10/12/2016
Mon plaisir est toujours égal à mon étonnement, quand je songe que c'est à Petersbourg qu'est né un de nos meilleurs juges
... Non, non, ne cherchez pas un nom, nom de nom, car point n'en trouverez en notre XXIè siècle français . A la rigueur un/une artiste , ou un mafieu, un je-ne-sais-quoi, mais pas un juge .
Je dois à la vérité que, faire l'âne pour avoir du son, en paraissant croire que Volti parle d'un juge au sens judiciaire n'est pas une réussite . Donc , un juge littéraire ,- pour revenir au sujet,- né à St Petersbourg, il n'en doit pas manquer, cette ville étant une pépinière d'artistes férus de français ( peut-être moins qu'au XVIIIè, je ne sais ), et si vous avez un nom à me souffler, je suis preneur .

« Au comte Alexandre Romanovitch Vorontsov
Aux Délices 11è décembre 1761 1
Votre nom , monsieur, est de ceux qui doivent le plus honorer Mlle Corneille et le grand homme dont elle porte le nom . Agréez sa reconnaissance et la mienne . Ce qui me touche encore plus, c'est votre goût pour les beaux-arts, c’est la connaissance parfaite que vous avez de notre langue ; c'est qu'en vérité il n'y a personne dont j'ambitionne plus le suffrage . Mon plaisir est toujours égal à mon étonnement, quand je songe que c'est à Petersbourg qu'est né un de nos meilleurs juges . Auriez-vous par hasard connu M. Ivan Alétof, qu'on appelait le Russe à Paris 2? Il était un peu malin, mais il n'avait pas votre esprit et vos grâces .
Pourrai-je me flatter, monsieur, si vous allez à Paris que vous prendrez le chemin de Genève ? Je vous supplierais très instamment de me donner la préférence sur les Balances et sur les Trois Rois 3. Puis-je prendre la liberté de faire ici mille tendres compliments à M. Pictet 4? Il est si heureux auprès de vous et si sensible à tout ce que vous valez, que vous me pardonnerez de bon cœur cette liberté . Comptez à jamais, monsieur,sur le sincère et tendre respect, avec lequel je serai toute ma vie
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire . »
1 Texte reconnu soigné et exact par Lyublinsky dans l'édition Vorontsov .
2 Sur Le Russe à Paris, voir lettre du 30 juin 1760 à Mme d'Epinay : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/06/30/temp-618044a67f9cb82c74e489919c392bc2.html
3 Deux auberges de Genève .Voir page 4 : http://www.patrigest.ch/Dufour-66a.pdf
4 François-Pierre Pictet ; voir : http://www.hls-dhs-dss.ch/textes/f/F49161.php
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09/12/2016
me faire avoir quand vous serez de loisir des bords d'argent à bon compte pour des chapeaux de domestiques
... Et des postes pour récompenser à l'aise les sponsors lors du changement de gouvernement, alors qu'on ne saura plus distinguer qui est le domestique de l'autre dans le camp des vainqueurs, et qu'on n'aura que l'embarras du choix à qui faire porter le chapeau de la défaite dans le camp vaincu .

Sorry miss ! no silver edge for you ! may be gold ?
« A Jean-Robert Tronchin , Banquier
à Lyon
Aux Délices 11 décembre 1761 1
On prétend qu'on emploiera des billets monsieur dans les rentes viagères que le roi vient de créer . On parle de coupons, j'en ai je crois quelques-uns . S'il est vrai qu'on reçoive moitié coupons moitié argent, et si j'ai assez de ces drogues pour composer en tout un capital de vingt mille livres sur la tête de Mme Denis et sur la mienne, voulez-vous bien avoir la bonté de me faire employer pour cette somme ?
Je n'ose abuser de vos bontés jusqu'à vous prier de me faire avoir quand vous serez de loisir des bords d'argent à bon compte pour des chapeaux de domestiques . Mme Denis, Mlle Corneille et moi nous faisons mille tendres compliments à toute votre maison .
V. »
1 Date portée deux fois par Tronchin .
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08/12/2016
Mon cher correspondant est très humblement remercié de son chocolat
... Merci encore St Nicolas, bien que je ne vous invoque guère, bien que je ne vous invoque pas du tout en fait , pas plus que ce fichu Père Noël qui est un sommet dans le monde des mensonges ; et après ça on voudrait que les enfants ne mentent jamais !

... à la fois !... La force a ses limites quand même .
« A Jean-Robert Tronchin
[Aux Délices 9è décembre 1761] 1
Mon cher correspondant est très humblement remercié de son chocolat . Je prends la liberté de lui adresser le petit rafraichissement ci-joint .
Les Délices vous saluent .
V. »
1 Date complétée par Tronchin .
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soit dit sans vous déplaire, tous les raisonnements des hommes ne valent pas un sentiment d'une femme
... Que ce soit amour ou détestation , tous sentiments de femme échappent à notre raison, à juste titre souvent, je n'ose pas dire toujours, pour rester au plus près du monde cartésien . Mon cher Voltaire, vous soignez votre part féminine, vous savez le coeur des femmes , et ce n'est pas Mam'zelle Wagnière qui dira le contraire :-)

Joyeuse et belle fête des lumières/Lumières à ma Lyonnaise préférée !
« A Bernard-Louis Chauvelin
A Ferney 6 décembre 1761 partira quand pourra .
Disposez, ordonnez ; je pars avec douleur de Ferney où j'ai bâti un très joli théâtre, pour aller sur le territoire damné de Genève qui a déclaré la guerre aux théâtres . Ne trouvez-vous pas qu'il faudrait brûler cette ville ? En attendant que Dieu fasse justice de ces hérétiques, ennemis de Corneille et du pape, je ferai transcrire l’œuvre des six jours tel qu'il est . Je n'y veux rien changer . Je veux devoir les changements à vos conseils, et surtout à l'impression que cela fera sur le cœur de madame Chauvelin car soit dit sans vous déplaire, tous les raisonnements des hommes ne valent pas un sentiment d'une femme . Je ne dis pas cela pour vous dénigrer, mais je prétends que si vous approuvez, et que si madame Chauvelin est émue, la pièce est bonne ou du moins touchante ce qui est encore mieux . En un mot, vous l'aurez et je vous remercie de me l'avoir demandée .
Je me mets aux pieds de votre belle actrice . Quand verrai-je le jour où elle jouera la fille, et Mme Denis la mère, et moi le bonhomme ! Je persiste fermement dans l'opinion où je suis que Dieu nous a créés et mis au monde pour nous amuser . Que tout le reste est plat ou horrible . Je supplie Votre Excellence de vouloir bien dire à M. Gastaldi, combien je l'estime, j'ose dire même combien je l'aime .
Recevez mes tendres respects .
V. »
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07/12/2016
Est-ce du vieux ? est-ce du nouveau ? Est-ce du bon ?
... Que ce soit du vin ou des ministres, seule compte la qualité .
M. Cazeneuve me semble adéquat pour son nouveau poste, Bruno Le Roux n'affiche pas encore la couleur, Valls a un passé d'intolérance qui le rattrape, et vive la France ...

Comprenne qui peut !
« A Etienne-Noël Damilaville
Le 6 décembre [1761] 1
Je souhaite la bonne année 1762 aux frères . Je m'y prends de bonne heure, car j'ai hâte .
Quelles nouvelle du Parnasse et du théâtre, et même des affaires profanes ?
Frère Helvétius est-il revenu à Paris ?
Frère Thieriot augmentera-t-il de paresse ?
À quand l'Encyclopédie ? l'aurons-nous en 1762 ?2
Que dit-on de la santé de Clairon et de la vive Dangeville ?
Le Journal de Trévoux continue-t-il toujours ?3
Berthier est-il ressuscité ?4
Crevier est-il mort ?5
Qu'est-ce donc que ce livre De la nature ?6 est-ce un abrégé de Lucrèce ? Est-ce du vieux ? est-ce du nouveau ? Est-ce du bon ? S'il y a mica salis 7, envoyez-le à votre frère du désert .
Est-il vrai que le gouvernement emprunte quarante millions ? et à qui, bon Dieu ? Où trouvera-t-on ces quarante millions ? Il y a des gens qui les ont gagnés, mais ceux-là ne les prêteront pas . Interim valete fratres .
Voici une lettre pour l'abbé Irail, 8 auteur de belles querelles . Mais où demeure-t-il ce M. Blin de Sainmore qui a fait de très jolis vers pour moi, et qui a tant fait parler la belle Gabrielle ?9 »
1 L'édition de Kehl et toutes celles qui suivent mêle à cette lettre des extraits de celle du 13 novembre 1761 à Damilaville .
2 Le volume suivant de l'Encyclopédie ne parut qu'en 1765 . Voir : https://fr.wikipedia.org/wiki/Encyclop%C3%A9die_ou_Dictionnaire_raisonn%C3%A9_des_sciences,_des_arts_et_des_m%C3%A9tiers
3 Les Mémoires de Trévoux survécurent jusqu'à la suppression des jésuites en 1762 . Voir : http://dictionnaire-journaux.gazettes18e.fr/journal/0889-memoires-de-trevoux-1
4 Le père Berthier, directeur des Mémoires de Trévoux depuis 1745, survécut jusqu'au 13 décembre 1782, ce qui le « vengea » de l'opuscule de V* annonçant sa prétendue mort .
5 Jean-Baptiste-Louis Crevier mourut en 1765 ; V* avait dû avoir l'attention attirée sur lui du fait de la publication de son Histoire de l'université de Paris depuis son origine jusqu'en l'année 1600, 1761 . Voir : http://data.bnf.fr/11898164/jean-baptiste-louis_crevier/
et : https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Baptiste-Louis_Crevier
et : http://onlinebooks.library.upenn.edu/webbin/book/lookupname?key=Crevier%2C%20Jean-Baptiste-Louis
6 Il s'agit de l'ouvrage, paru sous l'anonymat, de Jean-Baptiste-René Robinet, De la nature, 1761 ; ce passage montre que V* écrivait Les Chevaux et les Ânes ou Étrennes aux Sots, qui , quoique datés du 1er janvier 1762 étaient imprimés dès le 15 décembre 1761 environ . Il y fait mention du « lourd Crevier, pédant, crasseux et vain . », voir page 412 : https://books.google.fr/books?id=3NhIAQAAMAAJ&pg=PA122&lpg=PA122&dq=lourd+Crevier,+p%C3%A9dant,+crasseux+et+vain&source=bl&ots=yWR5lljoch&sig=r1SoCRajH-GoEk2ExfTWZEbtTTQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiaotTMj-DQAhVFvBoKHQO-CDwQ6AEIHDAA#v=onepage&q=lourd%20Crevier%2C%20p%C3%A9dant%2C%20crasseux%20et%20vain&f=false
et lettre du 9 juin 1763 à La Chalotais : https://books.google.fr/books?id=3NhIAQAAMAAJ&pg=PA122&lpg=PA122&dq=lourd+Crevier,+p%C3%A9dant,+crasseux+et+vain&source=bl&ots=yWR5lljoch&sig=r1SoCRajH-GoEk2ExfTWZEbtTTQ&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwiaotTMj-DQAhVFvBoKHQO-CDwQ6AEIHDAA#v=onepage&q=lourd%20Crevier%2C%20p%C3%A9dant%2C%20crasseux%20et%20vain&f=false
7 Un grain de sel, expression proverbiale qu'on trouve dans Catulle LXXXVI, 4 ; voir page 106 : https://books.google.fr/books?id=ikYrDQAAQBAJ&pg=PA106&lpg=PA106&dq=catulle+LXXXVI,+4+mica+salis&source=bl&ots=pS4uxXnjls&sig=onwyiFJULJfbycbit5WqB6iA4vI&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjAqvDWkeDQAhXMiRoKHR64AlIQ6AEIHjAA#v=onepage&q=catulle%20LXXXVI%2C%204%20mica%20salis&f=false
8 Voir lettre du 4 décembre 1761 à Irail : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/12/04/je-me-suis-avise-de-devenir-citoyen-apres-avoir-ete-longtemp-5882521.html
9 Voir la lettre du 23 septembre 1761 à Blin de Sainmore : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2016/09/06/ceux-qui-comme-vous-font-un-usage-si-heureux-de-leurs-talent-5844767.html
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06/12/2016
Vous me paraissez si honnête homme monsieur que je me confierai à vous, quoique vous autres ministres, en général, ne valiez pas grand chose
... En général, et bien souvent aussi en particulier .
Que vaut Valls (veaux, vaches, cochons, couvées )? Oserai-je lui confier la direction de la nation ? et par conséquent d'une part de mon quotidien ? A priori, non !
L'opération séduction commence, le plus difficile étant de convaincre ceux de son propre parti . On n'a pas fini de rigoler . PS = Primaires Sanglantes .
En attendant, qui va être le/la premier(e) ministre qui en moins de six mois va avoir le droit de toucher une retraite qu'un ouvrier ne peut avoir après 35 ans de travail ?

« A Bernard-Louis Chauvelin
A Ferney 6 décembre [1761]
Tout ce qui me fâche à présent dans ce monde, je l'avoue à Vos aimables Excellences, c'est qu'il y ait deux rôles de femme dans la plupart des pièces, car où trouver le pendant de Mme Chauvelin ? Je sais quel est son singulier talent ; mais si elle daigne jouer Andromaque, que devient Hermione ? Et si elle fait Hermione, il faut jeter Andromaque par la fenêtre . Elle est comme l'Arioste, se sto , chi va, se vo, chi sta ?1
Vous me paraissez si honnête homme monsieur que je me confierai à vous, quoique vous autres ministres, en général, ne valiez pas grand chose . Un certain Tancrède fut confié à M. le duc de Choiseul, et ce Tancrède encore tout en maillot courut Versailles, Paris et l'armée . Vous voulez mon œuvre des six jours . Je pourrai bien me repentir de mon œuvre comme Dieu 2, mais je ne me repentirai pas de l'avoir soumis ou soumise à vos lumières et à vos bontés . Reste à savoir comment je vous le dépêcherai, et comment vous me le redépêcherez . N'y a-t-il pas un courrier de Rome qui passe toutes les semaines par Lyon et par Turin ? Ne pourriez-vous pas faire écrire à M. Taboureau, directeur de la poste de Lyon, de vous faire tenir un paquet cacheté qui viendra de Genève, contenant environ seize cents vers qui ne valent pas le port ? »
1 Si je reste, qui va ? Si je vais , qui reste ?
2 Genèse, VI, 6 ; https://bible.catholique.org/livre-de-la-genese/3512-chapitre-6
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05/12/2016
Puisqu'il faut vous dire la vérité, monsieur, l'un de vos tonneaux a tourné entièrement . Je garde l'autre ; et j'attends le mois de mai pour le boire
... Dites vous que c'est là le début d'une fable, où les tonneaux sont des hommes politiques dont je vous laisse toute liberté de trouver le plus imbuvable, et lequel on peut garder pour le mois de mai . Je n'en dis pas plus, pour l'instant .

Piquette ? Oui ! On est loin d'avoir là un vin de garde .
« A Antoine-Jean-Gabriel Le Bault
A Ferney 5 décembre 1761 1
Puisqu'il faut vous dire la vérité, monsieur, l'un de vos tonneaux a tourné entièrement . Je garde l'autre ; et j'attends le mois de mai pour le boire . J'accepte avec foi et espérance le vin du cru de madame Le Bault ; il doit être agréable sans fadeur, fort sans trop de vivacité, bien coloré sans être trop foncé ni trop clair . Il doit plaire à tous les goûts, du moins c'est ce que j'imagine pour peu qu'il tienne de la propriétaire . Il est vrai que je suis bien pauvre , 1° grâce à la guerre, 2° grâce à une église que j'ai fait bâtir et pour laquelle on voulait me pendre, 3° grâce à un théâtre où je joue passablement les vieillards, mais qui est trop beau pour le pays de Gex, 4° grâce à M. De Brosses qui me coûte près de soixante mille livres pour un trou à vie que j'afferme douze cents livres . J'avoue qu'après avoir ainsi perdu 60 000 livres je le suis révolté contre lui pour deux cents francs . Son procédé m'a choqué, parce que j'y ai entrevu trop de mépris pour ma faiblesse . Je veux bien qu'on me ruine, mais je ne veux pas qu'on se moque de moi . Et si M. le président De Brosses m’avait donné son amitié pour mon argent, je ne me serais pas tant plaint du marché . Je vous avais fait très sérieusement, monsieur, juge du procédé et du procès . Il n'a point voulu d'arbitres ; et je commence à croire qu'il ne voudra point de juges, et qu'il abandonnera noblement cette importante affaire, où il s'agit du foin que peut manger une poule en un jour 2.
Vous faites très bien monsieur d’hériter de bons vignobles, et de ne point acheter comme moi très chèrement des terres qui ne donnent que du vin de Brie . Vous faites encore très bien de tailler en automne, vous en ferez plus tôt vendange . Je présente mes respects à madame Le Bault en attendant son vin . Je vous supplie de me conserver vos bontés et celles de monsieur le premier président et de monsieur le procureur général, vos coarbitres dans la grande affaire des fagots de Tournay .
J'ai l'honneur d'être sérieusement, et avec respect, monsieur,
votre très humble et très obéissant serviteur
Voltaire. »
1 Le Bault a noté sur le manuscrit : « M. de Voltaire demande du vin de Rully. ». Voir : http://www.vins-bourgogne.fr/nos-vins-nos-terroirs/tous-les-bourgognes/rully,2378,9172.html?&args=Y29tcF9pZD0xMzg2JmFjdGlvbj12aWV3RmljaGUmaWQ9Mzg3Jnw%3D
2 Allusion aux Plaideurs ,I, 7 , de Racine ; Chicanneau, vers 218 : http://www.theatre-classique.fr/pages/pdf/RACINE_PLAIDEURS.pdf
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