11/01/2012
vous avez deux grandes consolations, la philosophie et du tempérament
Lit vide, nid vide
« A M. de BRENLES
Aux Délices, 16 avril [1755]
Je partage votre douleur, monsieur, après avoir partagé votre joie 1; mais heureux ceux qui, comme vous, peuvent réparer leur perte au plus vite, je ne serais pas dans le même cas. Bien loin de faire d'autres individus, j'ai bien de la peine à conserver le mien, qui est toujours dans un état déplorable. En vérité, je commence à craindre de n'avoir pas la force d'aller sitôt à Monrion.
Soyez bien sûr, monsieur, que mes maux ne dérobent rien au tendre intérêt que je prends à tout ce qui vous touche. Je crois que Mme de Brenles et vous avez été bien affligés mais vous avez deux grandes consolations, la philosophie et du tempérament 2. Pour moi, je n'ai que de la philosophie; il en faut assurément pour supporter des souffrances continuelles qui me privent du bonheur de vous voir. Ma nièce s'intéresse à vous autant que moi, elle vous fait les plus sincères compliments, aussi bien qu'à Mme de Brenles. Nous apprenons que vous avez un nouveau bailli ce sera un nouvel ami que vous aurez.
Adieu, mon cher monsieur; je suis bien tendrement à vous pour jamais.
V. »
1 Les de Brenles viennent de perdre leur nouveau-né .
Voir lettre du 20 décembre 1754 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/10/26/a-ceux-qui-sont-aussi-attaches-aux-papes-que-je-le-suis.html
et du 29 mars 1755 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/01/03/les-sots-font-des-enfants-mais-ils-ne-font-pas-verser-des-la.html
2 Ici, V* sous entend : « Avoir du tempérament, être porté au plaisir physique de l'amour ». Voir par exemple la lettre à Mlle de Lubert :
Les neuf bégueules savantes
Avec leurs têtes de pédantes
...
Avaient peu de tempérament.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marguerite_de_Lubert
16:24 | Lien permanent | Commentaires (0)
10/01/2012
vous avez la permission de vous faire admirer à Lyon tant qu'il vous plaira
Si Lekain eut la permission de se "faire admirer" à Lyon en 1755, moi, je connais quelqu'un d'autre qui en toute simplicité et une ténacité extraordinaire travaille à faire connaître Volti au monde entier . Mam'zelle Wagnière , que Volti vous garde et vous "embrasse tendrement", autant que vous l'admirez .
Si j'ai bien compté, en effeuillant cette paquerette, on arrive à "passionnément" !
« A M. LEKAIN.
Aux Délices, près de Genève, 14 avril 1755.
M. le duc de Richelieu, tout malade qu'il est, n'a point perdu de temps, mon cher et grand acteur. Il a écrit à M. de Roche-Baron 1, et vous avez la permission de vous faire admirer à Lyon tant qu'il vous plaira 2. Vous devez avoir reçu cette permission, dont vous doutiez, nous vous en faisons notre compliment, Mme Denis et moi. Vous recevrez peut-être ce petit billet à Paris.
Aimez-nous dans quelque pays qu'on vous admire. Je vous embrasse tendrement.
V. »
1 Louis-Marie-Augustin de La Rochebaron, duc d’ Aumont(1709-1782), premier gentilhomme de la chambre, responsable des divertissements de la cour, et de la Comédie-Française .
2 Voir lettre du 2 avril 1755 à Richelieu : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/01/05/laissez-moi-me-flatter-d-obtenir-cette-faveur-que-je-vous-de.html
14:12 | Lien permanent | Commentaires (0)
09/01/2012
heureux celui qui contemple ces débats, et qui en rit en secret!
Inspiré par Kala69, que je remercie pour le partage de ses oeuvres d'art photographiques .
Voici la réponse de Dupont à la lettre du 6 avril de Voltaire .
« DE M. DUPONT
Avocat.
Colmar, 15 avril 1755.
Vous m'écrivez des Délices. Que cette terre est bien nommée vous y habitez. Lorsque vous étiez à Colmar, j'aurais pu dater de même. Tandis que vous élevez des murs sur un terrain étranger, je vous élève des autels dans mon cœur. J'envie le sort de vos ouvriers. Ils vous voient, ils vous entendent; que ne suis-je au milieu d'eux ! Hélas l le destin ne le veut pas, il faut bien s'y soumettre, malgré qu'on enrage. On a cela de commun avec Jupiter.
Vos infirmités me désespèrent. Faut-il donc que la santé imite la fortune, et qu'elle ne se donne qu'à des gens qui en font mauvais usage ? Encore la fortune est-elle plus judicieuse, du moins vous a-t-elle bien traité à quelques égards. Mais pour la santé, elle vous a toujours été cruelle. L'espèce de gens qu'elle traite bien dégoûte de ses faveurs. Heureusement vous avez su vous en passer, persistez dans votre mépris, puisqu'elle persiste dans son oubli; continuez à faire votre corps tous les matins, et votre exemple apprendra aux hommes l'art de digérer sans estomac, le secret d'être gai dans les douleurs et de se bien porter étant malade. Conservez votre corps au milieu des maladies, comme un pilote habile conserve son vaisseau au milieu des orages; et si la Providence veut que l'on croie ce que l'on dit de la longue vie des patriarches, qu'elle vous fasse durer en années ce que vos écrits dureront en siècles, vous méritez bien ce miracle. Après avoir lu les deux Électres de Sophocle et d'Euripide, les Choéphores d'Eschyle, et l'Électre de Crébillon, j'ai lu la tragédie d'Oreste. Ah ! quelle différence ! si l'un des trois Grecs avait fait Oreste, avec quel transport d'admiration n'en parlerait-on pas?
Le parlement a osé dire dans un arrêt qu'il y avait abus dans l'exécution de la bulle Unigenitus. C'était donner un coup de couteau dans la cuisse du bœuf Apis. Le conseil d'État vient de punir cet horrible sacrilége en cassant l'arrêt du parlement; on imite assez bien les anciens prêtres d'Égypte : on punit ceux qui ne sont pas superstitieux ; heureux celui qui contemple ces débats, et qui en rit en secret!
Mme et MM. de Klinglin ont été enchantés de votre ressouvenir. Nous avons vu ici l'ex-préteur. Quel stoïcien , il a autour du cœur une cuirasse d'airain qui émousse tous les traits de la mauvaise fortune. Aucun n'a pu pénétrer ; quoique tout le monde le trouve malheureux, il est heureux à sa manière.
Que ferai-je avec M. de Paulmy? Y songez-vous? Ressouvenez-vous qu'Horace bégayait devant Mécène quand il y fut présenté par Virgile; que fera donc un pauvre diable qui n'a ni langue ni plume que pour dire et pour écrire, en mauvais style, qu'il vous est entièrement dévouè, et qu'il n'a d'autre bonheur que de penser que vous daignez quelquefois vous ressouvenir de lui? »
23:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
La meilleure manière de réussir est de vous montrer et de parler
Cet excellent conseil ( digne d'un coach du XXIè siècle) ne vaut que par la qualité des idées et des projets .
Se montrer et parler, faire parler de soi aussi , ce dernier point semblant être essentiel à nos politicards, toutes actions dont nous allons être gavés encore quelques mois .
Nous allons avoir droit à des vérités,- non pas à LA vérité,- aussi vraies que les couleurs de cette photo !
La tradition lepeniste est bien entretenue par Marine, la fille qui commence sa série de procès contre tout ce qui la fache , comme papa le grincheux croulant verbeux à sa belle époque du complot socialo-judéo-maçonnique . Elle peut le faire, ça ne lui coute pas un radis, son parti payera, comme d'hab .
En parlant de procès, venons -en à un avocat, ami , à juste titre, de Volti .
« A M. DUPONT
Avocat à Colmar
Aux Délices, près de Genève, 9 avril [1755]
Vous avez rendez-vous, mon cher ami, avec M. de Paulmy 1, au mois de juillet, à Strasbourg; je vous enverrai une lettre pour lui, si je suis en vie. La meilleure manière de réussir est de vous montrer et de parler. Je vous écris au milieu de cent ouvriers qui me rompent la tête, et au milieu des maladies qui m'accablent toujours. Vous n'aurez pas de moi une longue lettre, mais une longue amitié. Vous pouvez me mettre à l'épreuve tant que mon cœur, qui est à vous, battra encore chez moi. Nous faisons mille tendres compliments, Mme Denis et moi, à Mme Dupont. Ne nous oubliez pas auprès de M. et de Mme de Klinglin, et de monsieur leur fils. Bonsoir je vous embrasse de tout mon cœur. V. »
1 Marc-Pierre de Voyer de Paulmy, comte d'Argenson, ancien condisciple du collège Louis le Grand ; que V* prie d'aider Dupont à obtenir la charge de prévôt de Munster .
http://fr.wikipedia.org/wiki/Marc-Pierre_de_Voyer_de_Paul...
Voir lettres à Dupont et à de Brenles depuis le 3 janvier : par ex . http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/11/03/dans-le-temps-que-je-vous-parlais-de-caisses-vous-me-parliez.html
Dupont n'obtiendra pas gain de cause .
23:34 | Lien permanent | Commentaires (0)
vous faites si bien des vers que je crains que vous ne vous attachiez trop au métier , il est séduisant, et il empêche quelquefois de s'appliquer à des choses plus utiles
« A M. Gabriel SENAC DE MEILHAN i
Aux Délices, 5 avril [1755]
Je n'ai guère reçu, monsieur, en ma vie, ni de lettres plus agréables que celle dont vous m'avez honoré, ni de plus jolis vers que les vôtres. Je ne suis point séduit par les louanges que vous me donnez, je ne juge de vos vers que par eux-mêmes. Ils sont faciles, pleins d'images et d'harmonie et ce qu'il y a encore de bon, c'est que vous y joignez des plaisanteries du meilleur ton. Je vous assure qu'à votre âge je n'aurais point fait de pareilles lettres.
Si monsieur votre père est le favori d'Esculape, vous l'êtes d'Apollon. C'est une famille pour qui je me suis toujours senti un profond respect, en qualité de poëte et de malade. Ma mauvaise santé, qui me prive de l'honneur de vous écrire de ma main, m'ôte aussi la consolation de vous répondre dans votre langue.
Permettez-moi de vous dire que vous faites si bien des vers que je crains que vous ne vous attachiez trop au métier , il est séduisant, et il empêche quelquefois de s'appliquer à des choses plus utiles. Si vous continuez, je vous dirai bientôt par jalousie ce que je vous dis à présent par l'intérêt que vous m'inspirez pour vous.
Vous me parlez, monsieur, de faire un petit voyage sur les bords de mon lac; je vous en défie, et, si jamais vous allez dans le pays que j'habite, je me ferai un plaisir de vous marquer tous les sentiments que j'ai depuis longtemps pour monsieur votre père, et tous ceux que je commence à avoir pour son fils. Comptez, monsieur, que c'est avec un cœur pénétré de reconnaissance et d'estime que j'ai l'honneur d'être, etc. »
i Gabriel Senac de Meilhan, né à Paris en 1736, fils de Jean Senac ( premier médecin de Louis XV ). Il devint intendant d'Aunis en 1766. Il est mort à Vienne en Autriche, en 1803. http://fr.wikipedia.org/wiki/Gabriel_S%C3%A9nac_de_Meilhan
18:05 | Lien permanent | Commentaires (0)
On n'a point ici les mêmes secours qu'en France on exécute mal et lentement
Ce titre ne fait heureusement aucune allusion à notre célèbre guillotine révolutionnaire comparée à , - je cite au hasard (!?) : la lapidation, la pendaison, la bastonnade, la torture -, la peine capitale de certains pays . Ce jour ce n'est qu'une critique des ouvriers genevois ; il va sans dire que de nos jours , selon enquète auprès des Suisses, mes voisins, il n'y a qu'eux qui travaillent bien et vite !
Et ce d'autant plus aisément qu'ils font appel à la main d'oeuvre française, italienne, espagnole, portugaise, serbe, croate, canadienne, etc. No comment .
http://www.deezer.com/music/track/2288097
http://www.deezer.com/music/track/2288104
« A M. le président de RUFFEY i
Aux Délices, près de Genève, le 4 avril 1755.
Nous avons eu, monsieur, celui qui a fait vos plaisirs à Dijon ii. Il m'a fait presque oublier mes maux. Les vieux magistrats de Genève sont venus l'entendre dans ma retraite, et la sévérité de Calvin a cédé au plaisir iii; c'en serait un bien grand pour moi de vous voir ici, car je désespère de pouvoir venir à Dijon cette année. Accablé de maladies et d'ouvriers, je suis continuellement occupé à me faire un assez joli tombeau mais j'ai bien peur qu'il ne soit trop long à faire. On n'a point ici les mêmes secours qu'en France on exécute mal et lentement iv. Je vous supplie, monsieur, de permettre que je présente ici à M. le premier président de La Marche v les assurances de ma tendre et respectueuse amitié. C'est avec ces sentiments que j'ai l'honneur d'être, monsieur, etc. »
i Gilles-Germain-Richard de Ruffey : http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilles_Germain_Richard_de_Ruffey
iii Voir lettre à J.-R. Tronchin du 2 avril : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/01/06/calvin-ne-se-doutait-pas-que-des-catholiques-feraient-un-jou.html
iv On retrouvera des plaintes de ce style ,de V* contre les ouvriers genevois, lors de la construction du château de Ferney . De nos jours, si l'exécution des travaux est généralement de qualité, elle reste souvent lente !
17:37 | Lien permanent | Commentaires (0)
06/01/2012
Calvin ne se doutait pas que des catholiques feraient un jour pleurer des huguenots dans le territoire de Genève
Travailler plus pour gagner plus !
Quand l'auteur de cette phrase creuse aura travaillé le tiers du quart du seizième du temps que lui a consacré le possesseur de ces deux mains, je reverrai , éventuellement, -s'il se résoud à ne plus jouer au chef des chefs-, mon jugement sur cet individu . En attendant, ces sont des millions de mains comme celles-ci qui lui payent sa manucure ...
Trvailler plus pour s'user plus ! C'est tout !!
« A M. Jean-Robert TRONCHIN,
à LYON
Aux Délices, le 2 avril [1755]
Nous avons joué presque toute la pièce de Zaïre devant les Tronchin et les syndics, c'est un auditoire à qui nous avons grande envie de plaire. Calvin ne se doutait pas que des catholiques feraient un jour pleurer des huguenots dans le territoire de Genève. Le fameux acteur Lekain, qui nous est venu voir, nous a bien aidés; il a plus de sentiment que de voix i. Mme Denis a lu Zaïre à merveille, et j'ai fait le bonhomme Lusignan. Monsieur, je vous sais bon gré d'aimer la tragédie. Les Tronchin ont leur raison pour cela, et tous les beaux-arts sont de leur ressort. »
i On assure qu'ayant risqué à Dijon, où il séjourna trois semaines, une intonation nouvelle dans un de ses rôles, il fut sifflé, et remercia le public de la leçon. Il joua dans trois pièces du théâtre de Voltaire, savoir le rôle d'Hèrode dans Mariamne, celui de Zamore dans Alzire, et dans Zaïre celui d'Orosmane.
23:55 | Lien permanent | Commentaires (0)