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06/08/2024

Le bibliothécaire s'acquitte de son devoir du mieux qu'il peut

... La preuve : https://www.bnf.fr/fr/actualites

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Un petit pas pour l'Homme...

 

 

« A Jean-François-René Tabareau

25è janvier 1769

Le bibliothécaire a été très inquiet de la santé de monsieur Tabareau . Il lui fait ses très sincères et tendres compliments pour son rétablissement . Il lui envoie ces trois exemplaires qu'il a reçus de Bâle 1. Cela pourra l'amuser dans sa convalescence s'il aime l'histoire naturelle . S'il ne l'aime pas, il est dispensé de la lecture . Il y a un exemplaire pour M. Vasselier et un autre pour M. de Borde . Le bibliothécaire s'acquitte de son devoir du mieux qu'il peut. »

05/08/2024

Je ne crois point ce que j'ai lu dans des gazettes

... Non la Seine n'est pas toxique, en tout cas pas suffisamment pour rendre malade en un seul bain : https://www.msn.com/fr-fr/sport/other/seine-contamin%C3%A...

 

 

 

« Au prince Dmitri Alexeïevitch Golitsin

Au château de Ferney par Genève 25 janvier 1769 1

Monsieur le prince,

Je suis pénétré du souvenir de Votre Excellence . Vous avez bien raison si vous me comptez dans le nombre des Français qui vous sont véritablement attachés 2...

L'inoculation dont l'impératrice a tâté en bonne fortune et sa générosité envers son médecin 3 ont retenti dans toute l’Europe . Il y a longtemps que j'admire son courage et son mépris pour les préjugés . Je ne crois pas que Moustapha soit un génie à lui résister . Jamais philosophe ne s'est appelé Moustapha . On ne dira peut-être qu'avant ce siècle il n'y avait point de philosophe nommé Catherine ; mais aussi je veux qu'elle s'appelle Thomiris et qu'elle donne bien fort sur les oreilles à celui qui possède aujourd'hui une partie des États de Cyrus . J'ai eu l'honneur de lui marquer 4 que si elle prend Constantinople, j'irai avec sa permission m'établir sur le Propontide, car il n'y a pas moyen qu'à soixante et quinze ans j'aille affronter les glaces de la mer Baltique .

Je crois qu'il y a un prince de votre nom 5 qui commandera une armée contre les musulmans . Le nom de Gallitzin est d'un bon augure pour la gloire de la Russie .

Je ne crois point ce que j'ai lu dans des gazettes que les canonniers français sont allés servir dans l'armée ottomane . Les Français ont tiré leur poudre aux moineaux dans la dernière guerre, oseront-ils tirer contre l'aigle de Catherine Thomiris ?

J'ai l'honneur, etc. »

1 Original ; édition Kehl ; baron Th. A Bühler , « Ne izlannyia pàsma Voltera », 1875.

2 Ici le texte cité dans l'édition Bühler, et ici commence le texte donné dans l'édition de Kehl.

3 Dimsdale . Voici d'ailleurs le texte de la lettre de Catherine à laquelle nous verrons bientôt la réponse directe de V* : https://fr.wikisource.org/wiki/Correspondance_de_Voltaire/1768/Lettre_7419

Cette lettre a un autre post scriptum dans l'édition Garnier . La version correcte est :  « Je prends une fois de plus la plume pour vous prier de vous servir de la fourrure jointe contre le vent de bise et la fraîcheur des Alpes, qu'on m'a dit vous incommoder quelquefois . Adieu, monsieur, lors de votre entrée à Constantinople j'aurai soin de faire porter un bel habit à la grecque doublé des plus riches dépouille de la Sibérie, cet habit est bien plus commode et plus sage que ces habits déchiquetés dont toute l'Europe fait usage et dont aucun sculpteur ne peut vêtir ses statues crainte de les faire paraître si ridicules et mesquines. 

Ce 17 [28 n[ouveau] s[tyle]] décembre 1768. »

V* répond le 26 février 1769 :

5 Alexandre Mikhaïlovitch Golitsin, frère du ministre Dimitri Golitsin : https://fr.wikipedia.org/wiki/Alexandre_Mikha%C3%AFlovitch_Golitzine

 

04/08/2024

Je suis charmé que vous ayez eu le prix, et qu’il ait eu l’accessit. Quiconque vous suit de près est un très bon coureur

... Paroles de félicitations olympiques .

 

 

« A Gabriel-Henri Gaillard

23è janvier 1769 à Ferney

Vous me demandez pardon bien mal à propos, mon grand historien ; et moi, je vous remercie très à propos Je suis étonné qu’il n’y ait pas encore plus de fautes grossières dans l’édition du Siècle de Louis XIV. Je suis enterré depuis trois ans dans mon tombeau de Ferney, sans en être sorti. Cramer, qui a imprimé l’ouvrage, court toujours, et n’a point relu les feuilles. Vous verrez, dans la petite plaisanterie 1 que je vous envoie, que Cramer est homme de bonne compagnie, et point du tout libraire. Son compositeur est un gros Suisse qui sait très bien l’allemand et fort peu de français. Jugez ce que j’ai pu faire, étant aveugle trois ou quatre mois de l’année, dès qu’il y a de la neige sur la terre.

Vous avez donc connu Lally. Non seulement je l’ai connu, mais j’ai travaillé avec lui chez M. d’Argenson 2, lorsqu’on voulait faire sur les côtes d’Angleterre une descente que cet Irlandais proposa, et qui manqua très heureusement pour nous. Il est très certain que sa mauvaise humeur l’a conduit à l’échafaud. C’est le seul homme à qui on ait coupé la tête pour avoir été brutal. Il se promène probablement dans les Champs-Élysées, avec les ombres de Langlade, de la femme Sirven, de Calas, de la maréchale d’Ancre, du maréchal de Marillac, de Vanini, d’Urbain Grandier, et, si vous le voulez encore, de Montécucullo ou Montecucullo à qui les commissaires persuadèrent qu’il avait donné la pleurésie à son maître le dauphin François. On dit que le chevalier de La Barre est dans cette troupe .Jje n’en sais rien  mais si on lui a coupé la main et arraché la langue, si on a jeté son corps dans le feu pour avoir chanté deux chansons de corps-de-garde, et si Rabelais a eu les bonnes grâces d’un cardinal pour avoir fait les litanies du couillon 3, il faut avouer que la justice humaine est une étrange chose.

Vittorio Siri, dont vous me parlez, jeta en fonte la statue d’Henri IV, qu’il composa d’or, de plomb et d’ordures 4. Nous avons ôté les ordures et le plomb, l’or est resté. Nous avons fait comme ceux qui canonisent les saints : on attend que tous les témoins de leurs sottises soient morts.

Le bon Dieu bénisse cet avocat général de Bordeaux 5, qui a fait frapper la médaille d’Henri IV ! On dit qu’il est aussi éloquent que généreux. Les parquets de province se sont mis, depuis quelque temps, à écrire beaucoup mieux que le parquet de Paris. Il n’en est pas ainsi des académies de province, il faut toujours que ce soit des Parisiens qui remportent leurs prix ; tantôt c’est M de La Harpe, tantôt c’est vous 6. Vous marchez tous deux sur les talons l’un de l’autre quand vous courez. Je suis charmé que vous ayez eu le prix, et qu’il ait eu l’accessit. Quiconque vous suit de près est un très bon coureur.

Vous sentez quelle est mon impatience de voir un Henri IV 7 de votre façon. Vous aurez embelli son menton et sa bouche, il sera beau comme le jour.

Si je vous aime ! oui, sans doute, je vous aime, et autant que je vous estime ; car vous êtes un très bel esprit et une très belle âme. Je vous fais encore une fois mes remerciements du fond de mon cœur.

V. »

1 Sans doute la Guerre civile de Genève. (Georges Avenel)

2 Certainement lorsqu'il recueillait les matériaux pour le futur Précis du siècle de Louis XV .

3 Rabelais, Pantagruel, III, xxvi, et III, xxviii ; voir https://www.gutenberg.org/files/1200/1200-h/1200-h#link32HCH0026

Le cardinal en question est Odet de Châtillon , protecteur de Rabelais : https://fr.wikipedia.org/wiki/Odet_de_Coligny

et : https://museeprotestant.org/notice/odet-de-coligny-cardinal-de-chatillon/

4 Vittorio Siri, Memorie recondite da l'anno 1601 fino al 1640, 1676-1679 . : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8703335g

5 Charles-Marguerite-Jean-Baptiste Mercier Dupaty : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste_Mercier_Dupaty

La médaille est celle gravée par L.-J. Cathelin d'après C.-N. Cochin : https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb44536204w

7 L’Éloge de Henri IV, qui a remporté le prix au jugement de l'académie royale des Belles-Lettres de La Rochelle, 1768 : https://books.google.fr/books?id=Ch0LY46RgqwC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false

Ces éloges de Henri IV sont au reste significatifs de l'état d'esprit de l'époque . Chacun d’entre eux, par contraste, constitue un blâme implicite du gouvernement .

03/08/2024

Quant au parlement et à l’ordre des avocats, presque tous ceux qui sont au-dessous de l’âge de trente-cinq ans sont pleins de zèle et de lumières

... On peut rêver ! Quelques données : https://datan.fr/statistiques

 

 

« A Charles-Augustin Ferriol comte d'Argental

23 janvier 1769

J’avouerai à mon divin ange qu’en faisant usage de tous les petits papiers retrouvés dans la succession de La Touche 1, je pense que le tout mis au net pourra n’être pas inutile à la vénérable compagnie ; mais permettez-moi de penser que ces brouillons de La Touche peuvent procurer encore un autre avantage, celui de rendre toute persécution odieuse et d’amener insensiblement les hommes à la tolérance. C’était le but de ce pauvre Guimond, qui n’a pas été assez connu. Il faut qu’à ce propos je prenne la liberté de vous faire part de l’effet qu’ont produit certains petits ouvrages dans Toulouse même. Voici ce que me mande un homme en place très instruit 2 :

« Vous ne sauriez croire combien augmente dans cette ville le zèle des gens de bien et leur amour et leur respect pour le patriarche de la tolérance et de la vertu. Vous savez que le colonel de mon régiment et ses majors généraux sont tous dévoués à la bonne doctrine. Ils la disséminent avec circonspection et sagesse, et j’espère que dans quelques années elle fera une grande explosion. Quant au parlement et à l’ordre des avocats, presque tous ceux qui sont au-dessous de l’âge de trente-cinq ans sont pleins de zèle et de lumières, et il ne manque pas de gens instruits parmi les personnes de condition.3 »

Par une autre lettre, on me mande que le parlement regarde aujourd’hui la mort de Calas comme un crime qu’il doit expier, et que Sirven ne risquerait rien à venir purger sa contumace à Toulouse, il me semble, mon cher ange, que c’était votre avis. Si je peux compter sur ce qu’on m’écrit, certainement j’enverrai Sirven se justifier et rentrer dans son bien.

Je suis tous les jours témoin du mal que l’intolérance de Louis XIV, ou plutôt de ses confesseurs, a fait à la France. Le gain que vous ferez en prenant la Corse ne compensera pas vos pertes.

Il est bon que la persécution soit décriée jusque dans le tripot de la Comédie ; mais malheureusement les assassins du chevalier de La Barre n’entendront jamais ni Lekain, ni Mlle Vestris.

Vous ne m’avez point instruit du nom des dames qui doivent passer avant la fille du jardinier .4 Je crois que ce sont de hautes et puissantes dames à qui il faut faire tous les honneurs. Je ne vous dissimule pas que j’ai grande envie que la jardinière soit bien reçue à son tour. N’avez-vous point quelque ami qui pût engager le lieutenant de police à lui accorder la permission de vendre des bouquets ? Il me semble qu’à présent l’odeur de ses fleurs n’est pas trop forte et ne doit pas monter au nez d’un magistrat. Quelque chose qui arrive, songez que je vous suis plus attaché qu’à ma jardinière.

Mille tendres respects aux deux anges. 

V.»

1 Voir lettre du lettre du 25 juin 1757 à d'Argental : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/11/12/en-attendant-ils-montrent-leur-cul-au-roi-de-prusse-mais-il.html

et celle du 12 janvier 1758 à Sénac de Meilhan : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2013/03/21/je-me-fais-un-plaisir-de-chercher-toutes-les-raisons-qui-peu.html

C’est sous le nom de Guimond La Touche que Voltaire voulait donner sa tragédie .

2 L’abbé Audra.

3 Il s'agit toujours de la lettre de Joseph Audra, mais ici V* cite le paragraphe intégralement ; voir lettre du 5 janvier 1769 à Gaubert Lavaysse : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/07/17/il-est-vrai-qu-il-s-y-trouve-plus-qu-ailleurs-des-hommes-dur-6507350.html

4 La tragédie des Guèbres.

02/08/2024

ces gens-là ont l'esprit trop dur

... Et le coeur sec !

Sans citer de noms dont la liste est interminable, on en trouve autant que du fumier dans les écuries d'Augias et il faudrait un nouvel Hercule pour s'en débarrasser . Je le prierai de commencer par la Russie et le Moyen-Orient, puis l'Afrique, l'Asie, l'Amérique, puis enfin l'Europe . J'ose espérer que l'Antarctique est encore un havre où la science abolit la haine guerrière .

 

 

 

« A Joseph Vasselier

Je vous prie, mon cher correspondant, de vouloir bien dire à M Tabareau combien je m'intéresse à sa santé, et d'avoir la bonté de m'en apprendre des nouvelles . Il est bien étrange que les jésuites aient encore un parti à Lyon . Il y a des gens qui voudraient que le dernier jésuite eût chassé le dernier oratorien ; mais ces gens-là ont l'esprit trop dur .

Le solitaire vous embrasse de tout son cœur .

20è janvier 1769 à Ferney. »

Permettez-moi ensuite d’en appeler à tous les commentateurs passés et à venir.

... Prudence et hypocrisie si vous tenez à votre place ; vous êtes appelés à être entendus par des millions d'auditeurs et surveillés comme le lait sur le feu, attention à tout propos qui pourrait vexer , l'humour et le second degré ne sont pas de mise, la sanction est immédiate comme celle de Bob Ballard "scandaleux" sexiste : https://www.francetvinfo.fr/les-jeux-olympiques/paris-202...

Médaille d'or de la lâcheté pour la chaîne Eurosport qui s'est dégonflée face à X-Fesse-de-bouc , doublée de la médaille  des culs serrés .

 

 

 

« A Louise-Bernarde Berthier de Sauvigny

20 janvier 1769 1

Je commence, madame, par vous remercier de la boîte que vous voulez bien avoir la bonté de me faire parvenir par M. Lullin.

Permettez-moi ensuite d’en appeler à tous les commentateurs passés et à venir. Certainement, madame, vous dire qu’il est à craindre que des réfugiés, et surtout un banqueroutier chicaneur, ne déterminent monsieur votre frère à se plaindre, ce n’est pas vous dire qu’il vous menace et qu’il plaidera. Certainement vous exposer ses douleurs et son malheur, solliciter votre pitié naturelle pour votre frère, ce n’est pas vous animer l’un contre l’autre. Je ne connais point d’homme de son état qui soit plus à plaindre, et je n’ai pas douté un moment, quand vous avez voulu que je le fisse venir chez moi, que vous n’eussiez intention de soulager, autant qu’il est en vous, des infortunes si longues et si cruelles : il se les est attirées, je l’avoue ; mais il en est bien puni.

Je ne savais qu’une petite partie de ses fautes et de ses disgrâces. J’ai tout appris ; vous m’en avez chargé ; je lui ai fait quelques reproches, et il s’en fait cent fois davantage. Je crois que l’âge et le malheur l’ont mûri ; mais il est d’une facilité étonnante. C’est cette malheureuse facilité qui l’a plongé dans l’abîme où il est.

Voilà pourquoi j’ai pensé qu’il est à propos de le tirer des mains de l’homme 2 qui semble le gouverner dans le pays de Neuchâtel, et qui lui mange le peu qui lui reste. J’ai cru que ce serait lui rendre un très grand service, et ne pas vous désobliger. Cet homme a été autrefois connu de monsieur votre père 3, et ensuite receveur en Franche-Comté. Il a perdu tout son bien, et vit absolument aux dépens de M. de Morsan. Enfin monsieur votre frère me mande qu’il ne lui reste plus que dix-huit francs. C’est sans doute un grand et triste exemple qu’un homme, né pour avoir deux millions de bien, soit réduit à cette extrémité. Ses fautes ont creusé son précipice ; mais enfin vous êtes sa sœur, et votre cœur est bienfaisant.

Il m’a envoyé un exemplaire de l’arrêt du conseil, du 2 août 1760. Je vois que ses dettes se montaient alors, tant en principaux qu’en intérêts, à plus de onze cent vingt mille livres. Assurément il n’avait pas brillé pour sa dépense.

Je vois, par un mémoire intitulé Succession de monsieur et de madame d’Harnoncourt, que, tout payé, il lui reste encore quatre cent vingt-quatre mille et tant de livres substituées, indépendamment des effets restés en commun, qui ne sont pas spécifiés. Ainsi je ne vois pas comment on lui a fait entendre qu’il pouvait avoir quarante-deux mille livres de revenu.

Quel que soit son bien, je l’exhorte tous les jours à être sage et économe. Mais je crois, comme j’ai eu l’honneur de vous le mander 4, madame, qu’il est de son devoir d’assurer, autant qu’il le pourra, une petite pension à la nièce de l’abbé Nollet, qui s’est sacrifiée pendant quatorze ans pour lui. Je conçois bien que ce n’est pas à vous de ratifier cette pension, puisque vous n’êtes pas son héritière, et que c’est une affaire de pure conciliation entre lui et Mme Nollet, dans laquelle vous ne devez pas entrer. Je n’insiste donc que sur votre compassion pour les malheureux, surtout pour un frère. Je ne lui connais, depuis qu’il est mon voisin, d’autre défaut que celui de cette facilité qui le plonge souvent dans l’indigence. Le premier aventurier qui paraît puise dans sa bourse. Ce serait une vertu s’il était riche ; mais c’est un vice, quand on s’est appauvri par sa faute.

Je crois vous avoir ponctuellement obéi, et vous avoir assez détaillé tout ce qui est venu à ma connaissance. Ma conclusion est qu’il faudrait qu’il se jetât entre vos bras, que vous lui tinssiez lieu de mère, quoique vous soyez plus jeune que lui ; qu’il sortît de Neuchâtel, et qu’il ne fût plus gouverné par un homme qui peut le ruiner et l’aigrir ; qu’il vécût dans quelque terre, comme madame sa femme. Il a besoin qu’on gouverne ses affaires et sa personne. Il faut surtout qu’il tombe en bonnes mains. Il aime les lettres, il a des connaissances ; l’étude pourrait faire sa consolation. Enfin je voudrais pouvoir diminuer les malheurs du frère, et témoigner à la sœur mon attachement inviolable et mon zèle.

J’ai l’honneur d’être avec bien du respect . »

1 Minute largement révisée par V* ce qui montre l'importance qu'il attache à cette lettre ; édition Supplément au recueil, II, 11è-120.

2 Guérin .Voir lettre du 30 janvier 1769 à Mme de Sauvigny : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/correspondance-annee-1769-partie-4.html

3 Pierre Durey d’Harnoncourt : 6 mai 1682-27 juin 1765 . Voir : https://books.openedition.org/pufc/3100?lang=fr

Il y a longtemps que je sais que les femmes ne sont pas infiniment exactes en affaires

... Première réaction : Voltaire sale misogyne ! 

Après réflexion, que j'espère éclairée, j'espère que vous avez noté ce qui fait toute la différence, et supprime toute condamnation : infiniment . Ce qui nous met tout simplement à égalité avec les hommes qui eux aussi ne peuvent être infiniment exacts en affaires . Et c'est parce qu'il sait ce qu'il dit que j'aime infiniment le patriarche .

 

 

 

« A Marie de Vichy de Chamrond, marquise Du Deffand

20è avril 1769

Je vous avais bien dit, madame, que j’écrivais quand j’avais des thèmes 1. J’ai hasardé d’envoyer à votre grand’maman ce que vous demandiez . Cela lui a été adressé par la poste de Lyon, sous l’enveloppe de son mari. Vous n’avez jamais voulu me dire si messieurs de la poste faisaient à votre grand’maman la galanterie d’affranchir ses ports de lettres. Il y a longtemps que je sais que les femmes ne sont pas infiniment exactes en affaires.

Vous ne me paraissez pas profonde en théologie quoique vous soyez sœur d’un trésorier de la Sainte-Chapelle 2. Vous me dites que vous ne voulez pas être aimée par charité : vous ne savez donc pas, madame, que ce grand mot signifie originairement amour en latin et en grec . C’est de là que vient « mon cher », « ma chère ». Les barbares welches ont avili cette expression divine ; et de  charitas ils ont fait le terme infâme qui parmi nous signifie l’aumône.

Vous n’avez point pour les philosophes cette charité qui veut dire le tendre amour ; mais, en vérité, il y en a qui méritent qu’on les aime. La mort vient de me priver d’un vrai philosophe 3 dans le goût de M. de Formont 4; je vous réponds que vous l’auriez aimé de tout votre cœur.

Il est plaisant que vous vous donniez le droit de haïr tous ces messieurs, et que vous ne vouliez pas que j’aie la même passion pour La Bletterie. Vous voulez donc avoir le privilège exclusif de la haine ? Eh bien ! madame, je vous avertis que je ne hais plus La Bletterie, que je lui pardonne, et que vous aurez le plaisir de haïr toute seule.

Vous ne m’avez rien répondu sur l’étrange lettre du marquis de Bélestat. Je lui sais très grand gré de m’avoir justifié ; sans cela, tous ceux qui lisent ces petits ouvrages m’auraient imputé le compliment fait au président Hénault 5. Vous voyez comme on est juste.

Je m’applaudis tous les jours de m’être retiré à la campagne depuis quinze ans. Si j’étais à Paris, les tracasseries me poursuivraient deux fois par jour. Heureux qui jouit agréablement du monde ; plus heureux qui s’en moque et qui le fuit ! Il y a, je l’avoue, un grand mal dans cette privation : c’est qu’en quittant le monde je vous ai quittée . Je ne peux m’en consoler que par vos bontés et par vos lettres. Dès que vous me donnerez des thèmes, soyez sûre que vous entendrez parler de moi, que je suis à vos ordres, et que je vous enverrai tous les rogatons qui me tomberont sous la main.

Mille tendres respects.

V. »

2 Nicolas-Marie de Vichy de Chamrond ; V* a dicté nièce avant de corriger en sœur ; il est bien le frère de Mme Du Deffand : https://gw.geneanet.org/charaltouvi?lang=fr&n=de+vichy&oc=1&p=nicolas

3 Damilaville.

4 V* ne songe à ce rapprochement que parce que Formont a fait parie du cercle de Mme Du Deffand ; voir lettre du 8 mars 1769 à la marquise : http://www.monsieurdevoltaire.com/2015/08/correspondance-annee-1769-partie-9.html

Au reste le « fanatique » Damilaville était au reste très différend du dilettante Formont .

5 Voir lettre du 13 septembre 1768 à Hénault : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2024/03/26/m-6491423.html