)

Je suis très aise que rien ne soit changé pour les personnes auxquelles vous vous intéressez. Voilà un conseiller du parlement 5 intendant des finances ; il n’y en avait point d’exemple. Les Finances vont être gouvernées en forme. L’État, qui a été aussi malade que vous et moi, reprendra sa santé.6 »

1 L'original de cette lettre est conservé . On possède aussi la minute autographe de V* que Wagnière a fidèlement suivie pour transcrire la lettre . Deux autres manuscrits sont encore fortement intéressants . L'un est une copie avec des corrections autographes de V* : elle avait été préparée en vue d'une édition qui n'eut pas lieu . Cette copie à son tour portait tant de modifications qu'il fallut la transcrire de nouveau lorsque V* voulut y apporter de nouvelles corrections . D'autres copies n'ont pas d'intérêt . On a ici le texte qui fut réellement envoyé en réponse à la lettre de la marquise du 16 mai 1764 ci-après .

« Ce mercredi 16 mai 1764

« Je suis ravie , monsieur que l'honneur vous déplaise, il y a longtemps qu'il me choque , il refroidit, il nuit à la familiarité et ôte l'air de vérité . Je proposai il y a quelque temps à une personne de mes amies de le bannir de notre correspondance . Elle me répondit, faisons plus que François Ier, perdons jusqu'à l'honneur .  Vous avez bien mal lu ma dernière lettre, puisque vous avez compris que j'étais en liaison avec Mme de Pompadour . Je vous mandais que j'avais été fort occupée de sa maladie et de sa mort, et que je m'y intéressai autant que tant d'autres à qui cela ne faisait rien ; jamais je ne l'avais vue ni rencontrée, mais je lui avais cependant de l'obligation, et par rapport à mes amis j'appréhendais fort sa perte . Il n'y a pas d'apparence jusqu'à présent , qu'elle produise aucun changement dans leur situation . Voilà monsieur d'Albi archevêque de Cambrai . Voilà les dames qui suivent le roi à son premier voyage de saint-Hubert, et ce sont Mmes de Mirepoix, de Gramont et d'Ecquevilly . Je me chargerais volontiers de vous mander ces sortes de nouvelles si je croyais qu'elles vous fissent plaisir et que vous n'eussiez pas de meilleures correspondantes que moi .

« Un autre article de ma lettre que vous avez encore mal entendu, c'est que je vous disais que le plus grand de tous les malheurs était d'être né . Je suis persuadée de cette vérité et qu'elle n'est pas particulière à Judas, Job et moi , mais à vous, mais à feue Mme de Pompadour, à tout ce qui a été, à tout ce qui est et à tout ce qui sera . Vivre sans aimer la vie ne fait pas désirer sa fin, et même ne diminue guère la crainte de la perdre . Ceux de qui la vie est heureuse ont un point de vue bien triste, ils ont la certitude qu'elle finira . Tout cela sont des réflexions bien oiseuses, mais il est certain que si nous n'avions pas de plaisir il y a cent ans, nous n'avions ni peine ni chagrins , et des 24 heures de la journée, celles où l'on dort me paraissent les plus heureuses ; vous ne savez point et vous ne pouvez savoir par vous même quel est l'état de ceux qui pensent, qui réfléchissent, qui ont quelque activité, et qui sont dans le même temps sans talent, sans passion, sans occupation, sans dissipation, qui ont eu des amis, qui les ont perdus sans pouvoir les remplacer ; joignez à cela de la délicatesse dans le goût, un peu de discernement, beaucoup d’amour pour la vérité ; crevez les yeux à ces gens-là, et placez -les au milieu de Paris, de Pékin, enfin où vous voudrez, et je vous soutiendrai qu'il serait heureux pour eux de n'être pas né . L'exemple que vous me donnez de votre jeune homme est singulier, mais tous les maux physiques quelque grands qu'ils soient (excepté la douleur ) attristent et abattent moins l’âme , que les chagrins que nous causent le commerce et la société des hommes . Votre jeune homme est avec vous, sans doute qu'il vous aime, vous lui rendez des soins, vous lui marquez de l'intérêt, il n’est point abandonné à lui-même, je comprends qu'il peut être heureux . Je vous surprendrais si je vous avouais que de toutes mes peines, mon aveuglement et ma vieillesse sont les moindres . Vous concluerez peut-être de là que je n'ai pas une bonne tête, mais ne me dites point que c'est ma faute si vous ne voulez pas vous contredire vous-même ; vous m'avez écrit dans une de vos dernières lettres, que nous n'étions pas plus maîtres de nos affections , de nos sentiments, de nos actions, de notre maintien, de notre marcher, que de nos rêves ; vous avez bien raison et rien n'est si vrai ; que conclure de tout cela ? Rien et mille fois rien, il faut finir sa carrière en végétant le plus qu'il est possible .

« Une seule chose me ferait plaisir c'est de vous lire . Si j'étais avec vous , j'aurais l'audace de vous faire quelques représentations sur quelques-unes de vos critiques sur Corneille . Je les trouve presque toutes fort judicieuses, mais il y en a une dans Les Horaces à laquelle je ne saurais souscrire . Mais vous vous moqueriez de moi si j'entreprenais une dissertation .

Ayez bien soin de votre santé monsieur . Vous êtes heureux à ce qu'il me paraît, et vous adoucissez mes malheurs par l'assurance que vous me donnez de votre amitié et par le plaisir que me font vos lettres. »

2Sur cet emploi substantivé de l'infinitif raisonner, voir lettre du 14 mars 1762 à Thibouville : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2017/02/24/les-anges-ni-vous-ni-moi-ne-connaissaient-la-piece-il-y-a-qu-5914624.html

3 Le passage de Sénèque le Tragique auquel pense ici V* , comme en plusieurs autres occasions (Poème sur le désastre de Lisbonne, Traité sur la Tolérance, Dieu et les Hommes, De l'âme, Un chrétien contre six juifs ) est celui-ci , dans les Triades, 397, 407-408 : Postmortem nihil, ipsaque mors nihil […] / Quaeria quo jaceant post obitum loco ? / Quo non nata jacent. = Après la mort il n'y a rien, et la mort elle-même n'est rien […] Tu demandes où peuvent aller loger [les êtres] après la mort / Là où sont ceux qui ne sont pas nés .

Quant aux passages de Lucrèce concernant l' anéantissement posthume, V* les a relevés lui-même dans les Questions sur l'Encyclopédie (Les Pourquoi?).

4 Pour les variantes des éditions, repérées par les chiffres entre parenthèses voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-18.html

5 Laverdy .

6 Le post scriptum a été barré, puis restauré ; il est omis dans la troisième copie du manuscrit

23/06/2019

Ce Fréron n'est que le cadavre d'un malfaiteur qu'il est permis de disséquer

... Pour actualiser cette affirmation, remplacer Fréron par Balkany ( lequel est défendu par une star du barreau grand-guignolesque tant ses indignations -tarifées- sont écoeurantes ) .

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Qui les voudrait pour amis ?

 

 

« A Jean-François Marmontel, de l'Académie française

à Paris

Mon cher confrère, je n'ai eu chez moi M. le comte de Creutz 1 qu'un jour . J'aurais voulu passer ma vie avec lui . Nous envoyons rarement de pareils ministres dans les cours étrangères . Que de Welches, grand Dieu dans le monde . Je vous avoue que je suis de l'avis d'Antoine Vadé, qui prétend que nous ne devons notre réputation dans l'Europe qu'aux gens de lettres . Ils ont fait sans doute une grande perte dans Mme de Pompadour . Nous ne pouvions lui reprocher que d’avoir protégé Catilina et Le Triumvirat ; elle était philosophe . Si elle avait vécu elle aurait fait autant de bien que Mme de Maintenon a fait de mal . M. le comte de Creutz me disait qu’en Suède les philosophes n'avaient besoin d'aucune protection ; il en est de même en Angleterre , cela n'est pas tout à fait ainsi en France . Dieu ait pitié de nous, mon cher confrère . M. de Creutz m'apporta aussi une lettre du très philosophe frère d'Alembert 2. Dites, je vous prie, à ce très digne et très illustre frère, que je ne lui écris point, parce que lui avais écrit quelques jours auparavant .

Vous devez avoir reçu un Corneille, vous en recevrez bientôt un autre . Cramer a un chaos à débrouiller, je ne me suis mêlé en aucune manière des détails de l'édition ; et je n'ai encore en ma possession qu'un exemplaire imparfait que je n'ai pas même relu .

J'ai été très affligé de La Dunciade, ainsi que de la comédie des Philosophes, mais j'ai toujours pardonné à Jérôme Carré les petits compliments qu'il a fait de temps en temps à maître Aliboron dit Fréron . Ce Fréron n'est que le cadavre d'un malfaiteur qu'il est permis de disséquer .

On dit que frère Hélvétius est allé en Angleterre, en échange de frère Hume . Je ne sais si notre secrétaire perpétuel 3 me conserve toujours un peu d’amitié . Les frères doivent se réunir pour résister aux méchants, dont on m'a dit que la race pullule . Frère Saurin doit aussi se souvenir de moi dans ses prières . J'exhorte tous les frères à combattre avec force et prudence pour la bonne cause . Adressons nos communes prières à saint Zénon, saint Épicure, saint Marc-Antonin, saint Epictète, saint Bayle, et à tous les saints de notre paradis . Je vous embrasse bien tendrement.

Frère V.

21è mai 1764, aux Délices. »

1 Creutz est un ami de d'Alembert .

2 Cette lettre de d'Alembert n’est pas autrement connue .

3 C'est encore Duclos .

22/06/2019

Je vous souhaite, madame, les jours et l'estomac de Fontenelle, vous avez tout le reste

... Avec tout le respect que je vous dois Mme Brigitte Macron qui portez un prénom qui m'est particulièrement cher.

 

 

« A Marie-Thérèse Geoffrin 1

21è mai 1764 aux Délices

M. le comte de Creutz 2, madame, était bien digne de vous connaître ; il mérite tout ce que vous m’avez fait l'honneur de me dire de lui . S'il y avait un empereur Julien au monde c’était chez lui qu'il devrait aller en ambassade, et non chez les gens qui font des autodafés et qui baisent la manche des moines . Il faut que la tête ait tourné au Sénat de Suède pour ne pas laisser un tel homme en France . Il y aurait fait du bien, et il est impossible d'en faire en Espagne .

Je vous souhaite, madame, les jours et l'estomac de Fontenelle, vous avez tout le reste . Agréez le respect du vieux de la montagne .

V. 

Permettez la liberté que je prends de vous adresser l'incluse 3

3 Lettre à Marmontel qui fréquente assidûment le salon de Mme Geoffrin .

21/06/2019

D. – Pourquoi Dieu vous a-t-il créé et mis au monde ?           R. – Pour le servir et pour être libre.           D. – Qu’est-ce que la liberté ?           R. – C’est de n’obéir qu’aux lois.

... Et dire qu'il fut un temps où j'appris ces âneries et affirmations péremptoires du même tonneau , sacré nom de Zeus ! Je les ai heureusement oubliées, par Bacchus !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

21è mai 1764 aux Délices 1

Vos dernières lettres, mon cher frère, m’ont fait un plaisir bien sensible. Tout ce que vous me dites m’a touché. J’ai écrit sur-le-champ à Mlle Catherine Vadé . Elle m’a envoyé le papier ci-joint 2, et elle m’a dit que c’est tout ce qu’elle peut faire pour les Welches. Les véritables Welches, mon cher frère, sont les Omer, les Chaumeix, les Fréron, les persécuteurs, et les calomniateurs . Les philosophes, la bonne compagnie, les artistes, les gens aimables, sont les Français, et c’est à eux à se moquer des Welches.

Il est fort plaisant qu'on dise que Jérôme carré a proposé la paix à maître Aliboron . En vérité, c'est comme si on prétendait que Moran en disséquant Cartouche lui fit proposer un accommodement .

Je me doutais bien que quelque libraire de Paris ferait bientôt une sottise à l'égard des Commentaires sur Corneille et qu'on imprimerait à part 3 ce qui de doit l'être qu'avec le texte, et c’était pour prévenir cet abus welche que j'avais imaginé de faire les propositions les plus honnêtes aux libraires qui ont le privilège ; cela conciliait ; et Pierre, neveu de Pierre, aurait eu le temps de se défaire de sa cargaison, par les mesures que je voulais prendre ; mais tout se vend avec le temps, excepté la belle édition du galimatias de Crébillon, faite au Louvre. Frère Cramer m'a dit qu'il ferait tenir un exemplaire cornélien à M. Héron . Il doit l'avoir déjà reçu . Il ne sera pas mal pour l'édification des frères, et pour la confusion des méchants, que la Tolérance se débite sans éclat . Ne m'avez-vous pas dit qu'on en avait fait une petite édition à Rouen ?4 Celle de Cramer trouvera des débouchés ailleurs .

Je ne suis point fâché que Mlle Clairon n’ait pas repris Olympie ; il faut la laisser désirer un peu au public. Cette pièce forme un spectacle si singulier qu’on la reverra toujours avec plaisir, à peu près comme on va voir la rareté, la curiosité 5 ; elle ne doit pas être prodiguée.

Est-il vrai que frère Helvétius est en Angleterre ? On dit que la France a fait l’échange d’Helvétius contre Hume 6. Je viens de passer une journée entière avec le comte de Creutz 7, ambassadeur de Suède à Madrid. Plût à Dieu qu’il le fût en France ! c’est un des plus dignes frères que nous ayons. Il m’a dit que le nouveau Catéchisme, imprimé à Stockholm, commençait ainsi :

          D. – Pourquoi Dieu vous a-t-il créé et mis au monde ?

          R. – Pour le servir et pour être libre.

          D. – Qu’est-ce que la liberté ?

          R. – C’est de n’obéir qu’aux lois.

etc. 

Ce n’est pas là le catéchisme des Welches. Bonsoir ; j’ai trente lettres à dicter ; mon imagination se refroidit, mais mon cœur est toujours bien chaud pour vous.

Ecr. l’inf. »

1 L'édition de Kehl donne une version altérée, augmentée de fragments d'autres lettres et sous une autre date ; voir lettre du 7 mai 1764 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/06/07/nous-manquons-d-hommes-presque-en-tous-les-genres-si-nous-n-avons-point-de.html

2La Jeune Indienne, comédie de Chamfort jouée le 30 avril 1764 .

3 Allusion à des entreprises du libraire Duchesne à qui V* fit écrire, sous le nom et la main de Wagnière deux lettres qu'il dicta certainement ; voici le texte de la première ( on trouvera le texte de la seconde à propos de la lettre du 6 juin 1764 aux d'Argental .

A Monsieur Guy Duchesne/ Libraire/ rue Saint-Jacques, / au Temple du goût/ à Paris.

« Aux Délices 21è mai 1764

« M. de Voltaire, monsieur, ne se porte pas assez bien pour vous répondre lui-même ; il me charge de vous dire qu'il est très sensible au soin que vous prenez d'imprimer ses ouvrages ; mais il sait que vous avez eu de très infidèles copies de la tragédie de Zulime, et de la comédie du Droit du Seigneur ; il vous sera très aisé de substituer les deux véritables pièces aux fausses, dont vous vous êtes malheureusement chargé . Il entrera avec plaisir dans les frais que vous coûtera cette petite entreprise .

« Vous vous êtes trop pressé aussi d'imprimer les remarques sur Corneille, parce qu’étant détachées du texte, elles ne répondent pas aux dernières éditions des libraires de Paris, elle exigent une infinité de renvois, sans lesquels le lecteur en peut savoir à quoi ces notes se rapportent . Si vous n’avez pas pris ces précautions, il est à craindre que l’édition ne vous demeure .

« au reste, M. de Voltaire vous rendra tous les services qui dépendront de lui . J'ai l'honneur d'être, monsieur, votre tr_=s humble et très obéissant serviteur./Wagnière »

4 On a déjà mentionné cette édition dans la lettre du 15 avril 1764 à Cramer : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2019/05/13/nous-retombons-dans-la-barbarie-du-douzieme-et-treizieme-siecle.html

5 Sur cette expression , refrain d'une chanson, voir lettre du 16 décembre 1760 à Lekain : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-correspondance-annee-1760-partie-48-121093171.html

6 Ces voyages de Hume et Helvétius se sont bien déroulés .

7 Le comte Gustaf Filip Creutz devint plus tard ambassadeur de Suède à Paris ; voir une lettre de lui à David Hume du 4 février 1765 ; voir page 3 : http://excerpts.numilog.com/books/9782876231573.pdf

et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Gustaf_Philip_Creutz

et : https://data.bnf.fr/fr/12088774/gustav_philip_creutz/

 

20/06/2019

ces sentiments étranglés, tronqués, mutilés, que le public, lassé de tout, semble exiger aujourd’hui, ce goût me paraît welche

... Que dirais-tu mon ami Voltaire si tu voyais ce qu'on passe à la télé ?

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« A Charles Augustin Ferriol, comte d'Argental

et à

Jeanne-Grâce Bosc du Bouchet, comtesse d'Argental

21 Mai 1764 aux Délices

Que le nom d’anges vous convient bien, et que vous êtes un couple adorable ! Que les libraires sont Welches, et qu’il y a encore de Welches dans le monde ! Tout ira bien, mes divins anges, grâce à vos bontés. Vous avez raison, dans votre lettre du 14 de mai, d’un bout à l’autre. Je conçois bien qu’il y a quelques Welches affligés, mais il faut aussi vous dire qu’il y avait une page qui raccommodait tout, que cette page ayant été envoyée à l’imprimerie un jour trop tard n’a point été imprimée ; que cet inconvénient m’est arrivé très souvent, et que c’est ce qui redoublait ma colère de Ragotin 1 contre les libraires.

J’ai eu une longue conversation avec mademoiselle Catherine Vadé, qui s’est avisée de faire imprimer les fadaises de sa famille. Elle a retrouvé dans ses papiers ce petit chiffon que je vous présente pour consoler les Welches 2.

J’ai eu l’honneur aussi de parler aux roués. Il est très vrai qu’il ne faut pas dire si souvent à Auguste qu’il est un poltron ; mais quand on veut corriger un vers, vous savez que souvent il en faut réformer une douzaine. Voyez si vous êtes contents du petit changement. En voilà quelques-uns depuis la dernière édition ; vous pourriez, pour vous épargner la peine de coudre tous ces lambeaux, me renvoyer la pièce, et je mettrais tout en ordre.

Je corrige tant que je peux avant la représentation, afin de n’avoir plus rien à corriger après.

A l’égard des coupures, et de ces extraits de tragédie, et de ces sentiments étranglés, tronqués, mutilés, que le public, lassé de tout, semble exiger aujourd’hui, ce goût me paraît welche. C’est ainsi que dans Mérope on a mutilé, au 5ème acte, la scène du récit, en le faisant faire par un homme, ce qui est doublement welche. Il fallait laisser la chose comme elle était ; il fallait que Mlle Dubois fît le récit, qui ne convient qu’à une femme, et qui est ridicule dans la bouche d’un homme. Ces irrégularités serraient le cœur du pauvre Antoine Vadé.

Serez-vous assez adorables pour dire à M. le premier président de Dijon combien nous lui sommes redevables, maman et moi, combien nous lui sommes attachés ? Le ciel se déclare en notre faveur ; car ce M. Le Bault , qui préside actuellement le parlement de Bourgogne, est celui qui nous fournit de bon vin 3, et il n’en fournit point aux curés.

No[ta] – Ce n’est point un ex-jésuite qui a fait les Roués, c’est un jeune novice qui demanda son congé dès qu’il sut la banqueroute du Père Lavalette 4, et qu’il apprit que nos seigneurs du parlement avaient un malin vouloir 5 contre saint Ignace de Loyola. Le public, sans doute, protégera ce pauvre diable ; mais le bon de l’affaire, c’est qu’elle amusera mes anges ; je crois déjà les voir rire sous cape à la première représentation.

Je ne pourrai me dispenser de mettre incessamment M. de Chauvelin de la confidence. Comme c’est une affaire d’État ; il sera fidèle. S’il était à Paris, il serait un de vos meilleurs conjurés ; mais vous n’avez besoin de personne. Je viens de relire la pièce ; elle n’est pas fort attendrissante. Les Welches ne sont pas romains ; cependant il y a je ne sais quel intérêt d’horreur et de tragique qui peut occuper pendant cinq actes.

Je mets le tout sous votre protection. Respect et tendresse.

V. »

1C'est-à-dire une colère vaine , par allusion au personnage de Scarron dans le Roman comique ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Roman_comique

2 Le Supplément du discours aux Welches, en manuscrit ; toutes les allusions aux Vadé n'ont aucune réalité ; elles ne s'expliquent que par l'artifice de présentation des Contes de Guillaume Vadé .

3 Il est propriétaire du climat de Corton .

4 Sur la banqueroute du jésuite La Valette, dans laquelle est aussi impliqué le frère Sacy, voir lettre du 25 novembre 1759 à Chennevières : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2014/12/03/j-ai-ete-effraye-de-la-liste-des-impots-apparemment-qu-on-de-5502991.html

5 Intention maligne, intention d enuire .

19/06/2019

moins de nouvelles, moins de sottises

... C'est bien vrai ça !

Par contre aucune nouvelle de Mam'zelle Wagnière est angoissant . Comment allez-vous ? Ou êtes-vous ? que faites-vous ?

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Rose de Noël = délivrez- moi de mon angoisse !

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Perce-neige = espoir !

 

 

« A Etienne-Noël Damilaville

19è mai 1764 aux Délices 1

Je vous remercie bien, mon cher frère, de votre lettre du 11 de mai. Je me souviens que Catherine Vadé pensait comme vous, et disait à Antoine Vadé, frère de Guillaume , mon cousin, pourquoi faites-vous tant de reproches à ces pauvres Welches 2 ? Eh ! ne voyez-vous pas, ma cousine, répondit-il, que ces reproches ne s’adressent qu’aux pédants qui ont voulu mettre sur la tête des Welches un joug ridicule ? Les uns ont envoyé l’argent des Welches à Rome, les autres ont donné des arrêts contre l’émétique et le quinquina ; d’autres ont fait brûler des sorciers,  d’autres ont fait brûler des hérétiques et quelquefois des philosophes. J’aime fort les Welches, ma cousine ; mais vous savez que quelquefois ils ont été assez mal conduits. J’aime d’ailleurs à les piquer d’honneur et à gronder ma maîtresse.

Voilà ce que disait ce pauvre Antoine, dont Dieu veuille avoir l’âme ! et il ajoutait que tant que les Welches appelleraient un angiportus, cul-de-sac 3, il ne leur pardonnerait jamais.

J'enverrai demain la partie de votre lettre qui regarde la personne intéressée ; je suis bien aise qu'elle voie combien elle a tort . Je vous demanderai la permission de ne point envoyer la lettre à cachet volant, parce que venant de ma part elle paraîtrait mendiée ; et ce que vous me mandez étant beaucoup plus fort, fera un bien meilleur effet . Cette tracasserie était des plus étranges . Je ne puis assez, encore une fois, vous remercier de l'avoir finie .

Je vous demande en grâce d’écrire en droiture à frère Cramer pour avoir vos exemplaires de Pierre qui doivent être en route . Il y en a un qu'il faudra donner à M. Héron en cas qu'il n'en reçoive pas un de la part de frère Cramer en droiture . Je ne crois pas qu'à présent il en reste un seul à Genève, et moi-même je n'en ai qu'un seul exemplaire imparfait , sans figures, et sans la liste des souscripteurs . Je crois que les Cramer font une nouvelle édition qui paraîtra bientôt .

A l’égard du dessein où sont les libraires de Paris d’imprimer les Remarques à part, ce dessein ne pourrait être exécuté que longtemps après que M. Pierre Corneille, le petit-neveu, se serait défait de sa pacotille ; et si je ne puis empêcher cette édition, il faut mieux qu’elle soit bien faite et correcte qu’autrement. Ainsi, quand vous verrez mes anges, je vous prie d’examiner avec eux s’il n’est pas convenable de faire dire aux libraires de ma part, que je les aiderai de tout mon cœur dans leur projet ; cette espérance qu’ils auront les empêchera de se hâter, et ils pourront faire un petit présent à M. Pierre : voilà qu’elle est mon idée.

Dans ma dernière lettre, partie le 17, il y en avait une pour Briasson, qui ne regarde en aucune manière l’édition de Corneille. Je lui demande seulement la Démonstration évangélique de Huet 4, dont j’ai besoin. Je sais que cette Démonstration n’est pas géométrique 5; mais on se sert quelquefois en français du mot de démonstrations pour signifier fausses apparences.

Pardon mon cher frère de tout ce verbiage . Je suis bien aise qu'il n'y ait point de nouvelles de Paris . Je dis toujours comme dans L’Écossaise, moins de nouvelles, moins de sottises . Je vous embrasse bien tendrement .

Écrasez l'infâme .

Je dois des réponses à frère Grimm et à frère Thieriot ; mais je n'ai pas un moment à moi . »

1 L'édition de Kehl est amputée de près de la moitié et mêlée à un fragment de la lettre du 21 mai 1764 ; voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/2014/07/correspondance-annee-1764-partie-17.html

2 Voir Discours aux Welches .

4 Demonstratio evangelica, 1679, de Pierre-Daniel Huet ; voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre-Daniel_Huet

et https://data.bnf.fr/fr/12175668/pierre-daniel_huet/