30/08/2012
Les Anglais enchériront le sucre il sera cher à Leipsick mais les bottes y seront à bon marché
... Boots are made for walking !
http://www.youtube.com/watch?v=SbyAZQ45uww
Je ne sais si le sucre , par la faute des Anglais, enchérira, mais mes passages à la pompe à essence m'évoquent des dépenses somptuaires . Travailler plus pour pouvoir payer le carburant indispensable au gagne-pain quotidien . Plus dans le réservoir, moins dans l'estomac, drôle d'application des vases communicants .
« A M. Jean-Robert TRONCHIN, de Lyon
Délices, 6 novembre [1756].
Les Anglais enchériront le sucre il sera cher à Leipsick mais les bottes y seront à bon marché, si on vend la garde-robe du comte de Brühl 1. On dit que les Russes avancent mais je n'ai ni foi, ni espérance en eux. Ils n'ont point d'intérêt à la question, et on n'a pas de quoi les payer. Interim Salomon rit, attendons.
P. S. N'avez-vous pas ri des réponses du roi de Prusse aux articles de la capitulation des fourches caudines?2 Il se moque de l'univers, et s'en moquera. Il fera sa paix dans un mois, et ira faire jouer dans Berlin un opéra de sa façon.
On dit le pape mourant 3 c'est dommage. Si tous ses prédécesseurs lui eussent ressemblé, il n'y eût point eu de guerres de religion dans le monde.
Qui aurait dit qu'un marquis de Brandebourg aurait renvoyé d'un seul coup un roi de Pologne sur la Vistule, et fait douze mille mendiants sur le Rhône 4? »
1 Le comte de Brühl, premier ministre et favori d'Auguste III, électeur de Saxe, était célèbre dans toute l'Europe par son extravagante somptuosité. Frédéric disait de lui « C'est l'homme de ce siècle qui a le plus d'habits, de montres, de dentelles, de perruques, de bottes, de souliers et de pantoufles. » Tout cela fut la proie du vainqueur de Pirna. (A. F.)
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Heinrich_Graf_von_Br%C3%BChl
et : http://www.archives-aube.com/arkotheque/fonds_de_saxe/html-ead/FRAD010_JC/c00001.html
3 Benoît XIV , à qui V* avait dédié Mahomet en 1745,ne mourra pas avant 1758 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Beno%C3%AEt_XIV
15:55 | Lien permanent | Commentaires (0)
29/08/2012
Très-souvent une guerre continue, par cela seul qu'elle a été commencée. Il faut s'attendre à tout
... Bien que le pire ne soit jamais sûr !
La tâche est d'effacer la tache . Try again !
Comme Volti, je me permets de souhaiter du bien à ceux que j'aime , sans restriction .
« A Madame la duchesse de SAXE-GOTHA
Aux Délices, près de Genève, 2 novembre [1756].
Madame, Votre Altesse sérénissime daigne m'envoyer le détail des malheurs qui environnent vos frontières. Ils ne pénètrent point jusqu'à vos États, et c'est une grande consolation. Qui sait même si la fortune, qui change si souvent la face de la terre, ne pourrait pas amener les choses au point que la branche aînée 1 reprit les droits dont Charles-Quint l'a dépouillée autrefois 2? Je ne souhaite de mal à personne; mais il m'est permis de souhaiter du bien à l'héroïne à laquelle je suis si attaché. Mais, probablement, tout se bornera à du sang répandu dans les gorges de la Bohême, et à de l'argent pris dans la Saxe. On dit que les Saxons payent au soldat prussien sept groschen par jour et un richdaller 3 à chaque officier. Il faut fournir encore toutes les provisions, qui sont immenses et, quelque ordre que le roi de Prusse mette il parait bien difficile que l'impératrice-reine soit longtemps en état de soutenir la guerre contre la Prusse, l'Angleterre, la Hesse, etc. Sur quel prétexte, d'ailleurs, la ferait-elle après le traité du roi de Prusse avec la Saxe? Elle n'aura plus l'électeur de Saxe à secourir, elle ne pourra manifester le dessein secret de reprendre la Silésie; elle n'est pas assez riche pour soudoyer une armée de Russes. Il se peut donc faire qu'on ait la paix cet hiver, et c'est assurément ce qu'on doit désirer. Mais il se peut aussi que l'opiniâtreté fasse durer les malheurs du genre humain. Très-souvent une guerre continue, par cela seul qu'elle a été commencée. Il faut s'attendre à tout; mais je ne serai point surpris si le roi de Prusse fait et donne un opéra au mois de janvier dans Berlin, après avoir donné une bataille en Bohême au mois de septembre.
Que je voudrais être dans votre cour, madame! que je voudrais être aux pieds de Votre Altesse sérénissime Mais il y a une nièce qui gouverne ma vieillesse, et qui ne veut plus passer par Francfort.
Je suis bien inquiet sur la santé de la grande maîtresse des cœurs, le ciel conserve la vôtre, madame, et celle de votre auguste famille! Agréez mon profond respect et ma reconnaissance. »
1 De Saxe.
2 Voir : http://www.universalis.fr/encyclopedie/maurice-1521-1553-duc-puis-electeur-de-saxe-1547-1553/
et : http://fr.wikipedia.org/wiki/Jean-Fr%C3%A9d%C3%A9ric_Ier_...
20:49 | Lien permanent | Commentaires (0)
Heureusement nous avons du temps devant nous
... Pour lire et accompagner Voltaire, avec Mam'zelle Wagnière .
"0 pauvre nature humaine ! à quoi tiennent nos cervelles, notre vie, notre bonheur"
Bon , moi chat va bien !
J'attends mon maître .
« A M. le comte d'ARGENTAL.
Aux Délices, 10 novembre [1756].
Mon très-cher ange, il y a longtemps que je ne vous ai parlé du tripot 1. M. le duc de Villars est venu de Provence dans mon ermitage, et il a insisté sur Zulime comme vous-même. Je l'avais engagé à venir se faire guérir, par le grand Tronchin, d'un petit rhumatisme que le soleil de Marseille et d'Aix n'avait pu fondre. A peine est-il arrivé que j'ai été pris d'un rhumatisme général sur tout mon pauvre corps, et notre Tronchin n'y peut rien. Il me reste une main pour vous écrire mais il n'y a pas chez moi une goutte de sang poétique qui ne soit figée. Heureusement nous avons du temps devant nous. Vous savez comment s'est terminée la pièce de Pirna 2, par des sifflets. Il a rendu enfin le livre de Poésie 3 le voilà libre, sans armée et sans argent. On est désespéré à Vienne. Le diable de Salomon l'emporte et l'emportera. S'il est toujours heureux et plein de gloire, je serai justifié de mon ancien goût pour lui s'il est battu, je serai vengé.
J'espère que vous verrez bientôt Mme de Fontaine, qui a été sur le point de mourir aux Délices pour avoir abusé de la santé que Tronchin lui avait rendue, et pour avoir été gourmande. M. le maréchal de Richelieu me mande que ce qui paraît faisable à votre amitié et à la bonté de votre cœur ne l'est guère à la prévention. Je m'en suis toujours douté, et je crois connaître le terrain. Il faut que votre archevêque reste à Conflans, et moi aux Délices chacun doit remplir sa vocation. La mienne sera de vous aimer, et de vous regretter jusqu'à mon dernier moment. On me mande qu'il y a une édition infâme de la Pucelle 4, que cet honnête homme de La Beaumelle avait fait imprimer, et qu'on débite dans Paris; mais heureusement les mandements font plus de bruit que les Pucelles.
Vous ne m'avez jamais parlé de l'état de M. de La Marche 5. Je voulais qu'il vînt se mettre entre les mains de Tronchin, mais on dit qu'il est dans un état à ne se mettre entre les mains de personne. 0 pauvre nature humaine ! à quoi tiennent nos cervelles, notre vie, notre bonheur . Portez-vous bien, vous, Mme d'Argental, et tous les anges; et conservez-moi une amitié qui embellit mes Délices, qui me console de tout, et qui seule peut me rendre quelque génie. »
1 Voltaire désignait ainsi la Comédie française en particulier, et quelquefois aussi ce qui concernait le théâtre en général.
2 Voir une des notes de la lettre du 9 octobre 1756 à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/22/je-suis-un-bavard-qui-dit-ce-qu-il-aurait-du-faire-et-qui-n.html
3 Voltaire, parlant des revers du roi de Prusse, dit qu'il a rendu enfin le livre de poésie, par allusion aux mauvais traitements que Freytag avait fait essuyer à Voltaire sous prétexte de ravoir l'œuvre de poésie. Pour les épisodes de la Guerre de Sept ans voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_de_Sept_Ans
16:45 | Lien permanent | Commentaires (0)
Je voudrais que vous commandassiez l'armée, et que vous tuassiez force Prussiens
... Et que vous m'épatâtes en leur flanquant la pâtée !
Ah ! qu'elle est belle la langue française ! Quand donc journalistes et hommes politiques seront-ils capables d'utiliser à bon escient le subjonctif ? Je ne vois plus guère que les chanteurs de rap et de slam qui puissent en être capable, avec Jean d'Ormesson et Jacques Chancel et Alphonse Allais bien entendu.

« A M. le maréchal duc de RICHELIEU.
Aux Délices, 1er novembre [1756].
Je n'ai point eu de cesse, mon héros, que je n'aie fait venir dans mon ermitage M. le duc de Villars, de son trône de Provence 1, pour le faire guérir par Tronchin d'un léger rhumatisme; et moi, j'en ai un goutteux, horrible, universel, que Tronchin ne guérit point, et qui m'a empêché de vous écrire. Quel plaisir m'a fait ce gouverneur des oliviers, quand il m'a parlé de vos lauriers et de l'idolâtrie qu'on a pour vous sur toutes les côtes ! Je vous avais envoyé de très-fausses nouvelles que je venais de recevoir de Strasbourg. J'en reçois de Vienne qui ne sont que trop vraies 2. On y est dans un chagrin de dépit et de consternation extrême. Il est certain que l'impératrice hasardait tout pour délivrer le roi de Pologne. M. de Brown avait fait passer douze mille hommes par des chemins qui n'ont jamais été pratiqués que par des chèvres; il avait envoyé son fils au roi de Pologne. Ce prince n'avait qu'à jeter un pont sur l'Elbe, et venir à lui. Il promit pour le 9, puis pour le 10, le 12, le 13, et enfin il a fait son malheureux traité, des fourches caudines. Les Anglais et les guinées ont persuadé, dit-on, ses ministres. On mande de Fontainebleau qu'on a prié le ministre du roi de Prusse 3 de s'en retourner. Je n'ose le croire je ne crois rien, et j'espère peu. On prétend que le roi de Prusse mêle actuellement les piques de la phalange macédonienne à sa cavalerie. Ce sont les mêmes piques dont mes compatriotes les Suisses se sont servis longtemps. Je ne suis pas du métier, mais je crois qu'il y a une arme, une machine bien plus sûre, bien plus redoutable; elle faisait autrefois gagner sûrement des batailles. J'ai dit mon secret à un officier 4, ne croyant pas lui dire une chose importante, et n'imaginant pas qu'il pût sortir de ma tête un avis dont on pût faire usage dans ce beau métier de détruire l'espèce humaine. Il a pris la chose sérieusement. Il m'a demandé un modèle; il l'a porté à M. d'Argenson. On l'exécute à présent en petit; ce sera un fort joli engin. On le montrera au roi. Si cela réussit, il y aura de quoi étouffer de rire que ce soit moi qui sois l'auteur de cette machine destructive. Je voudrais que vous commandassiez l'armée, et que vous tuassiez force Prussiens avec mon petit secret.
J'ai eu la vanité de souhaiter qu'on sût mes nobles refus à votre cour.5 J'aurais celle d'aller à Vienne, si j'étais jeune et ingambe, et si je n'étais pas dans mes Délices avec votre servante; mais je suis un rêveur paralytique, et je mourrai de douleur de ne pouvoir vous faire ma cour avant de mourir. Je n'ai de libre que la main droite; je m'en sers comme je peux pour renouveler mon très-tendre respect à mon héros, qui daignera me conserver son souvenir. »
4 Philippe-Antoine de Claris,marquis de Florian; voir la lettre du 15 mai 1757 ; http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/13/il-y-aura-toujours-des-fous-qui-se-feront-egorger-des-fous-q.html
06:53 | Lien permanent | Commentaires (0)
28/08/2012
J'ai un projet; s'il réussit, je suis le maître de l'Europe; sinon, je m'en ...
... fous !
Vous avez liberté/embarras du choix pour attribuer ces paroles à quelque dirigeant politique qui vous (dé)plait .

http://blogdecarole432.centerblog.net/3656398-Je-m-en-fiche?ii=1
« A M. Jean-Robert TRONCHIN, de Lyon
Délices, 30 octobre [1756]
Ce qu'on dit du désastre du roi de Pologne 1 commence à me faire croire que le Salomon du Nord 2 finira par avoir raison. On prétend qu'il a dit « J'ai un projet; s'il réussit, je suis le maître de l'Europe; sinon, je m'en ... » Et moi aussi, et j'aime mieux ma solitude que toutes les cours. Laissons les héros s'égorger et vivons tranquilles. J'ai chez moi M. le duc de Villars, que j'ai engagé à venir consulter le docteur pour une sciatique, et il se trouve que je suis affublé moi-même d'une sciatique plus violente que la sienne.
P. S. Je ne sais point de détails des fourches caudines du roi de Pologne s'il a fait un traité, je tiens tout fini s'il ne l'a pas fait, je crois la guerre générale.3 »
1 Voir lettres du 25 octobre à Tronchin J-R. : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/26/il-y-a-des-temps-ou-c-est-un-grand-bonheur-de-sortir-de-chez.html
et à Mme de Klinglin : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2012/08/27/j-ai-ete-mordu-par-mon-singe.html
3 Les historiens considèrent la Guerre de Sept ans comme la première guerre mondiale, avant celle qu'on nommera la Grande Guerre ou improprement dit "première" guerre mondiale de 1914-18 .
16:17 | Lien permanent | Commentaires (0)
27/08/2012
j'ai été mordu par mon singe
... Et désormais c'est moi qui fait la grimace !
Sauf quand je suis mordu de Voltaire et de Mam'zelle Wagnière .

« A Madame de KLINGLIN, comtesse de LUTZELBOURG.
Aux Délices, 25 octobre [1756].
J'ai toujours mon rhumatisme, madame, et, de plus, j'ai été mordu par mon singe 1 le jour de la nouvelle, vraie ou fausse, de la défaite de votre armée. Je suis au lit comme un des blessés.
Pardonnez-moi de ne vous pas écrire de ma main. Je me porterai certainement mieux quand vous m'apprendrez que vos amis les serviteurs de Marie 2 ont fait un petit tour vers Berlin. Nous nous flattons au moins que le roi de Pologne est hors de danger et hors de chez lui. Il est bien triste que ce qui pût lui arriver de mieux fût de sortir de ses États. Il y a des gens qui prétendent qu'il va en Pologne armer la Pospolite 3 en sa faveur; mais la Pospolite fait rarement des efforts pour ses souverains, et leur fournit aussi peu de troupes que d'argent. Si vous avez quelques nouvelles, madame, daignez en faire part aux solitaires des Délices. Vous savez que les bords du Rhin sont plus près du théâtre des événements que les paisibles bords de notre lac, nous ne sommes encore bien informés d'aucun détail. Cela est triste pour ceux qui s'intéressent à Marie, et assurément, personne ne lui est plus attaché que moi depuis trois ans 4. Mais je vous le suis bien davantage, madame, et depuis plus longtemps. Mille tendres respects aux deux dignes amies 5. »
1 Singe que V* avait nommé Luc, -surnom donné à Frédéric II,- et dont je vous laisse trouver l'anagramme peu flatteuse .
2 Marie-Thérèse d'Autriche . Voir lettre du même jour à Jean-Robert Tronchin : http://voltaireathome.hautetfort.com/
3 Réunion générale de la noblesse polonaise pour aller à la guerre; mais son service n'était pas obligatoire plus de six semaines, ni à plus de quatre lieues hors des frontières. (Beuchot.)
4 C'est-à-dire depuis le mois de juin 1753, époque où Voltaire, opprimé à Francfort, n'avait pas inutilement imploré la protection de la cour de Vienne. (CL.)
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26/08/2012
il y a des temps où c'est un grand bonheur de sortir de chez soi
... Ne serait-ce que pour se prouver qu'on n'est pas complètement rouillé .
« A M. Jean -Robert TRONCHIN, de Lyon
Délices, 25 octobre [1756].
Vous savez qu'on prétend que le roi de Pologne a échappé 1 à ce diable de Salomon du Nord, il y a des temps où c'est un grand bonheur de sortir de chez soi. On ajoute que les housards de Nadasti vont droit à Berlin 2 par le plus court mais on n'est encore bien informé de rien, pas même de la bataille du 1er. 3
Voilà un premier acte de tragédie embrouillé et sanglant, toute la pièce sera dans ce goût. J'aime mieux votre théâtre de Lyon. »
2 Berlin sera mise à contribution par Marie-Thérèse d'Autriche qui contrôlera la ville une journée seulement . Voir page 43 et suiv. : http://books.google.fr/books?id=hXhHAAAAYAAJ&pg=PA365&lpg=PA365&dq=housards+de+nadasti&source=bl&ots=l0Arnia0Bk&sig=-mFL-NEq8EUw_2ZNaqvAGQJkMWM&hl=fr#v=onepage&q=nadasti&f=false
3 Bataille de Lobositz : http://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Lobositz
23:51 | Lien permanent | Commentaires (0)

