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13/02/2013

Un jour, rois, papes, empereurs font des ligues, demain ils seront ennemis mortels

 ... Nous verrons bien quand le nouveau pape sera sous tiare comment il se comportera avec les soi-disant grands de ce monde .

Combien vont tenir parole ?

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« A M. Jean-Robert TRONCHIN
à Lyon
Aux Délices 7 décembre [1757].
Vous devez savoir la journée des dix-sept ponts jetés en même temps sur l'Oder, des treize attaques faites à la fois aux retranchements prussiens, et du sang répandu pendant six heures, et des Prussiens battus, et de leurs canons pris, et de leur retraite dans Breslau, et de Breslau bloquée. J'attends de Vienne un plus ample détail. Voilà ce qu'on m'a marqué en gros et à la hâte, à l'arrivée des postillons cornant du cor et annonçant dans Vienne, le 25 novembre, cette grande affaire du 22, qui nous venge et qui nous humilie.

Je serai bien stupéfait si on veut écouter à Versailles des propositions du roi de Prusse; ce qu'on y craint le plus, après le feu roulant, c'est de donner le plus léger ombrage à l'impératrice. On ne peut plus séparer ce qu'un moment a uni. Le roi de Prusse peut encore donner une bataille, dire des bons mots, plaire aux vaincus, et déchirer des draps pour faire des bandages aux blessés; c'est ce qu'il fit le 5 novembre au soir mais, à la fin, il faut qu'il succombe, à moins qu'on ne se conduise comme en 1742. Je ne sais encore nulle nouvelle positive de la fidélité des Hanovriens et des Hessois mais il est bien sur que, sans les Autrichiens, nous serions perdus.
Qui aurait dit au cardinal de Richelieu que les Français devraient un jour leur salut en Allemagne aux armes autrichiennes, l'eût bien étonné. Cosi va il mondo.

Fan' lega oggi Re, papi, imperadori,

doman' saranno capitani 'nimici. 1

Le bled renchérit . Ainsi trouvez bon que je mette dans votre escarcelle un petit billet d'Andalousie de 4386 livres tournois .

Permettez que je mette les incluses dans votre paquet .

Les arbres viendront bien à propos avant que j'aille, à Lausanne et que je sois tout suisse.

Je vous embrasse du meilleur de mon âme . Ainsi fait Mme Denis .

V.

A propos ne vous ai-je pas dit que demeurant à la campagne j'envoie quelquefois mes lettres trop tard à la ville et que vous les recevez l'ordinaire d'après ? »

1  Vers adaptés de l'Arioste, dans l'Orlando furioso : Ainsi va le monde, Un jour, rois, papes, empereurs font des ligues, demain ils seront ennemis mortels .

 

je plaindrais fort de pauvres troupes éloignées de leur pays

 ... S'il s'agissait de troupes de civils réfugiés loin de leurs pays en guerre , civils affamés par des meutes de leurs concitoyens sans foi (même s'ils disent se battre au nom de la religion) ni loi (autre que celle des armes ) . 

 

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« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de LUTZELBOURG.

 Aux Délices, 5 décembre [1757].
Le petit Gayot 1, madame, ne nous apprend rien mais pourquoi ne m'apprenez-vous pas que, le 22, les serviteurs de Marie- Thérèse ont attaqué, en treize endroits, les retranchements des Prussiens sous Breslau, les ont tous emportés, et ont gagné une bataille meurtrière et décisive qui nous venge et qui redouble notre honte ? Les Français sont heureux d'avoir de tels alliés. Si le roi de Prusse avait les mains libres, je plaindrais fort de pauvres troupes éloignées de leur pays, n'ayant point de maréchal de Saxe à leur tête, et ayant appris à faire très-mal le pas prussien, tout étourdis et tout sots de paraître devant leurs maîtres, qui leur enseignent le pas redoublé en arrière. Le roi de Prusse m'avait écrit, trois jours avant la bataille du 5
Quand je suis voisin du naufrage,
Je dois, en affrontant l'orage,
Penser, vivre, et mourir en roi.

Nous n'avons pas voulu qu'il mourût; mais les généraux autrichiens le veulent. Portez-vous bien, madame, vous et votre digne amie. Mme Denis, qui se porte mieux, vous présente ses obéissances très-humbles. »

                                                           

1 Ou Gaiot : voir lettre du 2 septembre 1753 à la comtesse de Lutzelbourg : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f121.image.r=gayot.langFR

et du 3 septembre 1753 à Mme Denis : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/09/02/j...

 

 

12/02/2013

Nous autres drôles de Français, nous sommes plus expéditifs; notre affaire est faite en cinq minutes

  • ... - Euh !  faites excuse, m'sieur ! Parlez pour vous !

J'ose espérer que je ne suis pas aussi expéditif en "affaire" . On me l'aurait dit, non ?

  • ... ?!!
  • Ah ! vous vouliez parler de guerre, de batailles, de retraites expéditives ? Bon , j'en prends bonne note , je ne joue pas sur ce terrain là, mon service actif les armes à la main a atteint sa date de péremption , heureusement . Il est d'autres plaisirs plus estimables sur cette terre comme l'amour , pour n'en citer qu'un . Je vous laisse croire que les guerres sont justes et ne prennent qu'un instant dès lors que ce sont des Français qui les mènent . Portez-vous bien et regardez des deux côtés avant de traverser !

Tout feu tout flamme

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« A M. Jean Le Rond d'ALEMBERT.

Aux Délices, 6 décembre [1757].

Je reçois, mon très-cher et très-utile philosophe, votre lettre du 1er de décembre. Je ne sais si je vous ai assez remercié de l'excellent ouvrage 1 dont vous avez honoré la mémoire de Dumarsais, qui sans vous n'aurait point laissé de mémoire, mais je sais que je ne pourrai jamais vous remercier assez de m'avoir appuyé de votre éloquence et de vos raisons, comme on dit que vous l'avez fait à propos du meurtre infâme de Servet, et de la vertu de la tolérance, dans l'article Genève. J'attends ce volume avec impatience. Des misérables ont été assez du sixième siècle pour oser, dans celui-ci, justifier l'assassinat de Servet, ces misérables sont des prêtres 2. Je vous jure que je n'ai rien lu de ce qu'ils ont écrit; je me suis contenté de savoir qu'ils étaient l'opprobre de tous les honnêtes gens. L'un de ces coquins a demandé au conseil des Vingt-Cinq de Genève communication de ce procès qui rendra Calvin à jamais exécrable; le conseil a regardé cette demande comme un outrage. Des magistrats détestent le crime auquel le fanatisme entraîna leurs pères, et des prêtres veulent canoniser ce crime ! Vous pouvez compter que ce dernier trait les rend aussi odieux qu'ils doivent l'être. J'en ai reçu des compliments de tous les honnêtes gens du pays.
Quel est donc cet autre jeune prêtre qui veut vous faire passer pour usurier 3 ? Est-ce que vous auriez emprunté à usure à la bataille de Kollin 4, lorsque votre Prussien paraissait devoir mal payer les pensions? Mais vous m'avouerez qu'à la bataille du 5 5 tout le monde dut vous avancer de l'argent. Voici un nouveau rabat-joie pour les pensions, arrivé le 22 devant Breslau 6. Les Autrichiens nous vengent et nous humilient terriblement. Ils ont fait à la fois treize attaques aux retranchements prussiens, et ces attaques ont duré six heures; jamais victoire n'a été plus sanglante et plus horriblement belle. Nous autres drôles de Français, nous sommes plus expéditifs; notre affaire est faite en cinq minutes.
Le roi de Prusse m'écrit toujours des vers, tantôt en désespéré, tantôt en héros; et moi, je tâche d'être philosophe dans mon ermitage. Il a obtenu ce qu'il a toujours désiré, de battre les Français, de leur plaire, et de se moquer d'eux, mais les Autrichiens se moquent sérieusement de lui. Notre honte du 5 lui a donné de la gloire, mais il faudra qu'il se contente de cette gloire passagère trop aisément achetée. Il perdra ses États avec ceux qu'il a pris, à moins que les Français ne trouvent encore le secret de perdre toutes leurs armées, comme ils firent dans la guerre de 1741.
Vous me parlez d'écrire son histoire, c'est un soin dont il ne chargera personne; il prend ce soin lui-même. Oui, vous avez raison, c'est un homme rare. Je reviens à vous, homme aussi célèbre dans votre espèce que lui dans la sienne j'ignorais absolument la sottise dont vous me parlez, je vais m'en informer, et vous me ferez lire le Mercure 7.
Je fais comme Caton, je finis toujours ma harangue en disant Deleatur Carthago 8. Comptez qu'il y a des traits dans l'Éloge de Dumarsais qui font un grand bien. Il ne faut que cinq ou six philosophes qui s'entendent pour renverser le colosse. Il ne s'agit pas d'empêcher nos laquais d'aller à la messe ou au prêche; il s'agit d'arracher les pères de famille à la tyrannie des imposteurs, et d'inspirer l'esprit de tolérance. Cette grande mission a déjà d'heureux succès. La vigne de la vérité est bien cultivée par des d'Alembert, des Diderot, des Bolingbroke, des Hume, etc. Si votre roi de Prusse avait voulu se borner à ce saint œuvre, il eût vécu heureux, et toutes les académies de l'Europe l'auraient béni. La vérité gagne, au point que j'ai vu, dans ma retraite, des Espagnols et des Portugais détester l'Inquisition comme des Français.
Macte animo, generose puer; sic itur ad astra. 9
Autrefois on aurait dit Sic itur ad ignem. 10
Je suis fâché des simagrées de Dumarsais à sa mort.11 On a imprimé que ce provincial Deslandes, qui a écrit d'un style si provincial l'Histoire critique de la philosophie, avait recommandé, en mourant , qu'on brûlât son livre Des grands hommes morts en plaisantant. Et qui diable savait qu'il eût fait ce livre?12 Mme Denis vous fait mille compliments. Le bavard vous embrasse de tout son cœur. Voyez-vous quelquefois l'aveugle clairvoyante 13? Si vous la voyez, dites-lui que je lui suis toujours très-attaché. »

2 Jacob Vernet était du nombre de ces prêtres. (Clogenson.

3 Dans le Choix littéraire, (1755-60, vingt-quatre volumes in-8-), dont Vernes était l'éditeur, à l'occasion de l'article ARRÉRAGES (de l'Encyclopédie), on accusait d'Alembert de favoriser l'usure ..Vernes portait son accusation injustifiée dans une « Lettre sur la dissertation suivante [Sur l'amour de l'estime] » .Voyez la lettre de d'Alembert dans le Mercure de décembre 1757, page 97. (Beuchot.)

4 La bataille de Kollin, à la suite de laquelle le roi de Prusse, battu par le maréchal Daun, et poursuivi par le prince Charles de Lorraine, recula sur la montagne des Géants, après avoir levé le siège de Prague, essaya vainement de défendre les défilés pour garder ses communications avec la Saxe et la Silésie, et fit sa retraite sur Bautzen et Gôrlitz .

5 La bataille de Rosbach, gagnée par Frédéric, le 5 novembre, sur les armées impériale et française.

6 Les Prussiens y avaient été battus, et s'étaient retirés; la ville se rendit le 24 aux Autrichiens.

7 On y avait imprimé la lettre du 26 mars 1757 à Thieriot : voir page 194 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411355v/f197.image

8 Il faut détruire Carthage . Ici on peut voir en Carthage la superstition ou la religion . On sent venir l'Ecrasons l'infâme .

9 Virgile, Énéide, IX, 641 : courage généreux enfant, c'est ainsi qu'on va jusqu'aux astres .

10 C'est ainsi qu'on va au bucher .

11 Dans la biographie de Du Marsais dans l'Encyclopédie on lit : « Il tomba malade au mois de juin de l'année dernière . Il s'aperçut bientôt du danger où il était et demanda les sacrements, qu'il reçut avec beaucoup de présence d'esprit et de tranquillité : il vit approcher la mort en sage qui avait appris de ne la point craindre .»

12 André-François Boureau Deslandes, né à Pondichéry en 1690, mort à Paris le 11 avril 1757 : http://fr.wikipedia.org/wiki/Andr%C3%A9-Fran%C3%A7ois_Boureau-Deslandes

Il avait publié tous ses livres anonymement , comme son Histoire critique de la philosophie par M. D***, et le livre qui a pour titre Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant, par M. D***.

13 Mme du Deffand .

 

Je vous envoie la lettre d'une folle que je ne connais pas

 ... Et moi pas davantage !

Les seules folles qui m'écrivent sont des spammeuses, avec bien sûr les spammeurs de bas étage . Heureusement peu nombreux dans ma BAL , j'exécute leur éradication écologiquement, à la main, sans pesticide autre que le "procrire" qui , hélas, ne tient pas le coup indéfiniment .  C'est fou le nombre de lots que je rejette dédaigneusement prudemment, les héritages à la mie de pain enchanteurs sont agrémentés d'une réponse claire ("connards"), et les coachings retournés avec quelque mot malsonnant que je vous épargne .

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« A M. Élie BERTRAND.

Aux Délices, 5 décembre [1757].

Je crois que les Prussiens seraient bien plus capables de venir en France, mon très-cher philosophe, que les huîtres à l'écaille du Malabar d'être venues 1sur l'Apennin 2. Chaque science a son roman, et voilà celui de la physique. Si les poissons des Indes étaient arrivés chez nous, comme nos missionnaires vont chez eux, ils y auraient peuplé, et on les trouverait ailleurs que sur nos montagnes. J'avoue qu'il y a quelquefois des vérités bien peu vraisemblables 3; par exemple, que vingt mille Prussiens aient battu quarante-cinq mille hommes, et n'aient eu que quatre-vingt-douze morts. La honte des Français et des Cercles devient encore plus humiliante, depuis que les Autrichiens viennent d'escalader, en treize endroits, les retranchements des Prussiens, sous les murs de Breslau, et de remporter une victoire complète 4. Le comte de Daun nous venge et nous avilit. Le roi de Prusse m'avait écrit une lettre toute farcie de vers, trois 5 jours avant la bataille de Mersbourg; il me disait:
Quand je suis voisin du naufrage,
11 faut, en affrontant l'orage,

Penser, vivre, et mourir en roi.
Nous verrons comment il soutiendra le revers de Breslau; on pourra donner encore une ou deux batailles avant la fin de l'année.
Je vous envoie la lettre d'une folle que je ne connais pas; il faut que quelqu'un se soit diverti à lui écrire sous mon nom. Comme il est question de vous à la fin de la lettre, et de M. de Vattel 6 votre ami, vous saurez peut-être quelle est cette extravagante. Mille tendres respects, je vous prie, à M. et à Mme de Freudenreich. Bonsoir, mon cher philosophe.
La folle a mis son portrait dans la lettre. Le voici, elle est jolie. La connaissez-vous?

V. »

1  Sur le manuscrit une autre main a ajouté « comme vous le prétendez ».

2  Ajouté par une autre main : « ou sur les Alpes ».

3 Voltaire restera opposé à la thèse du soulèvement des fonds marins constituant de nos jours des montagnes avec fossiles .

4 Le 22 novembre précédent.

5 Lire vingt-sept. Par la bataille de Mersbourg, Voltaire désigne ici celle du 5 novembre 1757; le village de Rosbach étant à peu de distance de la ville de Mersbourg ou Mersebourg.

6 Elmer de Vattel ou Emmerich de Vattel, publiciste, né en 1714, à Couvet, village du Val-de- Travers, dans le canton de Neuchâtel. .Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Emer_de_Vattel

 

11/02/2013

on pouvait avoir au printemps une paix glorieuse . Voilà ce que disent les gens du métier . Je n'ai pas l'honneur d'en être

... On n'aura qu'une élection papale, Ben Oit xvi étant démissionnaire (des missionnaires ? ) .

Au Vatican, il y aura tempête dans un verre d'eau de la fontaine de Trévi et crêpage de calottes cardinalices . On va avoir encore droit à des émissions de CO2 qui ne sont pas en odeur de sainteté, quelque soit la couleur .

Quel numéro va sortir de la loterie papale ? Les paris sont ouverts , la revanche du troisième âge est en route, la maison de retraite la plus huppée du monde va avoir un nouveau pensionnaire .

 

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« A Charlotte-Sophie von Altenbourg, comtesse Bentinck

Aux Délices 5 décembre [1757]

Vous prenez des villes, madame, et de grosses garnisons prisonnières de guerre pendant que nous autres Français accompagnés de vos cercles nous perdons des batailles et que nous prenons nos jambes à notre cou quand nous sommes à peu près trois contre un . La perte est grande, la honte plus grande encore . Tout était fini si on avait seulement tenu les Prussiens en échec . Le maréchal ou général Marshall avançait dans le Brandebourg tandis que vous preniez Shwednits et que vous pénétriez en Silésie, et on pouvait avoir au printemps une paix glorieuse . Voilà ce que disent les gens du métier . Je n'ai pas l'honneur d'en être . Je me borne à souhaiter un plein succès au grand homme 1 que vous êtes portée de voir quelquefois . Peut-être a-t-on donné quelque bataille nouvelle au moment que j'ai l'honneur de vous écrire . Car on en donne toutes les quinzaines . Si on avait gagné celle du 5 novembre elle eut été la dernière . C'est un grand malheur et qui pourra coûter encore bien du sang .

Comme j'allais continuer mes doléances et mes prophéties arrive votre lettre du 25 . Dix-sept ponts et treize attaques voilà qui humilie treize fois notre armée de Soubise et qui donne treize couronnes de laurier à votre digne impératrice, au grand homme qui dirige tout et au brave général de Daun qui exécute tout . Je crois qu'enfin malgré la détestable aventure de Mersebourg, votre grand homme viendra à bout de son entreprise . Pourquoi faut-il que la reine de Pologne soit morte avant d'avoir vu vos derniers succès ? Ah madame, madame, vous ne quitterez jamais une cour où l'on se couvre de gloire , vous ne viendrez point dans nos retraites . Je renonce à vous à moins que quelque jour je ne fasse le voyage pour vous reprocher vos perfidies et pour admirer ceux qui vous rendent infidèle .

Mille tendres respects et autant de compliments .

V. »

1 Kaunitz : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wenzel_Anton_von_Kaunitz-Rietberg

Patenté premier ministre fin 1755 par l'impératrice Marie-Thérèse , voir : http://friedrich.uni-trier.de/de/oeuvres/4/10/text/

 

10/02/2013

quels que soient les sentiments d'un particulier obscur, ils doivent être comptés pour rien

... Ainsi pensent nos dirigeants ; la loi moutonnière est omniprésente, tant dans l'hémicycle de l'Assemblée que sur le net qui plébiscite le gangnamstyle .

 Solitude dans le cycle de la vie

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« A M. le comte d'ARGENTAL.

3 décembre [1757].

Je vous écrivis par le dernier ordinaire, mon cher et respectable ami, un petit barbouillage assez indéchiffrable, avec une lettre ostensible pour une personne 1 qui a été de vos amis, et que vous pouvez voir quelquefois. J'ai bien des choses à y ajouter; mais l'état de la santé de Mme d'ArgentaI doit passer devant. Je voudrais que vous fussiez tous ici comme Mme d'Épinai, Mme de Montferrat, et tant d'autres. Notre docteur Tronchin fortifie les femmes, il ne les saigne point, il ne les purge guère, il ne fait point la médecine comme un autre. Voyez comme il a traité ma nièce de Fontaine, il l'a tirée de la mort.
Vous ne m'avez jamais parlé de Mme de Montferrat, c'est pourtant un joli salmigondis de dévotion et de coquetterie. Je ne sais où prendre Mme de Fontaine à présent, pour avoir ces portraits.2 L'affaire commence à m'intéresser, depuis que vous voulez bien avoir la triste ressemblance de celui qui probablement n'aura jamais le bonheur de vous revoir. Mais moi, pourquoi n'aurai-je pas, dans mes Alpes, la consolation de vous regarder sur toile, et de dire Voilà celui pour qui seul je regrette Paris ? C'est à moi à demander votre portrait, c'est moi qui ai besoin de consolation.
Je reviens à ma dernière lettre. Il est certain qu'on a pris ou donné furieusement le change, quand on vous a parlé. Que- pourrait-on attribuer à mes correspondances? quel ombrage pourrait en prendre la cour de Vienne? Quel prétexte singulier! Je voudrais qu'on fût aussi persuadé de mes sentiments à la cour de France qu'on l'est à la cour de l'impératrice. Mais, quels que soient les sentiments d'un particulier obscur, ils doivent être comptés pour rien; s'ils l'étaient pour quelque chose, la personne en question 3 devrait me savoir un assez grand gré des choses que je lui ai confiées. S'il a pensé que cette confidence était la suite de l'intérêt que je prenais encore au roi de Prusse, et si une autre personne 4 a eu la même idée, tous deux se sont bien trompés je les ai instruits d'une chose qu'il fallait qu'ils sussent. Mme de Pompadour, à qui j'en écrivis d'abord, m'en parut satisfaite par sa réponse. L'autre, à qui vous m'avez conseillé d'écrire, et à qui je devais nécessairement confier les mêmes choses qu'à Mme de Pompadour, ne m'a pas répondu. Vous sentez combien son silence est désagréable pour moi, après la démarche que vous m'avez conseillée, et après la manière dont je lui ai écrit. Ne pourriez-vous point le voir ? Ne pourriez-vous point, mon cher ange, lui dire à quel point je dois être sensible à un tel oubli? S'il parlait encore de mes correspondances, s'il mettait en avant ce vain prétexte, il serait bien aisé de détruire ce prétexte en lui faisant connaître que, depuis deux ans, le roi de Prusse me proposa, par l'abbé de Prades, de me rendre tout ce qu'il m'avait ôté. Je refusai tout sans déplaire, et je laissai voir seulement que je ne voulais qu'une marque d'attention pour ma nièce, qui pût réparer, en quelque sorte, la manière indigne dont on en avait usé envers elle. Le roi de Prusse, dans toutes ses lettres, ne m'a jamais parlé d'elle. La margrave de Baireuth a été beaucoup plus attentive. Vous voilà bien au fait de toute ma conduite, mon divin ange, et vous savez tous les efforts que le roi de Prusse avait faits autrefois pour me retenir auprès de lui. Vous n'ignorez pas qu'il me demanda lui-même au roi. Cette malheureuse clef de chambellan était indispensablement nécessaire à sa cour. On ne pouvait entrer aux spectacles sans être bourré par ses soldats, à moins qu'on n'eût quelque pauvre marque qui mît à l'abri. Demandez à Darget comme il fut un jour repoussé et houspillé. Il avait beau crier Je suis secrétaire! on le bourrait toujours.
Au reste le roi de Prusse savait bien que je ne voulais pas rester là toute ma vie; et ce fut la source secrète des noises. Si vous pouviez avoir une conversation avec l'homme en question, il me semble que la bonté de votre cœur donnerait un grand poids à toutes ces raisons; vous détruiriez surtout le soupçon qu'on parait avoir conçu que je m'intéresse encore à celui dont j'ai tant à me plaindre.
Enfin à quoi se borne ma demande? A rien autre chose qu'à une simple politesse, à un mot d'honnêteté qu'on me doit d'autant plus que c'est vous qui m'avez encouragé à écrire. Ne point répondre à une lettre dont on a pu tirer des lumières, c'est un outrage qu'on ne doit point faire à un homme avec qui on a vécu, et qu'on n'a connu que par vous.
Encore un mot, c'est que si on vous disait « J'ai montré la lettre; on ne veut pas que je réponde à un homme qui a conseillé, il y a six semaines, au roi de Prusse de s'accommoder », vous pourriez répondre que je lui ai conseillé aussi d'abdiquer plutôt que de se tuer comme il le voulait, et qu'il me répondit, cinq 5 jours avant la bataille
Je dois, en affrontant l'orage,
Penser, vivre, et mourir en roi.

Tout cela est fort étrange. Je confie tout à votre amitié et à votre sagesse. Ma conduite est pure, vous la trouverez même assez noble. Le résultat de tout ceci, c'est que mon procédé avec votre ancien ami, ma lettre, et ma confiance, méritent ou qu'il m'écrive un mot, ou, s'il ne le peut pas, qu'il soit convaincu de mes sentiments, et qu'il les fasse valoir voilà ce que je veux devoir à un cœur comme le vôtre. »

1 L'abbé Bernis .

2 Qu'on a demandé à V* pour l'Académie française .

3 Toujours Bernis .

4 Mme de Pompadour .

5 En fait 27 jours .

 

09/02/2013

Quel plaisir pour lui ! que de générosités adroites, qui ne coûtent rien et qui rendent beaucoup !

... Monsieur Gaudin maire de Marseille et votre conseil UMP !

400 000 euros pour David Guetta , quelle magnifique contribution à la culture ! Quel magnifique mépris pour les contribuables !

Quel égo surdimensionné !

Quelle connerie !!

On voit bien que ça ne sort pas de votre poche .

 http://www.lepoint.fr/culture/marseille-le-ruineux-concert-de-david-guetta-09-02-2013-1625765_3.php

 

argent des autres.jpg

 

 

 

« A M. Charles-Augustin Ferriol, comte d'ARGENTAL.

[2 décembre 1757].

Ne pourriez-vous point, mon cher ange, faire tenir à M. l. de B. 1 la lettre que je vous écris?2 Vous me feriez grand plaisir. Serait-il possible qu'on eût imaginé que je m'intéresse au roi de Prusse ? J'en suis pardieu bien loin. Il n'y a mortel au monde qui fasse plus de vœux pour le succès des mesures présentes. J'ai goûté la vengeance de consoler un roi qui m'avait maltraité; il n'a tenu qu'à M. de Soubise que je le consolasse davantage. Si on s'était emparé des hauteurs que le diligent Prussien garnit d'artillerie et de cavalerie, tout était fini. Le général Marschall entrait de son côté dans le Brandebourg. Nous voilà renvoyés bien loin, avec une honte qui n'est pas courte. Figurez-vous que, le soir de la bataille, le roi de Prusse, soupant dans un château voisin chez une bonne dame, prit tous ses vieux draps pour faire des bandages à nos blessés. Quel plaisir pour lui ! que de générosités adroites, qui ne coûtent rien et qui rendent beaucoup ! et que de bons mots, et que de plaisanteries Cependant je le tiens perdu si on veut le perdre et se bien conduire. Mais qu'en reviendra-t-il à la France ? de rendre l'Autriche plus puissante que du temps de Ferdinand II, et de se ruiner pour l'agrandir ? Le cas est embarrassant. Point de Fanime quand on nous bat et qu'on se moque de nous . Attendons des hivers plus agréables.

 

Si je savais le nom de votre protégé j'en écrirais à Lemoine 3 , le farceur de Dijon 4.

 

Bonsoir, mon divin ange.

 

V.

 

Les Cramer font tout ce que Bret 5 veut mais un des Cramer est en Portugal et l'autre est un grand flandrin qui fait l'amour . J'écrirai à M. d'Outremont et je vous remercie de la correspondance . Mais je doute qu'on puisse avoir rien de mieux qu'un tonneau d'archives qu'on m'envoie .

Nota bene que ce que j'ai confié à M. l. de B. prouve que le roi de Prusse était perdu si on s'était bien conduit. Ce n'est pas là chercher à déplaire à Marie-Thérèse, et ce que j'ai mandé méritait un mot de réponse vague, un mot d'amitié.6 »

1L'abbé Bernis .

3 Lemoyne « entrepreneur d'une troupe de comédiens » : voir lettre du 9 août 1757 au seigneur d'Hermenches, David-Louis Constant de Rebecque .

4 Cette phrase est omise dans l'édition de Kehl .

5 Le Bret : voir lettre du 15 juin 1757 à Alexis-Jean Le Bret : « Je ne puis trop vous marquer monsieur, ma reconnaissance de l'honneur que vous me faites et mon estime pour votre projet : je ne doute pas que vous ne rendiez un grand service aux lettres en mettant Bayle à la portée de tous les lecteurs et en appuyant sa philosophie de toutes les découvertes qu'on à faites depuis lui etc. »

C'est Frédéric II qui publia un Extrait du dictionnaire historique et critique de Bayle, et Le Bret soupçonna le roi d'avoir pillé ses manuscrits .

6Il manque sans doute une ligne de texte sur le manuscrit .