27/09/2011
vous avez tout examiné avec votre sagesse ordinaire ; mais l'évènement trompe souvent la sagesse

« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Colmar, 6 octobre [ 1754]
Mon cher ange, j’ai assez de justice, et, dans cette occasion-ci, assez d'amour propre pour croire que vous jugez bien mieux que moi . C'est déjà beaucoup, c'est tout pour moi, que vous, et Mme d'Argental, et vos amis, vous soyez contents ; mais , en vérité, les personnes que vous savez ne le seront point du tout . Les partisans éclairés de Crébillon ne manqueront pas de crier que je veux attaquer impudemment, avec mes trois bataillons étrangers 1, les cinq gros corps d'armée romaine 2. Vous croyez bien qu'ils ne manqueront pas de dire que c'est une bravade faite à sa protectrice 3; et Dieu sait si alors on ne lui fera pas entendre que c'est non seulement une bravade, mais une offense et une espèce de satire . Comme vous jugez mieux que moi, vous voyez encore mieux que moi tout le danger ; vous sentez si ma situation me permet de courir de pareils hasards . Vous m'avouerez que, pour se montrer dans de telles circonstances, il faudrait être sûr de la protection de la personne à qui je dois craindre de déplaire . Si malheureusement les allusions, les interprétations malignes, faisaient l'effet que je redoute, on en saurait aussi mauvais gré à vos amis, et surtout à vous, qu'à moi . Je suis persuadé que vous avez tout examiné avec votre sagesse ordinaire ; mais l'évènement trompe souvent la sagesse . Vous ne voyez point les allusions, parce que vous êtes juste ; le grand nombre les verra très clairement, parce qu'il est très injuste . En un mot , ce qui peut en résulter d'agrément est bien peu de chose . Le danger est très grand, les dégoûts seraient affreux, et les suites bien cruelles . Peut-être faudrait-il attendre que le grand succès du Triumvirat fût passé ; alors on aurait le temps de mettre quelques fleurs à notre étoffe de Pékin ; on pourrait même en faire sa cour à la personne qu'on craint 4, et on préviendrait ainsi toutes les mauvaises impressions qu'on pourrait lui donner . Vous me direz que je vois tout en noir, parce que je suis malade ; Mme Denis, qui se porte bien, pense tout comme moi . Si vous croyez être absolument sûr que la pièce réussira auprès de tout le monde, et ne déplaira à personne, mes raisons, mes représentations ne valent rien ; mais vous n'avez aucune sureté, et le danger est évident . Vous seriez au désespoir d'avoir fait mon malheur, et de vous être compromis en ne cherchant qu'à me donner de nouvelles marques de vos bontés et de votre amitié . Songez donc à tout cela , mon cher et respectable ami . Je veux bien du mal à ma maudite Histoire générale, qui ne m'a pas encore fourni un sujet de cinq actes . Je n'en ai trouvé que trois à la Chine, il en faudra chercher cinq au Japon . Je crois y être , en étant à Colmar ; mais je suis avec une personne qui vous est aussi attachée que moi . Nous parlons tous les jours de vous ; c'est le seul plaisir qui me reste . Adieu ; mille tendres respects à toute la hiérarchie des anges . »
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26/09/2011
vieux comme un chemin

"Vieux comme un chemin", cette formule que je lis pour la première fois , a tout de suite évoqué pour moi un chemin de montagne, caillouteux, malaisé ("et de tous côtés au soleil exposé" aurait ajouté la mouche du coche de La Fontaine !), bien loin du "petit chemin qui sent la violette" , quelque chose d'assez éreintant .
Une fois de plus Volti a un langage imagé, parlant . Il aurait été un remarquable publicitaire (ou publiciste ?) .
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
26è septembre 1773
Et moi, mon cher ange, je me hâte de me justifier de l'obscurité que vous me reprochez par votre lettre du 20 . L’obscurité est assurément dans la conduite du maître des Jeux 1. Je lui ai toujours présenté mes humbles requêtes très nettement et très constamment . Je ne lui ai pas écrit une seule lettre où je ne l'aie fait souvenir de la parole d'honneur qu’il avait donnée au bon roi Teucer, au petit sauvage et à son amoureuse 2. Je me suis même plaint douloureusement de la préférence qu’il donnait à la partie carrée d'Iphianasse avec Oreste et d'Electre avec le petit Ithis 3.
J'ai toujours insisté sur la nécessité absolue de faire un peu valoir un ancien serviteur . Je lui ai représenté que c'était peut-être la seule manière de venir à bout d'une chose dont il m'avait flatté 4. Il m’a toujours répondu des choses vagues et ambigües . Il y a deux affaires que je n'ai jamais comprises, c'est cette conduite du maître des Jeux et l'édition de Valade 5.
Il y en a une troisième que je comprends fort bien, c'est le changement d'avis du maître des choses 6. Je conçois que les hypocrites ont parlé à ce maître des choses, et qu’ils ont altéré ses bonnes dispositions . Les Tartuffes sont toujours très dangereux 7. A l'égard de Sophonisbe, comment puis-je distribuer les rôles moi qui, depuis trente ans , ne connais d'autre acteur que Lekain ? C'est au maître des Jeux à en décider .
J’écris ces jours-ci à Mme de Saint-Julien, et je l'ai remerciée de toutes ses bontés 8, en comptant même qu'elle en aurait encore de nouvelles, mais voici le voyage de Fontainebleau,9 et je n'ai plus le temps de rien espérer . Celle qui a lu si bien ma petite lettre 10 à mon successeur l'historiographe, aurait pu se mêler un peu des affaires de la Crête et de l'Afrique 11; mais je n'ai pas osé seulement lui faire parvenir cette proposition ; j'ai craint de faire une fausse démarche . On voit rarement les choses telles qu'elles sont avec des lunettes de cent trente lieues .
J'ai donc tout remis en dernier lieu entre les mains de la Providence .
Vous daignez entrer, mon cher ange, dans toutes mes tribulations . Vous me parlez de ma malheureuse affaire des rescriptions 12. Elle est très désagréable, et elle a beaucoup nui à ma colonie . C'est encore une affaire de la Providence qui demande une grande résignation .
Quant à M. de Garville 13, qui est si lent dans ses voyages, je crois qu'il s'était chargé de deux Minos, l'un pour vous, l'autre pour M. de Thibouville .
Il ne me reste plus qu'à répondre à vos semonces d'écrire à M. le duc d'Albe 14. Il me semble qu'il y a trop longtemps que j'ai laissé passer l'occasion de lui écrire 15. Je dois d'ailleurs ignorer la chose 16, et ne me point mêler de ce que les gens de lettres ont bien voulu faire pour moi tandis que les gens d’Église me persécutent un peu . Et puis, il faut vous dire que je suis découragé, affligé, malade, vieux comme un chemin, que je crains les nouvelles connaissances, les nouveaux engagements et les nouveaux fardeaux .
Pardonnez-moi ; il y a des temps dans la vie où l'on ne peut rien faire, des temps morts, et je me trouve dans cette situation . Vous me demanderez pourquoi j'écris des fariboles à mon successeur l'historiographe 17, et que je ne puis écrire des choses raisonnables à M. le duc d'Albe . C'est précisément parce que ce sont des fariboles ; on retombe si aisément dans son caractère ! Mais je me sens bien plus à mon aise quand je vous écris, parce que c'est mon cœur qui vous parle . Je suis bien consolé par ce que vous me dites de Mme d'Argental . Si elle se porte bien elle est heureuse, il ne lui manquait que cela .
Mme Denis et moi, nous lui en marquons toute notre joie . Vous savez à quel point nous vous sommes attachés .
Adieu, mon cher ange, je vous aimerai jusqu'à ce que mon corps soit rendu aux quatre éléments, et l'âme à rien du tout, ou peu de chose .
Pour répondre à tout, je vous dirai que le Taureau blanc est entre les mains de M. de Lisle 18, et qu'il faut le faire transcrire . »
2 A savoir, les Lois de Minos ;
voir lettre du 7 août : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/08/07/j...
3 Dans une lettre du 26 août, V* se plaint de la préférence accordée à l'Electre de Crébillon sur son Oreste .Voir page 236 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f241.image.r=.langFR
4 Le voyage de V* à Paris ; il écrivait par exemple le 26 juillet à Richelieu : « J'ai imaginé que si les Lois de Minos et la Sophonisbe réussissaient, ce succès pourrait être un prétexte pour faire adoucir certaines mois dont vous savez que je ne parle jamais . » ;
voir pages 222-224 , lettre datée du 19 juillet : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f227.image.r=.langFR
5 L'édition pirate faite à paris des Lois de Minos ;
voir lettre à d'Argental du 30 janvier : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/01/30/je-n-ai-jamais-jusqu-a-present-fait-errer-ainsi-des-femmes-e.html
et à Richelieu du 1er février : page 147 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f152.image.r=.langFR
7 D’Alembert lui en avait cité .
Voir lettre du 1er janvier 1773 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2009/01/02/j-ai-resolu-de-me-moquer-des-gens.html
8 Il lui a écrit la veille : «Vous avez fait rentrer en lui-même M. le maréchal de Richelieu au sujet de l'Afrique et de la Crète . Du moins vous l'avez convaincu , ... » ;
voir page 248 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f253.image.r=.langFR
10 Mme du Barry . S'agit-il de la lettre du 20 septembre où il présente à la comtesse une montre de ses manufactures, et dont il parle à Richelieu le même jour ?
voir page 247 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f252.image.r=.langFR
Ou s'agit-il de la petite galanterie mi vers-mi prose du début de juillet où il rend « deux baisers » envoyés « par la poste »?
L'historiographe est Marmontel .
12 Le 14 septembre , V* lui a rappelé à propos de la banqueroute d'un créancier génois que « … J'aurais pu réussir si M. l'abbé Terray m'avait pas pris mes rescriptions entre les mains de M. Magon ».
Voir page 245 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f250.image.r=.langFR
13 Ami du duc d'Aiguillon qui en quittant V* à Ferney dit partir pour Paris et ne fit qu'aller « se réjouir dans une maison de campagne » avec les paquets de V* ; voir lettre du 14 septembre à d'Argental .
14 C'est bien du duc d'Albe dont il s'agit, celui-ci ayant souscrit (20 louis) pour la statue réalisée par Pigalle ; voir lettre du 19 mai à d'Alembert : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2011/05/11/mon-degout-pour-tout-ce-qui-n-est-que-vanite-faux-air-affect.html
15 Le 13 mai, d'Alembert lui recommandait déjà d'écrire .
Voir page 197 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f202.image.r=.langFR
16 En effet . Il répètera le 21 mars 1774 à d'Argental, qu'il a « une répugnance extrême à remercier un duc espagnol d'une chose qu'il doit ignorer » ;
voir page 319 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k800416/f324.image.r=.langFR
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25/09/2011
J'aurais un château, et il ne me resterait pas de quoi le meubler ; je ressemblerais à Chapelle, qui avait un surplis et point de chemise, un bénitier et point de pot de chambre


Admirez la parfaite position des mains pour le plongeon dans le bénitier, et la brasse coulée ! Amen !


Ceci n'est pas un bénitier ! ...comme aurait dit Magritte .
« A Jacques-Abram-Elie Clavel de Brenles
Colmar, le 6 octobre [1754]
Ce que vous me dites de votre santé, mon cher monsieur, ne contribue pas à me rendre la mienne . Vous m'affligez sensiblement . Mme Goll m'a consolé en m'apprenant que vous aviez fait à Mme de Brenles un petit philosophe qui a quatre mois ou environ ; mais un excellent ouvrier peut tomber malade après avoir fait un bon ouvrage, et c'est l'ouvrier qu'il faut conserver . Songez que c'est vous, monsieur, qui m'avez inspiré le dessein de chercher une retraite philosophique dans votre voisinage . C'est pour vous que je veux acheter la terre d'Allaman 1. J'ai besoin d'un tombeau agréable ; il faut mourir entre les bras des êtres pensants . Le séjour des villes ne convient guère à un homme que son état réduit à ne point rendre de visites . Je n'achèterai Allaman qu'à condition que vous et Mme de Brenles vous daignerez regarder ce château comme le vôtre, et, dans une espérance si consolante pour moi, je ferai un effort pour mettre tout ce que j'ai de bien libre à cette acquisition ; mais commencez par me rassurer sur votre santé, et vivez, si vous voulez que je sois votre voisin .
Je vous avouerai, monsieur, qu’il me serait assez difficile de payer 225 000 livres . J'aurais un château, et il ne me resterait pas de quoi le meubler ; je ressemblerais à Chapelle, qui avait un surplis et point de chemise, un bénitier et point de pot de chambre . Voici comment je m'arrangerais : je donnerais sur le champ 150 000 livres, et le reste en billets sur la meilleure maison de Cadix,2 payables à divers termes . Moyennant cet arrangement, je pourrais profiter incessamment de vos bontés . Je ne doute pas que vous n'ayez prévu toutes les difficultés ; vous savez que je n 'ai pas l'honneur d'être de la religion de Zwingle et de Calvin ; ma nièce et moi, nous sommes papistes . C'est sans doute une des prérogatives et un des avantages de votre gouvernement qu'un homme puisse jouir chez vous des droits de citoyen, sans être de votre paroisse . Je me figure qu'un papiste peut posséder et hériter dans le territoire de Lausanne ; et aurais-je fait à vos lois un honneur qu'elles ne méritent pas ? Je crois que je puis être seigneur d'Allaman, puisque vous me proposez cette terre .
J'attends sur cela vos derniers ordres, en vous demandant toujours le secret . Il ne faudrait pas acheter d'abord la terre sous mon nom : le moindre bruit nuirait à mon marché, et m'empêcherait peut-être de jouir du plaisir de voir mon acquisition . Je remets le tout à votre bonté et à votre prudence . Ma nièce, qui est toujours ma garde-malade à Colmar, se joint à moi pour vous présenter ses remerciements , c'est une amie sur laquelle Mme de Brenles et vous , monsieur, pouvez déjà compter . Voyez si vous pouvez acquérir à Lausanne toute une famille de Paris, et si vous pouvez faire du château d'Allaman un temple dédié à la philosophie, dont vous serez le grand-prêtre .
Si on veut vendre Allaman plus de 225 000 livres, je ne peux l'acheter ; mais en ce cas, n'y-a-t il pas d'autres terres moins chères ? Tout me sera bon , pourvu que je puisse finir mes jours dans un air doux, dans un pays libre, avec des livres, et un homme comme vous . Adieu, monsieur ; conservez votre santé, le premier des biens, celui sans lequel tout n'est rien . Vivez avec votre aimable épouse, et procurez moi le plaisir d'être témoin de votre bonheur . Permettez moi de vous embrasser sans cérémonie .
Voltaire »
2 Voir lettre du 12 mars 1754 à propos des revenus de V* : V* a noté sur le manuscrit original « Je ne sais à qui elle est adressée » :lettre 2713, page 188 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411354g/f191.image.r=.langFR
Il avait placé 600 000 livres sur la compagnie de Cadix qui lui rapportaient 32 à 33% ; il essuiera quelques grosses pertes, dont 80 000 livres sur Cadix, mais en diversifiant ses investissements, il réussira à avoir environ 75 000 livres de rentes et revenus dans les années 50 .
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24/09/2011
j'ai peu de relations avec la république des lettres et des bagatelles de Paris

« A Madame Louise-Dorothée de Saxe-Meiningen, duchesse de Saxe-Gotha 1
A Colmar, 4 octobre 1754
Madame, j'ai respecté les États d'Altembourg ; je n'ai point osé mêler mes inutiles lettres aux affaires de Votre Altesse sérénissime ; mais si elle est actuellement dans son palais tranquille de Gotha, qu'elle daigne y recevoir mes hommages . C'est à Gotha qu'ils doivent s'adresser ; c'est là que j'ai passé les plus beaux de mes jours . Si Votre Altesse sérénissime daigne toujours s'y occuper de l'amusement des belles-lettres, je lui demande la permission de lui envoyer le manuscrit d'une nouvelle tragédie 2, qui a du moins le mérite de la singularité . Je veux vous envoyer mes enfants, madame, ne pouvant moi-même venir me mettre à vos pieds . Je ne sais par quelle fatalité je reste à Colmar, quand je pourrais être mieux .
J'avais imaginé de passer par la cour palatine pour aller à la vôtre ; mais je me trouve sous les ordres de ma nièce, ma garde-malade, qui est venue en Alsace gouverner le bien que j'y ai et ma personne : il faut qu'un malade obéisse .
Je me flatte que Votre Altesse sérénissime jouit d'une santé inaltérable, et que le voyage d'Altembourg aura fait du bien à la grande maîtresse des cœurs 3. J'ai été longtemps alarmé pour elle . Que ne puis-je venir encore partager ce zèle et cet attachement qu'elle a pour votre personne ! Que ne puis-je au moins, madame, contribuer de loin à vos amusements ! Mais j'ai peu de relations avec la république des lettres et des bagatelles de Paris . Je n'entends parler de rien qui soit digne de votre curiosité . On ne fait plus que répéter et retourner les ouvrages faits il y a près d'un siècle , et il faudrait pour vous un siècle nouveau . Pour moi, madame, il ne me faudrait que votre présence .
Je me mets aux pieds de monseigneur, de votre auguste famille, et surtout aux vôtres, avec le plus profond respect et la plus tendre reconnaissance . »
1 Voir : http://books.google.fr/books?id=fjgBAAAAQAAJ&pg=PA82&dq=Louise-Doroth%C3%A9e+de+Saxe-Meiningen,++duchesse+de+Saxe-Gotha&hl=fr&ei=0xt-TrmPJ7PP4QSmou2xDg&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=3&ved=0CDkQ6AEwAg#v=onepage&q&f=false
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23/09/2011
BON ANNIVERSAIRE à LOVEVOLTAIRE !!
Pour ma mille et unième note mise en ligne , je suis heureux de la dédier à l'auteur du blog MonsieurdeVoltaire (dont le lien est ci-contre ) .
Je vous invite, amis blogueurs, à la féliciter comme il se doit, elle le mérite plus que tout autre .

Je suis allé chez Monsieur de Voltaire ce matin , lui ai fait part de cette date si particulière pour vous, Love, et il m'a chargé aussitôt de vous transmettre ses voeux : "Bon anniversaire LoveV, vous qui m'aimez comme je vous aime !"
Je lui ai confié pourquoi ses écrits prennent un tour encore plus agréable quand c'est Mam'zelle Wagnière qui nous en fait profiter, et comment, grâce à lui , nous nous sommes rencontrés . Il en a gardé ce sourire que je vous dédie de sa part .
Shine on you ...
http://www.deezer.com/listen-267559
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Il y a toujours quelques belles dames qui vont parer les loges, et des petits-maîtres qui font des pirouettes sur le théâtre ; mais le reste souffre et murmure
Cette note est la millième que je mets en ligne, et j'ose espérer, en suivant mon cher Voltaire (Volti pour moi ! ), vous faire profiter, au jour le jour , de la vie ce cet homme remarquable .
Depuis quelques jours maintenant, je me consacre à sa correspondance à partir du moment où il commence à parler de son exil, ou retrait loin de Paris , donc depuis son séjour à Colmar en 1754 .
A suivre ...
« A madame Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg
A Colmar, ce 23 septembre [1754]
Je ne guéris point, madame, mais je m'habitue à Colmar plus que la grand'chambre à Soissons . Les bontés de monsieur votre frère 1 contribuent beaucoup à me rendre ce séjour moins désagréable . Je serais heureux dans l'ile Jard, mais cette île Jard me suis partout . Vous avez deux neveux aussi à plaindre qu'ils sont aimables : l'un plaide, l'autre est paralytique 2. Je ne vois de tous côtés que désastres au monde . La langueur, la misère, et la consternation, règnent à Paris . Il y a toujours quelques belles dames qui vont parer les loges, et des petits-maîtres qui font des pirouettes sur le théâtre ; mais le reste souffre et murmure . Il y a un an que j'ai de l'argent aux consignations du parlement ; le receveur jouit . Combien de familles sont dans le même cas, et dans une situation bien triste ! On exige , dans votre province, de nouvelles déclarations qui désolent les citoyens ; on fouille dans les secrets des familles ; on donne un effet rétroactif à cette nouvelle manière de payer le vingtième, et on fait payer pour les années précédentes . Voilà bien le cas de jeûner et de prier, et d'avoir des lettres consolantes de M. de Beaufremont . Il n’est pas plus question de la préture de Strasbourg que des prêteurs de l'ancienne Rome . Vivez tranquille , madame, avec votre respectable amie,3 à qui je présente mes respects . Faites un bon feu ; continuez votre régime : cette sorte de vie n'est pas bien animée, mais cela vaut toujours mieux que rien . Si vous avez quelques nouvelles, daignez en faire part à un pauvre malade enterré à Colmar . Permettez-moi de présenter mes respects à monsieur votre fils, et de vous souhaiter, comme à lui, des années heureuses, s'il y en a . »
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22/09/2011
Vous autres héros qui gouvernez le monde, vous ne vous laissez pas subjuguer par l'attendrissement

« A Frédéric II, roi de Prusse
A Ferney, 22 septembre [1773]
Sire,
Il faut que je vous dise que j'ai bien senti ces jours-ci, malgré tous mes caprices passés, combien je suis attaché à Votre majesté et à votre maison . Mme la duchesse de Virtemberg, ayant eu comme tant d'autres la faiblesse de croire que la santé se trouve à Lausanne, et que le médecin Tissot la donne à qui la paye, a fait, comme vous savez, le voyage de Lausanne ; et moi, qui suis plus véritablement malade qu'elle, et que toutes les princesses qui ont pris Tissot pour Esculape, je n'ai pas eu la force de sortir de chez moi . Mme de Virtemberg, instruite de tous les sentiments que je conserve pour la mémoire de Mme la margrave de Bareith sa mère,1 a daigné venir dans mon ermitage et y passer deux jours . Je l'aurais reconnue quand même je n'aurais pas été averti ; elle a le tour du visage de sa mère, avec vos yeux 2. Vous autres héros qui gouvernez le monde, vous ne vous laissez pas subjuguer par l'attendrissement ; vous l'éprouvez tout comme nous , mais vous gardez votre décorum .
Pour nous autres chétifs mortels, nous cédons à toutes les impressions ; je me suis mis à pleurer en lui parlant de vous et de madame la princesse sa mère ; et quoiqu'elle soit la nièce du premier capitaine de l'Europe, elle ne put retenir ses larmes 3. Il me parait qu'elle a de l'esprit et les grâces de votre maison, et que surtout elle vous est plus attachée qu'à son mari . Elle s'en retourne, je crois , à Bareith, où elle trouvera une autre princesse d’un genre différent, c'est Mlle Clairon, qui cultive l'histoire naturelle 4, et qui est la philosophe de monsieur le Margrave 5.
Pour vous , Sire, je ne sais où vous êtes actuellement ; les gazettes vous font toujours courir . J'ignore si vous donnez des bénédictions dans un des évêchés de vos nouveaux États, ou dans votre abbaye d'Oliva 6: ce que je souhaite passionnément, c'est que les dissidents 7 se multiplient sous vos étendards . On dit que plusieurs jésuites se sont faits sociniens ; Dieu leur en fasse la grâce ! Il serait plaisant qu'ils bâtissent une église à St Servet ; il ne nous manque plus que cette révolution .
Je renonce à mes belles espérances de voir les mahométans chassés de l'Europe, et l'éloquence, la poésie, la musique, la peinture, la sculpture, renaissantes dans Athènes 8; ni vous , ni l’Empereur, ne voulez courir au Bosphore 9; vous laissez battre les Russes à Silistrie, et mon impératrice s'affermit pour quelque temps dans le pays de Thoas et d'Iphigénie 10. Enfin vous ne voulez point faire de croisade . Je vous crois très supérieur à Godefroy de Bouillon : vous auriez eu par dessus lui le plaisir de vous moquer des Turcs en jolis vers, tout aussi bien que des confédérés polonais 11; je vois bien que vous ne vous souciez d'aucune Jérusalem, ni de la terrestre, ni de la céleste : c'est bien dommage .
Le vieux malade de Ferney est toujours aux pieds de Votre Majesté ; il est bien fâché de ne plus s'entretenir de vous avec Mme la duchesse de Virtemberg qui vous adore .
LE VIEUX MALADE .»
1 Wilhelmine, sœur ainée de Frédéric, « philosophe », que V* a vue au cours de ses voyages en Prusse et qu'il a rencontrée à Colmar et à Lyon, avec qui il a entretenu une correspondance, signée « frère Voltaire », même après la brouille de 1752-1753 avec Frédéric ; il a collaboré avec elle à des négociations secrètes de paix, et a composé une Ode après sa mort en 1758 .
Voir : http://fr.wikipedia.org/wiki/Wilhelmine_de_Bayreuth
et : http://www.gutenberg.org/files/27808/27808-h/27808-h.htm
3 Le conseiller Tronchin raconte qu'en partant, le 11 septembre, la princesse « sauta au cou » de V*, et que « tous deux sans se rien dire, se tenaient embrassés, fondant en larmes » . un autre témoin, Björnstahl, écrit que , dinant à Ferney le 7 septembre, la princesse dit à V* qui l'appelait « Votre altesse » : « Tu es mon papa, je suis ta fille, et je veux être appelée ta fille ».
5 Après avoir été quittée par le comte de Valbelle , elle s'est installée à Bayreuth, maîtresse de Christian Frédéric Charles de Brandenbourg, margrave d'Anspach , puis de Bayreuth, frère de la princesse de Wurtemberg .
Voir pages 40-41 : http://books.google.fr/books?id=orcmDxnlcKwC&pg=PA40&...
6 Près de Dantzig, dans une province polonaise annexée par la Russie ;
voir lettre du 6 décembre 1771 : http://voltaireathome.hautetfort.com/archive/2010/12/03/plus-vous-serez-gai-plus-longtemps-vous-vivrez.html
7 Les Dissidents polonais, révoltés contre les évêques, donnèrent l'occasion à Catherine II d'intervenir en Pologne et s'allièrent aux Russes .
8 Suite à la réponse du roi, V* précisera, le 28 octobre : « Quand je vous suppliais d'être le restaurateur des beaux arts de la Grèce, ma prière n'allait pas jusqu'à vous conjurer de rétablir la démocratie athénienne . Je n'aime point le gouvernement de la canaille . »
Voir page 474 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411364t/f477.image.r=octobre+.langFR
et page 487 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k411364t/f490.image....
9 Frédéric dans sa lettre du 9 octobre déclare qu'il « renonce à la guerre de crainte d'encourir l'excommunication des philosophes » et cite l'article « Guerre » de l'Encyclopédie .
11 Allusion au poème de Frédéric, La Guerre des Confédérés ; voir lettre à Frédéric du 6 décembre 1771 : réf. note 6 .
La Guerre des confédérés : page 329 : http://visualiseur.bnf.fr/CadresFenetre?O=NUMM-201484&...
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