08/10/2011
Il y a des dieux cruels ; les déesses sont plus indulgentes
Lettre mise en ligne à la va-vite, que j'annote dès que j'ai un moment ...

« A madame la duchesse de Saxe-Gotha
A Colmar , 24 octobre [1754]
Madame, j'ai fait partir par les chariots de poste une tragédie . Ces voitures ne sont guère accoutumées à porter des vers français . Que j'ai-je pu venir moi-même mettre à vos pieds ces petits amusements ! Et pourquoi faut-il qu'il n'y ait que mes enfants qui fassent le voyage de Gotha !
Votre Altesse Sérénissime daigne faire des compliments à ma nièce ; elle ressent cette extrême bonté avec la plus respectueuse reconnaissance ; mais, malgré tout l’héroïsme de son amitié pour moi, je lui sais mauvais gré d'être venue me consoler à Colmar . Elle y fait le bonheur de ma vie ; mais elle m'empêche d'être à votre cour ; elle me fait à la fois beaucoup de bien et beaucoup de mal .
Qui fut bien surpris le 23 de ce mois ? Ce fut moi, madame, quand un gentilhomme de Mme la margrave de Baireuth me vint dire que son auguste maîtresse m'attendait à souper à la Montagne-Noire, cabaret borgne de la ville . Je me frottai les yeux ; je crus que c'était un rêve . Je vais à la Montagne-Noire ; j'y trouve monseigneur le margrave et Son Altesse royale . Il n'y a de sorte de bontés dont ils ne m'accablent ; ils veulent me mener sur les bords du Rhône , où ils vont passer l'hiver . Je crois qu'ils s'arrêteront quelques mois à Avignon , en terre papale : cela est beau , pour des calvinistes ; mais, pour moi, ce n'est pas chez le pape, c'est dans le palais d'Ernest le Pieux que je voudrais aller . Mme la margrave de Baireuth a voulu absolument voir ma nièce . « Oui, madame ; lui ai-je dit, elle aura hardiment l'honneur de se présenter devant vous, quoique vous soyez la sœur du roi de Prusse .» Tout s'est passé le mieux du monde ; la sœur a fait ce que le frère aurait dû faire : elle a excusé comme elle a pu, et avec une bonté infinie, l'aventure de Francfort . Enfin, madame, qui sait mieux que Votre Altesse sérénissime que votre sexe est fait pour réparer les torts du nôtre ? Il y a des dieux cruels ; les déesses sont plus indulgentes . C'est à vos autels, madame, que mon cœur sacrifie .
Je n’irai certainement point en terre papale, quoique j'aie été en terre monacale . Il est très vrai que j'ai passé un mois chez des moines bénédictins ; mais j'y ai cherché une belle bibliothèque dont j'avais besoin, et non pas vêpres et matines . Je voulais finir cette Histoire universelle dont Votre Altesse sérénissime a un manuscrit, et c'est une assez bonne ruse de guerre d'aller chez ses ennemis se pourvoir en artillerie contre eux . Le tour qu'on ma joué d'imprimer cette histoire toute défigurée m'a mis dans la nécessité de l'achever . Mais j'aurais fait encore plus de cas de la bibliothèque luthérienne de Gotha que des livres orthodoxes des bénédictins de Senones . Ma dévotion consiste à regarder madame la duchesse de Gotha , et, si elle le permet, la grande maîtresse des cœurs, comme mes saintes . S'il y a un paradis, il y en a pour de si belles âmes . En attendant très longtemps ce paradis, vivez pour les délices de ce monde, madame ; conservez-moi vos bontés . Souffrez que je mette aux pieds de toute votre auguste famille, et surtout aux vôtres, avec le plus profond respect et le plus tendre,
Voltaire . »

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05/10/2011
Concluons que les femmes valent mieux que les hommes
Mme de Staël reprendra cette affirmation : "Les femmes valent généralement mieux que les hommes" , ce qui est déjà moins péremptoire , à moins que ce ne soit notre cher Volti qui se laisse encore aller à encenser ses correspondantes et amies . Et il a bien raison .
Sera-ce l'opinion de ceux qui vont élire le représentant du parti socialiste, au cours de primaires qui me laissent de glace ?

Par contre, je suis d'accord avec le parti pris par Pierre Perret et tous les humains sensés : cessons d'outrager les femmes, quelque soit le prétexte, fût il religieux . Une religion qui avilit et garde l'humain sous tutelle, qui ment et vit de la peur des croyants, et prône un hypothétique dieu vengeur , quelque soit cette religion, elle n'a pas sa place sur terre .
http://www.dailymotion.com/video/xg7130_pierre-perret-quand-femme-est-grillagee_webcam
« A Marie-Ursule de Klinglin, comtesse de Lutzelbourg
Colmar, le 23 octobre [1754]
Il faut, madame, que je vous dise, à propos de notre inscription, une chose que j'aurais déjà dû vous dire : c'est que toute inscription doit être courte et simple, et que les grands vers d'imagination et de sentiment conviennent peu à ces sortes d'ouvrages . La brièveté et la précision en font le principal mérite . Voilà pourquoi on se sert presque toujours de la langue latine, qui dit plus de choses, et en moins de mots, que la nôtre . Je ne vous faits pas , madame, ces petites observations pédantesques pour vous proposer une inscription en latin, mais seulement pour vous demander si vous serez contente d'une grande simplicité en français . Voici à peu près ce que j'oserais vous proposer, en attendant que je sois mieux inspiré :
Il 1 eut un cœur sensible, une âme non commune ;
Il fut par ses bienfaits digne de son bonheur ;
Ce bonheur disparut ; il brava l'infortune .
Pour l'homme de courage il n'est point de malheur .
Je ne vous donne, madame, ce faible essai que comme une esquisse . Voyez si c'est là ce que vous voulez qu'on dise, et je tâcherai de le dire mieux .
Je vous avoue que je ne m'attendais pas de passer huit heures de suite avec la sœur du roi de Prusse à Colmar . Elle m'a accablé de bontés, et m'a fait un très beau présent . Elle a voulu absolument voir ma nièce . Enfin elle n'a été très occupée qu'à réparer le mal qu'on a fait au nom de son frère . Concluons que les femmes valent mieux que les hommes .
M. de Richelieu fait ce qu'il peut pour que j'aille passer l'hiver en Languedoc, et Mme la margrave de Baireuth voulait m'emmener ; mais je doute fort que ma santé me permette le voyage . Si je pouvais quitter Colmar, ce serait pour l'île Jard ; ce serait pour vous , madame, et pour votre digne amie 2. Ma nièce se joint à moi pour vous souhaiter de la santé, et pour vous assurer du plus sincère attachement . »
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04/10/2011
en cas que vos lois ne permettent pas ces dispositions, quels remèdes elles permettent qu'on y apporte
Volti garde le sens de la transmission du patrimoine, et, en homme qui connait les finesses des lois, sait qu'en matière d'affaires il doit bien exister un point exploitable pour contourner un règlement , à ses yeux, -je suppose,- absurde car basé sur des appartenances religieuses .
"avoir le bonheur d'être de la religion qui y est reçue " ! difficile de se moquer plus poliment d'une religion !

Si vous avez du temps à meubler bêtement, lisez cette brochure lavage de cerveau pour enfants royaux . On en verra le résultat à la Restauration .
Mme de Genlis, -que j'ai entendu dire "amie de Voltaire" !!-, fit, je dirais hypocritement, certains ajouteraient jésuitiquement, un voyage à Ferney pour voir le Patriarche et ne se privera pas de le vilipender pour ses idées qui choquaient son âme de grenouille de bénitier .
« A M. de Brenles
Colmar , le 18 octobre [1754]
Je prévois, monsieur, que je serai obligé , au commencement du mois prochain, de faire un voyage en Bourgogne, et je voudrais bien savoir auparavant à quoi m'en tenir sur la possibilité d'acquérir une retraite agréable dans votre voisinage . Je ne parle pas des conditions de cette acquisition, et de la manière de la faire ; je sens bien que ce sont des choses qui demandent un peu de temps ; mais il m'est essentiel d'être informé si je puis acheter en sûreté une terre dans votre pays, sans avoir le bonheur d’être de la religion qui y est reçue . Je me suis fait une idée du territoire de Lausanne comme de celui de l'Attique ; vous m'avez déterminé à y venir finir mes jours . Je suis persuadé qu'on ne le trouverait point mauvais à la cour de France, et que, pourvu que l'achat se fit sans bruit et sous un autre nom que le mien, je jouirais de l'avantage d'être votre voisin très paisiblement . Je suppose, par exemple, que la terre achetée sous le nom d'un autre fût passée ensuite , par un contrat secret, au nom de ma nièce ; on pourrait alors s'y établir sans éclat, sans que l'on regardât ce petit voyage comme une transmigration . Il resterait à savoir si ma nièce , devenue propriétaire de la terre, pourrait ensuite en disposer, n'étant pas née dans le pays . Voilà, monsieur, bien des peines que je vous donne ; c'est abuser étrangement de vos bontés ; mais pardonnez tout au désir que vous m'avez inspiré de venir achever ma carrière dans le sein de la philosophie et de la liberté . M. des Gloires, qui doit bientôt revenir à Lausanne, m'a fait le même portrait que vous de ce pays . La terre d'Allaman me serait très convenable ; et si ce marché ne se pouvait conclure, on pourrait trouver une autre acquisition à faire 1. Je vous supplie, monsieur, en attendant que cet établissement puisse s'arranger, de vouloir bien me mander si un catholique peut posséder chez vous des biens-fonds ; s'il peut jouir du droit de bourgeois à Lausanne ; s'il peut tester en faveur de ses parents demeurant à Paris ; et si en cas que vos lois ne permettent pas ces dispositions, quels remèdes elles permettent qu'on y apporte .
A l'égard de la terre d'Allaman, je suis toujours prêt à en donner 225 000 livres, argent de France, quand même elle ne vaudrait pas tout à fait neuf mille livres de revenu ; mais c'est tout ce que je peux faire . L'arrangement de ma fortune ne me permet pas d'aller au delà, et je me retrouverai même un peu gêné d'abord pour les ameublements . Le régisseur de la terre que vous me recommandez, monsieur, me fera assurément un très grand plaisir de continuer à la régir . Il pourra servir à la faire meubler, et à procurer les provisions nécessaires, les domestiques du pays, les voitures, les chevaux . Peut-être y a-t-il dans le château des meubles dont on pourrait s'accommoder . Je vous parle indiscrètement de tous ces arrangements, monsieur, dans le temps que je ne devrais vous parler que de votre santé, qui me tient beaucoup plus à cœur , je vous supplie instamment de vouloir bien m'en donner des nouvelles . Mme Goll 2 et ma nièce vous font mille sincères compliments, ainsi qu'à Mme de Brenles . Je vous supplie de me faire réponse le plus tôt que vous pourrez, afin que je puisse prendre toutes les mesures avant mon voyage en Bourgogne . Comptez sur l'amitié et la reconnaissance inviolable d'un homme qui vous est déjà bien attaché .
Voltaire. »
1 V* abandonnera le projet d'achat du château d'Allaman ; dans sa lettre du 20 décembre 1754 à de Brenles : « … ni d'aucune autre terre seigneuriale, puisque les lois de votre pays ne permettent pas ces acquisitions à ceux qui sont ausssi attachés aux papes que je le suis . » ;
2 Suzanne-Ursule Deiverdun d'Hermenches, nommée la « bonne dame Goll » par V*, née à Lausanne, épousée en seconde noces par Jean-Ulrich de Goll en 1740 à Colmar où il mourut fin 1754 , suivi de peu d'années par son épouse .
Arrivé le 2 octobre 1753 à Colmar après avoir quitté Strasbourg, V* loua sur le champ un logement , rue des Juifs, deux pièces en rez-de-chaussée, chez J.-U. de Goll.
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03/10/2011
le plaisir donne de la force
Et le déplaisir nait de la faiblesse , de toutes les faiblesses, physiques et morales .
D'où viennent sans tarder la colère et l'injustice .
D'où viennent au moins deux coeurs malheureux !
Qui doivent se pardonner . Qui peuvent se retrouver . En paix ...

Voila ce que j'ai vécu, ressenti au cours d'un voyage lyonnais ,hier . Voyage perturbé par des coureurs à pieds , rues barrées, détournements sans nombre, fatigue, énervement , mouvements d'humeur et séparation impromptue et douloureuse .
On ne dira jamais trop le mal que peut provoquer le sport de masse, dirai-je pour rire et tenter de distraire mon coeur en désarroi .
http://vimeo.com/7555870 : que j'écoute en pensant à celle qui compte plus que tout pour moi .
Volti , lui, souhaite longue vie à ceux qui embellissent le monde, je me joins à lui pour Mam'zelle Wagnière qui transmet la vie des textes du seul compagnon de route qui ne la/me déçoive jamais , Voltaire .
« A M. le maréchal duc de Richelieu
Colmar, le 17 octobre [1754]
Mme Denis vous avait déjà demandé vos ordres, monseigneur, avant que je reçusse votre lettre charmante . Je suis dans la confiance que le plaisir donne de la force . J'aurai sûrement celle de venir vous faire ma cour . L'oncle et la nièce se mettront en chemin dès que vous l'ordonnerez, et iront où vous leur donnerez rendez-vous . J'accepte d'ailleurs la proposition que vous voulez bien me faire de vous être encore attaché une quarantaine d'années ; mais je vous donne mes quarante ans, qui, joints avec les vôtres, feront quatre-vingts . Vous en ferez un bien meilleur usage que moi chétif, et vous trouverez le secret d'être encore très aimable au bout de ces quatre-vingts ans . Franchement, c'est bien peu de chose . On n'a pas plutôt vu de quoi il s'agit dans ce petit globe qu'il faut le quitter . C'est à ceux qui l'embellissent comme vous, et qui y jouent de beaux rôles, d'y rester longtemps . Enfin, monseigneur, je vous apporterai ma figure malingre et ratatinée avec un cœur toujours neuf, toujours à vous, incapable de s'user comme le reste .
J'ai pensé mourir, il y a quelques jours, mais cela ne m’empêchera de rien . Le corps est un esclave qui doit obéir à l'âme, et, surtout, à une âme qui vous appartient . Mettez donc deux êtres qui vous sont tendrement attachés au fait de votre marche, et nous nous trouverons sur votre route, à l'endroit que vous indiquerez : ville, village, grand chemin, il n'importe ; pourvu que nous puissions avoir l’honneur de vous voir, tout nous est absolument égal, ce qui ne l'est pas, c'est d'être si longtemps sans vous faire sa cour . Donnez vos ordres aux deux personnes qui les recevront avec l'empressement le plus respectueux et le plus tendre . »
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30/09/2011
Rien n'est pire qu'une infortune ridicule

Oui ! à mes yeux , Napoléon Buonaparte, outre enflée de suffisance mérita son exil , son infortune ridicule .
Bien fait ! pour lui qui n'aima pas Voltaire !
Voir : http://www.monsieurdevoltaire.com/article-jugement-sur-voltaire-de-napoleon-bonaparte-57403155.html
« A Charles-Augustin Ferriol, comte d'Argental
Octobre [1754]
J'écris au président Hénault, et je le prie d'engager Royer, qu'il protège, à supprimer son détestable opéra , ou du moins à différer . Vous connaissez, mon cher ange, cette Pandore imprimée dans mes œuvres . On en a fait une rhapsodie de paroles du Pont-Neuf ; cela est vrai à la lettre . J’avais écrit à Royer une lettre de politesse, ignorant jusqu'à quel point il avait poussé son procédé et sa bêtise . Il a pris cette lettre pour un consentement ; mais à présent que M. de Moncrif m'a fait lire le manuscrit, je n'ai plus qu'à me plaindre . Je vous conjure de faire savoir au moins par tous vos amis la vérité . Faudra-t-il que je sois défiguré toujours impunément, en prose et en vers, qu'on partage me dépouilles, qu'on me dissèque de mon vivant ! Cette dernière injustice aggrave tous mes malheurs . Rien n'est pire qu'une infortune ridicule .
Je demande , que si on laisse Royer le maître de m'insulter et de me mutiler , on intitule au moins son Prométhée : Pièce tirée des fragments de Pandore, à laquelle le musicien a fait faire les changements et les additions qu'il a cru convenables au théâtre lyrique . Il vaudrait mieux lui rendre le service de supprimer entièrement ce détestable ouvrage ; mais comment faire ? Je n'en sais rien ; je ne sais que souffrir et vous aimer . »
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28/09/2011
On me vole mon bien de tous côtés, et on le dénature pour le vendre

« A Charles-Jean-François Hénault
A Colmar, le 15 octobre [1754]
J'apprends, monsieur, que vous avez été quelque temps comme je suis toujours . On me mande que vous avez été très malade . Soyez bien persuadé que personne ne prend plus d'intérêt que moi à votre santé . Si vous êtes actuellement, comme je m'en flatte, dans votre convalescence, permettez que je vous demande votre protection auprès de Royer et pour Royer . Il a fait précisément de la tragédie de Pandore ce que Néaulme a fait de l'Histoire universelle . On me vole mon bien de tous côtés, et on le dénature pour le vendre .
Si j'en crois tout ce qu'on m'écrit, le plus grand service qu'on puisse rendre à Royer est de l'empêcher de donner cet opéra . On assure que la musique est aussi mauvaise que son procédé . Je vous demande en grâce de l'envoyer chercher, et de vouloir bien lui représenter ce qui est de son intérêt et de son honneur . M. de Moncrif m'a envoyé la pièce telle qu'on veut la jouer, et telle que M. Royer l'a fait refaire par un nommé Sireuil, ancien porte-manteau du roi . Cette bigarrure serait l'opprobre de la littérature et de la nation . Vous faites trop d'honneur aux lettres, monsieur, pour souffrir cette indignité si vous avez le crédit de l'empêcher . J'ai écrit une lettre de politesse à Royer, avant de savoir de quoi il était question ; mais à présent que je suis au fait, je suis bien loin de consentir à son déshonneur et au mien . Si on ne peut parvenir à supprimer cet opéra, ne pourra-t-on pas , au moins, engager Royer à différer d'une année ? Et si on ne peut différer cet opprobre, je demande à M. le comte d'Argental qu'on ne débite point l'ouvrage à l'Opéra sans y mettre un titre convenable, et qui soit dans la plus exacte vérité . Voici le titre que je propose : Prométhée, fragments de la tragédie Pandore, déjà imprimée, à laquelle le musicien a fait substituer et ajouter ce qu'il a cru convenable au théâtre lyrique, pendant l'éloignement de l'auteur . Je vous demande bien pardon, monsieur, de vous entretenir de ces bagatelles ; mais les bontés dont vous m’honorez me servent d’excuse . Je vous supplie de compter sur les sentiments d'estime, de tendresse, et de reconnaissance, qui m'attachent à vous . Je n'écris point à Mme du Deffant, et j'en suis bien fâché ; mais les maladies continuelles qui m'accablent m'interdisent tous les plaisirs . »
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Il fallait attendre ma mort pour me disséquer . On s'est un peu pressé .
Note mise en ligne brute de décoffrage . Parution avec notes va suivre d'ici ce soir ... si Dieu veut ...

« A François-Augustin Paradis de Moncrif
A Colmar , 15 octobre [1754]
Je reçois dans ce moment ; mon cher confrère, la boite de Pandore ; tous les maux et tous les sifflets en sortent ; folio recto, folio verso, tout est détestable . La musique d'Orphée ne pourrait faire passer ces pauvretés . Je ne me plains point de M. de Sireuil ; il aurait dû pourtant m'avertir un peu plus tôt . Je vous demande en grâce que l'ouvrage porte le titre de ce qu'il est : Tiré des fragments de la pièce, selon le petit projet que j'ai soumis à vos lumières . On ne peut me refuser cette justice ; et puisque M. Royer a fait confisquer mon bien, il faut au moins qu'il le dise. La moitié de l'ouvrage n'est pas de moi, l'autre moitié est défigurée. Il fallait attendre ma mort pour me disséquer . On s'est un peu pressé .
Je vous prie de présenter à M. le comte d'Argenson les respects de son ancien squelette, et d'être persuadé de ma reconnaissance .
Je sens bien que je ne peux empêcher l'exécution prochaine de Royer, de Sireuil, et de moi . Tout ce que je demande, c'est qu'on connaisse du moins les deux complices, à qui pourtant je souhaite tout le succès que je n'espère pas, et à qui je ne veux aucun mal, quoiqu'ils m'en fassent un peu par un assez mauvais procédé et de plus mauvais vers .
Je vous embrasse et vous remercie, et je vous aime . Mme Denis en fait tout autant, en tout bien et en tout honneur .
P.S. On me mande que je pourrais empêcher qu'on ne vendît à la friperie de l'Opéra la garde-robe de Pandore : ce serait assurément le meilleur parti , et, s'il ne doit pas être permis de mettre sur le compte d'un homme vivant un ouvrage qui n'est pas de lui, il doit être moins permis encore de le défigurer entièrement, et de joindre à son ouvrage mutilé celui d'un autre sans l'avoir seulement averti .
Si pourtant on ne peut parvenir à cette justice, si on ne peut rendre à Royer le service de l'empêcher de se déshonorer, je vous demande en grâce que l'opéra soit intitulé : Prométhée, fragments de la tragédie de Pandore, déjà imprimée, à laquelle on a fait substituer et ajouter tout ce qui a paru convenable au musicien pendant l'éloignement de l'auteur .
Ce titre sera très exact ; Prométhée ne contient en effet que mes fragments avec les additions de M. de Sireuil .
J'écris à M. le président Hénault, suivant votre conseil, et je le supplie d'engager Royer à supprimer son opéra, ou du moins à en différer l'exécution . En vérité, tout cela est l'opprobre des beaux-arts, et je ne vois partout que brigandage .
Je me recommande à vos bontés : empêchez le déshonneur des lettres, autant que vous pourrez ; cela est digne de vous . »
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